adj. GRANDEUR, s. f. (Grammaire et Littérature) c'est un des mots les plus fréquemment employés dans le sens moral, et avec le moins de circonspection. Grand homme, grand génie, grand esprit, grand capitaine, grand philosophe, grand orateur, grand poète ; on entend par cette expression quiconque dans son art passe de loin les bornes ordinaires. Mais comme il est difficîle de poser ces bornes, on donne souvent le nom de grand au médiocre.
On se trompe moins dans les significations de ce terme au physique. On sait ce que c'est qu'un grand orage, un grand malheur, une grande maladie, de grands biens, une grande misere.
Quelquefois le terme gros est mis au physique pour grand, mais jamais au moral. On dit de gros biens, pour grandes richesses ; une grosse pluie, pour grande pluie ; mais non pas gros capitaine, pour grand capitaine ; gros ministre, pour grand ministre. Grand financier, signifie un homme très-intelligent dans les finances de l'état. Gros financier, ne veut dire qu'un homme enrichi dans la finance.
Le grand homme est plus difficîle à définir que le grand artiste. Dans un art, dans une profession, celui qui a passé de loin ses rivaux, ou qui a la réputation de les avoir surpassés, est appelé grand dans son art, et semble n'avoir eu besoin que d'un seul mérite. Mais le grand homme doit réunir des mérites différents. Gonsalve, surnommé le grand capitaine, qui disait que la toîle d'honneur doit être grossièrement tissue, n'a jamais été appelé grand homme. Il est plus aisé de nommer ceux à qui l'on doit refuser l'épithète de grand homme, que de trouver ceux à qui on doit l'accorder. Il semble que cette dénomination suppose quelques grandes vertus. Tout le monde convient que Cromwel était le général le plus intrépide de son temps, le plus profond politique, le plus capable de conduire un parti, un parlement, une armée. Nul écrivain cependant ne lui donne le titre de grand homme, parce qu'avec de grandes qualités il n'eut aucune grande vertu.
Il parait que ce titre n'est le partage que du petit nombre d'hommes dont les vertus, les travaux, et les succès ont éclaté. Les succès sont nécessaires, parce qu'on suppose qu'un homme toujours malheureux l'a été par sa faute.
Grand tout court, exprime seulement une dignité. C'est en Espagne un nom appelatif honorifique, distinctif, que le roi donne aux personnes qu'il veut honorer. Les grands se couvrent devant le roi, ou avant de lui parler, ou après lui avoir parlé, ou seulement en se mettant en leur rang avec les autres.
Charles-Quint confirma à 16 principaux seigneurs les privilèges de la grandesse ; cet empereur, roi d'Espagne, accorda les mêmes honneurs à beaucoup d'autres. Ses successeurs en ont toujours augmenté le nombre. Les grands d'Espagne ont longtemps prétendu être traités comme les électeurs et les princes d'Italie. Ils ont à la cour de France les mêmes honneurs que les pairs.
Le titre de grand a toujours été donné en France à plusieurs premiers officiers de la couronne, comme grand-sénéchal, grand-maître, grand-chambellan, grand-écuyer, grand-échanson ; grand-pannetier, grand-véneur, grand-louvetier, grand-fauconnier. On leur donna ce titre par prééminence, pour les distinguer de ceux qui servaient sous eux. On ne le donna ni au connétable, ni au chancelier, ni aux maréchaux, quoique le connétable fût le premier des grands officiers, le chancelier le second officier de l'état, et le maréchal le second officier de l'armée. La raison en est qu'ils n'avaient point de vice-gérents, de sous-connétables, de sous-maréchaux, de sous-chanceliers, mais des officiers d'une autre dénomination qui exécutaient leurs ordres ; au lieu qu'il y avait des maîtres-d'hôtel sous le grand maître, des chambellans sous le grand-chambellan, des écuyers sous le grand-écuyer, etc.
