GAIN, PROFIT, LUCRE, ÉMOLUMENT, (Grammaire) Le gain semble dépendre beaucoup du hasard ; le profit parait plus sur ; le lucre est plus général, et a plus de rapport à la passion ; l'émolument est affecté aux emplois ; le bénéfice semble dépendre de la bienveillance des autres. Le gain est pour les joueurs ; le profit pour les marchands ; le lucre pour les hommes intéressés ; l'émolument pour certaines gens de robe et de finance ; et le bénéfice pour celui qui revend sur le champ. Le joueur dira, j'ai peu gagné ; le marchand, je n'ai pas fait grand profit ; l'employé, les émoluments de mon emploi sont petits ; le revendeur, accordez-moi un petit bénéfice ; et l'on peut dire d'un homme intéressé, qu'il aime le lucre.



BENEFICE, s. m. (Droit canonique) office ecclésiastique auquel est joint un certain revenu qui n'en peut être séparé. Ce nom vient de ce qu'au commencement les évêques donnaient quelquefois aux ecclésiastiques qui avaient longtemps servi, quelque portion des biens de l'Eglise pour en jouir pendant un temps, après lequel ce fonds revenait à l'Eglise ; ce qui ressemblait aux récompenses que les empereurs accordaient aux soldats romains en considération de leurs services ; d'où l'on appelait ces soldats, milites beneficiarii ; et d'où quelques auteurs tirent l'origine de nos fiefs. Ce nom a passé ensuite aux ecclésiastiques, à qui on a donné de semblables fonds pour subsister. Leur véritable origine ne parait pas avoir précédé le VIIIe siècle, où l'on fit le partage des biens d'Eglise. On ne laisse pourtant pas que de trouver quelques vestiges des bénéfices dès l'an 500, sous le pape Symmaque : on voit qu'alors on donna à un clerc qui avait bien servi l'Eglise, un champ en fonds qu'il posséda, et dont il tira sa subsistance. On trouve de plus dans un canon du premier concîle d'Orange, tenu en 441, quelques traces de la fondation des bénéfices, et du droit de patronage tant ecclésiastique que laïque : mais ce n'était pas l'ordinaire avant le VIIIe siècle ; communément les ecclésiastiques subsistaient des revenus des biens des églises et des oblations des fidèles que l'évêque distribuait entr'eux. Du temps de Charlemagne, les curés et les autres ministres de l'Eglise jouissaient de revenus fixes et certains, et percevaient des dixmes ; et cette coutume s'établit dans tout l'Occident. Ce fut alors que ces titres ecclésiastiques furent appelés bénéfices, et que chaque clerc eut un revenu attaché à son titre.

Les bénéfices sont ou séculiers ou réguliers. Les séculiers sont l'évêché, les dignités des chapitres ; savoir, la prevôté, le doyenné, l'archidiaconné, la chancellerie, la chantrerie ; les charges d'écolâtres ou capricol, ou théologal, de trésorier, de chefcier, et les canonicats, qui sont des places de chanoines, ou sans prébende, ou avec prébende, ou avec semi-prébende. Les autres bénéfices séculiers les plus ordinaires, sont les simples cures, les prieurés-cures, les vicaireries perpétuelles, les prieurés simples, et les chapelles.

Les bénéfices réguliers sont l'abbaye en titre, les offices claustraux qui ont un revenu affecté, comme le prieuré conventuel en titre, les offices de chambrier, aumônier, hospitalier, sacristain, célérier, et autres semblables. Les places de moines anciens et non-réformés, sont regardés presque comme des bénéfices. On ne donne pourtant proprement ce nom qu'aux offices dont on prend des provisions.

On divise encore les bénéfices en bénéfices sacerdotaux, bénéfices à charge d'ames, et bénéfices simples. Les bénéfices sacerdotaux sont des bénéfices ou dignités ecclésiastiques, qu'on ne peut posséder sans être prêtre, ou en âge de l'être du moins dans l'année. Les bénéfices à charge d'ames sont ceux dont le pourvu a juridiction sur une certaine portion de peuple, dont l'instruction est confiée à ses soins ; tels sont les évêchés et les cures. Enfin les bénéfices simples sont ceux qui n'ont ni charge d'ames, ni obligation d'aller au chœur, et qui par conséquent n'obligent point à résidence ; telles sont les abbayes ou prieurés en commande, et les chapelles chargées seulement de quelques messes, que l'on peut faire célébrer par d'autres.

Il y a des irrégularités qui empêchent de posséder des bénéfices ; telles que la bâtardise, la bigamie, la mutilation, le crime public pour lequel on peut être repris de justice, et le crime ecclésiastique, comme l'hérésie, la simonie, la confidence, etc. qui emportent privation du bénéfice. Les casuistes disputent sur la pluralité des bénéfices ; quelques-uns la croient illégitime ; le plus grand nombre la croit permise, et l'Eglise la tolere. En Angleterre, la plupart des bénéfices ont été supprimés du temps de la réformation, parce qu'alors les biens ecclésiastiques ont passé dans les mains des laïcs. Fleury, Instit. au droit ecclés. tom. I. part. II. chap. XIVe xjx. et xxviij.

