S. f. (Politique) est la première des grandes sociétés de plusieurs familles, où les actes de la volonté et l'usage des forces sont résignés à une personne physique ou à un être moral, pour la sûreté, la tranquillité intérieure et extérieure, et tous les autres avantages de la vie. Voyez SOCIETE et FAMILLE. La personne physique, ou l'être moral dépositaire des volontés et des forces, est dite commander ; les personnes qui ont résigné leurs volontés et leurs forces, sont dites obéir. L'idée de cité suppose donc le rapport d'une personne physique ou d'un être moral public qui veut seul, à des êtres physiques privés qui n'ont plus de volonté. Toute cité a deux origines, l'une philosophique, l'autre historique. Quant à la première de ces origines, il y en a qui prétendent que l'homme est porté par sa nature à former des cités ou sociétés civiles ; que les familles tendent à se réunir, c'est-à-dire à résigner leurs forces et leurs volontés à une personne physique, ou à un être moral : ce qui peut être vrai, mais ce qui n'est pas facîle à prouver. D'autres la déduisent de la nécessité d'une société civîle par la formation et la subsistance des moindres sociétés, la conjugale, la paternelle, et l'hérîle ; ce qui est démontré faux par l'exemple des patriarches qui vivaient en familles libres et séparées. Il y en a qui ont recours ou à l'indigence de la nature humaine, ou à sa crainte du mal, ou à un appétit violent des commodités de la vie, ou même à la débauche ; ce qui suffirait bien pour rassembler les familles en société civile, et pour les y maintenir. La première ville ou cité fut construite par Caïn. Nemrod, qui fut méchant, et qui affecta un des premiers la souveraineté, fut aussi un fondateur de cités. Nous voyons naître et s'accroitre la corruption et les vices, avec la naissance et l'accroissement des cités. L'histoire et la philosophie sont donc d'accord sur leurs origines. Quelles que soient les lois de la cité où l'on s'est retiré, il faut les connaître, s'y soumettre, et les défendre. Quand on se représente en esprit des familles s'assemblant pour former une cité, on ne conçoit entre elles que de l'égalité. Quand on se les représente assemblées, et que la résignation des volontés et des forces s'est faite, on conçoit de la subordination, non-seulement entre les familles, mais entre les individus. Il faut faire le même raisonnement par rapport aux cités entr'elles. Quand on se représente en esprit les cités isolées, on ne conçoit que de l'égalité entr'elles ; quand on se les représente réunies, on conçoit la formation des empires et la subordination des cités, soit entr'elles, soit à quelque personne physique, ou à quelque être moral. Que n'en peut-on dire autant des empires ! Mais c'est par cela même qu'il ne s'est point formé de combinaison des empires, que les souverains absolus restent égaux, et vivent seuls indépendants et dans l'état de nature. Le consentement qui assure, soit la subordination des familles dans une cité, soit celle des cités dans un empire, à une personne physique, ou à un être moral, est démontré par le fait ; et celui qui trouble l'ordre des familles dans la cité est mauvais citoyen ; et celui qui trouble l'ordre des cités dans l'empire est mauvais sujet ; et celui qui trouble l'ordre des empires dans le monde, est mauvais souverain. Dans un état bien ordonné, une cité peut être regardée comme une seule personne, et la réunion des cités comme une seule personne, et cette dernière personne comme soumise à une autorité qui réside dans un individu physique, ou dans un être moral souverain, à qui il appartient de veiller au bien des cités en général et en particulier.



Le mot cité désignait anciennement un état, un peuple avec toutes ses dépendances, une république particulière. Ce nom ne convient plus guère aujourd'hui qu'à quelques villes d'Allemagne ou des cantons suisses.

Quoique les Gaulois ne fussent qu'une même nation, ils étaient cependant divisés en plusieurs peuples, formant presqu'autant d'états séparés, que César appelle cités, civitates. Outre que chaque cité avait ses assemblées propres, elle envoyait encore des députés à des assemblées générales, où l'on discutait les intérêts de plusieurs cantons. Mais la cité, ou métropole, ou capitale, où se tenait l'assemblée, s'appelait par excellence civitas. Les Latins disaient civitas Aeduorum, civitas Lingonum, civitas Senonum ; et c'est sous ces noms qu'Autun, Langres et Sens sont désignées dans l'itinéraire d'Antonin.

