(Histoire des Arts et Littérature) le hasard père de tant de découvertes, l'a été vraisemblablement de celle du verre, matière dure, fragile, transparente, lisse, incorruptible, et qu'aucune substance ne peut altérer. Le feu seul auquel elle doit sa naissance, pourrait avoir des droits sur elle ; il a au-moins le pouvoir de lui faire changer de forme, comme il a eu celui de la préparer par la fusion de sable, de pierres vitrifiables et de sel alkali.

Ce corps singulier, si l'on en croit le conte de Pline, se forma pour la première fois de lui-même en Egypte. Des marchands qui traversaient la Phénicie, allumèrent du feu sur les bords du fleuve Bélus pour faire cuire leurs aliments. La nécessité de former un appui pour élever leurs trépiés, leur fit prendre au défaut de pierres, des mottes de natrum mêlées de sable, qu'ils trouvèrent sur le rivage. La violence de la chaleur que ce mélange éprouva, le vitrifia bientôt, et le fit couler comme un ruisseau enflammé ; mais ce flot brillant et écumeux ayant pris en se refroidissant une forme solide et diaphane, indiqua déjà 1000 ans avant la naissance de J. C. la manière grossière de faire le verre, qu'on a depuis si singulièrement perfectionnée.



Josephe, l. II. c. ix. de la guerre des Juifs, raconte des choses merveilleuses du sable de ce fleuve Bélus dont parle Pline. Il dit que dans le voisinage de cette rivière, il se trouve une espèce de vallée de figure ronde, d'où l'on tire du sable qui est inépuisable pour faire du verre, et que si l'on met du métal dans cet endroit, le métal se change sur le champ en verre. Tacite, liv. V. de ses histoires, rapporte la chose plus simplement. " Le Bélus, dit-il, se jette dans la mer de Judée ; l'on se sert du sable qui se trouve à son embouchure pour faire du verre, parce qu'il est mêlé de nitre, et l'endroit d'où on le tire quoique petit, en fournit toujours ". Apparemment que le vent reportait sans cesse dans cette vallée le sable qui se trouvait sur les hauteurs voisines.

Quelques auteurs prétendent qu'il est parlé du verre dans le livre de Job, ch. xxviij. vers. 17. où la sagesse est comparée aux choses les plus précieuses, et où il est dit, selon la vulgate, l'or et le verre ne l'égalent point en valeur. Mais c'est S. Jérôme qui a le premier jugé à propos de traduire par verre, vitrum, le mot de l'original qui veut dire seulement tout ce qui est beau et transparent. Plusieurs versions ont traduit ce terme par diamant, d'autres par bérille, d'autres par hyacinthe, et d'autres par crystal : chacun a imaginé ce qu'il connaissait de plus beau dans la nature pour le joindre à l'or. Mais comme il n'est point parlé de verre dans aucun autre endroit de l'ancien Testament, tandis qu'il en est souvent parlé dans le nouveau, comme dans les épitres de S. Paul, de S. Jacques, et dans l'apocalypse, il est vraisemblable que les anciens écrivains sacrés ne connaissaient point cette matière, qui leur eut fourni tant de comparaisons et d'allégories.

Selon d'autres savants, Aristophane a fait mention du verre par le mot grec , qu'on trouve, act. II. sc. j. de ses Nuées. Il introduit sur la scène Sthrepsiade qui se moque de Socrate, et enseigne une méthode nouvelle de payer de vieilles dettes ; c'est de mettre entre le soleil et le billet de créance, une belle pierre transparente que vendaient les droguistes, et d'effacer par ce moyen les lettres du billet. Le poète appelle cette pierre , que nous avons traduit par le mot verre ; mais ce mot ne se trouve point pris dans ce sens par Hesychius. On entendait jadis par ce terme le crystal ; et c'est en ce sens que le scholiaste d'Aristophane le prenait : le même mot désignait aussi une espèce d'ambre jaune et transparent.

Aristote propose deux problèmes à résoudre sur le verre. Dans le premier, il demande quelle est la cause de la transparence du verre ; et dans le second, pourquoi on ne peut pas le plier. Ces deux problèmes d'Aristote, s'ils sont de lui, seraient les monuments les plus anciens de l'existence du verre ; car si cette substance eut été connue avant le temps d'Aristote, elle eut donné trop de matière à l'imagination des poètes ou orateurs grecs, pour qu'ils eussent négligé d'en faire usage.

Lucrèce est le premier des poètes latins qui ait parlé du verre, et de sa transparence. Il dit, liv. IV. vers. 602.

Nisi recta foramina tranant

Qualia sunt vitri.

Et liv. VI. vers. 98.

Atque aliud per ligna, aliud transire per aurum,

Argentoque foras, aliud vitro que meare.

Pline, l. XXXVI. c. xxvj. prétend que Sidon est la première ville qui ait été fameuse par sa verrerie ; que c'est sous Tibere qu'on commença à faire du verre à Rome, et qu'un homme fut mis à mort pour avoir trouvé le secret de rendre le verre malléable ; mais ce dernier fait est une chimère que la saine physique dément absolument. Qu'on ne m'oppose point en faveur de la malléabilité du verre, les témoignages de Pétrone, de Dion Cassius et d'Isidore de Séville, car ils n'ont fait que copier l'historien romain, en ajoutant même à son récit des circonstances de leur invention. Il ne faut donc les regarder que comme les échos de Pline, qui plus sage qu'eux, avoue lui-même que l'histoire qu'il rapporte avait plus de cours que de fondement. Peut-être que son verre flexible et malléable était de la lune cornée, qui quelquefois prend l'oeil d'un beau verre jaunâtre, et devient capable d'être travaillée au marteau.

Ce qu'il y a de certain, c'est que la Chimie n'a point fait de découverte depuis celle des métaux, plus merveilleuse et plus utîle que la découverte du verre. Quels avantages n'en a-t-elle pas retirés ? C'est le verre, dit très-bien le traducteur de Shaw, qui a fourni à cet art les instruments qui lui ont donné les moyens d'extraire, de décomposer et de récomposer des substances qui, sans ce secours, fussent restées inconnues faute de vaisseaux où l'on put exécuter les opérations. Les vaisseaux de terre et de grès ne sauraient même suppléer à ceux de verre dans plusieurs circonstances, parce que les premiers se fendent très-aisément lorsqu'ils sont exposés à une chaleur considérable ; au lieu que les vaisseaux de verre sont moins sujets à cet inconvénient, pourvu qu'on ait soin de ne donner le feu que par degrés. Le pouvoir qu'ont les acides de dissoudre presque tous les corps métalliques, eut donc restreint la Chimie dans des bornes trop étroites. La connaissance du verre a étendu ses limites, en fournissant de nouveaux moyens mécaniques pour multiplier les objets de ses recherches.

De tous les ouvrages de verre nous n'en connaissons que trois dont l'antiquité fasse mention, je parle d'ouvrages publics, et d'ouvrages si considérables qu'on a de la peine à y ajouter foi.

Scaurus, dit Pline, fit faire pendant son édilité un théâtre, dont la scène était composée de trois ordres. Le premier était de marbre ; celui du milieu était de verre, espèce de luxe que l'on n'a pas renouvellé depuis ; et l'ordre le plus élevé était de bois doré.

Le second monument public de verre est tiré du VII. liv. des Récognitions de Clément d'Alexandrie, où on lit que S. Pierre ayant été prié de se transporter dans un temple de l'île d'Aradus, pour y voir un ouvrage digne d'admiration (c'était des colonnes de verre d'une grandeur et d'une grosseur extraordinaire), ce prince des apôtres y alla accompagné de ses disciples, et admira la beauté de ces colonnes, préférablement à d'excellentes statues de Phidias dont le temple était orné.

Le troisième ouvrage de verre célèbre dans l'antiquité, était l'admirable sphère ou globe céleste, inventé par Archimède, et dont Claudien a fait l'éloge dans l'épigramme suivante qui est fort jolie.

Jupiter in parvo cum cerneret oethera vitro,

Risit, et ad superos talia dicta dedit.

Huccine mortalis progressa potentia curae ?

Jam meus in fragili luditur orbe labor.

Jura poli, rerumque fidem legemque virorum

Ecce Syracusius transtulit arte senex.

Inclusus variis famulatur spiritus astris

Et vivum certis motibus urget opus.

Percurrit proprium mentitus signifer annum,

Et simulata novo Cynthia mense redit.

Jamque suum volvens audax industria mundum,

Gaudet, et humanâ sidera mente regit.

Quid falso insontem tonitru Salmonea miror ?

Aemula naturae parva reperta manus.

La ville de Sidon inventa l'art de faire des verres noirs à l'imitation du jayet ; les Romains en incrustaient les murs de leurs chambres, afin, dit Pline, de tromper ceux qui y venaient pour s'y mirer, et qui étaient tout étonnés de n'y voir qu'une ombre.

Le même historien nous apprend que sous l'empire de Néron, on commença à faire des vases et des coupes de verre blanc transparent, et imitant parfaitement le crystal de roche ; ces vases se tiraient de la ville d'Alexandrie, et étaient d'un prix immense.

Enfin nous apprenons du même Pline, que les anciens ont eu le secret de peindre le verre de différentes couleurs, et de l'employer à imiter la plupart des pierres précieuses.

