(Jurisprudence) est un privilège qui dispense de la règle générale.

EXEMPTION DE TAILLES, c'est le privilège de ne point payer de tailles, qui appartient aux ecclésiastiques, aux nobles et autres privilégiés. Voyez TAILLES.

EXEMPTION DE TUTELE, c'est la décharge de la fonction de tuteur. (A)

EXEMPTION DE L'ORDINAIRE, est le droit que quelques monastères, chapitres et autres ecclésiastiques, tant séculiers que réguliers, ont de n'être point soumis à la juridiction spirituelle de l'ordinaire, c'est-à-dire de leur évêque diocésain.



Dans les premiers siècles de l'Eglise tous les ecclésiastiques de chaque diocèse étaient soumis à leur évêque diocésain, comme ils le sont encore de droit commun. Personne alors n'était exempt de la juridiction spirituelle de l'évêque ; monastères, religieux, abbés, chanoines réguliers et autres, tout était soumis à l'évêque.

On trouve dans le Ve siècle plusieurs privilèges accordés aux grands monastères, qui ont quelque rapport avec les exemptions proprement dites. Ces monastères étaient la plupart fondés, ou du moins gouvernés par des abbés d'une grande réputation, qui s'attiraient la vénération des fidèles ; les évêques en devinrent jaloux, ce qui donna lieu aux abbés de se soustraire à l'autorité de leur évêque : les uns ne voulurent reconnaître pour supérieur que le métropolitain, patriarche ou primat ; d'autres eurent recours au pape, qui les prit sous sa protection.

Les chapitres, qui étaient pour la plupart composés de réguliers, voulurent aussi avoir part à ces exemptions ; ce qui eut lieu beaucoup plus tard par rapport aux chapitres séculiers.

La plus ancienne exemption connue en France, est celle du monastère de Lerins, qui fut faite par le concîle d'Arles en 455.

Les évêques eux-mêmes ont accordé quelques exemptions ; témoin celle de l'abbaye de S. Denis en 657, qui fut faite par Landry, évêque de Paris, du consentement de son chapitre et des évêques de la province. Il parait néanmoins que l'usage ne fut pas toujours uniforme sur ce point en France ; car les exemptions, tant des chapitres que des monastères, étaient inconnues sous le règne de Pepin, comme il parait par le concîle de Vernon, tenu en 755.

En Orient les exemptions de l'ordinaire, avec soumission au patriarche ou au métropolitain, furent très-communes : on en trouve des exemples dès le VIe siècle.

Les privilèges ou exemptions ainsi accordés à quelques monastères, étaient confirmés en France par les rois ; on en trouve les formules dans Marculphe, où l'on voit que ces exemptions n'avaient pas alors pour but de soustraire les monastères à la juridiction spirituelle de l'évêque, mais seulement d'empêcher que l'évêque allant trop souvent dans le monastère avec une suite nombreuse, ne troublât le silence et la solitude qui y doivent régner, ut quieta sint monasteria : c'est le motif ordinaire des anciennes chartes d'exemptions. C'est aussi pour empêcher les évêques de se mêler du temporel du monastère, et afin de permettre aux religieux de se choisir un abbé, pourvu qu'il fût béni par l'évêque du lieu ; d'ordonner que l'évêque ne pourrait punir les fautes commises dans le cloitre par les religieux, que quand les abbés auraient négligé de le faire ; et de ne pas permettre que l'on exigeât de l'argent pour l'ordinaire, ou pour la consécration des autels.

On rapporte à la vérité quelques chartes des VIIe VIIIe et IXe siècles, par lesquelles des monastères paraissaient avoir été entièrement affranchis par les papes de la juridiction spirituelle de l'évêque ; mais les plus habiles critiques regardent ces concessions comme supposées, et ce ne fut guère que vers le XIe siècle que les papes commencèrent à exempter quelques monastères de la juridiction spirituelle des évêques.

