S. f. (Grammaire) les prépositions sont des mots qui désignent des rapports généraux, avec abstraction de tout terme antécédent et conséquent. Voyez MOT, article 2.

Cette abstraction de tout terme ne suppose point que cette espèce de mot doive conserver dans le discours l'indétermination qui en fait le caractère ; ce n'est qu'un moyen d'en rendre l'usage plus général, par la liberté d'appliquer l'idée de chaque rapport à tel terme, soit antécédent, soit conséquent, qui peut convenir aux différentes vues de l'énonciation : du-reste, nulle préposition ne peut entrer dans la structure d'une phrase, sans être appliquée actuellement à un terme antécédent, dont elle restreint le sens général par l'idée nécessaire du rapport dont elle est le signe, et sans être suivie d'un terme conséquent qui acheve d'individualiser le rapport indiqué d'une manière vague et indéfinie dans la préposition.



Le terme antécédent est donc nécessairement un mot dont le sens, général par lui-même, est susceptible de différents degrés de détermination et de restriction ; et tels sont les noms appelatifs, les adjectifs, les verbes et les adverbes.

Le terme conséquent devant énoncer le terme du rapport dont la préposition est le signe, ne peut être qu'un mot qui présente à l'esprit l'idée d'un être déterminé ; et tels sont les noms, les pronoms, et les infinitifs qui sont une espèce de nom.

Le terme conséquent servant à complete r l'idée totale du rapport individuel que l'on se propose d'énoncer, est appelé dans le langage grammatical le complément de la préposition.

Il suit donc de tout ce que l'on vient de dire, 1°. que toute préposition a nécessairement pour complément un nom, un prénom, et un infinitif ; 2°. que la préposition avec son complément forme un complément total déterminatif, d'un nom appelatif, d'un adjectif, d'un verbe, ou d'un adverbe, qui est le terme antécédent du rapport. Je travaille POUR vous ; le pronom vous est complément de la préposition POUR, et POUR vous est le complément déterminatif du verbe travaille. La nécessité DE mourir ; l'infinitif mourir est le complément de la préposition DE, et DE mourir est le complément déterminatif du nom appelatif nécessité. Utîle A la santé ; le nom appelatif la santé est le complément de la préposition A, et A la santé est le complément déterminatif de l'adjectif utile. Prudemment SANS anxiété, courageusement SANS témérité, noblement SANS hauteur, etc. les noms appelatifs anxiété, témérité, hauteur, sont les compléments des trois prépositions SANS, et SANS anxiété, SANS témérité, SANS hauteur, sont les compléments déterminatifs des adverbes prudemment, courageusement, noblement.

Il y a des langues, comme le grec, le latin, l'allemand, l'arménien, etc. dont les noms et les autres espèces de mots analogues ont reçu des cas, c'est-à-dire des terminaisons différentes qui servent à présenter les mots comme termes de certains rapports : en latin, par exemple, le cas nommé génitif présente le nom qui en est revêtu comme terme conséquent d'un rapport quelconque, dont le terme antécédent est un nom appelatif ; fortitudo regis, rapport d'une qualité au sujet qui en est revêtu ; puer EGREGIAE INDOLIS, rapport du sujet à sa qualité ; creator MUNDI, rapport de la cause à l'effet ; CICERONIS opera, rapport de l'effet à la cause, etc. Voyez GENITIF, CAS, et chacun des cas en particulier. Il y a d'autres langues, comme l'hébreu, le français, l'italien, l'espagnol, etc. qui n'ont point admis cette variété de terminaisons, et qui ne peuvent exprimer les différents rapports des êtres, des idées, et des mots, que par la place qu'ils occupent dans la construction usuelle, ou par des prépositions. Mais dans les langues mêmes qui ont admis des cas, on est forcé de recourir aux prépositions pour exprimer quantité de rapports dont l'expression n'a point été comprise dans le système des cas ; cependant comme nous venons à bout par les prépositions ou par la construction de rendre avec fidélité tous les rapports désignés par des cas dans les autres langues ; d'autres idiomes auraient pu adopter quelque système, au moyen duquel ils auraient exprimé par des cas les rapports que nous exprimons par la construction ou par des prépositions : de manière que comme nos langues modernes de l'Europe sont sans cas, celles-là auraient été sans prépositions. Il n'aurait fallu pour cela, que donner aux mots déclinables un plus grand nombre de cas ; ce qui était possible, nonobstant l'avis de Sanctius, qui prétend que la division des cas latins en six est naturelle et doit être la même dans toutes les langues : quoniam haec casuum partitio naturalis est, in omni item idiomate tot casus reperiri fuit necesse. Minerv. j. 6. Sans rien repeter ici des excellentes preuves du contraire, déduites par Perizonius dans sa note sur ce texte, qu'il appelle falsa et inanis disputatio, il suffit d'observer que la dialectique de Sanctius est démentie par l'usage des Arméniens qui ont dix cas ; comme nous le certifie le père Galenus, théatin ; et parmi les grammairiens qui ont écrit de la langue lapone, il y en a qui y comptent jusqu'à quatorze cas, comme on peut le voir au ch. IIIe d'une description historique de la Lapponie suedaise, traduite par M. de Kéralio de Gourlay ; l'original est intitulé en allemand : M. Peterhaegstroems, Beschreibung des Lapplandes. Leipsik. 1748, in-12.