Mais plusieurs siècles se sont écoulés avant que le verre ait atteint ce degré de perfection auquel il est aujourd'hui parvenu. C'est la Chimie qui a soumis sa composition et sa fusion à des règles certaines ; sans parler des formes sans nombre qu'elle a su lui donner, et qui l'ont rendu propre aux divers besoins de la vie. Combien n'a-t-elle pas augmenté sa valeur et son éclat par la variété des couleurs dont elle a trouvé le secret de l'enrichir, à l'aide des métaux auxquels on juge à propos de l'allier ? Combien d'utiles instruments de Physique ne fait-on pas avec le verre ? Tantôt en lui donnant une forme convexe, cette substance devient propre à remédier à l'affoiblissement d'un de nos organes les plus chers ; d'autres fois l'art porte ses vues sur des sujets plus vastes et nous fait lire dans les cieux. Lui donne-t-on une forme concave ? le feu céleste se soumet à sa loi, il lui transmet son pouvoir dans sa plus grande force, et les métaux entrent en fusion à son foyer. Veut-on imiter la nature dans ses productions les plus cachées, le verre fournit des corps qui à la dureté près, ne cedent en rien à la plupart des pierres précieuses.

Cette substance transparente a porté de nouvelles lumières dans la nouvelle physique. Sans le verre l'illustre Boyle ne fût jamais parvenu à l'invention de cet instrument singulier, à l'aide duquel il a démontré tant de vérités, et imaginé un si grand nombre d'expériences qui l'ont rendu célèbre, et dans sa patrie et chez l'étranger. Enfin pour dire quelque chose de plus, c'est par le prisme que Newton a anatomisé la lumière, et a dérobé cette connaissance aux intelligences célestes qui seules l'avaient avant lui.

Non contens de tous ces avantages, les Chymistes ont poussé plus loin leurs recherches et leurs travaux sur le verre. Ils ont cru avec raison, que l'art de la verrerie n'était pas à son dernier période, et qu'il pouvait encore enfanter de nouveaux prodiges. En effet, en faisant un choix particulier des matières propres à faire le verre, en en séparant tous les corps étrangers, en réduisant ensuite celles qu'on a choisies dans un état presque semblable à la porphyrisation, et en lui faisant subir un degré de chaleur plus considérable que pour le verre ordinaire, ils ont trouvé le moyen d'en former un d'une qualité très-supérieure, quoique de même genre. Le poli moèlleux (si l'on peut s'exprimer ainsi), dont il est susceptible par l'extrême finesse des parties qui le composent ; sa transparence portée à un si haut point de perfection, que nous ne pourrions pas croire que ce fût un corps solide, si le toucher ne nous en assurait, font de cette espèce de verre une classe absolument séparée du verre dont on se sert ordinairement.

Quelque parfaites que fussent les glaces dans cet état, elles pouvaient acquérir encore ; l'art n'avait pas épuisé son pouvoir sur elles. Il s'en est servi pour les enrichir par un don plus précieux que tous les autres qu'elles possédaient déjà. La nature nous avait procuré de tout temps l'avantage de multiplier à nos yeux des objets uniques, et même notre propre image ; mais nous ne pouvions jouir de cette création subite que sur le bord d'une onde pure, dont le calme et la clarté permettent aux rayons du soleil de se réfléchir jusqu'à nos yeux sous le même angle sous lequel ils étaient dardés. L'art en voulant imiter le crystal des eaux, et produire les mêmes effets, les a surpassés. La Chimie par un mélange de mercure et d'étain, répandu également et avec soin sur la surface extérieure des glaces, leur donne le moyen de rendre fidélement tous les corps qui leur sont présentés. Cette faculté miraculeuse ne diminue rien de leurs autres qualités, si ce n'est la transparence. Venise fut longtemps la seule en possession du secret de faire les glaces ; mais la France a été son émule, et par ses succès a fait tomber dans ses mains cette branche de commerce.

Le verre tel qu'on vient de le décrire dans les différents états dont il est susceptible, pouvait encore en se déguisant sous la forme d'un vernis brillant et poli, fournir aux arts un moyen de s'étendre sur des objets de pur agrément dans leur principe, mais que le luxe a rendus depuis un siècle une branche de commerce considérable ; on voit bien que je veux parler de la porcelaine chinoise, que les Européens ont tâché d'imiter par de nouvelles manufactures éclatantes, non par la nature de la pâte, mais par la noblesse de leurs contours, la beauté du dessein, la vivacité des couleurs, et le brillant de la couverte. (D.J.)

VERRE, (Lunetier) comme la bonté des lunettes d'approche dépend de celle des verres qu'on emploie dans leur construction, je vais parler du choix que l'on doit faire de la matière du verre, aussi-bien que de la manière de le préparer.

On doit choisir le verre pur, net et bien égal dans sa substance, sans flatuosités ni bouillons considérables, le moins coloré qu'il est possible, et surtout sans ondes, sinuosités, nuages, ni fumées, qui le rendraient, quelque bien travaillé qu'il fût, absolument inutîle à la construction de l'oculaire. Mais, comme on ne peut connaître, si le verre a les qualités requises lorsqu'il est brut, l'artiste doit avoir soin de le découvrir et de le polir au-moins grossièrement des deux côtés, s'il ne veut s'exposer à un travail inutile.

Je suppose donc le verre régulièrement transparent, découvert et poli des deux côtés, comme sont les fragments des miroirs de Venise ou autres, on les examinera de la manière suivante. Premièrement, on l'exposera au soleil, recevant ses rayons au travers sur un papier blanc, qui fera clairement paraitre les filets, les fibres sinueuses et les autres inégalités qui peuvent y être. On regardera ensuite au-travers quelque objet médiocrement proche et élevé sur l'horizon, comme peut être quelque pointe de clocher ; haussant et baissant le verre devant l'oeil, et considérant avec attention, si dans ce mouvement, l'objet ne parait point ondoyant au-travers du verre ; car si cela était, il ne pourrait point servir à l'oculaire ; et le verre pour être bon, doit nonobstant ce mouvement, rendre toujours l'apparence de l'objet parfaitement stable et sans aucun mouvement. On considérera en second lieu, sa couleur, qui doit être extrêmement légère et sans corps ; les bonnes couleurs du verre sont celles qui tirent sur l'eau vinée, sur le bleu, sur le verd, ou même sur le noir ; mais toujours sans corps. Le verd ou couleur d'eau marine est la plus ordinaire : on connait la bonté de toutes ces couleurs, en mettant tous ces différents verres sur un papier blanc ; car celui qui le représentera bien nettement et naïvement, sans colorer sa blancheur, sera le meilleur. Il faut ensuite examiner, si le verre qu'on veut travailler est également épais par tout, ce que l'on connaitra avec un compas à pointes recourbées ; cette précaution est surtout nécessaire aux verres dont on veut faire des objectifs, à la préparation et au travail desquels on ne saurait apporter trop d'exactitude. Suppose que le verre n'ait pas une égale épaisseur partout, il faut l'y mettre avant que de lui donner aucune forme sphérique, la chose étant impossible après, surtout lorsqu'on le travaille à la main libre et coulante.

Après avoir examiné les verres, comme on vient de dire, on les coupera d'une grandeur proportionnée au travail qu'on en veut faire ; observant, s'il s'y trouve quelques petits points ou soufflures, de les éloigner toujours du centre le plus qu'il sera possible ; l'on mettra pour cet effet un peu de mastic sur ces pièces de verre dans un lieu convenable pour y poser la pointe d'un compas, avec lequel on tracera une circonférence avec une pointe de diamant pour le couper ensuite plus rondement. L'on tiendra les objectifs assez grands, pour qu'ils aient plus de conduite sur la forme. A l'égard des verres de l'oeil, il faut en faire quelque distinction ; car pour les grands oculaires de deux verres, on les fera aussi larges, que l'épaisseur du verre et sa diaphanéité pourront le permettre ; les plus larges sont les plus commodes. Mais pour les oculaires composés de plusieurs convexes, la grande largeur n'y est point utile, et encore moins l'épaisseur, sans laquelle on ne saurait leur donner une grande largeur. Il suffira communément, selon la différente longueur des oculaires, qu'ils aient de largeur en diamètre, depuis 8 pour les petits, jusqu'à 18 lignes pour les plus longs, de 10 à 12 pieds. Il convient aussi de les rogner au grugeoir ou à la pincette bien rondement sur le trait du diamant fait au compas ; car cette rondeur servant de première conduite à l'ouvrage, est le fondement de l'espérance qu'on peut avoir de bien réussir au travail.

La seconde chose dans laquelle consiste la préparation du verre au travail, est à le bien monter sur la molette, voyez MOLETTE. Pour cet effet, on fera fondre le mastic dont on veut se servir ; et pendant ce temps-là, l'on mettra les molettes de cuivre ou de métal sur le feu, pour leur donner quelque médiocre degré de chaleur, afin que le mastic s'y attache plus fortement. L'on dressera ensuite ces molettes, leur plate-forme en-dessus ; et l'on remplira leur canal tout-à-l'entour de ce mastic fondu, qu'on y laissera à demi refroidir, pour y en ajouter de mol autant qu'il sera nécessaire pour égaler la superficie de leur plate-forme, sur laquelle il ne doit point y en avoir du-tout. On s'accommodera donc proprement à la main, à l'épaisseur d'un demi pouce tout-à-l'entour, en y laissant un espace vide, comme un petit fossé d'environ deux lignes, tant en largeur qu'en profondeur entre le bord de la plate forme, pour empêcher qu'il ne la touche. Le mastic doit cependant toujours surmonter la plate-forme de la hauteur d'une bonne ligne. Pour y appliquer maintenant le verre, on le chauffera médiocrement, de même que le mastic, sur lequel on l'asseoira ensuite bien adroitement ; l'y pressant également avec la main, jusqu'à ce que sa superficie touche exactement celle du bord de la plate-forme de la molette, et qu'elle paraisse bien juste. Cela fait, on renversera la molette sur une table bien droite, et on laissera refroidir le verre et le mastic sous son poids. On remarquera que la largeur du verre peut bien excéder quelque peu celle du mastic de la molette ; mais la molette ne doit jamais excéder la largeur du verre au dedans de son biseau. Le mastic doit aussi toujours recouvrir toute la circonférence extérieure du verre bien uniment, afin que le grès ou mordant ne puisse point s'y arrêter, et qu'on puisse entièrement s'en débarrasser en la lavant.