Ces exemptions furent révoquées au concîle de Lyon en 1025, et blâmées par saint Bernard, qui vivait sur la fin du XIe siècle et au commencement du XIIe et par saint Français, qui vivait peu de temps après ; ce qui suppose qu'elles n'étaient point ordinaires en France : il n'est même point parlé alors d'exemptions pour les chapitres séculiers ; et en effet ceux qui sont exempts ne rapportent pour la plupart que des titres postérieurs au XIIe siècle.

Quelque purs qu'aient pu être les motifs qui ont donné lieu à ces exemptions, il est certain que les exemptions perpétuelles sont contraires à l'ordre naturel et au droit commun ; et que si on les a faites pour un bien, elles produisent aussi souvent de grands inconvéniens, surtout lorsque les exempts ne sont soumis à aucune puissance dans le royaume, comme au métropolitain ou au primat, et qu'ils sont soumis immédiatement au saint siège.

Les premiers fondateurs des ordres mendiants firent gloire d'être soumis à tous leurs supérieurs ecclésiastiques ; ceux qui sont venus ensuite, guidés par d'autres vues, ont obtenu des exemptions.

Elles furent surtout multipliées pendant le schisme d'Avignon ; les papes et les antipapes en accordaient chacun de leur part, pour attirer ou conserver les monastères ou les chapitres dans leur parti.

Toutes ces exemptions accordées depuis le commencement du schisme, furent révoquées par Martin V. avec l'approbation du concîle de Constance.

Les évêques tentèrent inutilement au concîle de Latran de faire réduire tous les moines au droit commun : on révoqua seulement quelques privilèges des mendiants.

On demanda aussi la révocation des exemptions au concîle de Trente ; mais le concîle se contenta de réprimer quelques abus, sans abolir les exemptions.

L'ordonnance d'Orléans avait déclaré tous les chapitres séculiers et réguliers soumis à l'évêque, nonobstant toute exemption ou privilège ; mais l'ordonnance de Blais, et les édits postérieurs qui y sont conformes, paraissent avoir autorisé les exemptions, lorsqu'elles sont fondées sur des titres valables.

La possession seule, quoiqu'ancienne et paisible, est insuffisante pour établir une exemption. Cette maxime est fondée sur l'autorité des papes S. Grégoire le Grand, de Nicolas I. et Innocent III. sur celle des conciles, entr'autres du troisième concîle de Ravenne, en 1314 ; de ceux de Tours, en 1236 ; et de Vorcester, en 1240 ; sur les textes du droit canon et l'autorité des glossateurs. Elle a été aussi établie par Cujas et Dumolin, et par MM. les avocats généraux Capel, Servin, Bignon, Talon.

Mais quoique la possession ne suffise pas seule pour établir une exemption, elle suffit seule pour détruire une exemption, parce que le retour au droit commun est toujours favorable.

Les actes énonciatifs du titre d'exemption, et ceux même qui paraissent le confirmer, sont pareillement insuffisans pour établir seuls l'exemption ; il faut rapporter le titre primordial.

Les conditions nécessaires pour la validité de ce titre, sont qu'il soit en forme authentique, selon l'usage du temps où il a été fait ; que l'évêque y ait consenti, ou du moins qu'il y ait été appelé, et que le roi ait approuvé l'exemption : enfin qu'il n'y ait aucune clause abusive dans la bulle d'exemption.

Si les clauses abusives touchent la substance de l'acte, elles le rendent entièrement nul : si au contraire la clause ne touche pas le fond, elle est nulle, sans vicier le reste de l'acte.

On distingue deux sortes d'exemptions, les unes personnelles, les autres réelles. Les premières sont celles accordées à un particulier, ou aux membres d'une communauté. Les exemptions réelles sont celles qui sont accordées en faveur d'une église séculière ou régulière. Ces deux sortes d'exemptions sont ordinairement réunies dans le même titre.

