Y a-t-il eu chez les Juifs un canon des livres sacrés ? Première question. Le peuple Juif ne reconnaissait pas toutes sortes de livres pour divins ; cependant il accordait ce caractère à quelques-uns : donc il y a eu chez lui un canon de ces livres, fixé et déterminé par l'autorité de la synagogue. Peut-on douter de cette vérité quand on considère que les Juifs donnaient tous le titre de divins aux mêmes livres, et que le consentement était entr'eux unanime sur ce point ? D'où pouvait naître cette unanimité ? sinon d'une règle faite et connue qui marquait à quoi l'on devait s'en tenir ; c'est-à-dire d'un canon ou d'un catalogue authentique qui fixait le nombre des livres, et en indiquait les noms. On ne conçoit pas qu'entre plusieurs livres écrits en différents temps et par différents auteurs, il y en ait eu un certain nombre généralement admis pour divins à l'exclusion des autres, sans un catalogue autorisé qui distinguât ceux-ci de ceux pour qui l'on n'a pas eu la même vénération ; et ce serait nous donner une opinion aussi fausse que dangereuse de la nation Juive, que de nous la représenter acceptant indistinctement et sans examen tout ce qu'il plaisait à chaque particulier de lui proposer comme inspiré : ce qui précède me parait sans replique. Il ne s'agit plus que de prouver que les Juifs n'ont reconnu pour divins qu'un certain nombre de livres, et qu'ils se sont tous accordés à diviniser les mêmes. Les preuves en sont sous les yeux. La première se tire de l'uniformité des catalogues que les anciens pères ont rapportés toutes les fois qu'ils ont eu lieu de faire l'énumération des livres reconnus pour sacrés par les Hébreux. Si les Juifs n'avaient pas eux-mêmes fixé le nombre de leurs livres divins, les pères ne se seraient pas avisés de le faire : ils se seraient contentés de marquer ceux que les Chrétiens devaient regarder comme tels, sans se mettre en peine de la croyance des Juifs là-dessus ; ou s'ils avaient osé supposer un canon Juif qui n'eut pas existé, ils ne l'auraient pas tous fabriqué de la même manière ; la vérité ne les dirigeant pas, le caprice les eut fait varier, soit dans le choix, soit dans le nombre ; et plusieurs n'auraient pas manqué surtout d'y insérer ceux que nous nommons deutérocanoniques, puisqu'ils les croyaient divins, et les citaient comme tels. Nous devons donc être persuadés de leur bonne foi par l'uniformité de leur langage, et par la sincérité de l'aveu qu'ils ont fait que quelques livres mis par l'Eglise au rang des anciennes écritures canoniques, en étaient exclus par les synagogues. La même raison doit aussi nous convaincre qu'ils ont été suffisamment instruits de ce fait : car s'il y avait eu de la diversité ou des variations sur ce point entre les Juifs, ils auraient eu au moins autant de facilité pour s'en informer, que pour savoir qu'on y comptait ces livres par les lettres de l'alphabet, et ils nous auraient transmis l'un comme l'autre. L'accord des pères sur la question dont il s'agit, démontre donc celui des Juifs sur leur canon.

Mais à l'autorité des pères se joint celle de Josephe, qui sur ces matières, dit M. Huet, en vaut une foule d'autres, unus pro mille. Josephe, de race sacerdotale, et profondément instruit de tout ce qui concernait sa nation, est du sentiment des pères. On lit dans son premier livre contre Appion, que les Juifs n'ont pas comme les Grecs, une multitude de livres ; qu'ils n'en reconnaissent qu'un certain nombre comme divins ; que ces livres contiennent tout ce qui s'est passé depuis le commencement du monde jusqu'à Artaxerxès ; que quoiqu'ils aient d'autres écrits, ces écrits n'ont pas entr'eux la même autorité que les livres divins, et que chaque Juif est prêt à répandre son sang pour la défense de ceux-ci : donc il y avait chez les Juifs, selon Josephe, un nombre fixé et déterminé de livres reconnus pour divins ; et c'est-là précisément ce que nous appelons canon.

La tradition constante du peuple Juif est une troisième preuve qu'on ne peut rejetter. Ils ne comptent encore aujourd'hui entre les livres divins que ceux, disent-ils, dont leurs anciens pères ont dressé le canon dans le temps de la grande synagogue, qui fleurit après le retour de la captivité. C'est même en partie par cette raison qu'elle fut nommée grande. L'auteur du traité Megillah dans la Gémare nous apprend au ch. IIIe que ce titre lui fut donné non-seulement pour avoir ajouté au nom de Dieu l'épithète gadol, grand, magnifique, mais encore pour avoir dressé le canon des livres sacrés : donc, pouvons-nous conclure pour la troisième fais, il est certain qu'il y a eu chez les Juifs un canon déterminé et authentique des livres de l'ancien Testament regardés comme divins.

N'y a-t-il jamais eu chez les Juifs qu'un même et seul canon des saintes Ecritures ? Seconde question, pour servir de confirmation aux preuves de la question précédente. Quelques auteurs ont avancé que les Juifs avaient fait en différents temps différents canons de leurs livres sacrés ; et qu'outre le premier composé de vingt-deux livres, ils en avaient dressé d'autres où ils avaient inséré comme divins, Tobie, Judith, l'Ecclésiastesiastique, la Sagesse, et les Macchabées.

Genebrard suppose dans sa chronologie trois différents canons faits par les assemblées de la synagogue : le premier au temps d'Esdras, dressé par la grande synagogue, qu'il compte pour le cinquième synode ; il contenait vingt-deux livres : le second au temps du pontife Eléazar, dans un synode assemblé pour délibérer sur la version que demandait le roi Ptolémée, et que nous appelons des Septante, où l'on mit au nombre des livres divins Tobie, Judith, la Sagesse, et l'Ecclésiastesiastique : le troisième au temps d'Hircan, dans le septième synode assemblé pour confirmer la secte des Pharisiens, dont Hillel et Sammaï étaient les chefs, et condamner Sadoc et Barjetos, promoteurs de celle des Saducéens, et où le dernier canon fut augmenté du livre des Macchabées, et les deux canons précédents confirmés malgré les Saducéens, qui comme les Samaritains ne voulaient admettre pour divins que les cinq livres de Moyse. A entendre Genebrard établir si délibérément toutes ces distinctions, on dirait qu'il a tous les témoignages de l'histoire ancienne des Juifs en sa faveur ; cependant on n'y trouve rien de pareil, et l'on peut regarder sa narration comme un des efforts d'imagination les plus extraordinaires, et une des meilleures preuves que l'on ait de la nécessité de vérifier les faits avant que de les admettre en démonstration.

Serarius, qui est venu après Genebrard, n'a pas jugé à propos d'attribuer aux Juifs trois canons différents. Il a cru que c'était assez de deux, l'un de vingt-deux livres fait par Esdras ; et le même, augmenté des livres deutérocanoniques, et dressé du temps des Macchabées. Pour preuve de ce double canon, il lui a semblé, ainsi qu'à Genebrard, que sa parole suffisait. Il se propose cependant l'objection du silence des pères sur ces différents canons, et de leur accord unanime à n'en reconnaître qu'un composé de vingt-deux livres divins. Mais sa réponse est moins celle d'un savant qui cherche la vérité, que celle d'un disputant qui défend sa thèse. Il prétend avec confiance que les pères en parlant du canon des écritures Juives, composées de vingt-deux livres, n'ont fait mention que du premier, sans exclure les autres. Quoi donc, lorsqu'on examine par une recherche expresse quels sont les livres admis pour divins par une nation, qu'on en marque positivement le nombre, et qu'on en donne les noms en particulier, on n'exclut pas ceux qu'on ne nomme pas ? Moyse en disant qu'Abraham prit avec lui trois cent dix-huit de ses serviteurs, pour délivrer Loth son neveu des mains de ses ennemis, n'a-t-il pas exclu le nombre de quatre cent ? et lorsque l'évangéliste dit que Jesus-Christ choisit douze apôtres parmi ses disciples, n'exclud-il pas un plus grand nombre ? Les pères pouvaient-ils nous dire plus expressément que le canon des livres de l'ancien Testament n'allait pas jusqu'à trente, qu'en nous assurant qu'il était de vingt-deux ? Quand Meliton dit à Onésime qu'il a voyagé jusque dans l'orient pour découvrit quels étaient les livres canoniques, et qu'il nomme ensuite ceux qu'il a découverts et connus, n'en dit-il pas assez pour nous faire entendre qu'il n'en a pas connu d'autres que ceux qu'il nomme ? C'est donc exclure un livre du rang des livres sacrés, que de ne point le mettre dans le catalogue qu'on en fait exprès pour en désigner le nombre et les titres. Donc, en faisant l'énumération des livres reconnus pour divins par les Juifs, les pères ont nécessairement exclu tous ceux qu'ils n'ont pas nommés ; de même que quand nos papiers publics donnent la liste des officiers que le Roi a promus, on est en droit d'assurer qu'ils excluent de ce nombre tous ceux qui ne se trouvent pas dans leur liste. Mais si ces raisons ne suffisent pas, si l'on veut des preuves positives que les pères ont exclu d'une manière expresse et formelle du canon des Ecritures admises pour divines par les Juifs, tous les livres qu'ils n'ont pas comptés au nombre des vingt-deux, il ne sera pas difficîle d'en trouver.

Saint Jérôme dans son prologue défensif, dit qu'il l'a composé afin qu'on sache que tous les livres qui ne sont pas des vingt-deux qu'il a nommés, doivent être regardés comme apocryphes : ut scire valeamus quidquid extra hos est, (on verra dans la question suivante quels étaient ces vingt-deux livres) inter apocrypha esse ponendum. Il ajoute ensuite que la Sagesse, l'Ecclésiastesiastique, Tobie, Judith, ne sont pas dans le canon. Igitur Sapientia, quae vulgo Salomonis inscribitur, et Jesu filii Sirach liber, et Judith, et Tobias, et Pastor, non sunt in canone. Dans la préface sur Tobie, il dit que les Hébreux excluent ce livre du nombre des Ecritures divines, et le rejettent entre les apocryphes. Il en dit autant à la tête de son commentaire sur le prophète Jonas.

On lit dans la lettre qu'Origène écrit à Africanus, que les Hébreux ne reconnaissent ni Tobie ni Judith, mais qu'ils les mettent au nombre des livres apocryphes : nos oportet scire quod Hebræi Tobia non utuntur neque Judith ; non enim ea habent nisi in apocryphis.

Saint Epiphane dit, nomb. 3. et 4. de son livre des poids et des mesures, que les livres de la Sagesse et de l'Ecclésiastesiastique ne sont pas chez les Juifs au rang des Ecritures-saintes.

L'auteur de la Synopse assure que Tobie, Judith, la Sagesse et l'Ecclésiastesiastique, ne sont point des livres canoniques, quoiqu'on les lise aux catéchumenes.

Y a-t-il rien de plus clair et de plus décisif que ces passages ? Sur quoi se retranchera donc Serarius ? Il répétera que les pères ne parlent dans tous ces endroits que du premier canon des Juifs : mais on ne l'en croira pas ; on verra qu'ils y disent nettement que Judith, Tobie, et les autres de la même classe, ne sont pas reconnus pour divins par les Juifs, par les Hébreux, par la nation. D'ailleurs, ce second canon imaginaire ne devait-il pas avoir été fait par les Juifs ainsi que le premier ? Comment donc S. Jérôme et Origène auraient-ils pu avancer que les Juifs regardaient comme apocryphes des livres qu'ils auraient déclarés authentiquement divins et sacrés, quoique par un second canon ? Le premier ajouterait-il, comme il fait dans sa préface sur Tobie, que les Juifs peuvent lui reprocher d'avoir traduit cet ouvrage comme un livre divin, contre l'autorité de leur canon, s'il y avait eu parmi eux un second canon où Tobie eut été mis au rang des livres divins ? Méliton n'a-t-il recherché que les livres du premier canon, ou a-t-il voyagé jusque dans l'orient pour connaître tous les ouvrages reconnus de son temps pour canoniques ? en un mot, le dessein des pères en publiant le catalogue des livres admis pour divins chez les Juifs, était-il d'exposer la croyance de ce peuple au temps d'Esdras, ou plutôt celle de leur temps ? et s'il y avait eu lieu à quelque distinction pareille, ne l'auraient-ils pas faite ? Laissons donc l'école penser là-dessus ce qu'elle voudra : mais concluons, nous, que les Juifs n'ont eu ni trois, ni deux canons, mais seulement un canon de vingt-deux livres ; et persistons dans ce sentiment jusqu'à ce qu'on nous en tire, en nous faisant voir que les pères se sont trompés, ce qui n'est pas possible. Car d'où tirerait-on cette preuve ? aucun ancien auteur n'a parlé du double canon. La tradition des Juifs y est formellement contraire. Ils n'ont encore aujourd'hui de livres divins que les vingt-deux qu'ils ont admis de tout temps comme tels. Josephe dit, ainsi qu'on l'a déjà vu, et qu'on le verra plus bas encore, que sa nation ne reconnait que vingt-deux livres divins ; et que, si elle en a d'autres, elle ne leur accorde pas la même autorité. Mais, dira-t-on. Josephe a cité l'Ecclésiastesiastique dans son second livre contre Appion. Quand on en conviendrait, s'ensuivrait-il de-là qu'il en a fait un livre divin ? Nullement. Mais il n'est point du tout décidé que Josephe ait cité l'Ecclésiastesiastique. Il se propose de démontrer l'excellence et la supériorité de la législation de Moyse sur celles de Solon, de Lycurgue et des autres. Il rapporte à cette occasion des préceptes et des maximes, et il attribue à Moyse l'opinion que l'homme est supérieur en tout à la femme. Il lui fait dire que l'homme méchant est meilleur que la femme bienfaisante ; ; paroles citées comme de Moyse, et non comme de l'Ecclésiastesiastique. On objectera sans-doute que ce passage ne se trouve point dans Moyse. Sait. Donc Josephe ne le lui attribue pas. Je le nie, parce que le fait est évident. Mais quand je conviendrais de tout ce qu'on prétend, on n'en pourrait jamais inférer que Josephe ait déclaré l'Ecclésiastesiastique livre canonique. M. Pithou remarque que les dernières paroles du passage cité de Josephe ne sont pas de lui, et qu'elles ont été insérées selon toute apparence par quelque copiste. Cette critique est d'autant plus vraisemblable, qu'elles ne se trouvent pas dans l'ancienne version latine de Rufin. Donc le double et le triple canon sont des chimères, les Juifs n'en faisant aucune mention, et les pères ne les ayant point connus : ce qu'il fallait démontrer.