Pour travailler néanmoins avec assurance, et ne point exposer les bons verres aux premières atteintes trop rudes du mordant ; on préparera aussi des verres de rebut, que l'on montera sur des molettes semblables de cuivre ou de métal. Et quoique ces verres ne doivent servir que d'épreuve, comme pour égaler le mordant sur la forme, avant que d'y exposer le bon verre, et lorsqu'ayant discontinué pour un temps l'on veut se remettre au travail, pour connaître s'il n'est point tombé des saletés sur la forme, qui le put gâter ; ils doivent cependant être montés proprement sur leur mastic, pour qu'il ne s'y attache aucune saleté que l'eau ne puisse ôter ; car autrement, loin de servir à conserver les bons verres, ils pourraient souvent les gâter, en apportant des ordures sur la forme ; c'est pourquoi on doit les tenir aussi proprement que les bons verres.

La troisième chose nécessaire pour préparer le verre au travail, c'est un biseau qu'on doit y faire tout-autour. Car quoique le verre, jusque ici préparé, soit déjà rondement coupé au grugeoir sur le trait du diamant, il a néanmoins encore besoin d'être exactement arrondi, avant que d'être exposé sur la forme qu'on veut lui donner.

Pour donner donc ce biseau au verre, l'on prendra la forme de la plus petite sphère appelée débordoir, représentée, fig. Pl. du Lunetier, dans laquelle ce verre pourra entrer d'environ un demi pouce, l'affermissant bien avec du mastic sur une table solide, qui ne doit point excéder la hauteur commode, pour avoir la liberté entière du mouvement du corps dans le travail ; et ayant mis des grès du premier degré de grosseur dans cette forme avec un peu d'eau, on y travaillera les bords du verre, l'appuyant d'abord ferme, et observant de la main, s'il n'y porte point en bascule. On fera parcourir à ce verre, le pressant en tournant contre la forme, toute sa superficie concave, pour ne la point décentrer, et l'user également et régulièrement ; et lorsqu'on verra le biseau approcher de la largeur qu'on veut lui donner, on ne changera plus le grès de la forme pour qu'il s'adoucisse, on en ôtera même peu-à-peu pour l'adoucir plus promptement, car il n'est pas nécessaire de le conduire par cet adoucissement au poli, et il suffit qu'il le soit médiocrement pourvu qu'il ait l'angle bien vif. Ce biseau achevé, on lavera bien ce verre aussi-bien que le mastic de la molette, l'essuyant d'un linge bien net et le mettant dans un lieu propre et hors de danger. On remettra ensuite d'autre grès dans la même forme, pour donner de même le biseau au verre d'épreuve ; on le lavera de même, le tenant aussi proprement que le bon, et on nettoyera la forme dont on s'est servi.

Manière de travailler le verre, et de le conduire sur la forme à la main libre et coulante. Le verre étant entièrement préparé comme on vient de dire, jusqu'à être monté sur sa molette, on affermira la platine qui doit servir à le former sur une table de hauteur convenable et placée bien horizontalement ; et après avoir mis dessus du grès de la première forme, peu néanmoins à la fais, c'est-à-dire autant seulement qu'il en faut pour couvrir simplement sa superficie, et l'avoir également étendu avec le pinceau ; on commencera par y passer le verre d'épreuve pour l'égaler. On conduira sa molette en tournant, par circulations fréquentes ; premièrement, tout-autour de sa circonférence ; puis en descendant tout-autour du centre, et sur le centre même ; et ensuite remontant de même doucement, et par le même chemin vers la circonférence. Ce verre d'épreuve ayant ainsi parcouru toute la superficie de la forme, et tout le grès ayant passé dessous ; on l'ôtera pour y mettre le bon verre et l'y travailler. J'en fais voir la conduite dans la figure par la description de plusieurs lignes circulaires, qui se tenant continument, représentent assez bien l'ordre qu'on doit observer, en donnant le premier mouvement au verre sur la forme.

La circonférence a b c d représente la superficie d'une forme de 10 pouces de diamètre, qui peut servir pour les objectifs des oculaires de 20, 25 et 30 pieds de longueur. Elle est également divisée par 18 cercles, qui y marquent le chemin du verre par l'ordre des caractères qui y sont décrits. Ayant mis le verre sur la partie supérieure a de la forme, on le conduira sur la demi-circonférence a e jusqu'à son centre f ; depuis lequel, au-lieu de conduire le verre par l'autre demi-circonférence f 3 5 a du même cercle, s'en éloignant un peu vers la gauche, on le conduira par la demi-circonférence f g h, recommençant un autre cercle en f, que l'on continuera par son autre demi-circonférence h i jusqu'au centre f, duquel on recommencera de même une nouvelle circonférence s k l, que l'on continuera de l par m en f, pour de-là commencer le cercle f n o p, et ensuite f q r s, puis s t u x ; et conduisant ainsi le verre successivement à-peu-près par tous ces cercles, jusqu'à ce qu'on lui ait fait parcourir toute la superficie de la forme ; on en recommencera une nouvelle de la même manière, réitérant continuellement ce mouvement, jusqu'à ce que le verre soit parfaitement formé. En travaillant de même, on conservera la figure spherique de la forme, qui sans cela serait bientôt altérée.

Le verre étant suffisamment pressé sur la forme par le poids de la molette, il est inutîle de le presser davantage de la main, et il suffit de le conduire bien également et fermement d'un train continu et non entrecoupé. C'est pourquoi il suffit de le diriger d'une seule main, tenant la molette de façon que tous les doigts appuyant sur la doucine de sa plate-bande b c, le sommet ou globe de la molette, se trouve environ sous le doigt du milieu. Voilà ce qui concerne son premier mouvement ; mais il ne suffit pas pour le former parfaitement, il faut encore lui en donner un autre qui ne doit pas être local comme le premier, mais sur l'axe de sa molette. Conduisant donc celle-ci circulairement, comme j'ai dit, il la faut encore en même-temps tourner continuellement entre les doigts, comme sur un axe propre de la molette, qui la traversant, tomberait perpendiculairement sur la forme par le centre de sa superficie et de la sphéricité du verre ; afin que si la main, par quelque défaut naturel, pressait la molette plus d'un côté que de l'autre, cet effort soit également partagé dans son effet sur toute la circonférence du verre ; et qu'étant suppléé par ce second mouvement ; il ne cause aucun obstacle à la formation parfaite du verre.

Comme le grès étant trop affoibli par le travail n'agit plus que fort lentement sur le verre ; lorsqu'on le sentira faible, l'on en changera, et y en mettant de nouveau, on l'égalera de même que la première fois avec le verre d'épreuve. Continuant ensuite le travail du bon verre sur ce nouveau grès, l'on réitérera de le changer jusqu'à ce que le verre approche d'être entièrement atteint de la forme. Car alors sans le plus changer, on achevera de le former et de l'adoucir avec ce même grès, s'il y en a suffisamment, sinon on y en ajoutera d'autre du même degré de force que l'on aura conservé. On l'égalera toujours parfaitement avec le verre d'épreuve avant d'y commettre le bon ; pour éviter qu'il ne rencontre quelque grain moins égal, qui pourrait le gâter lorsqu'il est à la veille d'être entièrement formé ; on continuera donc de travailler ce verre avec ce grès affoibli, qui ne fera plus que l'adoucir, jusqu'à ce qu'on sente à la main qu'il ne travaille plus : alors nettoyant le verre, on examinera s'il n'a point de défauts importants qu'il ait pu contracter dans le travail, comme des filandres, ou des traits considérables, ou des flancs qui se soient ouverts dans un lieu désavantageux, comme près du centre ; car dès qu'on aperçoit de semblables défauts sans passer plus avant, ce qui serait du temps et du travail perdu, il faut les ôter, remettant du grès sur la forme du degré de force qu'on jugera nécessaire pour cet effet, et le retravailler de nouveau, comme on a dit, jusqu'à ce qu'on ait ôté le défaut, et qu'on puisse le reconduire de même par l'adoucissement du poli.

Peu importe que l'on fasse ce travail à grès sec ou humide ; mais si l'on a travaillé à sec, il faudra pour perfectionner l'adoucissement du verre, bien nettoyer la forme et les verres, tant le bon que celui d'épreuve, pour qu'il n'y reste ni grain, ni ordure, et mettre ensuite sur la forme un peu de grès de la dernière finesse, que l'on humectera d'un peu d'eau, et sur lequel on travaillera d'abord le verre d'épreuve, jusqu'à ce qu'on sente ce grès dans la douceur qu'il doit avoir pour perfectionner l'adoucissement du bon verre qu'on mettra dessus pour l'achever avec attention et patience : je dis avec patience, parce que le verre se polit d'autant plus régulièrement, surement et promptement qu'il est plus parfaitement adouci. Il ne faut donc pas penser qu'il soit suffisamment adouci, qu'il ne paraisse à-demi poli en sortant de dessus la forme.