Dans la suite on n'appela cité que les villes épiscopales ; cette distinction ne subsiste plus guère qu'en Angleterre, où le nom de cité n'a été connu que depuis la conquête ; avant cette époque, toutes les villes s'appelaient bourgs. Chassane, sur la coutume de Bourgogne, dit que la France a 104 cités, et il en donne pour raison qu'elle a 104 tant évêchés qu'archevêchés. Quand une ville s'est agrandie avec le temps, on donne le nom de cité à l'espace qu'elle occupait primitivement ; ainsi il y a à Paris la cité et l'université ; à Londres, la cité et les fauxbourgs ; et à Prague et à Cracovie, où la ville est divisée en trois parties, la plus ancienne s'appelle cité. Le nom de cité n'est plus guère d'usage parmi nous qu'en ce dernier sens ; on dit en toute autre occasion, ou ville, ou fauxbourg, ou bourg, ou village. Voyez ces articles.

CITE, (Droit de) Jurisprudence est la qualité de citoyen ou bourgeois d'une ville, et le droit de participer aux privilèges qui sont communs à tous les citoyens de cette ville.

Chez les Romains, le droit de cité, c'est-à-dire la qualité de citoyen romain, fut considéré comme un titre d'honneur, et devint un objet d'émulation pour les peuples voisins qui tâchaient de l'obtenir.

Il n'y eut d'abord que ceux qui étaient réellement habitants de Rome qui jouirent du titre et des privilèges de citoyens romains. Romulus communiqua le droit de cité aux peuples qu'il avait vaincus, qu'il amena à Rome. Ses successeurs firent la même chose, jusqu'à ce que la ville étant assez peuplée, on permit aux peuples vaincus de rester chacun dans leur ville ; et cependant pour les attacher plus fortement aux Romains, on leur accorda le droit de cité ou de bourgeoisie romaine, en sorte qu'il y eut alors deux sortes de citoyens romains ; les uns qui étaient habitants de Rome, et que l'on appelait cives ingenui ; les autres qui demeuraient dans d'autres villes, et que l'on appelait municipes. Les consuls et ensuite les empereurs, communiquèrent les droits de cité à différentes villes et à différents peuples soumis à leur domination.

La loi 7. au code de incolis, porte que le domicîle de quelqu'un dans un endroit ne lui attribue que la qualité d'habitant, mais que celle de citoyen s'acquiert par la naissance, par l'affranchissement, par l'adoption, et par l'élévation à quelque place honorable.

Les droits de cité consistaient chez les Romains, 1°. à jouir de la liberté ; un esclave ne pouvait être citoyen romain, et le citoyen romain qui tombait dans l'esclavage, perdait les droits de cité : 2°. les citoyens romains n'étaient point soumis à la puissance des magistrats en matière criminelle ; ils arrêtaient leurs poursuites en disant civis Romanus sum ; ce qui tirait son origine de la loi des douze tables, qui avait ordonné qu'on ne pourrait décider de la vie et de l'état d'un citoyen romain, que dans les comices par centuries : 3°. ils avaient le droit de suffrages dans les affaires de la république : 4°. ils étaient les seuls qui eussent sur leurs enfants la puissance telle que les lois romaines la donnent : 5°. ils étaient aussi les seuls qui pussent exercer le sacerdoce et la magistrature, et avaient plusieurs autres privilèges.

Le droit de cité se perdait, 1°. en se faisant recevoir citoyen d'une autre ville ; 2°. en commettant quelque action indigne d'un citoyen romain, pour laquelle on encourait la grande dégradation appelée maxima capitis diminutio, qui ôtait tout-à-la-fais le droit de cité et la liberté : 3°. la moyenne dégradation, appelée media capitis diminutio, ôtait aussi le droit de cité : telle était la peine de ceux qui étaient effacés du rôle des citoyens romains, pour s'être fait inscrire sur le rôle d'une autre ville : ceux qui étaient exilés ou relégués dans une ile, souffraient aussi cette moyenne dégradation, et conséquemment perdaient les droits de cité. Voyez l'hist. de la jurisprud. rom. par M. Terrasson.

Parmi nous il n'y a que la naissance ou les lettres du prince qui attribuent les droits de cité. On confond quelquefois le droit de cité avec celui de bourgeoisie ; cependant le droit de cité est plus étendu que celui de bourgeoisie, il comprend aussi quelquefois l'incolat, et même tous les effets civils.

En effet, celui qui est banni d'un lieu ne perd pas seulement le droit de bourgeoisie, il perd absolument les droits de cité, c'est-à-dire tous les privilèges accordés aux habitants du lieu ; et si le bannissement est hors du royaume, il perd tous les effets civils.

On peut perdre les droits de cité sans perdre la liberté, comme il arrive dans celui qui est banni ; mais la perte de la liberté emporte toujours la perte des droits de cité. Voyez Furgole, des testaments, tome I. p. 198. Dunod, tr. de la main-morte, p. 39. au mot BOURGEOISIE. (A)