De combien de livres était composé le canon des Ecritures divines chez les Juifs, et quels étaient ces livres. Traisième question, dont la solution servira d'éclaircissement et d'appui aux deux questions précédentes. Les Juifs ont toujours composé leur canon de vingt-deux livres, ayant égard au nombre des lettres de leur alphabet dont ils faisaient usage pour les désigner, selon l'observation de S. Jérôme, dans son prologue général ou défensif. Quelques rabbins en ont compté vingt-quatre ; d'autres vingt-sept ; mais ces différents calculs n'augmentaient ni ne diminuaient le nombre réel des livres ; certains livres divisés en plusieurs parties y occupaient seulement plusieurs places.

Ceux qui comptaient vingt-quatre livres de l'Ecriture, séparaient les Lamentations, de la Prophétie de Jérémie, et le livre de Ruth de celui des Juges, que ceux qui n'en comptaient que vingt-deux laissaient unis : les premiers, afin de pouvoir marquer ces vingt-quatre livres avec les lettres de leur alphabet, répétaient trois fois la lettre jod, en l'honneur du nom de Dieu Jehova, que les Chaldéens écrivaient par trois jod. Ce nombre de vingt-quatre est celui dont les Juifs d'à-présent se servent pour désigner les livres de l'Ecriture-sainte ; et c'est peut-être à quoi les vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse font allusion.

Ceux qui comptaient vingt-sept livres, séparaient encore en six nombres les livres des Roi et des Paralipomenes, qui n'en faisaient que trois pour les autres. Et pour les indiquer, ils ajoutaient aux vingt-deux lettres ordinaires de l'alphabet les cinq finales, comme nous l'apprend S. Epiphane dans son livre des poids et des mesures. Ceux qui savent l'alphabet hébreu (car il n'en faut pas savoir davantage) connaissent ces lettres finales. Ce sont caph, mem, nun, pé, tsad, qui s'écrivent à la fin des mots d'une manière différente que dans le milieu ou au commencement.

Le canon était donc toujours le même, soit qu'on comptât les livres par 22, 24 ou 27. Mais la première manière a été la plus générale et la plus commune ; c'est celle de Josephe. M. Simon donne l'ancienneté à celle de 24 : mais je ne sais sur quelle preuve, car il n'en rapporte aucune. J'avoue que ces matières ne me sont pas assez familières pour prendre parti dans cette question, et pour hasarder une conjecture.

Voyons maintenant quels étaient ces 22, 24 et 27 livres. S. Jérôme témoin digne de foi dans cette matière, en fait l'énumération suivante. La Genèse. L'Exode. Le Lévitique. Les Nombres. Le Deutéronome. Josué. Les Juges, auquel est joint Ruth, Samuel, ce sont les deux premiers des Rais. Les Rais, ce sont les deux derniers livres. Isaie. Jérémie, avec ses Lamentations. Ezéchielel. Les douze petits Prophètes. Job. Les Pseaumes. Les Proverbess. L'Ecclésiastesiaste. Le Cantique des Cantiques. Daniel. Les Paralipomenes, double. Esdras, double. Esther.

S. Epiphane, Heres. VIIIe nomb. 6. édit. de Petau, rapporte les mêmes livres que S. Jérôme. On retrouve le même canon en deux ou trois autres endroits de son livre des poids et mesures. Voyez les nomb. 3. 4. 22. 23. On lit au nombre 22, que les Hébreux n'ont que 22 lettres à leur alphabet ; que c'est par cette raison qu'ils ne comptent que 22 livres sacrés, quoiqu'ils en aient 27, entre lesquels ils en doublent cinq, ainsi qu'ils ont cinq caractères doubles ; d'où il arrive que comme il y a dans leur écriture 27 caractères, qui ne sont pourtant que vingt-deux lettres, de même ils ont proprement vingt-sept livres divins, qui se réduisent à vingt-deux.

S. Cyrille de Jérusalem dit aux Chrétiens, dans sa quatrième catechese, de méditer les vingt-deux livres de l'ancien Testament, et de se les mettre dans la mémoire tels qu'il Ve les nommer ; puis il les nomme ainsi que nous venons de les rapporter d'après S. Jérôme et S. Epiphane.

S. Hilaire, dans son Prologue sur les Pseaumes, ne diffère de l'énumération précédente, ni sur les nombres, ni sur les livres. Le canon 60, de Laodicée, dit la même chose. Origène, cité par Eusebe, avait dressé le même canon. Ce serait recommencer la même chose jusqu'à l'ennui, que de rapporter ces canons.

Méliton évêque de Sardes, qui vivait au second siècle de l'Eglise, avait fait un catalogue qu'Eusebe nous a conservé, c. xxvj. l. IV. de son histoire. Il avait pris un soin particulier de s'instruire. Il avait voyagé exprès dans l'orient, et son catalogue est le même que celui des auteurs précédents ; car il est à présumer que l'oubli d'Esther est une faute de copiste.

Bellarmin donne ici occasion à une réflexion, par ce qu'il dit dans son livre des Ecrivains ecclésiastiques, savoir, que Méliton a mis au rang des livres de l'ancien Testament celui de la Sagesse, quoiqu'il ne fût point reconnu par les Juifs pour un livre divin. Mais Bellarmin se trompe lui-même. Sa Sagesse n'est point dans le canon de Méliton. On y lit : Salomonis Proverbesa quae et Sapientia, . D'où il s'ensuit que Méliton ne nomme pas la Sagesse comme un livre distingué des Proverbess ; c'est l' soit oublié, soit mal entendu, qui a donné lieu à la méprise. Mais, pour revenir au canon des Juifs, Josephe dit dans son livre contre Appion, qu'il n'y a dans sa nation que 22 livres reconnus pour divins, cinq de Moyse, treize des prophetes, contenant l'histoire de tous les temps jusqu'à Artaxerxès, et quatre autres qui renferment des hymnes à la louange de Dieu, ou des préceptes pour les mœurs. Il n'entre pas dans le détail, mais il désigne évidemment les mêmes livres que ceux qui sont contenus dans les catalogues des pères.

Sur ce que l'historien Juif a placé dans ses Antiquités l'histoire d'Esther sous le règne d'Artaxerxès, et sur ce qu'il dit dans le même endroit que les prophetes n'ont écrit l'histoire que jusqu'au temps de ce prince, et qu'on n'a pas la même foi à ce qui s'est passé depuis, M. Dupin s'est persuadé qu'il exclut le livre d'Esther du nombre des vingt-deux livres de son canon. Mais qui est-ce qui a dit à M. Dupin que Josephe ne s'est point servi du mot jusque dans un sens inclusif, ainsi que du terme depuis dans un sens exclusif ? Ce serait faire injure à d'habiles et judicieux auteurs qui ont précédé M. Dupin, que de balancer leur témoignage par une observation grammaticale qui, au pis aller, ne prouve ni pour ni contre.

Il ne faut point non plus s'imaginer que Josephe n'ait point mis le livre de Job au nombre des vingt-deux livres divins, parce qu'il ne dit rien dans son ouvrage des malheurs de ce saint homme. Cet auteur a pu regarder le livre de Job comme un livre inspiré, mais non comme une histoire véritable ; comme un poème qui montrait partout l'esprit de Dieu, mais non comme le récit d'un événement réel ; et en ce sens, quel rapport pourrait avoir l'aventure de Job avec l'histoire de sa nation ?

Quel est le temps et quel est l'auteur du canon des livres sacrés chez les Juifs. Quatrième question. Il semble que ce serait aujourd'hui un paradoxe d'avancer qu'Esdras ne fut jamais l'auteur du canon des livres sacrés des Juifs ; les docteurs mêmes les plus judicieux ayant mis sur le compte d'Esdras tout ce dont ils ont ignoré l'auteur et l'origine, dans les choses qui concernent la Bible. Ils l'ont fait réparateur des livres perdus ou altérés, réformateur de la manière d'écrire ; quelques-uns même inventeurs des points voyelles, et tous auteur du canon des Ecritures. Il n'y a sur ce dernier article qu'une opinion. Il est étonnant que nos Scaliger, nos Huet, ceux d'entre nous qui se piquent d'examiner de près les choses, n'aient pas disserté là-dessus ; la matière en valait pourtant bien la peine. M. Dupin, au lieu de transcrire en copiste l'opinion de ses prédécesseurs, aurait beaucoup mieux fait d'exposer la question, et de montrer combien il était difficîle de la résoudre.

Quoi qu'il en soit de l'opinion commune, il me semble qu'il n'y aurait aucune témérité à assurer qu'on peut soutenir qu'Esdras n'est point l'auteur du canon des livres reconnus pour livres divins par les Juifs, soit qu'on veuille discuter ce fait par l'histoire des empereurs de Perse, et celle du retour de la captivité ; soit qu'on en cherche l'éclaircissement dans les livres d'Esdras et de Néhémie, qui peuvent particulièrement nous instruire. L'opinion contraire, quoique plus suivie, n'est point article de foi.

En un mot voici les difficultés qu'on aura à résoudre de part et d'autre, et ces difficultés me paraissent très-grandes : 1°. il faut s'assurer du temps où Esdras a vécu ; 2°. sous quel prince il est revenu de Babylone à Jérusalem ; 3°. si tous les livres qui sont dans le canon étaient écrits avant lui ; 4°. si lui-même est auteur du livre qui porte son nom.

Voilà la route par laquelle il faudra passer avant que d'arriver à la solution de la quatrième question : nous n'y entrerons point, de crainte qu'elle ne nous menât bien au-delà des bornes que nous nous sommes prescrites : ce que nous avons dit jusqu'à présent suffit pour donner à ceux qui se sentent le goût de la critique, un exemple de la manière dont ils doivent procéder pour parvenir à quelque résultat satisfaisant pour eux et pour les autres ; c'était-là principalement notre but.

Il ne nous reste plus qu'une observation à faire, c'est que le canon qui fixe au nombre de vingt-deux les livres divins de l'ancien-Testament, a été suivi dans la première église jusqu'au concîle de Carthage ; que ce concîle augmenta beaucoup ce canon, comme il en avait le droit ; et que le concîle de Trente a encore été au-delà du concîle de Carthage, prononçant anathème contre ceux qui refuseront de se soumettre à ses décisions.

D'où il s'ensuit que dans toutes discussions critiques sur ces matières délicates, le jugement de l'Eglise doit toujours aller avant le nôtre ; et que dans les occasions où il arriverait que le résultat de nos recherches ne serait pas conforme à ses decrets, nous devons croire que l'erreur est de notre côté : l'autorité que nous avons alors contre nous est d'un si grand poids, qu'elle ne nous laisse pas seulement le mérite de la modestie, quand nous nous y soumettons, et que nous montrons une vanité impardonnable, quand nous balançons à nous soumettre. Tels sont les sentiments dans lesquels j'ai commencé, continué, et fini cet article, pour lequel je demande au lecteur un peu d'indulgence : il la doit à la difficulté de la matière, et aux soins que j'ai pris pour la discuter comme elle le mérite. Voyez à l'article CANONIQUES (LIVRES) ce qui concerne le canon du nouveau-Testament ; c'est la suite naturelle de ce que nous venons de dire.