Grand qui signifie grand-seigneur, a une signification plus étendue et plus incertaine ; nous donnons ce titre au sultan des Turcs, qui prend celui de padisha, auquel grand-seigneur ne répond point. On dit un grand, en parlant d'un homme d'une naissance distinguée, revêtu de dignités ; mais il n'y a que les petits qui le disent. Un homme de quelque naissance ou un peu illustré, ne donne ce nom à personne. Comme on appelle communément grand-seigneur celui qui a de la naissance, des dignités, et des richesses, la pauvreté semble ôter ce titre. On dit un pauvre gentil-homme, et non pas un pauvre grand seigneur.
Grand est autre que puissant ; on peut être l'un et l'autre. Mais le puissant désigne une place importante. Le grand annonce plus d'extérieur et moins de réalité. Le puissant commande : le grand a des honneurs.
On a de la grandeur dans l'esprit, dans les sentiments, dans les manières, dans la conduite. Cette expression n'est point employée pour les hommes d'un rang médiocre, mais pour ceux qui par leur état sont obligés à montrer de l'élévation. Il est bien vrai que l'homme le plus obscur peut avoir plus de grandeur d'ame qu'un monarque. Mais l'usage ne permet pas qu'on dise, ce marchand, ce fermier s'est conduit avec grandeur ; à-moins que dans une circonstance singulière et par opposition on ne dise, par exemple, le fameux négociant qui reçut Charles-Quint dans sa maison, et qui alluma un fagot de canelle avec une obligation de cinquante mille ducats qu'il avait de ce prince, montra plus de grandeur d'ame que l'empereur.
On donnait autrefois le titre de grandeur aux hommes constitués en dignité. Les curés en écrivant aux évêques, les appelaient encore votre grandeur. Ces titres que la bassesse prodigue et que la vanité reçoit ne sont plus guère en usage.
La hauteur est souvent prise pour de la grandeur. Qui étale la grandeur, montre la vanité. On s'est épuisé à écrire sur la grandeur, selon ce mot de Montagne : nous ne pouvons y atteindre, vengeons-nous par en médire. Voyez GRANDEUR et l'article suivant. Article de M. DE VOLTAIRE.
GRAND, s. m. (Philos. Mor. Politiq.) les grands : on nomme ainsi en général ceux qui occupent les premières places de l'état, soit dans le gouvernement, soit auprès du prince.
On peut considérer les grands ou par rapport aux mœurs de la societé, ou par rapport à la constitution politique. Par rapport aux mœurs, voyez les articles COURTISAN, GLOIRE, GRANDEUR, FASTE, FLATERIE, NOBLESSE, etc. Nous prenons ici les grands en qualité d'hommes publics.
Dans la démocratie pure il n'y a de grands que les magistrats, ou plutôt il n'y a de grand que le peuple. Les magistrats ne sont grands que par le peuple et pour le peuple ; c'est son pouvoir, sa dignité, sa majesté, qu'il leur confie : de-là vient que dans les républiques bien constituées, on faisait un crime autrefois de chercher à acquérir une autorité personnelle. Les généraux d'armée n'étaient grands qu'à la tête des armées ; leur autorité était celle de la discipline ; ils la déposaient en même temps que le soldat quittait les armes, et la paix les rendait égaux.
Il est de l'essence de la démocratie que les grandeurs soient électives, et que personne n'en soit exclu par état. Dès qu'une seule classe de citoyens est condamnée à servir sans espoir de commander, le gouvernement est aristocratique. Voyez ARISTOCRATIE.
La moins mauvaise aristocratie est celle où l'autorité des grands se fait le moins sentir. La plus vicieuse est celle où les grands sont despotes, et les peuples esclaves. Si les nobles sont des tyrants, le mal est sans remède : un sénat ne meurt point.
Si l'aristocratie est militaire, l'autorité des grands tend à se réunir dans un seul : le gouvernement touche à la monarchie ou au despotisme. Si l'aristocratie n'a que le bouclier des lais, il faut pour subsister qu'elle soit le plus juste et le plus modéré de tous les gouvernements. Le peuple pour supporter l'autorité exclusive des grands, doit être heureux comme à Venise, ou stupide comme en Pologne.
De quelle sagesse, de quelle modestie la noblesse Vénitienne n'a-t-elle pas besoin pour ménager l'obéissance du peuple ! de quels moyens n'use-t-elle pas pour le consoler de l'inégalité ! Les courtisannes et le carnaval de Venise sont d'institution politique. Par l'un de ces moyens, les richesses des grands refluent sans faste et sans éclat vers le peuple : par l'autre, le peuple se trouve six mois de l'année au pair des grands, et oublie avec eux sous le masque sa dépendance et leur domination.