Toute exemption étant contraire au droit commun, doit être renfermée strictement dans les termes de l'acte, et ne peut recevoir aucune extension.

En France, lorsque les chapitres séculiers qui sont exempts de l'ordinaire, sont en possession d'exercer sur leurs membres une juridiction contentieuse, et d'avoir pour cet effet un official, on les maintient ordinairement dans leur droit et possession, et en ce cas l'appel de l'official du chapitre ressortit à l'officialité de l'évêque.

Du reste les chapitres exempts sont sujets à la juridiction de l'évêque, pour la visite et pour tout ce qui dépend de sa juridiction volontaire.

Ils ne peuvent aussi refuser à l'évêque les droits honorifiques qui sont dû. à sa dignité, comme d'avoir un siège élevé près de l'autel, de donner la bénédiction dans l'église, et d'obliger les chanoines à s'incliner pour recevoir la bénédiction.

Quelques chapitres ont été maintenus dans le droit de visiter les paroisses de leur dépendance, à la charge de faire porter à l'évêque leurs procès-verbaux de visite pour ordonner sur ces procès-verbaux ce qu'il jugerait à-propos.

Lorsque l'official de ces chapitres séculiers ne fait pas de poursuite contre les délinquans dans le temps prescrit par le titre du chapitre, la connaissance des délits est dévolue à l'official de l'évêque.

La juridiction des réguliers est toujours bornée à l'étendue de leur cloitre ; et ceux qui commettent quelque délit hors du cloitre, sont sujets à la juridiction de l'ordinaire.

L'évêque peut contraindre les religieux vagabonds, même ceux qui se disent exempts, de rentrer dans leur couvent ; il peut même employer contr'eux à cet effet les censures ecclésiastiques, s'ils refusent de lui obéir.

Les cures qui se trouvent dans l'enclos des monastères, chapitres ou autres églises exemptes, sont sujettes à la visite de l'ordinaire ; et le religieux ou prêtre commis à la desserte des sacrements, et chargé de faire les fonctions curiales, dépend de l'évêque en tout ce qui concerne ces fonctions et l'administration des sacrements.

Quelqu'exemption que puissent avoir les séculiers et réguliers, ils sont toujours soumis aux ordonnances de l'évêque pour tout ce qui regarde l'ordre général de la police ecclésiastique, comme l'observation des jeunes et des fêtes, les processions publiques et autres choses semblables, que l'évêque peut ordonner ou retrancher dans son diocèse, suivant le pouvoir qu'il en a par les canons.

Les exempts séculiers ou réguliers ne peuvent confesser les séculiers sans la permission de l'évêque diocésain, qui peut limiter le lieu, les personnes, le temps et les cas, et révoquer les pouvoirs quand il le juge à-propos.

Les exempts ne peuvent aussi prêcher, même dans leur propre église, sans s'être présentés à leur évêque : ils ne pourraient le faire contre sa volonté ; et si c'est en sa présence, même dans leur église, ils doivent attendre sa bénédiction. Pour prêcher dans les autres églises ils ont besoin de sa permission, qui est révocable ad nutum.

Lorsque les exempts abusent de leurs privilèges, ils doivent en être privés, suivant la doctrine du concîle de Latran, en 1215 ; de celui de Sens, en 1269 ; d'Avignon, en 1326, et de Saltzbourg, en 1386.

Ils peuvent même quelquefois en être privés sans en avoir abusé, lorsque les circonstances des temps, des lieux et des personnes exigent quelque changement. Voyez le traité de exemptionibus de Jacobus de Canibus, et celui de Baldus ; les Mémoires du Clergé, tom. I. et VI. la Bibliot. can. tom. I. p. 603. Preuves des libertés, tom. II. ch. xxxviij. Fevret, traité de l'Abus, liv. III. ch. j. les Lois ecclésiastiques de d'Héricourt, part. I. ch. XIe (A)