CANON, terme d'Histoire ecclésiastique, signifie proprement règle ou décision, soit sur le dogme, soit sur la discipline.

Ce mot est originairement grec, , règle, discipline.

Nous avons les canons des apôtres, de l'authenticité desquels tout le monde ne convient pas, quoiqu'on avoue en général qu'ils sont fort anciens, et diverses collections de canons des conciles que nous allons indiquer d'après M. Fleury, dans son institution au droit ecclésiastique.

Sous le règne de Constantin, l'an 314, se tinrent les conciles d'Ancyre en Galatie, et de Néocesarée dans le Pont, qui sont les plus anciens dont il nous reste des canons : ensuite, c'est-à-dire en 325, se tint le concîle général de Nicée, dont les canons ont aussi été recueillis. Il y eut ensuite trois conciles particuliers dont les canons furent de grande autorité ; l'un à Antioche capitale de l'Orient, en 431 ; l'autre à Laodicée en Phrygie, vers l'an 370 ; et le troisième à Gangres en Paphlagonie, vers l'an 375 ; enfin l'an 381 se tint le second concîle universel à Constantinople.

Les canons de ces sept conciles furent recueillis en un corps qu'on appela le code des canons de l'Eglise universelle, auxquels on ajouta ceux du concîle d'Ephese, qui fut le troisième oecuménique tenu en 430, et ceux du concîle de Chalcédoine, tenu en 450 : on y ajouta aussi les canons des apôtres, au nombre de cinquante, et ceux du concîle de Sardique, tenu en 347, et que l'on regardait en plusieurs églises comme une suite du concîle de Nicée.

Tous ces canons avaient été écrits en grec, et il y en avait pour les églises d'Occident une ancienne version latine dont on ne sait point l'auteur. L'église romaine s'en servit jusqu'au commencement du VIe siècle ; et les autres églises, particulièrement celles de Gaule et de Germanie, n'en connurent point d'autres jusqu'au IXe siècle. Mais vers l'an 530 l'abbé Denys le Petit fit une autre version des canons plus fidèle que l'ancienne, et y ajouta tout ce qui était alors dans le code grec ; savoir les cinquante canons des apôtres, ceux du concîle de Chalcédoine, du concîle de Sardique, d'un concîle de Carthage, et de quelques autres conciles d'Afrique. Il fit aussi une collection de plusieurs lettres decrétales des papes, depuis Sirice qui mourut en 398 jusqu'à Anastase II. qui mourut en 498. Voyez DECRETALES.

La collection de Denys le Petit fut de si grande autorité, que l'église romaine s'en servit toujours depuis, et on l'appela simplement le corps des canons de l'église d'Afrique, formé principalement des conciles tenus du temps de saint Augustin. Les Grecs le traduisirent pour leur usage ; et Charlemagne l'ayant reçue en 787 du pape Adrien I. l'apporta dans les Gaules.

Les Orientaux ajoutèrent aussi des canons à l'ancien code : savoir, trente-cinq canons des apôtres, en sorte qu'ils en comptaient quatre-vingt-cinq ; le code de l'église d'Afrique traduit en Grec ; les canons du concîle in trullo, faits en 692, pour suppléer au cinquième et au sixième conciles qui n'avaient point fait de canons ; ceux du second concîle de Nicée, qui fut le septième oecuménique tenu en 787 : tout cela composa le code des canons de l'église d'Orient ; et ce peu de lois suffit pendant 800 ans à toute l'Eglise catholique.

Sur la fin du règne de Charlemagne on répandit en Occident une collection des canons qui avait été apportée d'Espagne, et qui porte le nom d'un Isidore, que quelques-uns surnomment le marchand, Isidorus mercator : elle contient les canons orientaux d'une version plus ancienne que celle de Denys le Petit, plusieurs canons des conciles de Gaule et d'Espagne, et un grand nombre de decrétales des papes des quatre premiers siècles jusqu'à Sirice, dont plusieurs sont fausses et supposées. Voyez DECRETALES.

On fit ensuite plusieurs compilations nouvelles des anciens canons, comme celle de Réginon abbé de Prum, qui vivait l'an 900 ; celle de Burchard évêque de Vormes, faite l'an 1020 ; celle d'Yves de Chartres, qui vivait en 1100 ; et enfin Gratien bénédictin de Boulogne en Italie, fit la sienne vers l'an 1151 : c'est celle qui est la plus citée dans le Droit canon. Fleury, Instit. au Droit ecclés. tome I. part. I. chap. j. pag. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8 et 10.

Gratien mit à sa collection des textes de la Bible, les sentiments des pères sur les plus importantes matières ecclésiastiques, et intitula son ouvrage la concordance des canons discordants ; il le partagea par ordre de matières, et non par ordre de temps, comme on avait fait avant lui. Cette compilation fait partie du Droit canonique, et est appelée decret ; Voyez DECRET, NONIQUE (Droit)oit).

On nous a depuis donné diverses collections des conciles, où l'on en a conservé les canons, comme celles des PP. Labbé et Cossart, Hardouin, etc.

Les canons des conciles sont pour l'ordinaire conçus en forme de lais, en termes impératifs ; quelquefois conditionnels, et où l'injonction est presque toujours accompagnée de la peine infligée à ceux qui la violeront : quand il s'agit du dogme, les canons sont quelquefois conçus en forme d'anathème ; c'est-à-dire que les pères du concîle y disent anathème, ou excommunient quiconque soutiendra telle ou telle erreur qu'ils ont condamnée.

CANONS des apôtres ; on appelle ainsi une espèce de collection des canons ou lois ecclésiastiques que l'on attribue à S. Clément pape, disciple de S. Pierre, comme s'il l'eut reçue de ce prince des apôtres. Mais les Grecs même n'assurent pas que ces canons aient été faits par les apôtres, et recueillis de leur bouche par S. Clément ; ils se contentent de dire que ce sont des canons, , que l'on appelle des apôtres ; et apparemment ils sont l'ouvrage de quelques évêques d'Orient, qui vers le milieu du IIIe siècle rassemblèrent en un corps les lois qui étaient en usage dans les églises de leurs pays, et dont une partie pouvait avoir été introduite par tradition dès le temps des apôtres, et l'autre par des conciles particuliers. Il y a quelque difficulté tant sur le nombre que sur l'autorité de ces canons. Les Grecs en comptent communément 85 : mais les Latins n'en ont reçu que 50, dont même plusieurs ne sont pas observés. Les Grecs comptent les 50 premiers à-peu-près comme nous : mais ils en ajoutent d'autres dans la plupart desquels il y a des articles qui ne sont pas conformes à la discipline, ni même à la créance de l'église latine ; et c'est pour cette raison qu'elle rejette les 35 derniers canons, comme ayant été la plupart insérés ou falsifiés par les hérétiques et schismatiques. A l'égard de l'autorité de ces canons, le pape Gelase, dans un concîle tenu à Rome l'an 494, met le livre de ces canons des apôtres entre les apocryphes ; et cela après le pape Damase, qui semble avoir été le premier qui détermina quels livres il fallait recevoir ou rejetter. Par cette raison Isidore les condamne aussi, dans le passage que Gratien rapporte de lui dans la seizième distinction. Le pape Leon IX. au contraire excepte cinquante canons du nombre des apocryphes. Avant lui Denys le Petit avait commencé son code des canons ecclésiastiques par ces cinquante canons. Gratien, dans la même distinction seizième, rapporte qu'Isidore ayant changé de sentiment, et se contredisant lui-même, met au-dessus des conciles ces canons des apôtres, comme approuvés par la plupart des pères, et reçus entre les constitutions canoniques, et ajoute que le pape Adrien I. a approuvé les canons en recevant le quatrième concîle où ils sont insérés : mais on peut dire que Gratien se trompe, et qu'il prend le second concîle in trullo, que les Grecs appellent souvent le quatrième concile, pour le premier concîle tenu in trullo, qui est véritablement le sixième oecuménique ou général. Quant à Isidore, le premier passage est d'Isidore de Séville ; et le second est d'Isidore mercator ou peccator, selon la remarque d'Antoine Augustin archevêque de Tarragone, qui dit que pour concilier ces diverses opinions il faut suivre le sentiment de Léon IX. qui est, qu'il y a cinquante de ces canons des apôtres qui ont été reçus, et que les autres n'ont aucune autorité dans l'église occidentale. Il est certain que ces canons ne sont point des apôtres : mais ils paraissent fort anciens, et ont été cités par les anciens sous le nom de canons anciens, canons des pères, canons ecclésiastiques. S'ils sont quelquefois appelés ou intitulés canons apostoliques, ce n'est pas à-dire pour cela qu'ils soient des apôtres : mais il suffit qu'il y en ait quelques-uns qui aient été faits par des évêques qui vivaient peu de temps après les apôtres, et que l'on appelait hommes apostoliques. L'auteur des constitutions apostoliques est le premier qui attribue ces canons aux apôtres. Ils contiennent des règlements qui conviennent à la discipline du second et du troisième siècle de l'Eglise : ils sont cités dans les conciles de Nicée, d'Antioche, de Constantinople, et par plusieurs anciens. On ne sait pas en quel temps cette collection de canons a été faite, il peut se faire que ce soit en différents temps : non-seulement les cinquante premiers, mais les trente-cinq derniers, sont fort anciens ; les Grecs les ont toujours reçus : Jean d'Antioche, qui vivait du temps de Justinien, les cite dans sa sixième novelle ; ils sont approuvés dans le synode in trullo, et loués par Jean Damascène et par Photius. Parmi les Latins ils n'ont pas toujours eu le même sort : le cardinal Humbert les a rejetés ; Gelase les a mis au nombre des livres apocryphes : Denys le Petit a traduit les cinquante premiers, et les a mis à la tête de sa collection, remarquant toutefois que quelques personnes ne les avaient pas voulu reconnaître ; c'est peut-être pour cette raison que Martin de Prague ne les fit point entrer dans sa collection : mais Isidore ne fit point difficulté de les mettre dans la sienne ; et depuis ils ont toujours fait partie du Droit canon. Aussitôt qu'ils parurent en France, ils furent estimés, et allégués pour la première fois dans la cause de Prétextat du temps du roi Chilperic, et on déféra. Hincmar témoigne qu'ils étaient à la tête d'une collection de canons faite par l'église de France, et les croit anciens, quoiqu'ils ne soient pas des apôtres. Voyez Beveregius, dans la défense du code des canons de l'Eglise primitive. Daillé, de pseud. epigraphis. Dupin, dissertations préliminaires sur la bible, chap. IIIe Doujat, hist. du Droit. (G)

CANON, (Chronologie) ce mot, autant qu'on en peut juger en parcourant les Chronologistes, est employé en différents sens ; quelquefois il signifie simplement des tables chronologiques, telles que les tables du nombre d'or, des épactes, et de la pâque ; quelquefois il signifie la méthode ou régle pour résoudre certains problèmes de Chronologie, comme trouver les épactes, les pleines lunes, les fêtes mobiles, etc. (O)

* CANON PASCHAL, (Histoire ecclésiastique) c'est une table des fêtes mobiles où l'on marque pour un cycle de dix-neuf ans, le jour auquel tombe la fête de pâque, et les autres fêtes qui en dépendent.

On croit que le canon paschal a été calculé par Eusebe de Césarée, et de l'ordre du concîle de Nicée. Voyez PASQUE, FETE, CYCLE.

* CANON, parmi les religieux, c'est le livre qui contient la règle et les instituts de l'ordre : on l'appelle aussi règle, institut. Voyez REGLE.

* CANON, se dit encore dans l'Eglise du catalogue des saints reconnus et canonisés par l'Eglise. Voyez SAINT et CANONISATION.

* CANON ; on appelle ainsi par excellence les paroles sacramentales de la messe, les paroles secrètes dans lesquelles on comprend depuis la préface jusqu'au Pater ; intervalle au milieu duquel le prêtre fait la consécration de l'hostie. Voyez MESSE.

Le sentiment commun est que le canon commence à Te igitur, etc. Le peuple doit se tenir à genoux pendant le canon de la messe, et le réciter en soi-même tout bas, et de manière à n'être point entendu. Quelques-uns disent que saint Jérôme par ordre du pape Sirice, a mis le canon dans la forme où nous l'avons ; d'autres l'attribuent au pape Sirice même qui vivait sur la fin du IVe siècle. Le concîle de Trente dit que le canon de la messe a été dressé par l'Eglise, et qu'il est composé des paroles de Jesus-Christ, de celles des apôtres, et des premiers pontifes qui ont gouverné l'Eglise.