Pour bien adoucir un verre, il faut avoir soin de ne laisser sur la forme qu'autant de grès qu'il en faut pour la couvrir simplement, et en ôter même de temps-en-temps en nettoyant les bords, tant de la forme, que de la molette, où se jette et s'arrête ordinairement ce qu'il y a de moins délicat et de moins propre pour l'adoucissement du verre ; et lorsqu'on sentira le grès s'épaissir et se rendre en consistance trop forte, l'on y mettra parfais quelques gouttes d'eau, prenant garde d'éviter l'autre extrémité, qui est de le rendre trop fluide ; car cela empêcherait la molette de couler doucement sur la forme, et l'y arrêtant rudement pourrait gâter le verre. Il faut donc tenir un milieu en cela, et la prudence de l'artiste expert lui enseignera cette température. On ne doit pas se fier simplement à la vue pour reconnaître si un verre est parfaitement adouci ; mais avant que de se désister du travail, il faut le bien essuyer, et l'examiner une seconde fois avec un verre convexe qui puisse en faire voir tous les défauts, et remarquer surtout s'il est suffisamment adouci. Car souvent, faute de cette précaution, on reconnait trop tard, après que le verre est poli, qu'encore qu'il parut parfaitement adouci à l'oeil, il ne l'était pourtant pas, y restant un défaut notable et qui apportera toujours obstacle à sa perfection, qui est qu'en core que le verre soit parfaitement formé, l'oculaire n'en sera jamais bien clair, les objets y paraissant comme voilés d'un crêpe fort léger. Que si après avoir apporté cette diligence dans l'examen du verre, on le trouve parfaitement adouci et capable de recevoir le poli, on le lavera de même que la forme, et on le mettra dans un lieu où il ne puisse point se casser.

Manière de polir les verres à la main libre et coulante. C'est ici le principal écueil auquel tous les artisans font naufrage, et pour ne point m'arrêter à remarquer leurs défauts, qu'il sera facîle de découvrir en comparant leur façon de travailler avec celle que j'indique, je dirai seulement qu'ils se contentent de polir sur un morceau de cuir, d'écarlate ou d'autre drap bien doux et uni, droitement tendu sur un bois plat, après l'avoir enduit de potée détrempée avec de l'eau, sur laquelle ils frottent fortement le verre des deux mains, sans se régler dans ce travail important que par la simple vue : aussi n'est-il pas étonnant qu'aucun ne réussisse dans la forme des verres des grands oculaires, et encore moins des moyens et des petits. Voici quelle est ma manière de polir les verres. Je tends un cuir bien doux et d'épaisseur assez égale sur un châssis rond, de grandeur convenable pour contenir la forme qui m'a servi à former et adoucir le verre objectif sur lequel j'ai fait épreuve ; de façon que ce cuir ainsi tendu touche tout-à-l'entour les bords de la forme, à dessein d'en pouvoir faire comme d'une forme coulante par l'impression que la pesanteur de la molette, aidée de la main, y fait de son verre déjà sphériquement travaillé, en la poussant et retirant d'une extrémité de la circonférence de la forme, passant par son centre, à son extrémité opposée ; car par ce moyen le bord de la molette ou de son verre, touchant continuellement le fond de la concavité de la forme dans ce mouvement, et formant par ce moyen comme une section de zone sphérique concave, ce verre s'y polit pourvu qu'on le conduise méthodiquement et avec adresse sur la potée ou le tripoli. Cette expérience m'ayant réussi sur ce cuir, j'en ai fait plusieurs autres sur de la futaine fine d'Angleterre, sur du drap fin de Hollande, sur de la toîle de lin, sur de la toîle de soie, sur du taffetas et sur du satin, fortement tendus sur ce châssis, et toutes m'ont réussi comme je désirais. Quant à la conduite de la molette et de son verre sur ce polissoir ; après avoir humecté celui-ci d'eau de potée d'étain assez épaisse, et bien également sur une largeur égale de chaque côté du centre de la forme, un peu plus que de l'étendue du demi-diamètre du verre qu'on veut polir, et d'une extrémité de sa circonférence à l'autre ; on posera dessus le verre d'épreuve, et tenant la molette à deux mains, les extrémités des doigts appuyées sur la doucine de sa plate-bande, on la pressera fortement dessus, en sorte qu'elle fasse toucher ce cuir, toile, etc. quoique fortement bandée, à la superficie concave de la forme, poussant en même temps droitement d'un bord à l'autre la molette, et la retirant de même, un peu en tournant sur son axe à chaque fois ; on lui fera parcourir de cette manière cinq ou six tours sur tout l'espace du polissoir qui est imbu de potée pour voir s'il n'y a point de grain ou de saleté qui puisse gâter le bon verre et le rayer, ce qu'on sent aisément à la main, outre le crissement qu'on entend ; on les aura, s'il s'en trouve, l'endroit étant facîle à remarquer en y passant le verre. Le polissoir étant assuré de la sorte, on y mettra le bon verre pour le polir, le poussant et le retirant de même fortement et vivement, et conduisant droitement la molette d'un bord à l'autre de la forme ; mais observant à chaque tour et retour de tourner un peu la molette entre les doigts sur son propre axe, pour que sa pesanteur, qui ne peut être ici que très-utile, quand elle serait double ou triple évidée de la main, lui fasse toujours toucher la superficie de la forme. On remettra aussi de temps-en-temps de la potée sur le polissoir, l'éprouvant à chaque fois comme on a fait la première, pour garantir le bon verre des accidents qui pourraient le gâter ; et l'on continuera ce travail jusqu'à ce que le verre soit parfaitement poli.

Construction d'une machine simple pour concaver les formes, et travailler sphériquement les verres convexes. L'on voit dans la figure de cette machine le tour A B C D E perpendiculairement, mais très-solidement appliqué par le moyen de deux fortes vis F G contre l'un de ses montants V G ; la roue M d'environ trois pieds de diamètre est montée bien horizontalement sur son axe I H, carrément coudé en K L, et perpendiculairement élevé dans le milieu de deux traverses x y, et de deux montants o u de la machine. Dans le montant postérieur o est inséré un arc de bois d'if ou de frêne bien fort, et à la hauteur du coude K L de l'axe de la roue M. A l'opposite sur l'autre montant G V, est accommodée la double poulie Q R. Les deux petites pièces séparément dépeintes N, sont faites de la sorte pour embrasser le coude de l'axe K de la roue M ; étant ensuite rivées et jointes en une seule, comme en K L. Cette même pièce N porte une corde à chacune de ses extrémités, dont l'une est attachée en P à celle de l'arc O P, et l'autre à l'opposite à un clou derrière l'une des poulies Q, sur laquelle elle fait seulement un demi-tour. La marche T V est aussi garnie de sa corde dans un sens contraire à la première Q N, elle y est attachée à un clou en R, afin que pressant du pied la marche T V pour faire mouvoir par ce moyen les deux poulies Q R sur leur même axe ; dans le même temps que la marche tire en-bas la corde R V (faisant remonter par ce mouvement le clou R de sa poulie, elle fasse en même temps baisser le clou opposé de l'autre poulie, et par conséquent tirer la corde Q N et le coude K de l'axe H I de sa roue M), la corde P K attirée par ce moyen, fasse aussi bander l'arc O P, et que de cette manière, le pied cessant de presser la marche T V, et la laissant remonter ; l'arc O P, qui retournera dans le même temps dans son repos, tirera à soi le coude de l'axe H I, et fasse retourner la roue M. Mais cette roue étant alternativement agitée par la traction réciproquement continue de la marche et de l'arc, et tournant de cette manière toujours du même sens, fera aussi mouvoir, par le moyen de sa corde P Q S R, l'arbre du tour A B C D, sur la fusée s duquel elle est fortement tendue d'un même sens et continument ; et par conséquent aussi la forme E qui y est montée. Tenant donc maintenant la molette du verre sur la forme mue de la sorte continument, on pourra la conduire très-commodément, des deux mains libres. On remarquera que les deux clés x y servent à bander et débander la corde de la roue M lorsqu'on veut travailler ou discontinuer le travail.

VERRE, en Optique, est le nom qu'on donne aux lentilles de verre, destinées à corriger les défauts de la vue, ou à l'aider. Voyez LENTILLE. Cependant on donne plus particulièrement le nom de lentille aux verres convexes des deux côtés, et on appelle en général les autres du nom de verre.

Dans les formules générales que l'on donne pour trouver le foyer des verres convexes des deux côtés, on néglige presque toujours l'épaisseur de la lentille, et on trouve que pour avoir le point de réunion des rayons parallèles, il faut faire comme la somme des demi-diamètres des convexités est à un des deux demi-diamètres, ainsi l'autre diamètre est à la distance du point de concours ou foyer au verre ; d'où l'on voit que si le verre est formé de deux convexités égales, le point de concours est à la distance d'un demi-diamètre, c'est-à-dire à-peu-près au centre de la convexité.

On détermine aisément les lieux des foyers soit réels, soit virtuels d'un verre de figure quelconque, par le moyen d'une formule algébrique générale pour un verre convexe des deux côtés, et de différentes convexités. Dans cette formule entrent la distance de l'objet au verre, la raison des sinus d'incidence et de réfraction, les demi-diamètres des convexités, et la distance du foyer à la lentille est exprimée par une équation qui renferme ces quantités différentes avec l'épaisseur de la lentille. Comme cette épaisseur est ordinairement fort petite, on la néglige en effaçant dans l'équation tous les termes où elle se rencontre ; ce qui rend ces formules plus simples. Ainsi ayant une lentille de verre convexe des deux côtés, dont l'objet soit éloigné à la distance y, a étant le rayon de la convexité qui regarde l'objet, b le rayon de l'autre convexité, z la distance du foyer à cette convexité, le foyer étant supposé de l'autre côté de la lentille par rapport à l'objet, et enfin le rapport des sinus d'incidence et de réfraction de l'air dans le verre étant supposé égal au rapport de 3 à 2, on trouve z = .

Si l'on veut que les rayons tombent parallèles, il n'y a qu'à supposer l'objet infiniment éloigné, ou y infini, et on a pour lors le terme - 2 a b nul par rapport à a y + b y : de sorte que z = = ; ce qui s'accorde avec la règle que nous avons donnée ci-dessus pour le foyer des verres convexes des deux côtés.