Il n'est pas question, sur une hypothèse sans réalité, de discuter ici les avantages respectifs des langues, selon qu'elles seraient ou sans cas ou sans prépositions, ou qu'elles participeraient plus ou moins aux deux systèmes. Mais j'ai dû remarquer la possibilité d'une langue sans prépositions, afin de faire connaître jusqu'à quel point cette classe de mots est nécessaire dans le système de la parole. On le sentira mieux encore, si l'on fait une réflexion que j'aurais peut-être dû rappeler plus tôt : c'est que la plupart de nos expressions composées d'une préposition avec son complément, peuvent être remplacées par des adverbes qui en seraient les équivalents. Selon M. Batteux (cours de Belles-Lettres, part. III. sect. iv. §. 2.), " on peut regarder les prépositions comme des caractères séparés, pour ajouter aux substantifs la manière de signifier qui convient à l'adverbe... Vous dites justement ; c'est la dernière syllabe qui est le caractère adverbial : placez la préposition AVEC avant le nom justice, elle donnera la même manière de signifier au nom substantif justice, que la syllabe ment a donnée au nom adjectif juste. Ainsi les prépositions rentrent dans l'adverbe : on les a inventées pour en tenir lieu, pour en exercer la fonction avec le secours du substantif ; parce qu'on y a trouvé l'avantage de la variété ".

Cette observation est vraie jusqu'à un certain point, et elle a pour fondement l'analogie réelle qu'il y a entre la nature de la préposition et celle de l'adverbe. L'une désigne, comme je l'ai dit dès le commencement, un rapport général, avec abstraction de tout terme antécédent et conséquent ; l'autre exprime un rapport déterminé par la désignation du terme conséquent, mais avec abstraction du terme antécédent : c'est pourquoi toute locution qui renferme une préposition avec son complément, est appelée en Grammaire une phrase adverbiale ou équivalente à un adverbe. Il ne faut pourtant pas croire que les deux locutions soient absolument synonymes, et que la variété ne consiste que dans les sons : l'éloignement que toutes les Langues ont naturellement pour une synonymie entière, qui n'enrichirait un idiome que de sons inutiles à la justesse et à la clarté de l'expression ; cet éloignement, dis-je, donne lieu de présumer que la phrase adverbiale et l'adverbe doivent différer par quelques idées accessoires. Par exemple, je serais assez porté à croire que quand il s'agit de mettre un acte en opposition avec l'habitude, l'adverbe est plus propre à marquer l'habitude, et la phrase adverbiale à indiquer l'acte ; et je dirais : un homme qui se conduit SAGEMENT ne peut pas se promettre que toutes ses actions seront faites AVEC SAGESSE.

La plupart de nos grammairiens distinguent deux sortes de prépositions par rapport à la forme : de simples, qui sont exprimées par un seul mot ; et de composées, qui comprennent plusieurs mots pour l'expression du rapport. Telle est à cet égard la doctrine de l'abbé Régnier (Grammaire fr. pag. 565. in-12. et pag. 595. in-4 °.) ; celle de M. Restaut (ch. ix.) ; celle du père Buffier (n°. 647-651.). Ainsi, dit-on, dans, avec, pour, après, sont des prépositions simples ; vis-à-vis de, à l'égard de, à la réserve de, sont des prépositions composées.

Mais ce que j'ai dit ailleurs des conjonctions prétendues composées (Voyez MOT, art. II. n. 2.), je le dis ici des prépositions : c'est une sorte de mot ; et chacun de ceux qui entrent dans la structure des phrases que l'on prend pour des prépositions, doit être rapporté à la classe qui lui est propre. Ainsi vis-à-vis, que l'on devrait, ce me semble, écrire visavis sans division, est un adverbe, et de qui le suit est la seule préposition qui exige un complément : dans à l'égard de il y a quatre mots ; à qui est préposition ; le, article ; égard, nom appelatif, qui est le complément grammatical de à, et le terme antécédent d'un autre rapport exprimé par de ; enfin de, autre préposition. C'est confondre les idées les plus claires et les plus fondamentales, que de prendre des phrases pour des sortes de mots ; et si l'on ne veut avancer que des principes qui se puissent justifier, on ne doit reconnaître que des prépositions simples.

Nous en avons en français quarante-huit, que je vais rapporter dans l'ordre alphabétique, en y joignant quelques exemples qui en justifieront la nature.

A. A midi, à Paris, à l'office, à la manière des Grecs, à nous, à nos amis, difficîle à concevoir, destiné à être brulé.

APRES. Après le roi, après vous, après midi, après avoir pris conseil.

ATTENANT. L'église est attenant le château.

ATTENDU. On a différé le jugement attendu vos prétentions.

AVANT. Avant le temps, avant trois heures, avant moi, avant l'examen. Quand un infinitif est complément de cette préposition, il faut mettre que de entre deux (Voyez Vaugelas, rem. 274. et l'art. AVANT) : ainsi il faut dire, avant que de mourir, et non pas avant de mourir, comme quelques-uns se le permettent abusivement, et encore moins avant mourir, dont personne ne s'avise plus aujourd'hui. Quelquefois avant est un adverbe qui marque une suite considérable de progrès dans la durée, dans l'étendue, ou dans toute autre chose susceptible de progression : bien avant dans la nuit, fort avant dans la terre, il a été assez avant dans la Géométrie.

