S. f. (Histoire ecclésiastique et Jurisprudence) dans le sens grammatical et littéral, est l'action de couper les cheveux, et de raser la tête.

Dans un sens abstrait, la tonsure est la privation entière des cheveux, ou une certaine place dessus la tête dont on a rasé les cheveux en rond.

La tonsure totale a toujours été regardée comme une marque d'infamie, tellement qu'en France anciennement lorsqu'on voulait déclarer un prince incapable de porter la couronne, on le faisait tondre et raser.



Chez les Romains une des peines de la femme convaincue d'adultère, était d'être enfermée dans un monastère après avoir été tondue ; ce qui s'observe encore parmi nous.

La tonsure prise littéralement en matière ecclésiastique, est une couronne cléricale que l'on fait derrière la tête aux ecclésiastiques en rasant les cheveux de cette place en forme orbiculaire.

Tous les ecclésiastiques séculiers et réguliers doivent porter la tonsure ; c'est la marque de leur état ; celle des simples clercs, qu'on appelle clercs à simple tonsure, c'est-à-dire, qui n'ont d'autre caractère de l'état ecclésiastique que la tonsure, est la plus petite de toutes. A mesure que l'ecclésiastique avance dans les ordres, on fait sa tonsure plus grande ; celle des prêtres est la plus grande de toutes ; si l'on en excepte les religieux, dont les uns ont la tête entièrement rasée ; d'autres ont une simple couronne de cheveux plus ou moins large.

La simple tonsure que l'on donne à ceux qui entrent dans l'état ecclésiastique n'est point un ordre, mais une préparation pour les ordres, et pour ainsi dire, un signe de la prise d'habit ecclésiastique ; l'évêque coupe un peu de cheveux avec des ciseaux à celui qui se présente pour être reçu dans l'état ecclésiastique, et le nouveau clerc récite pendant cette cérémonie ces paroles de David : Seigneur, vous êtes ma portion, c'est vous qui me rendrez mon héritage. Ensuite l'évêque met au clerc le surplis en priant le Seigneur de revêtir du nouvel homme celui qui vient de recevoir la tonsure.

Quelques-uns prétendent que l'on coupe les cheveux aux ecclésiastiques en signe d'adoption ; parce qu'en effet anciennement quand on adoptait quelqu'un, on lui coupait un flocon de cheveux ; ce que l'on pratiquait encore du temps de Charles Martel, lequel envoya Pépin son fils à Luitprand roi des Lombards, pour l'adopter, en lui coupant un flocon de ses cheveux, comme c'était la coutume alors.

D'autres disent que c'est en signe de sujétion et de soumission à l'Eglise, et à l'instar de ce qui s'observait de la part des sujets, lesquels pour marque de soumission envers leur prince, étaient obligés de porter leurs cheveux courts, les princes ayant seuls le droit de les porter longs pour marque de leur dignité.

D'autres encore prétendent que la tonsure a été instituée pour honorer l'affront que ceux d'Antioche voulurent faire à S. Pierre en lui coupant les cheveux, ou bien que cette coutume fut empruntée des Nazaréens qui se faisaient raser la tête, ou que cela fut ainsi établi par les apôtres, et notamment par S. Pierre, qui donna le premier exemple de se raser la tête, en mémoire de la couronne d'épine de Notre-Seigneur.

Selon quelques-uns, l'usage de tonsurer les clercs commença vers l'an 80.

Un auteur du VIIIe siècle, suivi par Baronius, rapporte un decret de l'an 108, qu'il attribue au pape Anicet, qui ordonne aux clercs de couper leurs cheveux en forme de sphère, suivant le précepte de S. Paul, qui ne permet qu'aux femmes de laisser croitre leurs cheveux pour leur ornement.

Ce qui est de certain, c'est que cet usage est fort ancien dans l'Eglise ; le concîle de Carthage tenu en 398, peut l'avoir eu en vue, en défendant aux ecclésiastiques de nourrir leurs cheveux.

Cependant M. de Fleury, en son institution au droit ecclésiastique, dit que dans les premiers siècles de l'Eglise il n'y avait aucune distinction entre les clercs et les laïcs quant aux cheveux ni à l'habit, et à tout l'extérieur : que c'eut été s'exposer sans besoin à la persécution, qui était toujours plus cruelle contre les clercs que contre les simples fidèles.

Il ajoute que la liberté de l'Eglise n'apporta point de changement à cet égard, et que plus de 100 ans après, c'est-à-dire l'an 428, le pape S. Célestin témoigne que les évêques même n'avaient rien dans leur habit qui les distinguât du peuple.

Tous les chrétiens latins portaient, suivant M. de Fleury, l'habit ordinaire des Romains qui était long, avec les cheveux fort courts et la barbe rase ; les Barbares qui ruinèrent l'empire, avaient au contraire des habits courts et serrés et les cheveux longs, et quelques-uns de grandes barbes.

Les Romains avaient ces peuples en horreur ; et comme alors tous les clercs étaient romains, ils conservèrent soigneusement leur habit, qui devint l'habit clérical ; en sorte que quand les Francs et les autres barbares furent devenus chrétiens, ceux qui embrassaient l'état ecclésiastique faisaient couper leurs cheveux, et prenaient des habits longs.

Vers le même temps, plusieurs évêques et les autres clercs, prirent l'habit que les moines portaient alors, comme étant plus conforme à la modestie chrétienne ; et de-là vient, à ce que l'on croit, dit M. de Fleury, la couronne cléricale, parce qu'il y avait des moines qui par esprit d'humilité se rasaient le devant de la tête pour se rendre méprisables.

Quoi qu'il en sait, la couronne cléricale était déjà en usage vers l'an 500, comme le témoigne Grégoire de Tours.

Dans les cinq premiers siècles où la tonsure fut pratiquée, on ne la conférait qu'avec les premiers ordres ; ce ne fut que vers la fin du VIe siècle, que l'on commença à la conférer séparément, et avant les ordres.

L'évêque est le seul qui puisse donner la tonsure à ses diocésains séculiers et réguliers ; quelques-uns ont avancé que depuis S. Germain évêque d'Auxerre, qui vivait dans le Ve siècle, les évêques conféraient seuls la tonsure.

Mais il est certain que les abbés prétendent aussi avoir le droit de la donner à leurs religieux ; on trouve quelques canons qui autorisent leur prétention, entre autres, le ch. abbates, qui est du pape Alexandre IV. et est rapporté dans le texte, tit. de privilegiis. Mais s'ils ont joui autrefois en France de ce droit, on peut dire qu'ils l'ont perdu par prescription ; les évêques de France s'étant maintenus dans le droit de conférer seuls la tonsure, même aux réguliers.

Pour recevoir la tonsure, il faut avoir été confirmé ; il faut aussi être instruit au-moins des vérités les plus nécessaires au salut ; il faut aussi savoir lire et écrire.

Le concîle de Narbonne en 1551, ne demande que l'âge de sept ans pour la tonsure ; celui de Bordeaux en 1624, exige 12 ans ; dans plusieurs diocèses bien réglés, il est défendu de la recevoir avant 14 ans ; mais à quelque âge que ce sait, il faut que celui qui se présente pour être tonsuré, paraisse le faire dans la vue de servir Dieu plus particulièrement, et non par aucune vue temporelle, comme pour avoir des bénéfices.

On appelle bénéfices à simple tonsure, ceux que l'on peut posséder sans avoir d'autre qualité que celle de clerc tonsuré. Voyez M. de Fleury, M. d'Héricourt, la Combe, et les Mémoires du Clergé. (A)