Si le côté tourné vers l'objet est plan, alors on peut le regarder comme une portion de sphère d'un rayon infini, ce qui donne a infini, et z = = ; et si on suppose outre cela y infini, c'est-à-dire que les rayons tombent parallèles sur une lentille plane convexe, on aura z = = 2 b.

Lorsque la formule qui exprime la valeur de z est négative, c'est une marque que le foyer est du même côté du verre que l'objet, c'est-à-dire que les rayons sortent divergens de la lentille et n'ont qu'un foyer virtuel.

Lorsqu'une des faces de la lentille est supposée concave, il n'y a qu'à faire négatif le rayon de cette face ; et si elles sont toutes deux concaves, on fera négatifs les deux rayons. Ainsi par exemple, si on veut avoir le foyer des rayons qui tombent parallèles sur une lentille plane concave, on n'a qu'à faire y et a infinies, et b négatif, ce qui donne z = - = - 2 b, et la lentille a un foyer virtuel. On voit par ce peu d'exemples, comment on peut déduire de la formule générale tout ce qui concerne le foyer des verres de figure quelconque. Voyez FOYER. (O)

VERRE A FACETTES, en Optique, est un verre ou une lentille qui fait paraitre le nombre des objets plus grand qu'il n'est en effet. Voyez LENTILLE.

Ce verre appelé aussi polyhedre, est formé de différentes surfaces planes, inclinées les unes aux autres, à-travers lesquelles les rayons de lumière venant d'un même point, souffrent différentes réfractions, de manière que sortant de chaque surface du verre ils viennent à l'oeil sous différentes directions, comme s'ils partaient de différents points ; ce qui fait que le point d'où ils sont partis est en plusieurs lieux à-la-fais, et parait multiplié. Voyez REFRACTION ; pour les phénomènes de ces sortes de verres, voyez POLYHEDRE. Chambers.

VERRE LENTICULAIRE, (Invent. des arts, Dioptrique, &c.) les verres lenticulaires sont propres à aider les vues affoiblies. Les premières traces de leur découverte remontent d'une façon bien avérée à la fin du treizième siècle ; mais la manière dont se fit cette découverte nous est absolument inconnue, et l'on n'a guère plus de lumières sur le nom de son inventeur. Il est néanmoins assez vraisemblable que ce furent les ouvrages de Bacon & de Vitellio qui lui donnèrent naissance. Quelqu'un chercha à mettre en pratique ce que ces deux auteurs avaient dit sur l'avantage qu'on pouvait tirer des segments sphériques, pour agrandir l'angle visuel, en les appliquant immédiatement sur les objets. A la vérité ils s'étaient trompés à cet égard ; mais il suffisait d'en tenter l'expérience pour faire la découverte qu'ils n'avaient pas soupçonnée ; car il est impossible de tenir un verre lenticulaire à la main, et de l'appliquer sur une écriture sans apercevoir aussi-tôt qu'il grossit les objets bien davantage quand ils en sont à un certain éloignement, que quand ils lui sont contigus.

Personne n'a plus savamment discuté la nouveauté des verres lenticulaires ou verres à lunettes, que M. Molineux dans sa dioptrique. Il y prouve par un grand nombre d'autorités laborieusement recherchées, qu'ils n'ont commencé à être connus en Europe que vers l'an 1300.

Si l'on considère le silence de tous les écrivains qui ont vécu avant la fin du treizième siècle sur une invention aussi utile, on pourra refuser de reconnaître qu'elle est d'une date qui ne Ve pas au-delà de cette époque, quoique quelques savants prétendent que les lunettes étaient connues des anciens. On a été jusqu'à forger des autorités pour étayer cette prétention ; on a cité Plaute, à qui l'on fait dire dans une de ses pièces, cedo vitrum, necesse est conspicillo uti ; mais malheureusement ce passage qui déciderait la question en faveur des anciens, ne se trouve nulle part. Divers curieux ont pris la peine de le chercher dans toutes les éditions connues de Plaute, et n'ont jamais pu le rencontrer. Ces recherches réitérées et sans effet donnent le droit de dire, que le passage en question est absolument controuvé.

On rencontre à la vérité dans deux autres endroits de Plaute (Frag. de sa com. du médecin, et dans la Cistellana), le terme de conspicillum, mais il n'y a aucun rapport avec un verre à lunette, et il parait devoir s'expliquer par des jalousies, d'où l'on aperçoit ce qui se passe au-dehors sans être aperçu.

Pline, Histoire naturelle l. VIII. ch. xxxiij. racontant la mort subite du médecin Caius Julius, parle encore d'un instrument appelé specillum ; mais c'est sans aucune raison qu'on l'interprete par un verre lenticulaire ; ce mot signifie une sonde ; et si l'on prétendait par les circonstances du passage, que ce fût un instrument optique, il faudrait l'entendre d'une sorte de petit miroir, ou d'un instrument à oindre les yeux comme dans Varron.

Il y a une scène d'Aristophane qui fournit quelque chose de plus spécieux, pour prouver que les anciens ont été en possession des verres lenticulaires. Aristophane introduit dans ses nuées, acte II. scène j. une espèce d'imbécile nommé Strepsiade, faisant part à Socrate d'une belle invention qu'il a imaginée pour ne point payer ses dettes. " Avez-vous vu, dit-il, chez les droguistes, la pierre transparente dont ils se servent pour allumer du feu ? Veux-tu dire le verre, dit Socrate ? Oui, répond Strepsiade. Eh bien, voyons ce que tu en feras, réplique Socrate. Le voici, dit l'imbécile Strepsiade : quand l'avocat aura écrit son assignation contre moi, je prendrai ce verre, et me mettant ainsi au soleil, je fondrai de loin toute son écriture " Quel que soit le mérite de cette plaisanterie, ces termes de loin, , indiquent qu'il s'agissait d'un instrument qui brulait à quelque distance, et conséquemment que ce n'était point une seule sphère de verre dont le foyer est très-proche, mais un verre lenticulaire qui a l'aissieu plus éloigné.

A cette autorité on joint celle du scholiaste grec sur cet endroit ; il remarque qu'il s'agit d'un " verre rond et épais, , fait exprès pour cet usage, qu'on frottait d'huile, que l'on échauffait, et auquel on ajustait une meche, et que de cette manière le feu s'y allumait ". Cette explication quoiqu'inintelligible en quelques points, semble prouver, dit-on, que le scholiaste entend parler d'un verre convexe.

Mais je réponds d'abord que ce passage du scholiaste est une énigme ; outre qu'un verre rond et épais qu'on frottait d'huile, que l'on échauffait, et auquel on ajustait une meche, ne désigne en aucune manière nos verres lenticulaires, faits pour aider la vue. J'ajoute ensuite que le passage d'Aristophane n'est pas plus décisif ; et s'il était permis de prêter une explication fine à ce passage d'un poète plein d'esprit, je dirais, que puisque le dessein de sa pièce est de ridiculiser Socrate, il ne pouvait mieux remplir son but qu'en mettant dans la bouche de Strepsiade un propos aussi stupide que celui de prendre un verre avec lequel il fondrait l'écriture de son avocat, et faisant en même temps approuver cette idée rustique par le philosophe élève d'Anaxagore.

Enfin on peut rassembler un grand nombre de passages qui justifient que les anciens n'ont point connu les verres lenticulaires, et d'un autre côté on a des témoignages certains qu'ils n'ont commencé à être connus que vers la fin du treizième siècle.

C'est dans l'Italie qu'on en indique les premières traces. M. Spon, dans ses Recherc. d'antiq. diss. 16. rapporte une lettre de Redi à Paul Falconieri, sur l'inventeur de lunettes. Redi allegue dans cette lettre une chronique manuscrite, conservée dans la bibliothèque des frères prêcheurs de Pise ; on y lit ces mots : Frater Alexander Spina, vir modestus et bonus, quaecumque vidit et audivit facta, scivit et facère : ocularia ab aliquo primo facta et communicare nolente, ipse fecit, et communicavit corde hilari, et volente : ce bon père mourut en 1313 à Pise.

Le même Redi possédait dans sa bibliothèque un manuscrit de 1299, qui contenait ces paroles remarquables : Mi trovo cosi gravoso d'anni, che non avrei valenza di leggère e di scrivère senza vetri appelati occhiali, trovati novellamente per commodità dè poveri vecchi, quando affiebolano di vedere ; c'est-à-dire " Je me vois si accablé d'années, que je ne pourrais ni lire ni écrire sans ces verres appelés occhiali (lunettes) qu'on a trouvés depuis peu pour le secours des pauvres vieillards dont la vue est affoiblie ".

Le dictionnaire de la Crusca nous fournit encore un témoignage que les lunettes étaient d'une invention récente au commencement du quatorzième siècle. Il nous apprend au mot occhiali, que le frère Jordan de Rivalto, dans un sermon prêché en 1305, disait à son auditoire, qu'il y avait à peine vingt ans que les lunettes avaient été découvertes, et que c'était une des inventions les plus heureuses qu'on put imaginer.

On peut ajouter à ces trois témoignages ceux de deux médecins du quatorzième siècle, Gordon et Gui de Chauliac. Le premier, qui était docteur de Montpellier, recommande dans son lilium Medicinae, un remède pour conserver la vue. " Ce remède est d'une si grande vertu, dit-il, qu'il ferait lire à un homme décrépit de petites lettres sans lunettes ". Gui de Chauliac, dans sa grande Chirurgie, après avoir recommandé divers remèdes de cette espèce ajoute, " que s'ils ne produisent aucun effet il faut se résoudre à faire usage de lunettes ".