CANON, dans la Musique ancienne ; c'était une règle ou méthode de déterminer les intervalles des notes. Voyez GAMME, NOTE, MUSIQUE, etc.

CANON, en Musique moderne, est une sorte de fugue qu'on appelle perpétuelle, parce que les parties partant l'une après l'autre, répètent sans-cesse le même chant.

Autrefois, dit Zarlin, on mettait à la tête des fugues perpétuelles qu'il appelle fughe in conseguenza, certains avertissements qui marquaient comme il fallait chanter ces sortes de fugues ; et ces avertissements étant proprement les règles de cette espèce de fugue, s'intitulaient canoni, canons. C'est de-là que prenant le titre pour la chose même, on a nommé canons ces sortes de fugues.

Les canons les plus faciles et les plus communs, se prennent à l'unisson ou à l'octave, c'est-à-dire que chaque partie répète sur le même ton le chant de celle qui l'a précédée. Pour composer cette espèce de canon, il ne faut qu'imaginer un chant à son gré, y ajouter en partition autant de parties qu'on veut, puis de toutes ces parties chantées successivement n'en composer qu'un seul air, faisant en sorte que le chant de l'une puisse former une suite agréable avec celui de l'autre.

Pour exécuter un tel canon, la personne qui chante la première partie part seule, chantant de suite tout l'air, et le recommence aussi-tôt sans manquer à la mesure. Dès que celui-ci a fini le premier chant qui a servi de sujet, le second entre, commence, et poursuit ce même chant comme a fait le premier ; les autres partent de même successivement aussi-tôt que celui qui les précède a achevé le premier chant ; et recommençant ainsi sans-cesse, on peut continuer ce canon aussi longtemps qu'on veut.

L'on peut encore prendre une fugue perpétuelle à la quinte ou la quarte ; c'est-à-dire que chaque partie fera entendre le même chant que la précédente, une quinte ou une quarte au-dessus d'elle. Il faut alors que l'air soit entièrement imaginé, et que l'on ajoute des dièses ou des bémols selon le cas, aux notes dont les degrés naturels ne rendraient pas exactement à la quinte ou à la quarte, le chant de la partie précédente. On ne doit avoir ici égard à aucune modulation, mais seulement au chant ; ce qui augmente beaucoup la difficulté : car à chaque fois qu'une partie reprend la fugue, elle entre dans un nouveau ton.

Pour faire un canon dont l'harmonie soit un peu variée, il faut que les parties ne se suivent pas trop promptement, que l'une n'entre que longtemps après l'autre ; quand elles se suivent rapidement, comme à la demi-pause ou aux soupirs, on n'a pas le temps d'y faire entendre plusieurs accords, et le canon ne peut manquer d'être monotone : mais c'est un moyen de faire sans beaucoup de peine des canons à tant de parties qu'on veut ; car un canon de quatre mesures seulement sera déjà à huit parties si elles se suivent à la demi-pause ; et à chaque mesure qu'on ajoutera, on gagnera encore deux parties.

L'empereur Charles VI. qui était grand musicien, et composait très-bien, se plaisait beaucoup à faire et chanter des canons. L'Italie est encore pleine de fort beaux canons qui ont été faits pour ce prince par les meilleurs maîtres de ce pays-là. (S)

* CANON, en Géométrie et en Algèbre, signifie une règle générale pour la solution de plusieurs questions d'un même genre ; ce mot est aujourd'hui peu usité. On se sert plus communément des termes méthode et formule. Voyez METHODE et FORMULE.

CANON NATUREL DES TRIANGLES ; c'est une table qui contient tout ensemble, les sinus, les tangentes, et les sécantes des angles ; on la nomme de la sorte, parce qu'elle sert principalement à la résolution des triangles. Voyez TRIANGLE.

CANON ARTIFICIEL DES TRIANGLES ; c'est une table où se trouvent les logarithmes des sinus et des tangentes, etc. Voyez SINUS, TANGENTE, LOGARITHME.

CANON, dans l'art militaire, est une arme à feu de fonte ou de fer, propre à jeter des boulets de plomb ou de fer.

Le mot de canon semble venir de l'Italien cannone, qui vient de canna, canne, parce que le canon est long, droit, et creux comme une canne.

Les premiers canons ont été appelés bombardes. Voyez BOMBARDE. On leur a aussi donné des noms terribles, pareils à ceux que les anciens donnaient à leurs machines de guerre ; tels sont ceux de coulevrine, qui vient du nom de couleuvre ; de serpentine. de basilic, et d'autres semblables. Ces noms leur furent donnés à cause de la figure de ces animaux que l'on représentait sur ces sortes de pièces : les Espagnols par dévotion leur donnaient quelquefois des noms de saints, témoins les douze apôtres que l'empereur Charles-Quint fit faire à Malaga pour son expédition de Tunis.

Les principales parties du canon sont Planche V. de l'Art milit. fig. 4, 5, et 6. 1°. La culasse A avec son bouton ; elle n'est autre chose que l'épaisseur du métal du canon depuis le fond de sa partie concave jusqu'au bouton, lequel termine le canon du côté opposé à sa bouche.

2°. Les tourillons I, qui sont deux espèces de bras qui servent à soutenir le canon, et sur lesquels il peut se balancer et se tenir à-peu-près en équilibre : je dis à-peu-près ; parce que le côté de la culasse doit l'emporter sur l'autre d'environ la trentième partie de la pesanteur de la pièce. Comme le métal est plus épais à la culasse que vers l'embouchure du canon, les tourillons sont plus près de sa culasse que de sa bouche.

3°. L'ame qui est toute la partie intérieure ou concave du canon. Elle est marquée dans la fig. 5. Pl. V. de l'Art militaire par deux lignes ponctuées.

Au fond de l'âme est la chambre, c'est-à-dire la partie qu'occupe la poudre dont on charge la pièce. Voyez CHAMBRE.

Dans les pièces de 24 et de 16, on pratique au fond de l'âme une espèce de petite chambre cylindrique a b, Pl. IV. de l'Art milit. fig. 5. et 6. qui peut contenir environ deux onces de poudre.

4°. La lumière S, qui est une ouverture qu'on fait dans l'épaisseur du métal proche la culasse, et par laquelle on met le feu à la poudre qui est dans le canon. Elle se fait dans une espèce de coquille qu'on construit sur la partie supérieure du canon.

Dans les pièces de 24 et de 16 livres de balle, la lumière aboutit vers le fond des petites chambres cylindriques dont on vient de parler, comme c d, fig. 6. Elles ont pour objet d'empêcher que l'effort de la poudre dont le canon est chargé, n'agisse immédiatement sur le canal de la lumière, ce qui peut le conserver plus longtemps. Suivant l'ordonnance du 7 Octobre 1732, la lumière des pièces de canon, mortiers, et pierriers, doit être percée dans le milieu d'une masse de cuivre rouge, pure rosette, bien corroyée ; et cette masse doit avoir la figure d'un cone tronqué renversé. Voyez LUMIERE.

5°. Les anses H, qui sont deux espèces d'anneaux de même métal que la pièce, placés vers les tourillons du côté de la culasse, auxquels on donne la figure de dauphins, de serpens, et autres animaux ; ces anses servent à passer des cordages par le moyen desquels on élève et on fait mouvoir le canon. Lorsqu'il est suspendu à ces cordages, il doit être en équilibre, c'est-à-dire que la culasse ne doit point l'emporter sur la bouche.

NOMS DES AUTRES PARTIES DU CANON.

B, plate bande et moulures de la culasse. C, champ de la lumière. D, astragale de la lumière. E, premier renfort. F, plate-bande et moulures du premier renfort. L, ceinture ou ornement de volée. M, astragale de la ceinture. N, volée. O, l'astragale du collet. P, collet, avec le bourrelet en tulipe. Q, couronne avec ses moulures. R, bouche.

Composition du métal du canon. Le métal ou la fonte dont on se sert pour les canons, est composée de rosette ou cuivre rouge, de laiton ou cuivre jaune, et d'étain. (Q)

* On n'est pas encore d'accord sur la quantité proportionnelle des métaux qui doivent entrer dans la composition destinée à la fonte des canons. Les étrangers mettent 100 livres de rosette ; 10 et même 20 livres d'étain, et 20 livres de laiton.

On prétend que les Keller mêlaient à 10 milliers de rosette 900 livres d'étain et 600 livres de laiton.

L'étain est très-propre à empêcher les chambres ; mais comme il est mou, les lumières durent d'autant moins qu'on en a plus employé.

Le sieur Bereau fondeur, prétend que quand on est obligé d'employer de vieilles pièces de métal bas, le fondeur doit demander sur 100 livres de ce métal 25 livres de bon cuivre et 5 livres d'étain.

D'autres prennent un tiers de rosette, un quart de laiton ou vieux métal, et un dix-septième d'étain.

Il faut à chaque fonte mettre dix livres de vieux-oing, sur 5000 livres de métal.

On a soin de purifier le cuivre, l'étain, et le plomb. Pour cet effet on prend une once de cinnabre, quatre onces de poix noire, une once et demie de racine de raifort seche, seize onces d'antimoine ; quatre onces de mercure sublimé, six onces de bol d'Arménie, et vingt onces de salpetre. On met tout en poudre séparément, puis on mêle. On arrose ensuite de deux livres de l'eau-forte suivante : Prenez deux livres de vitriol, deux onces de sel ammoniac, douze onces de salpetre, trois onces de verd-de-gris, huit onces d'alun : mettez en poudre séparément, mêlez et distillez.

Mettez deux parties de cette eau-forte sur trois parties de la poudre précédente dans une terrine sur le feu, remuant bien, et laissant évaporer l'eau jusqu'à dessication.

Cela préparé, fondez 94 livres de rosette, avec 6 de laiton ; et avec autant d'étain : laissez le tout quelque temps en fusion, le remuant de temps en temps avec un bâton ferré et entortillé de haillons trempés dans le vieux-oing.

Au bout d'un quart-d'heure, sur les 103 livres de métal mettez deux onces de la poudre susdite. Pour cet effet renfermez ces deux onces dans une boite : attachez cette boite à une verge de fer, et plongez-la au fond du métal, remuant jusqu'à ce qu'il ne s'élève plus de fumée blanche. Laissez encore le tout en fusion pendant une demi-heure, au bout de laquelle vous pouvez jeter en moule.

A l'égard des canons de fer, on les construit de la même manière que les autres. Ils ne sont pas capables de la même résistance que ceux de fonte ; mais comme ils coutent beaucoup moins, on s'en sert sur les vaisseaux, et même dans différentes places de guerre.

Les canons sont de différentes grandeurs, et ils chassent des boulets plus ou moins gros, suivant leur ouverture.

On faisait autrefois des canons qui chassaient des boulets de 33, de 48, et même de 96 livres de balle : mais suivant l'ordonnance du 7 Octobre 1732, il ne doit être fondu en France que des pièces de 24, qui sont les plus grosses ; ensuite de 16, de 12, de 8, et de 4, c'est-à-dire des pièces qui chassent des boulets de 24 livres, de 16 livres, etc. car le canon porte ordinairement le nom de la pesanteur du boulet qu'il peut chasser. Ainsi une pièce de 24, est un canon qui tire un boulet de 24 livres, et de même des autres pièces.

On désigne encore les pièces de canon par le diamètre de leur bouche, qu'on nomme ordinairement leur calibre. Voyez CALIBRE. On doit le diviser en 36 parties, suivant l'ordonnance du 7 Octobre 1732, pour déterminer par ces parties les dimensions des différentes moulures du canon.

On joint ici la table de toutes les dimensions des pièces des cinq calibres suivant cette ordonnance.

Table des dimensions des pièces de canon des cinq calibres.

L'ordonnance de 1732 assujettit tous les Fondeurs à suivre le même profil ou les mêmes moulures dans les différentes pièces des cinq calibres : on joint ici la table des dimensions de ce profil, qui accompagne cette ordonnance. On y suppose le calibre de chaque pièce divisé en 36 parties égales : ce sont ces parties qui serve nt à exprimer ou donner les différentes dimensions de ce profil général.

Table des dimensions des moulures d'une pièce de canon, exprimées en parties de son calibre divisé en 36 parties égales.

Manière de faire les moules du canon et de les fondre.

* Avant tout, il est à propos d'avoir les terres toutes préparées. La première qu'on emploiera sur la natte, ainsi qu'il sera dit ci-après, sera de la terre grasse détrempée avec de la poudre de brique : la quantité de la poudre de brique dépend de la bonté de la terre grasse.

La seconde terre qui servira pour le moule, sera pareillement de la terre grasse bien battue, avec de la siente de cheval et de la bourre ; la quantité de fiente de cheval dépend aussi de la qualité de la terre.