La liberté romaine avait chéri l'autorité des rois ; elle ne put souffrir l'autorité des grands. L'esprit républicain fut indigné d'une distinction humiliante. Le peuple voulut bien s'exclure des premières places, mais il ne voulut pas en être exclu ; et la preuve qu'il méritait d'y prétendre, c'est qu'il eut la sagesse et la vertu de s'en abstenir.
En un mot la république n'est une que dans le cas du droit universel aux premières dignités. Toute prééminence héréditaire y détruit l'égalité, rompt la chaîne politique, et divise les citoyens.
Le danger de la liberté n'est donc pas que le peuple prétende élire entre les citoyens sans exception, ses magistrats et ses juges, mais qu'il les méconnaisse après les avoir élus. C'est ainsi que les Romains ont passé de la liberté à la licence, de la licence à la servitude.
Dans les gouvernements républicains, les grands revêtus de l'autorité l'exercent dans toute sa force. Dans le gouvernement monarchique, ils l'exercent quelquefois et ne la possèdent jamais : c'est par eux qu'elle passe ; ce n'est point en eux qu'elle réside ; ils en sont comme les canaux, mais le prince en ouvre et ferme la source, la divise en ruisseaux, en mesure le volume, en observe et dirige le cours.
Les grands comblés d'honneurs et dénués de force, représentent le monarque auprès du peuple, et le peuple auprès du monarque. Si le principe du gouvernement est corrompu dans les grands, il faudra bien de la vertu et dans le prince et dans le peuple, pour maintenir dans un juste équilibre l'autorité protectrice de l'un, et la liberté légitime de l'autre ; mais si cet ordre est composé de fidèles sujets et de bons patriotes, il sera le point d'appui des forces de l'état, le lien de l'obéissance et de l'autorité.
Il est de l'essence du gouvernement monarchique comme du républicain, que l'état ne soit qu'un, que les parties dont il est composé forment un tout solide et compacte. Cette machine vaste toute simple qu'elle est, ne saurait subsister que par une exacte combinaison de ses pièces ; si les mouvements sont interrompus ou opposés, le principe même de l'activité devient celui de la destruction.
Or la position des grands dans un état monarchique, sert merveilleusement à établir et à conserver cette communication, cette harmonie, cet ensemble, d'où résulte la continuité régulière du mouvement général.
Il n'en est pas ainsi dans un gouvernement mixte, où l'autorité est partagée et balancée entre le prince et la nation. Si le prince dispense les grâces, les grands seront les mercenaires du prince, et les corrupteurs de l'état : au nombre des subsides imposés sur le peuple, sera compris tacitement l'achat annuel des suffrages, c'est-à-dire ce qu'il en coute au prince pour payer aux grands la liberté du peuple. Le prince aura le tarif des voix, et l'on calculera en son conseil combien telles et telles vertus peuvent lui couter à corrompre.
Mais dans un état monarchique bien constitué, où la plénitude de l'autorité réside dans un seul sans jalousie et sans partage, où par conséquent toute la puissance du souverain est dans la richesse, le bonheur et la fidélité de ses sujets, le prince n'a aucune raison de surprendre le peuple : le peuple n'a aucune raison de se défier du prince : les grands ne peuvent servir ni trahir l'un sans l'autre ; ce serait en eux une fureur absurde que de porter le prince à la tyrannie, ou le peuple à la révolte. Premiers sujets, premiers citoyens, ils sont esclaves si l'état devient despotique ; ils retombent dans la foule, si l'état devient républicain : ils tiennent donc au prince par leur supériorité sur le peuple ; ils tiennent au peuple par leur dépendance du prince, et par-tout ce qui leur est commun avec le peuple, liberté, propriété, sûreté, etc. aussi les grands sont attachés à la constitution monarchique par intérêt et par devoir, deux liens indissolubles lorsqu'ils sont entrelacés.