Mais si le temps de leur invention est assez bien constaté, l'inventeur n'en est pas moins inconnu : cependant M. Manni le nomme Salvino de gli armati, dans une dissertation sur ce sujet, qu'on trouvera dans le raccolta d'opusculi scientif. e Philolog. t. IV. Venet. 1739. Il prétend en avoir la preuve prise d'un monument de la cathédrale de Florence, avant les réparations qui y ont été faites vers le commencement du dix-septième siècle. On y lisait, dit-il, cette épitaphe : Qui giace Salvino d'Armato de gl' armati, di Firenze, inventor delli occhiali, etc. MCCCXVII. C'est donc-là, selon M. Manni, ce premier inventeur des lunettes qui en faisait mystère, et auquel le frère Alessandro di Spina arracha son secret pour en gratifier le public. Montucla, Histoire des Matth. (D.J.)

VERRE TOURNE, (Arts) c'est-à-dire verre travaillé au tour ou au touret.

Pline, l. XXXVI. c. xxvj. a donné une description également élégante et concise des différentes façons dont les anciens préparaient le verre ; et dans ce nombre il parle du verre qu'on tournait de son temps, ou qu'on travaillait au tour, torno teritur. Il ajoute qu'on le gravait comme de l'argent, argenti modo coelatur. M. de Caylus, dans son recueil d'antiquités, a rapporté des preuves de la première opération dont parle Pline, et des exemples de la seconde qui se pratique toujours. Enfin il a inséré dans le même ouvrage la manière de tourner le verre, que lui a communiqué M. Majauld, docteur en Médecine ; nous allons aussi la transcrire mot-à-mot dans cet ouvrage.

On ne parvient, dit M. Majauld, à tourner un corps quelconque, que par des moyens propres à ses différentes qualités. Les bois, la pierre, les métaux ne peuvent être tournés qu'avec des outils d'acier plus ou moins trempés, selon que le corps que l'on veut travailler est plus ou moins dur. Le verre, matière plus seche et plus cassante, ne pourrait être travaillé au tour que difficilement avec ces sortes d'outils. On ne saurait enlever des copeaux du verre pour le rendre rond ; ce n'est qu'en l'usant sur le tour, qu'il est possible de le tourner. Convaincu de cette vérité par l'exemple que fournit l'art de travailler le verre en général, M. Majauld a fait tourner selon les mêmes principes, deux gobelets de crystal factice, sur un desquels on a formé de petites moulures très-déliées qui produisent un fort bel effet.

Pour y parvenir, on mastiqua sur un mandrin de bois un gobelet de crystal pris d'un flacon, dont on avait coupé la partie supérieure, parce qu'on ne trouve pas des gobelets aussi épais que le sont les flacons. Après l'avoir fait monter sur un tour en l'air, et l'avoir mis aussi rond de tous les sens qu'il fut possible (car quelque rond que paraisse un verre soufflé, il ne l'est jamais entièrement, et les bords ne se trouvent pas perpendiculaires au fond), on essaya de le dégrossir au sable de grès avec un outil de bois dur ; mais comme le travail languissait, on substitua du gros émeril au sable, ce qui fit beaucoup mieux ; cependant le verre ne se trouvait pas rond, et l'outil pouvait en être la cause.

Pour y remédier, on fondit d'autres outils composés d'un alliage de plomb et d'une partie d'étain. Ces nouveaux outils exerçant une résistance plus forte, et toujours plus égale que ceux de bois, produisirent un effet favorable, et le verre fut plus tôt et plus exactement rond. Mais l'outil par le travail formait une boue dangereuse pour l'ouvrier. On sait que le plomb infiniment divisé, en s'insinuant par les pores de la peau, enfante des maladies tres-graves, et les ouvriers qui ne travaillent que l'étain pur, ne courent pas les mêmes risques. On fondit donc des outils de ce métal qui réussirent encore mieux que ceux dans lesquels il entrait du plomb, parce qu'étant d'une matiére plus dure, ils étaient encore moins exposés à perdre leur forme.

Ayant enfin dégrossi les grandes parties avec le gros émeril et les outils d'étain, on fit des moulures avec de petits outils de cuivre ; ceux d'étain minces, tels qu'il les faut pour cet ouvrage, perdaient leur forme en un instant, et ne pouvaient tracer des petites parties bien décidées, telles qu'elles doivent être pour former des moulures. On travailla ensuite à effacer les gros traits avec un émeril plus fin ; on se servit d'autres fois d'un troisième émeril en poudre encore plus fin, pour effacer les traits du second, usant toujours des outils d'étain pour les grandes parties, et de cuivre pour les moulures.

Enfin l'ouvrage étant parfaitement adouci (car il est impossible de détruire les traits du premier émeril qu'avec le second, et ceux du second qu'avec le troisieme), on se servit de pierre de ponce entière, laquelle ayant reçu une forme convenable au travail, et servant d'outil et de moyen pour user, effaça entièrement le mat du verre travaillé par le troisième émeril. Cette pierre qui parait fort tendre, ne laisse pas cependant de mordre sur le verre. Il est même important de choisir la plus légère pour cette opération ; elle n'a pas de ces grains durs que l'on trouve dans la pierre ponce compacte, qui pourraient rayer l'ouvrage, et faire perdre dans un instant le fruit du travail de plusieurs jours. Alors il ne fut plus question que de donner le poli au verre ; on le fit avec la potée d'étain, humectée d'huile, appliquée sur un cuir de vache propre à faire des semelles d'escarpin, et le cuir collé sur des morceaux de bois de forme convenable à l'ouvrage.

Lorsqu'on travaillera le verre avec l'émeril ou avec la ponce, on ne manquera pas d'humecter l'un et l'autre avec de l'eau commune. Il ne faut ni noyer, ni laisser les matières trop seches ; si on les noyait trop, le lavage ferait perdre l'émeril, parce que l'eau l'entraînerait ; si on laissait l'émeril trop sec, il ne formerait qu'une boue trop épaisse pour mordre.

La préparation de l'émeril n'est pas de peu d'importance pour la perfection de ce travail. Le gros émeril que l'on trouve chez les marchands, est en poudre si inégale et si grossière, qu'il serait impossible de s'en servir tel qu'il est. Les parties de l'émeril dans cet état formeraient des traits, qui s'ils n'exposaient pas le verre au risque d'être coupé, prépareraient du-moins un travail proportionné à leur profondeur : inconvénient qu'il faut éviter, si l'on ne veut se mettre dans le cas d'être obligé de doubler ou de tripler le temps qu'il faut pour tourner le verre.

Toute la préparation de l'émeril consiste à le broyer dans un mortier de fer, et à enlever par le lavage, de l'émeril en poudre plus ou moins fine, ainsi qu'on le pratique dans les manufactures des glaces.

On prendra du gros émeril tel qu'il se vend chez les marchands ; car leur émeril fin est communément de l'émeril qui a servi, et qui est altéré par les matières, au travail desquelles il a déjà été employé ; il se vend sous le nom de potée d'émeril. On mettra ce gros émeril dans un mortier de fer ; on l'humectera d'eau commune, et on le broyera jusqu'à-ce que les plus gros grains aient été écrasés : ce qui se sentira aisément sous le pilon. On versera dans le mortier une quantité d'eau suffisante pour en emplir les trois quarts, en délayant bien tout l'émeril qui sera au fond. Après avoir laissé reposer l'eau un instant, on en versera environ les deux tiers dans une terrine vernissée ; on broyera de nouveau ce qui sera précipité au fond du mortier, on le lavera comme la première fais, et l'on répétera cette manœuvre jusqu'à ce qu'on aperçoive qu'il ne reste plus qu'un tiers, ou environ, de l'émeril dans le mortier.

Cet émeril ne sera pas en poudre bien fine ; mais il n'aura plus les grains dangereux qu'il avait auparavant ; il sera propre à commencer l'ouvrage ; car, ainsi que je l'ai déjà dit, les verres soufflés étant trop peu ronds, il faut pour les ébaucher, une matière qui les ronge avec une force proportionnée à leur inégalité. On agitera ensuite l'eau de la terrine chargée d'émeril ; on laissera reposer cette eau pendant une minute ; on en versera en inclinant doucement, les deux tiers dans un autre vase vernissé. On lavera encore l'émeril de la première terrine, afin d'en enlever les parties les plus fines, en versant toujours de même l'eau après l'avoir agitée, et laissé reposer comme la première fais. On laissera précipiter ces deux sortes d'émeril ; on jettera l'eau qui les surnagera ; l'émeril de la première terrine sera de la seconde finesse, et celui de la seconde sera l'émeril le plus fin. La potée d'étain contient souvent des grains durs, qui peuvent rayer le verre au lieu de le polir ; il serait bon conséquemment de la préparer comme l'émeril, en n'en faisant cependant que d'une sorte. Si on voulait user du tripoli de Venise, on le préparerait comme la potée d'étain ; il donne un très-beau poli au verre.

Le choix du mastic n'est point indifférent ; il faut qu'il soit de nature à pouvoir être adhérent au verre. Les ouvriers composent ordinairement leur mastic fin avec la colophane, la poix blanche, la poix noire et le rouge-brun d'Angleterre. Ils combinent ces ingrédiens, de façon qu'ils font un tout plus dur que mol. Si le mastic est trop mol, le verre en s'échauffant pendant le travail, serait exposé à se déjeter ; il serait difficîle de le remettre rond, et le travail deviendrait très-imparfait ; il est donc important qu'il soit un peu dur. On fait chauffer le mastic et le verre pour le mastiquer ; on les fera chauffer de même insensiblement pour l'enlever de dessus le mandrin ; mais s'il restait du mastic attaché au verre, il faudrait l'humecter d'huile, le faire chauffer de nouveau ; alors le mastic pénétré par l'huîle deviendra liquide et s'enlevera aisément, en l'essuyant avec un linge.