La troisième, nommée potée, dont on se servira pour commencer la chape du moule, sera de la terre grasse très-fine et passée au tamis, mêlée de fiente de cheval, d'argille, et de bourre. La terre grasse, l'argille et la fiente de cheval se mettront en parties égales avec un tiers de bourre.

La quatrième, qui s'appliquera sur la potée, sera de la terre grasse avec fiente de cheval et bourre, dans la proportion ci-dessus.

Il y a une façon de faire une potée, qui sera meilleure que la précédente. Prenez une demi-queue de terre à four, deux seaux de fiente de cheval : mêlez le tout dans un tonneau avec de l'eau commune, et l'y laissez plusieurs jours, au bout desquels faites des gâteaux de ce mélange : faites sécher ces gâteaux : pilez les bien menus : mettez cette poudre à détremper avec de l'eau de fiente de cheval, broyez-la ainsi détrempée avec une molette, sur une pierre à broyer les couleurs. Quand elle sera bien broyée, ajoutez-y environ un litron de céruse pilée et passée au tamis de soie : rebroyez le mélange à la molette avec de l'urine, puis ajoutez une douzaine de blancs d'œuf.

Pour faire l'eau de fiente de cheval dont on vient de parler, remplissez un tonneau de cette fiente : jetez dessus de l'eau jusqu'à ce que l'eau surnage ; laissez tremper quelque temps, et vous aurez l'eau de fiente.

Quand à la terre qu'on emploiera sur cette potée, on la composera d'un muid de terre grasse, de quatre seaux de fiente de cheval, et d'autant de forte urine qu'il en faudra pour détremper la terre et la bourre, et battre le tout ensemble.

On prend une piéce de bois de sapin, bien droite et à plusieurs pans, ou même toute unie et plus longue que la pièce ne peut être, c'est-à-dire de 12 pieds et plus : cette pièce de bois s'appelle trousseau. On couche ce trousseau tout de son long, et l'on en appuie les bouts sur des tréteaux ou chantiers. Voyez Pl. I. Fonderie des canons, figure 1. Le trousseau de bois A sur des chantiers B B. La partie C du trousseau s'appelle le moulinet : ce moulinet sert à tourner le trousseau lorsqu'on y met la natte, et que l'on applique la terre qu'on doit former par son enduit le moule ou la chape.

On graisse le trousseau avec du vieux-oing : on roule par-dessus, et l'on attache avec deux clous une natte de paille qui couvre le trousseau, et qui lui donne une grosseur relative à celle que doit avoir la pièce de canon. Voyez même figure, cette natte sur le trousseau.

Sur cette natte ou applique plusieurs charges ou couches d'une terre grasse détrempée avec de la poudre de brique, et l'on commence à former un modèle de canon.

On met ensuite une autre couche, dont la terre est bien battue et mêlée avec de la bourre et de la fiente de cheval : on en garnit le modèle, jusqu'à ce qu'il soit de la grosseur dont on veut la pièce.

En appliquant toutes ces couches de terre, on entretient toujours sous le trousseau un feu de bois ou de tourbes, suivant les lieux, afin de faire sécher la terre plus promptement.

Après cela on fait toutes les parties de la pièce, comme le bourrelet, le collet, les astragales, les renforts, les plates-bandes, etc. ce qui se fait d'une manière fort simple, et néanmoins fort ingénieuse.

Lorsque la dernière terre appliquée est encore toute molle, on approche du moule, qui est brut, ce que l'on appelle l'échantillon : c'est une planche de douze pieds ou environ, dans laquelle sont entaillées toutes les différentes moulures du canon : on assure cette planche bien solidement sur les deux chantiers, en sorte qu'elle ne puisse recevoir aucun mouvement.

On tourne après cela à force le moule contre l'échantillon par le moyen de petits moulinets qui sont à l'une de ses extrémités : le moule frottant ainsi contre les moulures de l'échantillon, en prend l'impression, en sorte qu'il ressemble entièrement à une pièce de canon finie dans toutes ses parties.

A la fonderie de Paris, au lieu des terres susdites on emploie du plâtre bien fin : mais ce plâtre a un inconvénient, c'est de se renfler inégalement, ce qui rend la surface des pièces moins parfaite ; ce qu'on pourrait corriger en finissant le moule un peu plus menu, laissant faire au plâtre son effet ; le rechargeant ensuite avec du suif, et le repassant à l'échantillon jusqu'à ce qu'il eut la grosseur requise.

Voyez Planc. XI. de l'Art milit. fig. 1. le trousseau de bois A posé sur les chantiers B B. C, est le moulinet du trousseau. D, est l'échantillon de bois arrêté sur des chantiers garnis de fer du côté du moule de la pièce, qui sert à former les moulures sur la terre molle qui couvre le trousseau, à mesure qu'on tourne par le moulinet que l'on voit au bout du trousseau. E, est le moule de terre sur le trousseau, que l'on tourne par le moulinet pour lui imprimer les moulures marquées sur l'échantillon.

Lorsque le moule du canon est formé avec ses moulures, on lui pose les anses, les devises, les armes, le bassinet, le nom, l'ornement de volée ; ce qui se fait avec de la cire et de la térébenthine mêlées, qui ont été fondues dans des creux faits de plâtre très-fin, où ces ornements ont été moulés.

Les tourillons se font ensuite ; ce sont deux morceaux de bois de la figure que doivent avoir les tourillons, on les fait tenir au moule avec deux grands clous. Il faut avoir soin de renfler les renforts avec de la filasse ; car faute de cette précaution, ils sont creux à cause des moulures qui saillent.

Après avoir ôté le feu de dessous le moule, on le frotte partout avec force suif, afin que la chape qui doit être travaillée par-dessus, pour le couvrir, ne s'y attache point. On passe ensuite le moule par l'échantillon, pour faire coucher le suif également partout.

Cette chape se commence d'abord par une couche ou chemise de terre grasse, mais très-fine, qui s'appelle potée. On a déjà dit que cette potée est une terre passée et préparée avec de la fiente de cheval, de l'argille, et de la bourre.

On laisse sécher la première couche sans feu, ce qui s'appelle à l'ombre.

Quand elle est seche, on met par-dessus d'une terre plus grasse, mêlée aussi de bourre et de fiente de cheval : la proportion est demi-livre de terre, demi-livre de fiente de cheval, et un tiers de bourre ou environ. Quand c'est d'une certaine terre rouge comme celle qui se prend à Paris auprès des Chartreux, elle suffit seule en y mêlant un peu de bourre.

Après que la chape a pris une épaisseur de quatre pouces, et qu'elle a été bien séchée au feu, on tire les clous qui arrêtaient les anses et les tourillons, on en bouche les entrées avec de la terre, puis l'on bande ce moule, ainsi bien couvert de terre, avec de bons bandages de fer passés en long et en large et bien arrêtés : par-dessus ce fer on met encore de la grosse terre.

La chape des gros moules a ordinairement cinq ou six pouces d'épaisseur.

Quand le trou est bien sec, on ôte les clous de la natte, on donne quelques coups de marteau sur les extrémités du trousseau : lequel étant plus menu par un bout que par l'autre, ce que l'on appelle être en dépouille, se détache insensiblement du milieu du moule qu'il traverse de bout en bout ; et en retirant ce trousseau, la natte vient à mesure, et se défîle avec beaucoup de facilité.

Ce moule ainsi vuidé par dedans, on le porte tout d'un coup dans la fosse qui est devant le fourneau, et où le canon doit être fondu.

L'on jette force buches allumées dans ce moule jusqu'à ce qu'il soit parfaitement sec ; et c'est ce qu'on appelle le mettre au recuit.

L'ardeur du feu opère deux effets : elle fond le suif qui sépare la chape d'avec le moule ; et elle seche en même temps les terres de ce moule, de manière qu'on les casse facilement avec des ferrements, afin qu'il ne reste en entier que la chape seule, laquelle dans son intérieur a conservé l'impression de tous les ornements faits sur le moule.

A la place du moule que l'on vient de détruire ; l'on met une longue pièce de fer qu'on appelle le noyau. Voyez NOYAU. Elle se pose très-juste dans le milieu de la chape, afin que le métal se répande également de côté et d'autre.

Le noyau est couvert d'une pâte de cendres bien recuite au feu comme le moule, et arrêtée avec du fil-d'archal, aussi bien recuit, le long et à-l'entour par trois fois en spirale, couche sur couche, jusqu'à la grosseur du calibre dont doit être l'âme de la pièce, en sorte qu'il reste un espace vide entre le noyau et le creux de la chape qui doit être rempli par le métal ; ce qui fait l'épaisseur de la pièce. Cette précaution de couvrir ce noyau, s'observe pour empêcher que le métal ne s'attache, et pour pouvoir ensuite le retirer aisément du milieu de la pièce ; comme en effet on l'en tire quand la pièce est fondue.

Pour faire tenir ce noyau bien droit, on le soutient du côté de la culasse par des barreaux d'acier passés en croix, c'est ce qu'on appelle le chapelet. Voyez CHAPELET. Du côté de la bouche de la pièce, le noyau est soutenu par une meule faite de plâtre et de tuiles, dans laquelle passe le bout opposé au chapelet.

Lorsque le noyau est placé, on attache la culasse au moule. Cette culasse est faite à part, de la même composition et de la même matière que le moule du corps de la pièce. Elle est aussi bien bandée de lames de fer, et elle s'enchâsse proprement au bout du moule, où elle s'accroche avec du fil-d'archal aux crochets des bandages de la chape.

On coule ordinairement les pièces de la culasse en bas, et on laisse au bout du moule qui est en-haut, un espace vide d'environ deux pieds et demi de haut, lequel sert à contenir la masselotte, c'est-à-dire l'excédent du métal de la pièce, qui pese quatre milliers au moins : ce poids fait serrer le métal qui compose la pièce, et il le rend moins poreux et moins sujet à avoir des chambres.

F, dans la fig. 1. de la Pl. II. de l'Art milit. représente le noyau. G, dans la même figure, est une coupe du noyau recouvert de pâte de cendre pour former le calibre de la pièce. H, est le chapelet de fer qui se met à l'extrémité de l'âme de la pièce pour assembler la pièce avec la culasse. I, est le profil du moule recouvert de ses terres, et retenu par des bandages de fer. KK, dans la fig. 2. toujours même Pl. II. est l'épaisseur de la terre, qui forme la chape du moule. LL, est la chape de la culasse qui s'assemble au corps de la pièce par le chapelet, comme les lignes ponctuées le font voir. MM, est l'espace vide pour recevoir le métal entre la chape et le noyau. NN, est le noyau tel qu'il est posé dans le moule : on l'en fait sortir lorsque la pièce est fondue. OO, est la masselotte ou l'excédent de la matière, que l'on scie au bout de la volée à l'endroit qui est ponctué. P, est le passage où ce métal s'écoule dans le moule. Q, est le moule recouvert de ses terres et bandages, tel qu'il est dans la fosse où on le met pour fondre la pièce.

Supposons qu'on veuille fondre plusieurs pièces à la fais, au haut du moule sont disposés plusieurs tuyaux creux et godets de terre répondant à l'intérieur du corps du moule, par où le métal doit couler ; et l'on laisse aussi plusieurs tuyaux pour servir d'évent. Quand tout est bien préparé, la fosse se remplit de terre bien seche que l'on bat avec grand soin couche sur couche autour du moule jusqu'en haut, les godets, tuyaux, et évents surpassant de quelques pouces l'air ou la superficie du dessus de la fosse. On forme des rigoles tout-au-tour avec une terre grasse que l'on seche parfaitement : elles se nomment échenos, et servent à conduire le métal du fourneau dans le moule des pièces. Saint-Remy. (Q)

* Le fourneau de cette fonderie ne diffère presqu'en rien du fourneau de la grande fonderie en bronze. Voyez l'article de cette fonderie. Il y a à ses fondations voute sous la chauffe, et voute sous le fourneau, avec évent, pour donner sortie à la fumée. Il y a au rez-de-chaussée des âtres de fer pour remuer le métal en fusion, avec une ouverture pour jeter le bois dans la chauffe : cette ouverture se bouche avec une pelle de fer. Voyez Planc. II. de la fonderie dont il s'agit ici, une coupe du fourneau par le milieu sur les âtres de fer, fig. 3. BB, évents de dessus le fourneau. GG, âtres de fer par où l'on remue le métal. LL, ouvertures par où l'on tire les crasses. M, chauffe. P, voute sous le fourneau. La fig. 4 de la même Planche, est une autre coupe du même fourneau perpendiculaire à la précédente, et par la chauffe. Q : évent pour la fumée. OO, voute sous la chauffe. N, grille. G, âtres de fer. K, la chauffe. L, ouverture pour remuer le métal. M, le fourneau, ZZ, bâtis de charpente pour descendre les moules et remonter les pièces fondues. V, X, Y, bascule pour lever et baisser la porte du fourneau par où l'on remue le métal. Fig. 5. cette porte vue séparément. X, la porte. V, la bascule Y, le boulet qui fait hausser et baisser.