AVEC. Avec serment, avec les précautions requises, avec un bâton, avec lui, avec sa troupe.

CHEZ. Chez soi, chez vous, chez les Grecs, chez les Romains.

CONCERNANT. J'ai lu plusieurs écrits concernant cette dispute.

CONTRE. Plaider contre quelqu'un, écrire contre les Philosophes, il est parti contre mon avis ; dans tous ces exemples, contre a un sens d'opposition : dans les suivants ce mot exprime un rapport de voisinage ; sa maison est contre la mienne, contre l'église ; cela est collé contre la muraille.

DANS. Dans trois jours, dans l'année, dans la ville, dans la chambre, dans nos affaires, dans les SS. Peres, dans l'Ecriture sainte.

DE. De grand matin, de bonne heure, l'heure de midi, la ville de Paris, la rivière de Seine, loin de moi, parler de ce que l'on sait, l'obligation de se taire, la crainte d'avoir déplu.

DE-ÇA. De-çà la rivière. Dict. de l'acad.

DEDANS. Ce mot est quelquefois nom, comme quand on dit, le dedans de la maison, les dedans d'un château, au-dedans de nous-mêmes. Il est préposition, quand il est suivi d'un complément immédiat qui est un nom ou un pronom ; et cela arrive en deux occurrences seulement : la première, est quand les deux prépositions contraires sont réunies par une conjonction copulative avec rapport à un même et unique complément, comme quand on dit, ni dedans ni dehors la ville, dedans et dehors l'enceinte du temple : la seconde, est quand cette préposition est immédiatement précédée d'une autre, comme, cette statue est pour dedans la grande cour, ils sortirent de dedans les retranchements, ils passèrent par dedans la ville. On se sert encore du mot dedans d'une manière absolue, comme quand on dit, vous le croyez sorti de la maison, et il est dedans : la plupart des grammairiens prétendent que dedans est alors adverbe ; et M. l'abbé Régnier (Grammaire fr. in-12. pag. 590. in-4°. pag. 622.) dit que c'est l'usage ordinaire depuis cinquante ans, et que l'usage est ou un maître ou un tyran auquel il faut toujours obéir en matière de langue. Je crois que cette maxime n'est pas vraie sans restriction ; et s'il fallait s'y conformer sans appel, il faudrait continuer de dire que nos noms ont des cas, puisque c'était un usage de temps immémorial dans notre Grammaire. C'est que l'usage n'a véritablement autorité que sur le langage national, et que c'est à la raison éclairée de diriger le langage didactique : dès que l'on remarque qu'un terme technique présente une idée fausse ou obscure, on peut et on doit l'abandonner et en substituer un autre plus convenable. D'ailleurs il n'est pas ici question de nommer simplement, mais de décider la nature d'un mot ; ce qui est une affaire, non d'usage, mais de raisonnement. Au reste Th. Corneille (note sur la rem. 128. de Vaugelas), nous apprend que l'avis de M. Chapelain était que dedans, lorsqu'il terminait une période et un sens, ainsi que dessous, dessus, dehors, demeurent toujours prépositions, et régissent tacitement la chose sous-entendue dont il a été parlé auparavant. Cet avis est assurément le plus sage, et il doit en être de ces mots en pareil cas, comme de devant et après, quand on dit, par exemple, partez devant, j'irai après : si quand il y a ellipse du complément on emploie plutôt dedans, dehors, dessous, dessus, que dans, hors, sous, sur, c'est que l'oreille a jugé que ces monosyllabes termineraient mal la période ou le sens.

DEHORS. C'est la même chose de ce mot que du précédent. Il est nom dans ces phrases, le dehors ne répond pas au-dedans, les dehors de la place. Il est préposition dans les trois occurrences marquées ci-dessus : 1°. ni dedans ni dehors la ville, comme dans l'article précédent ; 2°. cette autre statue est pour dehors l'enceinte, je viens de dehors la ville, par dehors le jardin ; 3°. vous le croyez dans la maison, et il est dehors.

DE-LA. De-là la rivière, de-là les monts, de-là la mer, de-là l'eau. Dict. de l'acad.

DEPUIS. Depuis la création du monde, depuis Pâque, depuis deux heures, depuis quel temps, depuis le premier jusqu'au dernier, depuis moi.

DERRIERE. Ce mot est comme dedans et dehors. Il est nom quand on dit, le derrière de la tête, les derrières de l'armée. Il est préposition quand on dit, restez derrière moi, derrière l'autel ; et même quand on dit avec ellipse, l'un marchait devant et l'autre derrière.

DES. Dès le commencement, dès les premiers temps, à prendre cette rivière dès sa source. M. l'abbé Girard a fait de ce mot une conjonction : mais, je le demande, est-ce une conjonction dans les phrases que je viens de rapporter ? et quand on les rend littéralement en latin, ab initio, à primis temporibus, ab origine, peut-on dire que à et ab soient des conjonctions ? Dès n'est pas plus conjonction dans les phrases de l'académicien, dès qu'elles entrent sous le pouvoir d'un mari, dès que les dames s'en mêlent, dès que le prince demande ; la vraie conjonction dans ces phrases, c'est que, qui lie les propositions incidentes dont il est suivi à son antécédent sous-entendu, par exemple, le moment, qui est le complément immédiat et grammatical de dès ; ainsi dès est toujours préposition, et c'est comme si l'on disait, ainsi qu'on le dit assez souvent, dès le moment qu'elles entrent sous le pouvoir d'un mari, dès le moment que les dames s'en mêlent, dès le moment que le prince demande.