Le mastic dont on vient de donner la recette, est très-bon ; mais il arrive que lorsque l'on essuie le verre pour en enlever le mastic dissous par l'huile, les grains de rouge-brun d'Angleterre qui sont mordants, le raient. Il vaudrait donc mieux faire entrer le blanc d'Espagne au lieu du rouge-brun ; le verre ne serait point exposé aux mêmes inconvéniens, et le mastic n'en aurait pas moins les mêmes propriétés.

Il serait assez difficîle de déterminer la forme des outils ; elle dépendra de celle que l'on aura dessein de donner à l'ouvrage. Il ne peut être ici question de burins, de gouges, des planes, ni d'aucun de ceux dont on se sert pour tourner le bois, la pierre et les métaux. Il ne faut pour les grandes parties que des espèces de lingots ronds, ovales, carrés, proportionnés à la grandeur de l'ouvrage. On leur donnera la forme nécessaire avec une lime ou une rape. On prendra des lames de cuivre rouge d'une ligne d'épaisseur, et de trois à quatre lignes de large pour travailler les moulures. On leur donnera aussi une forme convenable à l'ouvrage. A mesure qu'elles s'useront, on renouvellera leur forme. Il est important de la conserver, si l'on veut parvenir à faire des moulures exactes et bien décidées.

Un particulier témoin des opérations que l'on vient de détailler, conseilla de se servir des pierres à aiguiser les outils d'acier, au lieu d'étain et de cuivre chargé d'émeril ; il est en effet très-possible de tourner le verre avec ces sortes de pierres ; mais l'opération serait plus lente, parce qu'il n'y a point de corps, si l'on excepte le diamant, qui morde sur le verre comme l'émeril. Les curieux qui voudront faire des essais dans ce genre, jugeront par l'expérience lequel des deux moyens doit être préféré.

On comprend qu'il serait également possible de travailler un bloc de verre, et de le former à sa volonté ; mais il est plus prompt, plus commode et plus avantageux d'exécuter ces projets sur une matière soufflée et tenue fort égale, ce qui est une préparation pour le mettre sur le tour.

Au reste les Romains connaissaient toutes les finesses de cette pratique, comme on le voit par des monuments de leur industrie qui nous restent. Ils avaient aussi l'usage de la gravure sur la platerie de verre. Ainsi, comme Pline l'assure, les anciens tournaient le verre, et le gravaient comme de l'argent. (D.J.)

VERRE, manière de dessiner sur le, (Arts) nous allons indiquer la manière de dessiner sur le verre, et d'y appliquer l'or et l'argent, communiqué par M. Majauld, docteur en médecine, à M. le comte de Caylus, et que nous transcrirons de son beau recueil d'antiquités, t. III. p. 193. où le n°. 11. présente un verre sur lequel l'or et l'argent sont également employés. C'est le buste d'une jeune personne dans lequel les traits du visage, les cheveux, les bandes de la robe sont à fond d'argent, qui désignent de la broderie.

Ce petit monument, selon M. Majauld, est formé par deux couches de verre, dont l'un est sans couleur, et l'autre bleu transparent un peu foncé : ces deux verres sont soudés au feu, et ne font qu'un morceau ; à travers de la couche blanche on voit un buste bien dessiné en or et en argent, dont le travail fini et recherché est d'autant plus brillant que le fond est obscur.

La simplicité de cette composition paraitrait n'offrir aucune difficulté pour son imitation ; il semblerait qu'il ne serait question que de mettre de l'or et de l'argent en feuille ou en poudre, entre deux verres ; d'y fixer ces métaux avec un mordant ; d'enlever avec une pointe, l'or ou l'argent qui ne doit pas entrer dans la composition du sujet qu'on veut dessiner, et de faire fondre les deux verres pour les souder ; c'est en effet à cette manœuvre que se reduit l'opération ; cependant toute simple qu'elle parait être, elle offre de grandes difficultés : il importe donc en les levant de mettre les artistes en état d'exécuter facilement des ouvrages semblables.

Du choix du verre. On ne peut indistinctement employer toute sorte de verres pour exécuter le travail dont il est question. L'inégalité de la surface de ceux qui n'ont été que soufflés et ensuite aplatis, y met un obstacle insurmontable : car lorsqu'on applique ces sortes de verres l'un contre l'autre, et qu'on les soude au feu, l'air qui se trouve entre les deux à raison des inégalités forme des bulles qui ne peuvent s'échapper, et produisent un effet très-désagréable : il est donc important, pour que les deux plaques se soudent partout et en même temps, d'employer des verres dont la surface soit très-plane, afin que se touchant également, toutes les parties puissent se souder en même temps. Il faut remarquer encore, qu'il y aurait de l'inconvénient à employer des verres trop épais, par la raison que plus le volume de verre est considérable, plus il est exposé à se rompre en se refroidissant, si on ne prend des précautions relatives à sa masse. En un mot, plus un verre est épais, plus il faut que le passage du chaud au froid soit insensible : il faut même quelquefois des journées entières pour faire refroidir des masses de verre d'un certain volume. La glace polie n'ayant point les inégalités dont on vient de parler, est incontestablement le verre le plus convenable à cette opération. On en coupera deux morceaux de même grandeur, l'un de glace de couleur, et l'autre de glace blanche transparente, le tout, s'il est possible, sans fil et sans bulle. On appliquera l'or et l'argent sur la glace de couleur de la façon dont nous le dirons, après avoir fait quelques réflexions sur leurs préparations.

Du choix de l'or et de l'argent, et de leur préparation. Il est important que l'or et l'argent soient très-purs pour cette opération : le cuivre qui sert quelquefois d'alliage à ces métaux en se brulant, leur donnerait une teinte noire qui affoiblirait leur brillant.

On peut employer l'or et l'argent en feuilles ou en poudre : cependant les métaux employés en poudre sont plus solides, et se travaillent avec plus de facilité que lorsqu'ils sont employés en feuilles ; car si on emploie des feuilles épaisses, la pointe dont on se sert pour enlever le métal superflu au dessein, et tracer les hachures qui forment les ombres, arrache la feuille, et ne fait que des traits babocheux. Si au contraire la feuille est trop mince, elle ne peut résister au feu, si l'artiste ne prend la précaution de ne donner qu'un degré de chaleur qui puisse amollir le verre sans fondre l'or.

Les moyens de mettre l'or et l'argent en poudre sont connus ; cependant on les rapportera, pour éviter la peine aux artistes d'en faire la recherche dans les auteurs qui en ont écrit.

On prendra des feuilles d'or battu très-mince ; on les mettra sur une pierre à broyer ; on y joindra une substance gluante, telle que le miel bien pur, du syrop très-clarifié fait avec le sucre et l'eau, ou bien une dissolution de gomme arabique ; on broyera le tout pour diviser les feuilles en molécules très-fines, et pendant longtemps, si l'on veut qu'elles le soient bien.

Lorsque l'on supposera qu'elles sont assez broyées, on s'en assurera en en mettant une petite partie sur l'ongle ou sur la main ; si on n'aperçoit aucune portion des feuilles, et que le tout soit converti dans une poudre très-fine, on l'enlevera de dessus la pierre, on le mettra dans un vase de fayence ou de verre, on versera dessus une grande quantité d'eau très-limpide pour dissoudre le syrop ou la gomme ; on laissera précipiter l'or, et quand il sera parfaitement précipité, on versera doucement l'eau qui surnagera la poudre d'or ; on repassera encore de l'eau sur cette poudre, pour enlever tout ce qui lui est étranger, par le même moyen qu'on a d'abord employé : enfin on répétera le même lavage autant qu'il le faudra, pour qu'il ne reste exactement que le métal : alors on le laissera sécher pour l'employer, comme on le verra plus bas : l'argent se prépare de la même manière.

On peut encore mettre l'or en poudre en l'amalgamant avec le mercure, et suivre aussi le même procédé pour y réduire l'argent ; car il s'amalgame très-bien avec le mercure.

Manière d'employer l'or et l'argent soit en feuilles, soit en poudre. L'or et l'argent soit en feuilles, soit en poudre, s'agglutinent au verre par des mordants : le suc d'ail très-connu pour opérer cet effet, ne convient que pour le métal en feuilles : on frotte le verre avec une gousse d'ail, et aussitôt on y applique une feuille d'or ou d'argent, de façon qu'elle ne fasse ni pli, ni ride. Lorsque le mordant est sec, ce qui arrive promptement, on peut travailler sur l'or et sur l'argent, comme on le dira dans un moment. L'huîle d'aspic dont les émailleurs se servent peut être aussi employé pour attacher sur le verre l'or et l'argent en feuilles ; ce mordant est cependant plus propre pour appliquer l'or et l'argent en poudre ; on peut même assurer qu'il est le meilleur de ceux que l'on peut employer.

On fait usage de la gomme arabique pour appliquer l'or sur la porcelaine, mais elle est plus sujette à se boursouffler au feu que l'huîle d'aspic.

On prendra donc de l'huîle d'aspic un peu épaissie, pas tout à fait autant que celle dont se servent les émailleurs. On en étendra avec une brosse sur le verre de couleur, une couche très-légère, mais très-égale : on examinera avec une loupe s'il n'y est pas resté du poil, et s'il ne s'est point attaché de poussière : en ce cas on enleverait les corps étrangers avec la pointe d'une aiguille, et l'on passerait encore la brosse pour étendre la couche du mordant ; il s'y attachera, et avec un pinceau neuf à longs poils, on passera plusieurs fois légèrement sur la totalité pour attacher l'or ou l'argent au mordant, et les rendre très-unis. Ensuite avec de l'eau médiocrement chargée de noir de fumée, on dessinera le sujet qu'on veut représenter ; et l'on enlevera le métal avec une pointe pour découvrir le fond, et faire les hachures destinées à prononcer les ombres : en un mot, on fera sur l'or et sur l'argent avec la pointe ce que l'on fait pour dessiner sur le papier, ou pour graver sur le cuivre.