Quand le métal est chaud à un certain degré connu par le fondeur, c'est-à-dire fort fluide et non empâté, à quoi l'on emploie ordinairement 24 ou 30 heures ou environ, observant de tenir les morceaux de rosette dans le fourneau élevés sur des grès, et ne posant pas sur l'âtre ; on dispose des hommes qui tiennent des pinces ou écluses de fer sur tous les trous qui communiquent dans les moules, afin que quand le métal vient à sortir du fourneau, il remplisse également toutes les rigoles, et qu'il soit également chaud en descendant dans toutes les parties du moule.

On débouche le trou du fourneau avec une longue et grosse pièce de fer pointue appelée la serrière. Ce trou est fermé en-dedans avec de la terre grasse. Aussi-tôt qu'il est ouvert, le métal tout bouillonnant sort avec impétuosité, et il remplit toutes les rigoles : alors les hommes qui tiennent les petites écluses de fer sur les trous, les débouchent deux à deux, et à mesure que les trous se remplissent, ils se retirent ; et le métal tombant avec rapidité dans le moule, forme la pièce.

Pour éviter les soufflures que le métal forme dans son bouillonnement et dans la chute précipitée qui presse l'air dans les canaux, les Keller avaient imaginé un tuyau qu'ils disposaient à côté de leur moule : le métal entrait par ce tuyau ; et comme il faisait le chemin de descendre avec violence au fond de ce tuyau, qui avait un trou pour communiquer dans le moule, il remontait dans le moule par ce trou, de la même manière que l'eau qu'on verse dans une branche d'un siphon, remonte dans l'autre : par-là il chassait l'air devant lui, et il était moins à portée d'en conserver des parties. Mais l'usage de ces habiles Fondeurs sur ce point, n'a pas été généralement suivi.

Les moules et les fontes des mortiers et des pierriers se font de la même manière que pour le canon.

Lorsque les moules sont retirés de la fosse, on les casse à coups de marteau pour découvrir la pièce qu'ils renferment. La figure se montre ensuite ; et comme elle est brute en plusieurs endroits, on se sert de ciseaux bien acérés et de marteaux, pour couper toutes les superfluités et les jets du métal ; et avec le temps, on donne à la pièce toute la perfection que l'on veut. Lorsqu'elle commence à avoir une forme un peu régulière, ce qui s'appelle être décrottée, on la met à l'alésoir pour lui donner le calibre qu'elle doit avoir. Voyez ALESOIR. On perce ensuite sa lumière avec une espèce de foret particulier : après quoi on fait l'épreuve de la pièce. Voyez EPREUVE. Mémoires d'Artillerie par Saint-Remy.

On n'a pas toujours fondu le canon avec un noyau ou un vide dans le milieu : il y a eu des Fondeurs qui l'ont coulé massif ; on voit même dans les mémoires de M. de Saint-Remy, la figure de la machine dont ils se servaient pour former l'âme de la pièce. Cette méthode fut abandonnée, suivant cet auteur, pour revenir à l'ancienne : mais le sieur Maritz a obtenu depuis quelques années la permission de fondre les pièces massives. On prétend qu'il a inventé une machine plus parfaite que celle dont il est fait mention dans les mémoires de M. de Saint-Remy, pour les forer. Voyez NOYAU.

Lorsque la pièce se coule massive, le moule se forme de la même manière que s'il devait avoir un noyau. On ne fait que supprimer ce noyau.

On joint ici une table de ce que le Roy paye actuellement en France pour la façon des pièces de canon dans les différents arsenaux du royaume : le prix des pièces de la fonderie de Strasbourg est plus considérable que celui des autres, parce qu'elles y sont coulées massives et forées avec la machine du Sr. Maritz.

Table du prix des façons des pièces de canon en France.

Les métaux sont fournis par le Roi aux commissaires des fontes ; il leur est accordé dix pour cent de déchet sur tous les métaux qu'ils livrent en ouvrages neufs, faits, parfaits, et reçus.

Le Roi fournit aussi les outils et ustenciles de fonderie : mais les commissaires des fontes sont chargés de pourvoir à leurs frais au radoub et à l'entretien des outils et ustensiles qui leur sont remis en bon état, et dont on les charge par un inventaire en bonne forme.

Le Roy paye à Douay et à Perpignan 3 sous, à Lyon et à Strasbourg 3 sous 6 deniers de façon pour chaque livre de métal pesant, pour les petits ouvrages, comme poulies, boites à rouage, mortiers et pilons pour compositions, boites à signaux, et autres petits ouvrages à l'usage de l'Artillerie.

Les pièces de canon, mortiers, et pierriers, sont portés au lieu destiné pour leur épreuve, et rapportés dans les fonderies aux dépens du Roi, à l'exception des pièces qui sont rebutées, que les commissaires des fontes sont obligés de faire rapporter à leurs frais et dépens.

Dans les cas pressants, et lorsqu'il est ordonné aux commissaires des fontes de ne point réparer les pièces, ils sont tenus de les livrer brutes ; et alors il leur est rabattu 50 livres par pièce de 24, de 16 et de 12, et 25 livres pour chacune pièce de calibre inférieur, ainsi que pour les mortiers et pierriers. Mémoires d'Artillerie de Saint-Remy, troisième édition. (Q)

* Lorsque la pièce est finie, on perce la lumière : pour cet effet, on renverse la pièce de côté, de manière qu'un des tourillons soit tourné vers la terre. Elle est posée sur des chantiers, l'endroit où se doit percer la lumière correspondante à la pointe du foret quand il est monté sur la bascule, comme on voit Planche I. fig. 2.

Suivant l'ordonnance du 7 Octobre 1732, le canal de la lumière doit être pratiqué dans le milieu d'une masse de cuivre rouge, pure rosette, bien écroui, et qu'on a placé dans le moule à la place où devait être faite la lumière. On a préféré le cuivre rouge à la matière même du canon, parce qu'il résiste davantage à l'effort de la poudre.

La lumière doit être percée de manière qu'elle forme un angle obtus de 100 degrés avec l'extérieur de la pièce vers la volée. C'est à quoi l'ouvrier doit faire attention en perçant, afin de diriger son foret convenablement.

Dans les pièces de 12, le canal de la lumière doit aboutir à 8 lignes du fond de la lumière. Dans celle de 8 à 7 lignes, et dans celle de 4 à 6 lignes.

Dans celles de 24 et de 16 où il y a de petites chambres, à 9 lignes du fond de la petite chambre dans celle de 24, et à 8 lignes dans celle de 16.

Le foret dont on se sert est le même que celui des Serruriers ; sa partie tranchante est seulement en langue de serpent.

Comme la force d'un homme ne serait pas suffisante pour pousser le foret et le faire mordre, on se sert de la machine qu'on voit fig. 1 ; elle s'appelle bascule ; et s'en servir, c'est forer à bascule.

La palette G est tenue fortement appliquée au foret par le levier A B C et le poids D.

* Quand la lumière est faite, on procede à l'épreuve : pour cet effet on choisit un lieu terminé par une bute de terre assez forte pour arrêter le boulet,

On place la pièce à terre sur un chantier, et on la tire trois fais. La première charge de poudre est de la pesanteur du boulet. Après la première épreuve, on y brule encore un peu de poudre en-dedans pour la flamber ; on y jette de l'eau sur le champ ; on bouche la lumière ; on presse cette eau avec un écouvillon ; et l'on examine si elle ne s'échappe par aucun endroit.

On prend ensuite le chat : c'est un morceau de fer soit à trois, soit à deux griffes, comme on le voit fig. 3. 4. 5. du calibre de la pièce que l'on conduit partout pour trouver les chambres. On ne peut user de la bougie que pour les petites pièces, la fumée l'éteignant dans les grandes.

On n'éprouve les pièces de la nouvelle invention qu'avec une charge de poudre des trois quarts du poids du boulet.

On substitue quelquefois au boulet des cylindres de terre grasse du calibre de la pièce, et d'environ deux pieds de long.

Le chat de la fig. 5 est à l'usage de toute sorte de pièces, par la commodité qu'on a d'étendre ou de resserrer ses griffes par le moyen de l'anneau dans lequel elles sont passées, et du ressort qui est placé entr'elles.

Quand on s'est assuré par le chat qui se trouve arrêté dans l'intérieur de la pièce, qu'il y a chambre, on connait la profondeur de la chambre de la manière suivante : on prend le chat simple de la fig. 3. on élève sur sa place de la terre glaise jusqu'à la hauteur du bout de la griffe ; vous conduisez votre griffe dans cet état dans la chambre ; vous l'y faites entrer le plus que vous pouvez : quand elle y est bien enfoncée, vous retirez votre chat ; les bords de la chambre appuient contre la glaise, et la détachent de la griffe ; et la partie découverte de la griffe marque la profondeur de la chambre.

* L'on met des grains aux lumières des pièces, en les alésant d'un trou d'environ deux pouces ; cela fait, on fait couler par la bouche du canon de la cire au fond de l'âme, lorsque l'épaisseur de derrière de la culasse n'est pas assez considérable. On met sur cette cire du sable un peu moite : on le frappe avec un refouloir jusqu'à la hauteur des anses ; on fait chauffer la pièce ; on place au-dessus un écheno de terre ; la pièce est à deux pieds au-dessous de l'écheno qui y conduit le métal. Il y a dans le fourneau à-peu-près 800 livres de métal. On pratique un gros jet pour la lumière ; elle s'abreuve de métal par ce jet ; on la laisse refroidir : on lui enlève ce qu'il y a de trop, et on fore une nouvelle lumière.

Banii, fondeur polonais, s'y prend autrement : il creuse la lumière en écrou avant que d'y couler le métal ; le métal s'engage si bien dans ces tours ou pas d'écrou, qu'il n'en peut être chassé.

On a proposé d'autres moyens que les précédents pour mettre des grains, mais ont qui tous leurs inconvéniens. M. Gor, commissaire des fontes de Perpignan, en proposa un en 1736, par le moyen duquel le grain se met à une pièce en moins de quatre heures sans la démonter : l'essai s'en fit le 2 Mai, et il fut heureux.

Lorsqu'on refond des pièces, il s'agit de les mettre en tronçons pour les jeter dans le fourneau ; pour cela, on fait une rainure à la pièce dans l'endroit où l'on veut la couper avec une tranche et le marteau ; puis on fait une maçonnerie seche de quatre briques d'épaisseur : on y place la pièce en équilibre ; on remplit de charbon allumé la maçonnerie ; on fait chauffer la pièce jusqu'à lui donner la couleur de cerise ; puis on élève un gros poids avec la chèvre, qu'on laisse retomber à plomb sur la pièce qui en est brisée.

* Des lavures. Dans les lieux où l'on fond et où on alese les canons, il reste des grains, des sciures, et autres pièces de métal mêlées avec les ordures. Il en reste aussi dans les fourneaux, attachées au fond de l'âtre, qu'on appelle gâteau. La manière de séparer ces portions métalliques s'appelle laver ; et ces portions métalliques séparées s'appellent lavures. Pour laver, on fait passer le ramas de matières hétérogènes tirées de l'attelier de l'alésoir des terres de la Fonderie, etc. par plusieurs eaux ; et on met au moulin ce qui sort des eaux. Il y a deux sortes de moulins ; la première n'a rien de particulier, elle ressemble aux moulins à cidre. C'est une meule de fer coulé d'environ trois pieds de diamètre, sur quinze pouces d'épaisseur, posée verticalement sur une cuvette coulée aussi de fer, et assise sur une maçonnerie. Les rebords de la cuvette ont six pouces de haut : un levier passe au centre de la meule, la traverse, et se rend dans un arbre vertical mobîle sur lui-même, et soutenu par en haut dans une solive où entre son tourillon, et par en bas sur une crapaudine placée au centre de la cuvette. Deux hommes s'appliquent au levier, et font tourner avec l'arbre la meule qui écrase les lavures : quand elles sont bien écrasées on les relave, puis on les fond pour les mettre en saumon. Il y a une autre sorte de moulin qu'on voit Planche II. de la Fonderie des canons.

B B, baquet à laver les lavures.

C C, pilons qui écrasent dans l'auger D D les lavures.

A, arbre qui meut les pilons.

E, grande roue mue par des hommes.

F, lanterne qui fait mouvoir la roue E.

G, autre lanterne fixée sur le même arbre que la lanterne F, et qui fait mouvoir l'arbre A, qui fait hausser les pilons C, C, C ; d'où l'on voit que cette machine à laver n'est autre chose que celle à bocarder des grandes fonderies et usines placées aux environs des mines.

Les lavures sont portées, comme nous avons dit, au fourneau d'affinage, qu'on voit fig. 3. même Pl.