DESSOUS, DESSUS. Ces deux mots sont absolument dans le même cas que dedans. Ce sont des noms dans ces phrases, le dessous ou le dessus de la table, le dessous des cartes, le dessus d'une lettre, donner du dessous à quelqu'un, prendre le dessus. Ce sont des prépositions dans les trois occurrences que j'ai assignées pour dedans : 1°. il n'est ni dessus ni dessous la table : 2°. on gardait cette poêle pour dessous la table, et ces fleurs pour dessus le buffet ; passer par dessous la porte, par dessus la muraille ; sortir de dessous la table, tombé de dessus la voute : 3°. ce livre n'était point sur la table, il était dessous ; ou bien ce livre n'était point sous la table, il était dessus.

DEVANT. Il en est de devant comme de derrière qui en est l'opposé. C'est un nom quand on dit, le devant de la maison, prendre les devants. C'est une préposition quand on dit, marchez devant moi, se prosterner devant l'autel, humilions-nous devant Dieu ; et même quand on dit avec ellipse, Enée marchait devant, et Creuse allait derrière.

DEVERS. Cette préposition s'emploie rarement sans être précédée d'une autre, quoique l'on trouve ces deux exemples dans le Dictionnaire de l'académie, il est allé quelque part devers Lyon, il est devers Toulouse ; je crois que l'on ferait mieux de dire aux environs de Lyon, de Toulouse. Mais on doit dire devers et non pas vers à la suite des prépositions de et par : il vient de devers ces pays-là, de devers les princes d'Allemagne, et non pas de vers ; il a passé par devers votre château, il en a les titres par devers lui, ils ont par devers soi beaucoup de bonnes actions, et non pas par vers.

DURANT. Durant la paix, durant la guerre, durant les troubles domestiques.

EN. En paix, en guerre, en combattant, en roi, en anglais, en temps et lieu, en dix ans, en plaine, en France.

ENTRE. Entre la vie et la mort, entre vos bras, entre mes livres, entre promettre et tenir, entre nous.

ENVERS. Envers Dieu, envers le prochain, envers nous, envers qui, envers et contre tous.

EXCEPTE, HORMIS, HORS. Je joins ensemble ces trois prépositions, parce qu'elles sont à-peu-près synonymes : excepté cela, il est d'un très-bon commerce ; il eut tous les suffrages hormis deux ou trois ; la loi de Mahomet permet tout hors le vin. Quand on dit, hors du royaume, hors de la ville, hors de saison, ce n'est point une préposition, c'est un adverbe général de temps ou de lieu, que l'on détermine ensuite par la préposition de, suivie de son complément ; et M. l'abbé Régnier s'est trompé, en ne donnant sur hors que des exemples de cette façon. Hors, quand il est préposition, est synonyme d'excepté et d'hormis.

JOIGNANT ne s'emploie que dans le discours familier, et communément cette préposition est précédée de l'adverbe tout ; comme sa maison est tout joignant la mienne.

MALGRE. Malgré moi, malgré l'hiver, malgré son père, malgré mes avis, malgré tout ce que j'ai pu dire.

MOYENNANT. Moyennant la grâce de Dieu, moyennant cinquante pistoles, moyennant ceci, moyennant quoi.

NONOBSTANT. Nonobstant toute opposition, nonobstant l'appel, nonobstant ses craintes.

OUTRE. Outre cela, outre les mauvais ouvrages qu'il a faits, outre mesure, outre mer.

PAR. Passer par la ville, passer par les épreuves les plus rudes, prouver par témoignage, par écriture, avoir mille écus par an, plaire par son esprit, commencer par réfléchir.

PARMI. Parmi les hommes, parmi les animaux, parmi nous.

PENDANT. Pendant le sermon, pendant le carême, pendant les vacances, pendant la guerre, pendant la paix.

POUR. Il combat pour la patrie, il est parti pour Rome, vous oubliez tout pour la chasse, il passe pour habile, j'ai eu ce livre pour quarante sols, donner de mauvaises pointes pour des traits d'esprit, j'étais allé pour vous voir, on n'est jamais puni pour avoir bien fait.

PROCHE. Proche le temple, proche le palais. Quand proche est suivi de de, c'est un adverbe général de lieu, dont le sens est déterminé par la préposition de, suivie de son complément ; et il en est de même d'auprès et de près qui en sont à-peu-près synonymes : proche du temple, ou auprès du temple, ou près du temple ; proche du palais, ou auprès du palais, ou près du palais.

SANS. Sans faute, sans secours, sans la violence, sans les menaces, sans nous, sans elles, sans parler, sans avoir entendu.

SAUF. Sauf le respect que je vous dais, sauf votre meilleur avis, sauf correction, sauf toute erreur de calcul.

SELON. Selon l'occasion, selon l'histoire, selon vous, selon S. Augustin, selon l'issue.

SOUS. Sous le consulat de Ciceron, sous Louis le Bien-Aimé, sous vingt-quatre heures, sous le ciel, sous le manteau, enfermé sous la clé, retiré sous le canon de la place, sous condition, sous la protection du ciel, sous la conduite de Socrate.