BENEFICES CONSISTORIAUX, grands bénéfices, comme les évêchés, abbayes et autres dignités, ainsi appelés, parce que le pape en donne les provisions après une délibération faite dans le consistoire des cardinaux. On donne ce nom en France aux dignités ecclésiastiques dont le Roi a la nomination, suivant le concordat fait entre le pape Léon X. et François I. Mais ce concordat n'a fait que renouveller un droit que les rois de France avaient possédé dès le commencement de la monarchie. Grégoire de Tours, Aimoin, et nos anciens historiens sont pleins d'exemples qui prouvent que nos rois de la première race disposaient des évêchés. Ils en parlent en ces termes : talis episcopus ordinatus est jussu regis, ou assensu regis, ou decreto regis. Cet usage continua sous la seconde race. Loup, abbé de Ferrières, rapporte que le roi Pepin obtint le consentement du pape pour nommer aux grandes dignités ecclésiastiques, ceux qu'il en jugerait les plus capables pour le bien de son état. Hincmar, archevêque de Rheims, et Flodoard, parlent aussi de ces nominations. C'est ce qu'on voit encore dans le second concîle d'Aix-la-Chapelle, tenu sous Louis le Débonnaire. Les rois successeurs d'Hugues Capet en usèrent ainsi, comme le témoigne, en plusieurs endroits de ses épitres, Fulbert évêque de Chartres, qui vivait dans le XIe siècle, du temps du roi Robert. Il est vrai que dans le XIIe les papes disposèrent de plusieurs de ces bénéfices : mais vers le commencement du XIIIe sous Philippe Auguste, les élections eurent lieu, desorte néanmoins que le roi les autorisait, et l'évêque élu ne pouvait être consacré sans le consentement du prince. Le concordat n'a donc fait que rendre au roi le droit de nomination aux grands bénéfices, que quelques-uns disent appartenir au roi de France en qualité de Roi ; parce que le choix des prélats est une chose importante pour la conservation de l'état, et que ce monarque est le premier patron et protecteur des églises de son royaume. Les autres rois et princes souverains jouissent d'un pareil droit ; et cette nomination a eu lieu en Hongrie, en Espagne, dans les Pays-Bas, à Venise et en Savoie. Elle était aussi en usage en Angleterre et en Ecosse avant la réformation, et le roi y nomme encore aux archevêchés et évêchés : mais on ne peut plus appeler ces dignités bénéfices consistoriaux, depuis que le pape n'en donne plus la confirmation. Pithou, traité des libert. de l'Eglise Gallic. (G)

BENEFICE, en terme de Droit civil, signifie en général une exception favorable accordée par la loi ou par le prince, qui rend l'impétrant habîle à une fonction ou une qualité dont il était incapable à la rigueur. Tels sont le bénéfice d'âge, voyez AGE ? le bénéfice de cession, voyez CESSION ; de division, voyez DIVISION ; de discussion, voyez DISCUSSION ; d'inventaire, voyez INVENTAIRE, etc.

Bénéfice se prend aussi quelquefois pour un simple privilège ou droit favorable. C'est en ce sens qu'on dit, que le bénéfice du vendeur sert à l'acheteur. (H)

BENEFICE, (Commerce) signifie avantage, gain, profit. On dit qu'un marchand a du bénéfice sur le marché ou la vente de certaines marchandises.

Quand on dit qu'un banquier fait tenir de l'argent d'une place à l'autre avec bénéfice, cela doit s'entendre qu'au lieu de demander quelque chose pour l'échange, il donne du profit. Quand le change est au pair, il n'y a ni bénéfice ni perte.

On nomme bénéfice d'aunage, le profit qui se rencontre sur l'aunage des étoffes, des toiles, etc. Il y a des endroits où, quoique l'aune soit égale à celle de Paris, on ne laisse pas de trouver un bénéfice considérable sur l'aunage, par la bonne mesure que donnent les fabriquans pour attirer les marchands. Ainsi, par exemple, à Rouen on donne vingt-quatre aunes de toîle pour vingt aunes, ce qui est quatre aunes de bon ou de bénéfice sur chaque fois vingt aunes. Voyez AUNAGE. (G)

BENEFICES, s. m. (Histoire ancienne) terme dont les anciens se servaient pour signifier les fonds de terre qu'on donnait aux vieux soldats ou vétérants, pour récompense de leurs services ; et c'est de là qu'on appelait ces soldats beneficiarii milites. Les Turcs en usent encore aujourd'hui de même à l'égard de leurs spahis ou timariots. Voyez SPAHIS et TIMARIOT. (G)