F, fourneau.

G H, espèce de rigole où l'on jette la matière et le charbon pêle-mêle.

I, un soufflet.

K, levier à mouvoir le soufflet.

Voilà tout ce qui peut concerner la fonte des canons. Pour l'entendre bien parfaitement, il ne serait pas hors de propos d'en faire précéder la lecture par celle de la fonte des grandes statues en bronze. Voyez BRONZE. Quant à la manière de charger le canon, voyez CHARGE ; et pour celle de le mettre en situation nécessaire pour que le boulet atteigne dans un lieu désigné, voyez POINTER.

On croit que l'on n'a commencé à se servir de canons qu'en 1350 sur la mer Baltique ; quoi qu'il en sait, il est certain qu'ils furent employés en 1380 pendant la guerre des Vénitiens avec les Génois. Six ans après, il en passa quelques-uns en Angleterre sur deux vaisseaux français pris par ces insulaires. Les Anglais en firent de fer au commencement du XVIe siècle. (Q)

CANON de la nouvelle invention ou à l'Espagnole : on appelait ainsi des pièces imaginées vers la fin du siècle dernier, qui avaient une chambre au fond de l'âme en forme de sphère un peu aplatie. Ces canons étaient donc plus courts que les autres.

L'objet qu'on s'était proposé dans cette invention, était de chasser le boulet dans un canon plus court, moins pesant, et par conséquent plus aisé à transporter que les anciens, avec la même force que dans les canons ordinaires.

Pour cela on faisait aboutir la lumière à-peu-près vers le milieu de la chambre sphérique, afin qu'il s'enflammât une plus grande quantité de poudre à la fais, que lorsque l'âme du canon était par-tout uniforme.

L'expérience a prouvé la réussite de ce qu'on s'était proposé dans la construction de ces sortes de pièces ; car quoique beaucoup plus courtes que les anciennes, et avec une moindre quantité de poudre, elles produisaient les mêmes effets, mais comme il était difficîle de nettoyer leur capacité intérieure après que la pièce avait tiré, il y restait assez souvent du feu qui produisait de fâcheux accidents aux canoniers chargés du service de ces pièces, surtout lorsqu'ils étaient obligés de tirer promptement. D'ailleurs la poudre, avant de sortir de la chambre, agissait de tous côtés avec une si grande impétuosité, qu'elle brisait les affûts, ou du moins qu'elle les mettait en très-peu de temps hors de service ; elles avaient aussi par une suite nécessaire de ce grand mouvement, beaucoup de recul et très-peu de justesse dans leurs coups. Toutes ces considérations ont fait abandonner l'usage de ces pièces, malgré leurs avantages particuliers, et l'on a même fait refondre la plupart de celles qui se trouvaient dans les arsenaux et dans les places. Voyez une de ces pièces de 24 liv. de balle ; Planche IV. de l'Art. milit. fig. 1. L'échelle qui est dessous en fera connaître les principales dimensions. Et Pl. II. fig. 1. et fig. A, B, C, D, l'affût du capitaine espagnol avec ses dimensions. Il servira du moins à faire connaître le canon et l'affût dans tout le détail de ses parties. (Q)

Proportions de la pièce de huit livres de balle, et de son affût, roue, et avant-train de la nouvelle invention du capitaine espagnol.

Proportion de la pièce de huit livres de balle.

Proportion de l'affût de la pièce de huit livres, de la nouvelle invention du capitaine espagnol.

PREMIERE FIGURE.

Proportion des ferrures de l'affût de huit.

PREMIERE FIGURE.

A l'égard de la manière de voiturer le canon et de le soutenir, voyez AFFUST.

Pour ce qui concerne la méthode de le charger, voyez CHARGE.

CANON à la suédoise ; c'est une pièce de quatre livres de balle de nouvelle invention. Dans l'épreuve de deux de ces pièces fondues à l'arsenal de Paris en 1740, on a aisément tiré dix coups par minute. Ces pièces ne pesent qu'environ 600 ou 625 livres, ce qui les rend d'un transport très-aisé dans toutes sortes de terrains. On assure que Mr. Dubrocard, tué à Fontenoy, s'en est servi très-avantageusement en Boheme. (Q)

* CANON de fusil, (Arts mécaniques) Le canon d'un fusil en est la partie principale. C'est ce tube de fer dans lequel on met la poudre et le plomb, et qui dirige le coup où l'on veut qu'il atteigne. Il ne parait pas au premier coup-d'oeil que ce soit un ouvrage difficile, que celui d'un bon canon ; cependant il demande pour l'exécution des précautions, et de l'expérience. Sans les précautions, le canon péchant par la matière, celui qui s'en servira sera exposé à en être estropié, ou peut-être même tué : sans l'expérience, la matière sera bonne ; mais étant mal travaillée, celui qui se servira de fusil, sera peu sur de son coup, à moins que par une longue habitude de son arme, il ne parvienne à en connaître et corriger le défaut. Il y a des canons qui ne portent qu'à peu de distance ; d'autres portent, ou trop bas, ou trop haut, ou à gauche, ou à droite. Il y en a qui ont le recul très-incommode. On peut inviter les Physiciens à tourner leurs vues de ce côté, à s'instruire de la manière dont on forge les canons de fusil, et à rechercher tout ce qui peut contribuer à la perfection et à la bonté de cette arme.

Une des principales attentions que doit avoir celui qui fait un canon de fusil, c'est de choisir de bon fer. Le meilleur pour cet usage doit être doux, liant et sans paille.

Il prendra environ six pieds de barre de ce fer, de vingt-deux lignes de large, sur quatre lignes environ d'épaisseur. Cette barre pliée en trois, appelée par les ouvriers maquelle, sera chauffée, soudée, et bien corroyée sous le gros marteau, pour en former la lame du canon.

On entend par la lame, un morceau de fer plat, destiné à être roulé ou tourné sur une longue broche, et à former le tube ou canal du canon.

La broche fait ici la fonction d'une bigorne. C'est sur elle que se fait l'opération la plus délicate, celle de souder le canon, ou la lame roulée, selon toute sa longueur. On conçoit que si cette soudure peche en quelque endroit, l'effort de la poudre ne manquera pas d'ouvrir le canon dans cet endroit ; et que si le défaut se trouve malheureusement à la partie inférieure du canon qu'on appelle le tonnerre ; le moindre accident qui puisse en arriver à celui qui s'en sert, c'est d'avoir un bras, une main emportée. Il est des Arts dont la bonne police devrait interdire l'exercice à tout mauvais ouvrier, et où les bons ouvriers sont plus particulièrement obligés à ne point faire de mauvais ouvrages. Un ouvrier en canon de fusil qui s'est négligé dans son travail, s'est exposé à un homicide. Il n'en est pas d'un canon de fusil ainsi que d'un couteau, d'un ciseau, d'une montre, etc.

Pour que la soudure soit bien faite, il est enjoint à l'ouvrier de donner les chaudes de deux pouces en deux pouces au plus. S'il les donnait moins fréquentes et sur plus de longueur, quelques portions de matière se refroidissant avant que d'être travaillées au marteau, ou ne souderaient point, ou souderaient mal.

Lorsque le canon aura été soudé sur la broche de l'un à l'autre bout, l'ouvrier observera avec attention, s'il n'y a pas resté d'éventures ou crevasses, ou de travers. Les travers sont des espèces de crevasses transversales, qui viennent du défaut de la matière. S'il y remarque quelqu'une de ces défectuosités, il rapportera en cet endroit des lames de fer enchassées en queue d'aronde, et au lieu de la troisième chaude douce, il ressoudera le canon depuis un bout jusqu'à l'autre ; cette ressoudure est même très-bonne à pratiquer, soit qu'il y ait eu des éventures ou non. Elle achevera de resserrer les pores de l'étoffe, et de rendre le canon de bon service.

Cela fait le canon sera forgé. Il s'agit maintenant de le forer ; car on se doute bien que sa surface tant intérieure qu'extérieure au sortir de la forge, doit être très-inégale. Le canon sera foré par vingt forets au moins, qui augmenteront le calibre peu-à-peu ; mais au lieu de l'instrument appelé la mouche, qui a une espèce de ramasse, et qui ne peut pas rendre un canon égal de calibre, il est ordonné de se servir d'une meche ou outil carré de la longueur de douze à quatorze pouces, sur laquelle on appliquera une ételle de bois, qui couvrira les deux carnes de la meche ; à chaque fois que l'on passera la meche dans le canon, on rechaussera l'ételle de bois par une bande de papier mise entr'elle et la meche ; ce qui servira à enlever les traits du foret, et à rendre le canon égal dans l'âme, et du calibre prescrit.

Voyez Planche première de la fabrication des canons, la perspective d'une usine dont on voit le plan, Planche II. A est un bac qui se remplit d'eau par le moyen du tuyau ou de la cannelle B, qui aboutit par son autre extrémité dans un réservoir ou courant qui conduit de l'eau, dont la chute sur les aubes d'une grande roue fixée sur l'arbre de la roue D, fait tourner cette roue. On a pratiqué deux rainures dans l'épaisseur de la roue D, propres à recevoir deux cordes ; l'une de ces cordes, après s'être croisée, se rend sur la poulie E, et la fait tourner. La poulie E, fixée sur l'arbre F, fait tourner cet arbre, et avec cet arbre, la roue G, la meule H et le carré I, dans lequel est adapté le foret L. La roue G, porte une corde qui se croise et se rend sur la roue M ; la roue M, fait tourner l'arbre N, la meule O, le carré P et le foret Q, qui y est adapté. Cet équipage forme la moitié d'une usine, telle que sont celles de St. Etienne en Forès. Si l'on imagine une corde qui passe sur la seconde rainure de la roue D, et qui se rende sur une roue placée de l'autre côté, et telle que la roue G, on aura l'usine entière.

Chacune des roues M occupe deux ouvriers ; l'un s'appelle le foreur, l'autre le semeur. Le foreur est placé dans la fosse R ; il adapte dans le carré P, le foret qui convient. Il applique son canon à ce foret. Le canon est porté dans une pièce échancrée T, qui l'embrasse. Une fermeture S, le contient dans l'échancrure de la pièce T. Le foreur dirige le canon, et fait succéder les forets les uns aux autres, jusqu'à ce que le canon soit du calibre qui convient. Le semeur est couché sur la planche V, et c'est lui qui réduit le canon sur la meule O, à ses proportions extérieures.

Lorsque le canon est foré, on en vérifie le calibre avec un dé ou mandrin long de trois pouces, tourné, trempé, poli, et du diamètre de sept lignes trois quarts. On passe ce mandrin dans le canon de l'un à l'autre bout. Le semeur a deux calibres, l'un de seize lignes justes, et l'autre de huit lignes et demie pour vérifier les bouts du canon ; c'est en semant le canon, c'est-à-dire en le mesurant exactement avec ces deux calibres, que le semeur lui donne à l'extérieur la forme de cierge qu'il doit avoir.

On conçoit aisément que le foret ne peut travailler au-dedans d'un canon, sans qu'il s'y fasse un grand frottement et une chaleur capable de le détremper ; c'est pour obvier à cet inconvénient qu'on a pratiqué les rigoles C, Xe y, qui portent de l'eau vers toutes les fosses, et arrosent l'endroit où la fermeture soutient le canon, et où la pointe et les carnes du foret agissent. Les meules H, O, tournent dans des auges qui sont aussi pleines d'eau qui les rafraichit.

L'ouvrage du semeur n'est guère moins délicat que celui du forgeron ; c'est lui qui dresse le canon, et qui lui donne cette diminution d'épaisseur, qu'il faut conduire avec tant de précision, de la culasse à la bouche, pour rendre le canon juste. Il faut un grand nombre d'années pour former un excellent ouvrier en ce genre.

Le canon du fusil grenadier ou de soldat, est rond, et n'a qu'un seul pan qui prend de la culasse, et Ve finir à trois pouces du guidon. La longueur du canon est de trois pieds huit pouces justes.

Le diamètre entier à l'arrière ou à la culasse est de seize lignes. Le diamètre entier sur le devant ou à la bouche est de huit lignes et demie, et le calibre de sept lignes trois quarts, afin que la balle des dix-huit à la livre ait suffisamment de vent.

Suivant ces dimensions, l'épaisseur du fer à la culasse doit être de quatre lignes et un huitième de lignes, et l'épaisseur du fer à la bouche, de trois huitiemes de ligne.

Il est enjoint de faire la culasse double et bien jointe dessus et dessous ; la queue épaisse de trois lignes proche du talon, venant au bout à deux lignes ; et le talon de deux lignes et demie d'épaisseur par-dessous, allant au-dessus à la largeur du pan du canon, sur six à sept lignes de haut. La vis de la platine de derrière, passant au travers du talon, il sera ouvert en forme de fourche, afin que le canon se démonte, sans ôter la vis. Il n'y aura que la vis de la queue à lever.