SUIVANT. Suivant la loi, suivant mes conseils, suivant les maximes de la sagesse.

SUR. Sur le midi, sur les trois heures, sur le point de partir, sur le déclin de l'âge, sur le champ, sur votre parole, je compte sur vous, dominer sur les faibles, une ville située sur la Seine, un appartement sur la rue, mettez cela sur la table, notes sur l'Encyclopédie.

TOUCHANT. Un traité touchant les bornes de la critique, des observations touchant l'indécence et l'injustice des satyres personnelles.

VERS. Vers l'orient, vers midi, vers Toulouse, vers Pâques, se tourner vers Dieu.

VU. Vu l'état des affaires, Ve les mesures que vous prenez, Ve les détails où je suis entré.

Dans ce tableau des prépositions, que je viens de mettre sous les yeux du lecteur, et qui est ici plus complet que dans aucun de nos grammairiens, je n'ai pas cru devoir m'occuper de la distinction de tous les rapports que chaque préposition peut exprimer en vertu de l'usage de notre langue. Ce détail ne peut convenir qu'à une grammaire française, et ne doit pas plus grossir cet ouvrage que le dénombrement des prépositions latines, grecques, hébraïques, chinoises, ou autres : l'énumération que j'ai faite des nôtres est moins un hommage rendu à notre langue, qu'un essai sur la manière de reconnaître la nature des prépositions dans quelque idiome que ce sait, un exemple de l'attention scrupuleuse que cette étude exige, et un cannevas de prépositions bien connues pour servir de fondement à quelques remarques didactiques sur cet objet.

1°. Je crois, comme M. l'abbé Regnier, qu'il ne faut pas trop s'attacher à réduire toutes les prépositions à des classes générales ; une même préposition a reçu trop de significations différentes pour se prêter sans obstacle à des classifications régulières. " Non-seulement une même préposition marque des rapports différents, ce qui est déjà un défaut dans une langue ; mais elle en marque d'opposés, ce qui est un vice ". C'est une remarque de M. Duclos. Gram. gén. part. II. ch. IIe Si l'on prétendait donc réduire en classes le système des prépositions, on s'exposerait à la nécessité de tomber souvent dans des redites, et de dépecer sous différents titres les divers usages de la même préposition.

Ne vaudrait-il pas mieux penser à réduire sous un point de vue unique et général tous les usages d'une même préposition ? Quelque difficîle que paraisse au premier aspect la solution de ce problème, je ne laisse pas d'être persuadé qu'elle est très-possible : de quelque bizarrerie qu'on accuse l'usage, ce prétendu tyran des langues, j'ai reconnu dans un si grand nombre de ses décisions, taxées trop légèrement d'irrégularité, l'empreinte d'une raison éclairée, fine, et en quelque sorte infaillible, que je ne puis croire le système des prépositions aussi inconséquent qu'on l'imagine dans notre langue, et qu'il le serait en effet dans toutes, si la manière commune d'envisager les choses est conforme à la droite raison. En tout cas, il est certain que si la réduction que je propose était exécutée, la syntaxe de cette partie d'oraison, qui a dans tous les idiomes de grandes difficultés, deviendrait très-simple et très-facîle ; les connaisseurs doivent le sentir, et conséquemment entrer dans mes vues de tout leur pouvoir.

A quoi reconnoit-on, par exemple, que vers est préposition de lieu dans cette phrase, aller vers la citadelle ; de temps dans celle-ci, il est mort vers midi ; de terme dans cette troisième, se tourner vers Dieu ? Disons-le de bonne foi : ces différentes significations ne sont point dans le mot vers : les rapports sont compris dans la signification des termes antécédents, et c'est l'ordre ; les termes conséquents de ces rapports sont les compléments de la préposition ; et la préposition ne fait qu'indiquer que son complément est le terme conséquent du rapport renfermé dans la signification du terme antécédent. Nous disons rapport de temps, quand le complément est un nom de temps ; rapport de lieu, quand c'est un nom de lieu, etc. Dans le fait, vers indique un rapport d'approximation, et l'approximation se mesure ou par la durée, ou par l'espace, ou par l'inclination de la volonté. Ce que je dis ici sur vers est un essai pour développer ma pensée, et pour diriger les vues des Grammairiens sur les autres prépositions.

2°. Ce n'est pas au reste que je prétende faire abandonner la considération des idées qui peuvent être communes à plusieurs prépositions, et de celles qui les différencient entr'elles. Il me semble au contraire que ce que je propose a pour but de généraliser encore plus les idées communes : et je crois qu'il ne peut être que très-avantageux pour cette fin, de comparer entr'elle et les prépositions synonymes, et de les groupper en autant d'articles dans le traité général.

Le P. Bouhours a comparé sous cet aspect à et dans. Rem. nouv. t. I. pag. 113. et 433.

Le même écrivain (Ibid. p. 67.) a discuté la synonymie des deux prépositions en et dans. M. l'abbé Girard a traité le même sujet dans ses synonymes français, 3. édit. p. 123.

Contre, malgré, nonobstant ont un fond commun et des différences caractéristiques, que ce même académicien expose avec netteté dans ses vrai princip. t. II. p. 193. et il approfondit encore davantage les différences de contre et de malgré, dans son livre des synonymes, p. 115. M. l'abbé Regnier en a aussi touché quelque chose. p. 626. in-12. p. 658. in-4 °.