Cependant l'ambition des grands semble devoir tendre à l'aristocratie ; mais quand le peuple s'y laisserait conduire, la simple noblesse s'y opposerait, à-moins qu'elle ne fût admise au partage de l'autorité ; condition qui donnerait aux premiers de l'état vingt mille égaux au lieu d'un maître, et à laquelle par conséquent ils ne se résoudront jamais ; car l'orgueil de dominer qui fait seul les révolutions, souffre bien moins impatiemment la supériorité d'un seul, que l'égalité d'un grand nombre.
Le désordre le plus effroyable de la monarchie, c'est que les grands parviennent à usurper l'autorité qui leur est confiée, et qu'ils tournent contre le prince et contre l'état lui-même, les forces de l'état déchiré par les factions. Telle était la situation de la France lorsque le cardinal de Richelieu, ce génie hardi et vaste, ramona les grands sous l'obéissance du prince, et les peuples sous la protection de la loi. On lui reproche d'avoir été trop loin ; mais peut-être n'avait-il pas d'autre moyen d'affermir la monarchie, de rétablir dans sa direction naturelle ce grand arbre courbé par l'orage, que de le plier dans le sens opposé.
La France formait autrefois un gouvernement fédératif très-mal combiné, et sans-cesse en guerre avec lui-même. Depuis Louis XI. tous ces co-états avaient été réunis en un ; mais les grands vassaux conservaient encore dans leurs domaines l'autorité qu'ils avaient eue sous leurs premiers souverains, et les gouverneurs qui avaient pris la place de ces souverains, s'en attribuaient la puissance. Ces deux partis opposaient à l'autorité du monarque des obstacles qu'il fallait vaincre. Le moyen le plus doux, et par conséquent le plus sage, était d'attirer à la cour ceux qui, dans l'éloignement et au milieu des peuples accoutumés à leur obéir, s'étaient rendus si redoutables. Le prince fit briller les distinctions et les grâces ; les grands accoururent en foule ; les gouverneurs furent captivés, leur autorité personnelle s'évanouit en leur absence, leurs gouvernements héréditaires devinrent amovibles, et l'on s'assura de leurs successeurs ; les seigneurs oublièrent leurs vassaux, ils en furent oubliés ; leurs domaines furent divisés, aliénés, dégradés insensiblement, et il ne resta plus du gouvernement féodal que des blasons et des ruines.
Ainsi la qualité de grand de la cour n'est plus qu'une faible image de la qualité de grand du royaume. Quelques-uns doivent cette distinction à leur naissance. La plupart ne la doivent qu'à la volonté du souverain ; car la volonté du souverain fait les grands comme elle fait les nobles, et rend la grandeur ou personnelle, ou héréditaire à son gré. Nous disons personnelle ou héréditaire, pour donner au titre de grand toute l'étendue qu'il peut avoir ; mais on ne doit l'entendre à la rigueur que de la grandeur héréditaire, telle que les princes du sang la tiennent de leur naissance, et les ducs et pairs de la volonté de nos rais. Les premières places de l'état s'appellent dignités dans l'église et dans la robe, grades dans l'épée, places dans le ministère, charges dans la maison royale ; mais le titre de grand, dans son étroite acception, ne convient qu'aux pairs du royaume.
Cette réduction du gouvernement féodal à une grandeur qui n'en est plus que l'ombre, a dû couter cher à l'état ; mais à quelque prix qu'on achète l'unité du pouvoir et de l'obéissance, l'avantage de n'être plus en bute au caprice aveugle et tyrannique de l'autorité fiduciaire, le bonheur de vivre sous la tutele inviolable des lois toujours prêtes à s'armer contre les usurpations, les vexations et les violences ; il est certain que de tels biens ne seront jamais trop payés.
Dans la constitution présente des choses il nous semble donc que les grands sont dans la monarchie française, ce qu'ils doivent être naturellement dans toutes les monarchies de l'Univers ; la nation les respecte sans les craindre ; le souverain se les attache sans les enchainer, et les contient sans les abattre : pour le bien leur crédit est immense ; ils n'en ont aucun pour le mal, et leurs prérogatives mêmes sont de nouveaux garants pour l'état du zèle et du dévouement dont elles sont les récompenses.