La tête de la culasse sera de huit lignes de haut, et la lumière sera percée à sept lignes de derrière ; par conséquent la tête de la culasse sera entaillée d'une ligne du côté de la lumière, et restera plate par le bout.

On n'a pu régler la hauteur de la culasse par le nombre de ses filets : ces filets étant plus gros ou plus fins les uns que les autres : mais il faut avoir soin qu'ils soient vifs et bien enfoncés. La queue de la culasse aura deux pouces de longueur et se terminera en ovale.

Il y aura un tenon aux canons ; il sera placé à quatre pouces du bout, et se trouvera logé dans le fût sous le premier anneau. Le guidon sera aussi brasé à vingt lignes justes du bout. On y aura une attention singulière, pour que les bayonnettes des différentes manufactures puissent se rapporter facilement.

Les canons demi-citadelle ou de rempart seront fabriqués comme nous l'avons prescrit ci-dessus ; ils auront trois pieds huit pouces de longueur : le diamètre entier de la culasse sera de dix-huit lignes. Le diamètre sur le devant, ou la bouche, sera d'onze lignes un quart, et le calibre de huit lignes un quart. Ils auront comme ceux de grenadier, un tenon, et le guidon en sera posé à seize lignes du bout.

Le bouton de la culasse aura la même hauteur, et le talon la même épaisseur que la culasse du fusil grenadier ; la lumière en sera aussi percée à la même distance.

Les canons tant de rempart que de soldat seront éprouvés horizontalement, avec leur vraie culasse, couchés sur des chevalets, la culasse appuyée contre une poutre armée de barres de fer, ce qui arrêtant le recul, rendra l'épreuve plus forte. Chaque canon soutiendra deux épreuves : la première sera une charge de poudre du poids de la balle, bourrée avec du papier, et la balle par-dessus aussi bourrée ; la seconde sera d'un cinquième de poudre de moins, aussi bourrée et de même la balle par dessus.

La balle du fusil de soldat est de dix-huit à la livre, et la balle du fusil de rempart est d'une once ou de seize à la livre.

Il est rare qu'il crève des canons à la seconde épreuve : mais elle est ordonnée, parce qu'elle ouvre et fait découvrir les éventures imperceptibles que la première épreuve n'a point assez dilatées. Les canons éventés sont mis au rebut, ainsi que les canons crevés.

Le canon tient au bois sur lequel on le monte, par la vis de la culasse, et par deux anneaux qui le joignent au fût ; l'un, au commencement, où il sert de porte-baguette à queue ; et l'autre, vers le bout du fût qu'il saisit avec le canon, et où il est arrêté au moyen d'une petite lame à ressort, qui porte sa goupille encastrée dans le côté du fût. Voyez aux articles FUSIL, PLATINE, etc. ce qui concerne le reste de l'arme-à-feu, avec les dimensions selon lesquelles M. de Valière, lieutenant général des armées du Roi, et inspecteur des manufactures des armes, a réglé que ses différentes parties fussent toutes fabriquées.

Notre fabrique de canon de Saint-Etienne en Forès est très-considérable, tant par la quantité d'armes qui en sortent, que par la qualité qu'elles ont. Elle est composée d'une multitude d'ouvriers qui ne peut guère s'estimer, que par celle des usines construites sur les bords de la Furense ; cette rivière fait tourner des milliers de meules. Cependant comme elle manque d'eau quelquefois, cela a déterminé quelques fabricateurs à transporter les leurs sur la Loire. M. de Saint-Perieux, gendre de M. Girard un de ceux qui ont le mieux répondu aux vues que M. de Valière a toujours eues pour perfectionner la fabrication des armes, a placé la sienne à Saint-Paul en Cornillon, à deux lieues de Saint-Etienne.

Quelques artistes ont imaginé de souder plusieurs canons ensemble, et d'en faire des fusils à plusieurs coups. Les fusils à deux coups sont communs. Il en est sorti un à trois coups de la fabrique des nouveaux entrepreneurs pour le Roi, remarquable que sa legereté, son mécanisme, sa sûreté, son travail de forge et de lime, et ses ornements. Nous en ferons mention à l'article FUSIL. Voyez l'article FUSIL.

Les canons n'ont pas tous la même forme extérieure ; il y en a de ronds ; il y en a à pans, ou cannelés : les uns sont unis ; d'autres sont ciselés. Mais ces ornements s'exécutent sur le canon du fusil, comme sur tout autre ouvrage. Voyez CISELER et CANNELER. On a inventé quelques machines pour les pans et pour les cannelures : mais elles n'ont pas répondu à l'effet qu'on en attendait, et on a été obligé de les abandonner et de s'en tenir à la lime : il y a des canons brisés ; des canons carabinés, etc. Voyez la suite de cet article.

CANON BRISE, terme d'Arquebusier ; c'est un canon qui est coupé en deux parties au haut du tonnerre ; la partie supérieure est un écrou vissé, et se monte sur le tonnerre qui est en vis, de façon qu'ils se joignent ensemble, et forment en-dessus une face unie. Ces canons sont ordinairement carabinés ; il y en a de toutes sortes de grandeur et de grosseur, Voyez FUSIL.

CANON CARABINE, terme d'Arquebusier. Ce canon fait à l'extérieur comme les canons ordinaires, est tarodé en-dedans dans toute sa longueur de moulures longitudinales ou circulaires. L'on est obligé dans ces canons d'enfoncer la balle avec une baguette de fer, et de l'y forcer ; ces canons portent la balle plus loin et plus juste. Voyez les articles MOUSQUET et FUSIL.

Petit CANON, (Fonderie en caractère d'Imprimerie) quinzième corps des caractères d'Imprimerie ; sa proportion est de quatre lignes quatre points, mesure de l'échelle. Voyez PROPORTIONS DES CARACTERES D'IMPRIMERIE, et l'exemple à l'article CARACTERES.

Gros CANON, chez les mêmes ouvriers, dix-septième corps des caractères d'Imprimerie ; sa proportion est de sept lignes deux points, mesure de l'échelle. Voyez PROPORTIONS DES CARACT. D'IMP. et l'exemple à l'article CARACTERES.

Double CANON, chez les mêmes, dix-huitième corps des caractères d'Imprimerie ; sa proportion est de neuf lignes deux points, mesure de l'échelle. Voyez PROPORTIONS DES CARACT. D'IMPRIM. et l'exemple à l'article CARACTERES.

Triple CANON, encore chez les mêmes, dix-neuvième corps des caractères d'Imprimerie ; sa proportion est de douze lignes, mesure de l'échelle. Voyez PROPORTION DES CARACT. D'IMPRIM. et l'exemple à l'article CARACTERES.

CANON, en terme de Chauderonnier, est un morceau de fer à tête large et foré, que l'on appuie sur la pièce, à l'endroit où on la perce. Voyez Pl. II. du Chauderonnier, fig. 8. qui représente un ouvrier qui appuie le canon contre une cuve pendant que l'ouvrier fig 7. perce un trou avec un poinçon qu'il chasse avec un marteau. La figure 18. de la même Planche représente le canon en particulier, et la fig. 17. une espèce de tas qui sert au même usage.

CANON, terme dont les Emailleurs se servent pour signifier les plus gros morceaux ou filets d'émail qu'ils tirent pour le mettre en état d'être employé aux divers ouvrages de leur métier.

Suivant l'article xjx. des statuts des Emailleurs, il est défendu à toutes personnes, marchands ou autres ; de mêler aucune sorte d'émail, et retenir canon pour vendre, si ce n'est aux maîtres du métier. Voyez EMAIL et EMAILLEUR.

CANON, parmi les Horlogers, signifie une espèce de petit tuyau, ou un cylindre creux un peu long, percé de part en part. On adapte des canons à différentes pièces ou roues, pour qu'elles tournent sur des arbres ou tiges sans aucun bercement, et aussi pour qu'elles puissent y tenir à frottement : tel est le canon de la chaussée, celui de la roue de cadran, etc. Voyez CHAUSSEE, ROUE de cadran, etc. et la Planche des Montres. (T)

CANON ; ce mot a deux sens dans le Manège : dans le premier, il signifie la partie qui est depuis le genouil et le jarret jusqu'au boulet. Les fusées, les suros viennent au canon des chevaux ; les arrêts, tout le long du canon jusqu'au boulet, ne viennent que très-rarement aux barbes. Dans le second, c'est une partie du mors ou de l'embouchure du cheval, qui consiste dans une pièce de fer arrondi qui entre dans la bouche et la tient sujette. Il y a plusieurs sortes de canons, savoir le canon simple, le canon à trompe, le canon gorge de pigeon, le canon montant, le canon à compas, le canon à cou d'oie la liberté gagnée, le canon à bascule, le canon à pas d'âne, le canon coupé à pas d'âne, etc. dont on peut voir la description dans les auteurs. Voyez EMBOUCHURE, et fig. 22. Planche de l'Eperonnier en P.

CANON, terme de Plombier ; c'est un tuyau de plomb de trois ou quatre pieds de longueur, où vont se rendre les eaux des chêneaux qui entourent un bâtiment, et qui jette l'eau bien loin des fondements qu'elle pourrait gâter, si elle tombait au pied du mur.

CANON d'une jauge, sont des ouvertures qui sont percées dans son pourtour, et où sont soudés des bouts de tuyaux. Voyez JAUGE. (K)

CANON, terme de Potier de fayence, c'est une espèce de pot de fayence un peu long et rond, dans lequel les marchands Apothicaires, particulièrement ceux de Paris, mettent les confections et les électuaires à mesure qu'ils les préparent.

CANON, terme de Rubanier, se dit d'un petit tuyau de bouis, ayant ainsi que le rochet de petits bords à ses bouts pour empêcher les soies d'ébouler ; il est percé d'outre en outre d'un trou rond pour recevoir la brochette de la navette dans laquelle il doit entrer ; son usage est d'être rempli dans chaque ouvrage de ce qui compose la trame. Voyez TRAME. Il est à-propos à chaque ouvrier d'avoir quantité de ces canons, pour éviter de faire de la trame à tous moments.

CANON à devider, qui se passe dans la ceinture de la devideuse ; c'est souvent un vieux rochet dans l'épaisseur du corps duquel on fait un trou qui Ve jusqu'au trou de la longueur ; il y en a d'uniquement destinés à cet usage, qui sont faits par les Tourneurs ; ils servent à recevoir le bout de la broche à devider, pour soulager la devideuse. Voyez DEVIDER.

CANON, en Serrurerie, c'est cette pièce de la serrure qui reçoit la tige de la clé, quand il s'agit d'ouvrir ou fermer la serrure. Cette pièce n'est autre chose qu'un canal fendu par sa partie inférieure, qui sert de conducteur à la clé : quand la serrure a une broche, la broche traverse le canon, et lui sert d'axe. Le canon aboutit par son entrée à la partie extérieure de la porte ; et par son extrémité intérieure il Ve se rendre à la couverture ou au foncet de la serrure. Voyez FONCET.

On distingue deux sortes de canons ; il y en a à patte, et de tournans.

Les canons à patte sont attachés avec des rivures ou des vis, sur la couverture ou sur le foncet de la serrure.

Les canons tournans, qui sont d'usage aux serrures des coffres forts, ronds à l'extérieur comme les autres canons, sont ordinairement figurés intérieurement, soit en treffle, soit en tiers-point, ou de quelqu'autre figure pareille, et reçoivent par conséquent des clés dont les tiges ont la même figure du treffle ou de tiers point ; d'où il arrive qu'ils tournent sur eux-mêmes avec la clé, sans quoi la clé ne pourrait se mouvoir. Pour leur faciliter ce mouvement, au lieu d'être fixés, soit à rivure, soit à vis sur la couverture ou sur le foncet, ils traversent toute la serrure, et leur tête qui pose sur le palâtre, est sous une pièce creuse qu'on nomme couverture, qui les empêche de résister, mais non de se mouvoir : la couverture est fixée sur le palâtre par des vis. Voyez SERRURE.

CANON pour la trame, instrument des ouvriers en étoffes de soie ; le canon pour la trame est un bois arrondi, pointu d'un côté, et avec une tête de l'autre percée d'un bout à l'autre ; il est de six à sept pouces de long environ ; la trame est dévidée sur ce canon. Voyez NAVETTE.

CANON pour l'organsin, instrument des ouvriers en étoffes de soie ; le canon ou rochet pour l'organsin est différent de celui de la trame, en ce qu'il est un peu plus petit, et qu'il a une tête à chaque bout. Voyez ROCHET.

CANON, terme de Tourneur ; on nomme canons d'un arbre à tourner en ovale ou en d'autres figures irrégulières, deux cylindres creux qui sont traversés par une verge de fer carré qui joint la boite au mandrin. Voyez TOUR.