M. l'abbé Girard, syn. p. 39. a comparé les synonymes avant et devant, sur quoi l'on peut voir ce que M. du Marsais y a ajouté dans l'Encyclopédie, art. AVANT, et ce qu'en a dit M. l'abbé Regnier, in-12. p. 585. et in-4. p. 617. Les prépositions opposées après et derrière sont analogues, et les différences en sont à-peu-près les mêmes.

On trouvera dans les vrais principes, p. 190. et dans la grammaire de l'abbé Regnier, in-12. p. 607. in-4. p. 639. en quoi conviennent et en quoi diffèrent les deux prépositions synonymes durant et pendant. Il serait bon d'examiner aussi jusqu'à quel point de peut être synonyme de ces mots quand on dit, par exemple, de jour, de nuit.

On lira aussi dans les vrais principes de l'abbé Girard, tom. II. pag. 189. ce qu'il a écrit sur les synonymes selon et suivant ; et p. 192. ce qu'il a dit d'excepté, hormis et hors.

Cet écrivain doit servir de modèle à ceux qui voudront tenter la comparaison et l'explication des autres prépositions synonymes, telles que attenant, joignant, contre ; après et depuis ; avec, moyennant, et par ; attendu et Ve ; entre et parmi ; envers et pour ; sur, touchant, concernant, et de, &c.

Il ne peut être que très-utîle aussi d'insister sur les prépositions opposées, comme avant et après, deçà et de-là, devant et derrière, sans et avec, sous et sur, pour et contre, etc. L'opposition suppose toujours un fonds commun ; et rien n'est plus propre à faire bien sortir les différences des synonymes, que celles de leurs opposés.

3°. M. du Marsais (au mot ACCIDENT) avance que les prépositions sont toutes primitives et simples. C'est une erreur évidente. Concernant, durant, joignant, moyennant, pendant, suivant, touchant, sont originairement des gérondifs : concernant de concerner ; durant de durer ; joignant de joindre ; moyennant de moyenner ; pendant de pendre, pris dans le sens de durer ou de n'être pas terminé, comme quand on dit un procès pendant au parlement ; suivant du verbe suivre pris dans le sens d'obéir, comme quand on dit, je suivrai vos ordres ; touchant du verbe toucher : attendu, excepté, vu, sont dans l'origine les supins des verbes attendre, excepter, voir. Voilà donc des prépositions dérivées ; en voici de composées. Attenant (tenant à), de ad et de tenir ; hormis, qui s'écrivait il n'y a pas longtemps horsmis, est composé de la préposition simple hors et du supin mis du verbe mettre ; malgré vient de mal pour mauvais et de gré ; nonobstant des deux mots latins non obstants. Sur quoi il est bon d'observer que ces prépositions composées le sont dans un autre sens que celui dont j'ai parlé plus haut ; chacune d'elles n'est qu'un mot, mais ce mot résulte de l'union de plusieurs radicaux.

4°. " L'usage, dit M. l'abbé Girard, tom. II. pag. 242. a accordé à quelques prépositions la permission d'en régir d'autres en certaines occasions ; c'est-à-dire de les souffrir dans les compléments dont elles indiquent le rapport ; de façon qu'il se trouve alors un rapport particulier compris dans le général : celui-ci est énoncé par la préposition, qui est la première en place ; celui-là par la préposition qui ne marche qu'en second, et qui par conséquent se trouve conjointement avec son propre complément sous le régime de la première. Cette permission, ajoute-t-il, n'est accordée qu'à ces quatre, de, pour, excepté, hors. Leur droit ne s'étend pas même sur toutes les prépositions indifféremment, mais seulement sur quelques-unes d'elles... De peut régir ces six, entre, après, chez, avec, en et par... Pour ne saurait avoir droit que sur ces cinq, après, dans, devant, à, et derrière... Excepté et hors admettent dans leur complément et sous leur régime dix-neuf des autres prépositions ; savoir, chez, dans, sous, sus, devant, derrière, parmi, vers, avant, après, entre, depuis, avec, par, devant, pendant, à, de, et en ".

Premièrement, de, pour me servir des termes de l'auteur, et pour parler conformément à son hypothèse, que j'examinerai plus bas, peut régir encore neuf autres prépositions ; savoir, derrière, dessous, dessus, devant, devers, delà, deçà, dedans, dehors ; comme on le voit dans ces phrases : il sortit de derrière l'autel, de dessous la table, de dessus la voute ; disparaissez de devant moi ; il revient de devers les princes d'Allemagne, de delà les Alpes ; ils ont été repoussés de deçà le Rhin ; je viens de dehors la ville, de dedans le jardin.

En second lieu, pour a encore droit sur avant, chez, de, deçà, delà, dessous, dessus, et l'on dit très-communément : le sermon est pour avant vêpres ; ces meubles sont pour chez moi ; on en peut avoir pour de l'argent ; cette division est pour deçà la Meuse, et l'autre pour delà le Rhin ; cette poêle est pour dessous la table ; ces fleurs sont pour dessus la fenêtre.

En troisième lieu, excepté et hors admettent dans leur complément et sous leur régime bien d'autres prépositions que celles dont parle l'académicien. Ils se sont tous déclarés contre les philosophes excepté contre Platon ; les ministres sages s'intéressent pour les gens de lettres, excepté pour ceux qui déshonorent leur état par leurs écarts, &c.