Si l'on veut employer de l'or et de l'argent pour exécuter un sujet semblable à celui qui a donné lieu à ces recherches, on pourra appliquer l'argent sur l'or, soit en poudre, soit en feuilles : cependant il y aurait à craindre que l'or ne perçât à travers les feuilles ou la poudre d'argent : il est donc plus convenable d'enlever l'or avec la pointe, ou avec tout autre instrument que l'on imaginera convenir à ce travail, avant que d'appliquer le mordant propre à recevoir l'argent.

Lorsque le dessein sera terminé, il faudra exposer le verre au feu sous une moufle dans un fourneau d'émailleur pour dissiper le mordant qui a servi à haper l'or et l'argent surtout si l'on emploie l'huîle d'aspic, et faire éprouver au verre une chaleur assez forte pour que le métal s'attache au verre, sans qu'il se déforme. Si le métal n'était point adhérent au verre, on serait exposé à gâter l'ouvrage, en appliquant le verre blanc sur le verre de couleur, car il serait impossible de placer le verre blanc sur le verre de couleur sans quelque frottement capable de déranger le travail.

On vient de dire qu'il fallait dissiper le mordant avant que d'appliquer le verre blanc, surtout si l'on a employé de l'huîle d'aspic ; sans cette précaution, le mordant répandrait en se brulant une fumée entre les deux verres qui salirait l'or et l'argent. Il faut aussi que le mordant soit dissipé à une chaleur très-lente et graduée, sans quoi en se boursoufflant par une chaleur d'abord trop vive, il formerait une quantité prodigieuse de petites vésicules, qui en se crevant feraient autant de trous, et rendraient par conséquent l'ouvrage fort desagréable.

Il arrive quelquefois que le verre se boursouffle lorsqu'il est exposé au degré de chaleur nécessaire pour attacher l'or au verre, parce qu'il se trouve de l'air entre le centre du verre et le corps sur lequel il est appliqué, ce qui pourrait embarrasser l'artiste, lorsqu'il voudrait appliquer le verre blanc sur le verre de couleur. On évitera cet inconvénient par le choix du corps sur lequel on doit mettre le verre pour l'exposer au feu sous la moufle.

On peut se servir d'une plaque de fer très-plane et très-unie, de deux lignes d'épaisseur ou environ : on la fera rouiller également partout, afin que le blanc d'Espagne délayé dans de l'eau, dont on la couvrira exactement, retienne mieux le blanc d'Espagne, qui fera un corps intermédiaire entre le verre et le fer, et empêchera que le verre ne s'attache au fer.

On pourrait mettre le verre sur un fond de tripoli, qui est une terre crétacée ; mais l'air contenu dans les interstices des molécules du tripoli, exposerait quelquefois le verre à se boursouffler, comme on la dit plus haut ; la plaque de fer mérite par conséquent la préférence.

Quand l'or sera fixé sur le verre de couleur, on pourra lui donner beaucoup de brillant par le moyen du brunissoir : on pourrait même produire une variété agréable en ne le brunissant que de certaines parties ; par ce moyen l'or mat et l'or bruni, l'argent mat et l'argent bruni fourniraient, pour ainsi dire, quatre couleurs, et ce mélange de parties égales de poudre d'or et de poudre d'argent, pourrait encore en donner deux autres.

Alors on placera le verre blanc sous celui de couleur, on le portera sous la moufle dans le fourneau d'émailleur toujours sur la plaque de fer couverte du blanc d'Espagne, et par un feu gradué on échauffera le verre jusqu'à-ce qu'il le soit assez, pour que les deux morceaux puissent se souder : dans cet état, on le retirera du feu, et on le pressera avec un autre fer très-chaud, aussi blanchi, pour l'aplatir s'il était tortué, ou si quelques bulles d'eau en se raréfiant, avaient formé quelques vésicules entre les deux verres. Il faudra faire refroidir le verre insensiblement, comme on l'a déjà dit, pour éviter la fracture que pourrait causer le passage trop subit de l'air chaud à l'air froid.

Il est fort difficîle de fixer la chaleur qu'il faut donner au verre pour le fondre au degré nécessaire à cette opération. La pratique donnera de meilleures leçons que les préceptes que l'on pourrait écrire : on peut dire en général, que lorsqu'on apercevra que les bords du verre sont devenus mousses de tranchants qu'ils étaient, le verre est alors dans l'état de fusion nécessaire.

Si l'on passe ce degré de chaleur, le verre est exposé à se ramasser en masse informe, et l'on perd en un instant le fruit de son travail.

Quelque précaution que l'on ait pu prendre pour conserver l'uni et le poli des surfaces, l'un et l'autre se trouvent cependant détruits par les petites inégalités du blanc d'Espagne qui s'impriment sur le verre. Il faut donc user et repolir les surfaces.

Ce genre de travail est très-beau, et de plus très-solide ; les moyens de l'exécuter sont plus simples et moins difficiles que ceux de l'émail, puisqu'en effet cette opération n'a besoin au plus que de deux feux. Il y a lieu de croire d'ailleurs qu'il est aisé de pousser cette manœuvre à une plus grande perfection.

VERRE A BOIRE, s. m. (Verrerie) c'est un vase fait de simple verre ou de crystal, ordinairement de la forme d'un cône renversé, dont on se sert pour boire toutes sortes de liqueurs. Le verre a trois parties, le calice, le bouton et la patte, qui se travaillent séparément. Rien n'est plus industrieux que l'art de les souffler, d'en ouvrir deux des trois, et de les joindre à la troisième ; mais ce travail ne se peut comprendre que par la vue. (D.J.)

VERRE propre à faire l'opération de la ventouse, voyez VENTOUSE.

VERRE DE RUSSIE, vitrum ruthenicum, vitrum moscoviticum, glacies mariae, (Histoire naturelle) l'on a donné ce nom à un talc très-blanc, transparent comme du verre, qui se partage en feuilles très-minces, que l'on trouve en Russie et en Sibérie, et que l'on emploie dans ces pays pour faire les vitres des fenêtres. Cette pierre a toutes les propriétés du talc, c'est-à-dire, qu'elle sort du feu sans souffrir aucune altération, et les acides n'ont aucune prise sur elle.

Cette espèce de talc se trouve surtout en Sibérie, dans le voisinage des rivières de Witim et de Mama ; on appelle dans ce pays sliudniki ceux qui s'occupent à aller chercher le verre de Russie ; quand ils sont dans des endroits où l'on soupçonne qu'il y en a, ils commencent par mettre le feu aux herbes et aux broussailles des environs, afin de dépouiller le terrain, pour que le Soleil en frappant dessus leur fasse découvrir ce talc qui est luisant. Il se trouve par lames ou tables engagées dans une roche fort dure, qui est un quartz jaunâtre mêlé de spath ; c'est peut-être une espèce de faux granite. Ce talc n'est point en couches suivies ni par filons, on en trouve des lames répandues sans ordre. Ces lames ont quelquefois trois à quatre pieds en carré, et quelques pouces d'épaisseur. La dureté du rocher dont ces pauvres ouvriers ne peuvent point venir à bout faute d'instrument, et parce qu'ils ne savent pas le faire sauter avec de la poudre, fait qu'ils ne vont point chercher le talc bien avant : d'ailleurs M. Gmelin conjecture que ce talc a peut-être besoin du contact de l'air pour sa formation.

Le talc le plus estimé est celui qui est blanc et transparent comme de l'eau de roche ; on ne fait pas si grand cas de celui qui est verdâtre. On a aussi égard pour le prix à la grandeur des morceaux ; l'on en trouve quelquefois qui ont trois à quatre pieds en carré. Le plus beau talc ou verre de Russie se paye sur les lieux jusqu'à un ou deux roubles (de cinq jusqu'à dix francs) la livre. Le commun, qu'on appelle tschetwenaja et qui n'a qu'environ un demi-pié en carré, se paye de 8 à 10 roubles le pud, c'est-à-dire 40 livres. Le talc de la plus mauvaise qualité et qui est encore au-dessous de la qualité susdite se débite sur le pied d'un rouble et demi ou de deux roubles le pud, c'est-à-dire de 7 livres 10 sols à 10 livres argent de France ; ce dernier est destiné pour faire des vitres communes, et on l'attache aux fenêtres avec du fil.

Quand on veut débiter le verre de Russie, on fend les lames en plusieurs feuillets plus minces, avec un couteau à deux tranchans, ce qui se fait aisément ; cependant on donne une certaine épaisseur à ces feuillets, pour que le verre ait plus de consistance.

Quand ce talc est de la belle espèce, il n'y a point de verre qui soit aussi pur et aussi transparent. On ne connait point d'autres vitres en Russie. On l'emploie aussi pour faire les vitres des vaisseaux de la flotte, parce qu'elles sont moins sujettes à se casser par l'ébranlement des salves de la canonnade. Cependant ce verre s'altère et se ternit à l'air, et il est difficîle à nettoyer lorsqu'il a été sali par la fumée et la poussière. Ces détails sont tirés du voyage de Sibérie de M. Gmelin, publié en allemand, tome II. On trouve encore du talc de cette espèce dans la Carélie et près d'Archangel ; mais il n'est point si beau que celui de Sibérie.

C'est d'un talc semblable dont se servent quelques religieuses d'Allemagne pour mettre à des petits reliquaires au-lieu de verre, et c'est ce qui l'a fait appeler glacies mariae, en allemand marienglas, qui doit être regardé comme un vrai talc, et non comme un gypse, comme quelques auteurs l'ont prétendu. Voyez MARIAE GLACIES.