S. m. (Architecture navale) espèce de chaloupe ou de bâtiment des Indiens des îles des Larrons. Ces pros qui sont les seuls vaisseaux dont ils se servent depuis des siècles, sont d'une invention qui ferait honneur aux nations les plus civilisées. On ne peut rien imaginer de plus convenable que ces pros, pour la navigation de ces iles, qui gissent toutes à-peu-près sous le même méridien entre les limites des vents alisés, et où par conséquent, pour passer de l'une à l'autre, il fallait des bâtiments propres surtout à recevoir le vent de côté. Ceux-ci répondent parfaitement à cette vue ; outre cela la structure en est si simple, et ils sont d'une vitesse si extraordinaire, qu'ils méritent bien qu'on en fasse une description particulière, d'autant plus que ceux qui en ont déjà parlé, n'en ont pas donné une idée assez exacte ; c'est à quoi je vais suppléer par les lumières du lord amiral Anson, tant pour contenter la curiosité du lecteur, que dans l'espérance que ceux qui sont employés à la construction de nos vaisseaux, et nos marins, en tireront quelqu'utilité. Qui pouvait mieux nous éclairer sur cette matière que le célèbre amiral que je viens de nommer ? Un de ces bâtiments tomba entre ses mains à son arrivée à Tinian. L'architecte de son escadre le débâtit, afin d'en examiner et mesurer toutes les pièces ; ainsi on peut regarder la description suivante, non-seulement comme très-exacte, mais comme la seule bonne.
Ces bâtiments sont nommés pros, à quoi on ajoute souvent l'épithète de volant, pour marquer l'extrême vitesse de leur cours. Les Espagnols en racontent des choses incroyables, pour quiconque n'a jamais Ve voguer ces vaisseaux ; mais ils ne sont pas seuls témoins de faits extraordinaires à cet égard ; ceux qui voudront en avoir quelques-uns bien averés peuvent s'en informer à Portsmouth, où l'on a fait des expériences sur la vitesse de ces bâtiments, avec un pros assez imparfait qu'on avait construit dans ce port. Au défaut de ces informations, il suffit de savoir que suivant l'estime des marins, qui joints à mylord Anson, les ont observés à Tinian, tandis qu'ils voguaient avec un vent alisé frais, ils faisaient vingt milles en une heure. Cela n'approche pas de ce que les Espagnols en racontent, mais c'est cependant une très-grande vitesse.
La construction de ces pros est différente de ce qui se pratique dans tout le reste du monde en fait de bâtiment de mer ; tous les autres vaisseaux ont la prouè différente de la poupe, et les deux côtés semblables ; les pros, au contraire, ont la prouè semblable à la poupe, et les deux côtés différents : celui qui doit être toujours au lof est plat ; et celui qui doit être sous le vent est courbe, comme dans tous les autres vaisseaux.
Cette figure et le peu de largeur de ces bâtiments les rendrait fort sujets à sombrer sous voiles sans une façon fort extraordinaire qu'on y ajoute ; c'est une espèce de cadre, ajustée au côté qui est sous le vent, et qui soutient une poutre creusée, et taillée en forme de petit canot ; le poids de ce cadre sert à tenir le pros en équilibre, et le petit canot qui est au bout, et qui plonge dans l'eau, soutient le pros, et l'empêche de sombrer sous voile. Le corps du pros, au-moins de celui que mylord Anson a examiné, est composé de deux pièces, qui s'ajustent suivant la longueur, et qui sont cousues ensemble avec de l'écorce d'arbre ; car il n'entre aucun fer dans cette construction. Le pros a deux pouces d'épaisseur vers le fond ; ce qui Ve en diminuant jusques aux bords, qui ne sont épais que d'un pouce. Les dimensions de chaque partie se concevront aisément à l'aide de la planche que mylord Anson en a fait graver dans son voyage qui est si connu, et où tout est exactement rapporté à la même échelle. (D.J.)