En quatrième lieu, il y a d'autres prépositions que les quatre citées par l'abbé Girard, auxquelles il est permis par l'usage d'avoir d'autres prépositions dans leur complément. Et d'abord il est évident que la préposition de se trouve très-fréquemment, non-seulement après à, comme l'a remarqué M. l'abbé Froment, supplément au ch. XIe de la II. part. de la Gram. gén. mais encore après un grand nombre d'autres. On dit, se livrer à de faux amis ; après de si bons avis ; avec de bon vin ; chez de bonnes gens ; on ne tient pas contre de telles avances ; dans de l'eau ; derrière de la paille ; devant de bons juges ; jeter de la défiance entre des amis, envers des étrangers ; malgré de si grands obstacles ; moyennant de l'argent ; prouver par des faits ; sans de bons appuis ; selon des témoignages respectables ; sous de belles apparences ; suivant des principes dangereux ; sur de bons garants ; touchant des affaires sérieuses ; vers des jardins spacieux, etc. D'ailleurs la préposition par est assez souvent suivie d'une autre, et l'on dit fort bien, j'ai passé par chez vous, par-dessus tout cela, par-dessous la jambe, par-dedans la ville, par-dehors l'enceinte. Ajoutez que l'on pouvait remarquer jusqu'à trois prépositions consécutives et subordonnées les unes aux autres : par devers chez vous, pardessus de bons titres, en deçà de la rivière : et ne pourrait-on pas en accumuler jusqu'à quatre, et dire dans quelques occurrences, pour en-deçà de la rivière ?

5°. J'ai prouvé dès le commencement que toute préposition a nécessairement pour complément un nom, un pronom, ou un infinitif ; et que la préposition avec son complément, forme un complément total déterminatif d'un nom appelatif, d'un adjectif, d'un verbe ou d'un adverbe. C'est donc présenter à l'esprit des idées fausses, que de dire, comme M. l'abbé Girard " que l'usage a accordé à quelques prépositions la permission d'en régir d'autres en certaines occasions ". Dans les exemples allégués par cet académicien, et dans ceux que j'y ai ajoutés, il y a nécessairement ellipse entre les prépositions consécutives ; et si l'on veut rendre une raison analytique de la phrase, il faut suppléer entre deux le terme qui doit servir tout-à-la-fais de complément à la première préposition, et d'antécédent à la seconde. Ainsi de par le roi, signifie par exemple, de l'ordre donné par le roi ; il sortit de derrière l'autel, c'est-à-dire de l'espace situé derrière l'autel ; ces fleurs sont pour dessus la fenêtre, c'est-à-dire pour être placées dessus la fenêtre, ou sur la fenêtre, &c.

S'il y a de suite plus de deux prépositions, il faut également suppléer les compléments intermédiaires : cette garde est pour en-deçà de la rivière, c'est-à-dire cette garde est destinée pour servir en un poste situé deçà le lit de la rivière.

On voit dans cette dernière phrase ramenée à la plénitude analytique, que l'adjectif destinée est le terme antécédent de pour ; que l'infinitif servir est le complément grammatical de pour et l'antécédent de en ; que un poste est le complément grammatical de en ; que l'adjectif situé est l'antécédent de deçà ; et que le lit, qui est le complément grammatical de deçà, est en même temps l'antécédent du de qui vient après. Reprenons le tout synthétiquement : la rivière est le complément total de la préposition de ; de la rivière est le complément déterminatif total du nom appelatif lit ; le lit de la rivière est le complément logique de deçà ; deçà le lit de la rivière est la totalité du complément déterminatif de l'adjectif situé ; situé deçà le lit de la rivière est le complément déterminatif logique du nom appelatif poste ; un poste situé deçà le lit de la rivière est le complément logique de la préposition en ; en un poste situé deçà le lit de la rivière est la totalité du complément déterminatif du verbe servir ; servir en un poste situé deçà le lit de la rivière est le complément logique de la préposition pour ; enfin, pour servir en un poste situé deçà le lit de la rivière, est la totalité du complément déterminatif de l'adjectif destinée.

Il y a particulièrement ellipse dans les phrases où une préposition est suivie immédiatement d'un que : par exemple, après qu'il fut parti, depuis que le monde existe, attendu que vous le voulez, dès que le soleil parait, moyennant que vous donniez caution, malgré qu'il en ait, nonobstant que je l'en eusse prié, outre que je l'ai lu, pendant qu'on y pense, sans qu'il s'y opposât, selon que vous voudrez, suivant que vous le souhaitez, Ve qu'il n'est pas possible ; c'est-à-dire après le moment qu'il fut parti, depuis le temps que le monde existe, attendu la raison que vous le voulez, dès l'instant que le soleil parait, moyennant la condition que vous donniez caution, malgré le dépit qu'il en ait, nonobstant ce que je l'en eusse prié, outre ce que je l'ai lu, pendant le temps qu'on y pense, sans ce qu'il s'y opposât, selon ce que vous voudrez, suivant ce que vous le souhaitez, Ve la raison qu'il n'est pas possible.

On ne tournera pas apparemment en objection contre cette doctrine des ellipses, la longueur, le ridicule, ou si l'on veut, l'espèce de barbarisme qu'introduirait dans la phrase la plénitude analytique. L'usage n'a autorisé ces ellipses que pour donner en effet plus de vivacité à l'élocution ; et il est constant qu'on ne peut les suppléer sans jeter dans la phrase une langueur d'autant plus insupportable, que l'on est accoutumé à l'énergique briéveté de la phrase usuelle ; la plénitude analytique présente un tour insolite qui sent le barbarisme, et qui en serait un réel si l'on prétendait parler de la sorte. Mais ces tours analytiques ne sont point proposés ici comme des modèles à suivre dans l'usage ; ce sont des développements pour rendre raison du véritable esprit de l'usage, et non pour en altérer les décisions.

6°. " Quoiqu'on puisse mettre quelquefois en et dans indifféremment devant un mot, dit le P. Bouhours (Rem. nouv. tom. I. pag. 73.) ; s'il y a plusieurs mots semblables dans la même période, et que ce soit le même sens, le même ordre et la même suite de discours, ayant mis dans au premier mot, il ne faut pas mettre en au second : l'uniformité demande que dans règne par-tout... C'est au Dieu fidèle dans ses promesses : inépuisable dans ses bienfaits, juste dans ses jugements.... J'ai dit quand c'est le même ordre et le même sens ; car autrement on peut varier, et on doit le faire en certains endroits. Il passa un jour et une nuit entière en une si profonde méditation, qu'il se tint toujours dans une même posture.

C'est une négligence vicieuse, dit-il ailleurs (ib. p. 177.), de mettre deux avec qui se suivent et qui ont des rapports différents, dont l'un regarde la personne et l'autre la chose. Par exemple, elle vécut avec lui, avec la même bonté qu'elle avait accoutumé... J'ai dit quand ils se suivent, car quand ils ne sont pas si près l'un de l'autre ; cela choque moins, parce que cela se sent moins.... On voit bien que ce prédicateur n'a guère de familiarité avec les pères, puisqu'il les traite avec tant de cérémonie... Pour moi, j'avoue que deux avec bien qu'un peu éloignés, ne me plaisent point dans une même période, quand ils ont divers rapports ; je dis quand ils ont divers rapports ; car si l'un et l'autre se rapportent ou à la personne ou à la chose, bien loin que ce soit un défaut, c'est quelquefois une beauté.

C'est une négligence vicieuse, dit encore le même auteur (pag. 461.), d'entasser dans le discours plusieurs comme les uns sur les autres, quand ils ne sont pas dans le même ordre. Exemple : Ne considérons plus la mort comme des payens, mais comme des chrétiens ; c'est-à-dire avec l'espérance, comme saint Paul l'ordonne.... Les deux premiers comme sont dans le même ordre, et n'ont rien d'irrégulier ni de choquant ; mais le troisième est pour ainsi dire, d'une autre espèce, et fait un effet desagréable... On pourrait mettre ainsi que au lieu de comme : ainsi que saint Paul l'ordonne. "

Toutes ces remarques séparées et fort éloignées les unes des autres dans le P. Bouhours, ont pourtant un lien commun, qu'il n'a pas assez nettement fait sentir. Ce sont des suites d'une même règle générale fondée sur une raison très-plausible. La voici :

On ne doit pas employer dans une même proposition, avec des compléments de différente espèce ou dans des sens différents, un même mot qui annonce vaguement quelque rapport. C'est que l'esprit ayant été déterminé par le premier complément à prendre ce mot dans un certain sens, est choqué de le trouver tout de suite employé dans un autre, quoiqu'il s'agisse encore de l'expression de la même pensée individuelle. C'est dans l'élocution un vice à-peu-près semblable à celui où l'on tomberait dans le raisonnement, si l'on donnait à un terme dans la conclusion, un autre sens qu'il n'a dans les prémisses ; d'ailleurs cette disparate ne peut que nuire à la clarté de la proposition, parce qu'elle fait sur l'esprit une impression desagréable, dont l'effet immanquable est de le distraire.

Dans deux propositions qui se suivent, et dont l'une n'est pas subordonnée à l'autre, la raison de la règle n'existant plus, il n'y a plus de nécessité de s'y assujettir ; et c'est pour cela qu'on ne peut improuver l'exemple rapporté par le P. Bouhours : On voit bien que ce prédicateur n'a guère de familiarité avec les Peres (première proposition), puisqu'il les traite avec tant de cérémonie (seconde proposition). La marche de l'une est indépendante de celle de l'autre.

Toutes les prépositions désignent un rapport vague qui n'est bien déterminé que par l'application qu'on en fait à deux termes, l'un antécédent et l'autre conséquent. C'est précisément pour cette raison que j'ai cru devoir établir ici cette règle générale de Grammaire. Mais les conjonctions de comparaison, telles que comme, et les expressions adverbiales qui ont la même signification, de même que, aussi-bien que, de la manière que, etc. sont encore dans le même cas, parce qu'elles désignent des rapports généraux. Notre on doit suivre la même règle, parce qu'il est vaguement relatif à des personnes qui ne sont déterminées que par le sens du discours ; et c'est là le fondement de la remarque du P. Bouhours sur ce mot (pag. 240.), où il dit : " Ce n'est pas écrire nettement que de mettre ainsi deux on qui ne se rapportent pas à la même personne ". C'est à la suite de cette phrase : On peut à-peu-près tirer le même avantage d'un livre... où on a gravé ce qui nous reste des antiquités de, etc. (E. R. M. B.)