Dans le gouvernement despotique tel qu'il est souffert en Asie, les grands sont les esclaves du tyran, et les tyrants des esclaves ; ils tremblent et ils font trembler : aussi barbares dans leur domination que lâches dans leur dépendance, ils achetent par leur servitude auprès du maître, leur autorité sur les sujets, également prêts à vendre l'état au prince, et le prince à l'état ; chefs du peuple dès qu'il se révolte, et ses oppresseurs tant qu'il est soumis.
Si le prince est vertueux, s'il veut être juste, s'il peut s'instruire, ils sont perdus : aussi veillent-ils nuit et jour à la barrière qu'ils ont élevée entre le trône et la vérité ; ils ne cessent de dire au souverain, vous pouvez tout, afin qu'il leur permette de tout oser ; ils lui crient, votre peuple est heureux, au moment qu'ils expriment les dernières gouttes de sa sueur et de son sang ; et si quelquefois ils consultent ses forces, il semble que ce soit pour calculer en l'opprimant combien d'instants encore il peut souffrir sans expirer.
Malheureusement pour les états où de pareils monstres gouvernent, les lois n'y ont point de tribunaux, la faiblesse n'y a point de refuge : le prince s'y réserve à lui seul le droit de la vindicte publique ; et tant que l'oppression lui est inconnue, les oppresseurs sont impunis.
Telle est la constitution de ce gouvernement déplorable, que non-seulement le souverain, mais chacun des grands dans la partie qui lui est confiée, tient la place de la loi. Il faut donc pour que la justice y règne, non-seulement qu'un homme, mais une multitude d'hommes soient infaillibles, exempts d'erreur et de passion, détachés d'eux-mêmes, accessibles à tous, égaux pour tous comme la loi ; c'est-à-dire qu'il faut que les grands d'un état despotique soient des dieux. Aussi n'y a-t-il que la théocratie qui ait le droit d'être despotique ; et c'est le comble de l'aveuglement dans les hommes que d'y prétendre ou d'y consentir. Article de M. MARMONTEL.
GRAND, adject. en Anatomie, se dit de quelques muscles, ainsi appelés par comparaison avec d'autres qui sont petits.
GRANDS-AUDIENCIERS DE FRANCE, (Jurisprudence) sont les premiers officiers de la grande chancellerie de France, dont ils reçoivent en leur hôtel toutes les lettres qu'ils doivent rapporter au sceau. Ils rapportent les premiers au sceau, avant messieurs les maîtres des requêtes et messieurs les deux grands-rapporteurs et autres, qui ont droit d'y rapporter certaines lettres.
Ils commencent par la liasse de messieurs les secrétaires d'état, et rapportent en certains cas des édits et déclarations du roi, dont après qu'ils sont scellés, ils font la lecture publique et les enregistrent sur le registre de l'audience de France, et en signent aussi l'enregistrement sur les originaux qui ne sont ni présentés ni registrés au parlement, ni dans aucune autre cour supérieure.
Après la liasse du roi ils rapportent au sceau celle du public, composée de toutes espèces de lettres, à l'exception des lettres de justice, des provisions d'office, des lettres de ratification, et des lettres de rémission et pardon, qui sont rapportées par d'autres officiers. Ils enregistrent sur différents registres pour chaque matière, les provisions scellées des grands officiers et des secrétaires du roi de la grande chancellerie, qui viennent s'immatriculer chez le grand-audiencier de quartier, à la suite de leurs provisions registrées. Celles des autres secrétaires du roi des chancelleries près les cours supérieures du royaume, sont aussi enregistrées sur un autre registre ; et ces dernières provisions ne sont scellées qu'après que l'information de vie et mœurs du récipiendaire a été faite par le grand-audiencier assisté de son contrôleur, dont mention est faite sur le repli des provisions à la suite du renvoi qui leur en est fait par M. le garde de sceaux, lequel écrit de sa main le soit montré.
Les grands-audienciers enregistrent encore sur des registres différents les octrais accordés par le roi, les prébendes de nomination royale, les indults, les privilèges et permissions d'imprimer. A chacun des articles M. le garde des sceaux écrit sur le registre, scellé.
Ils président au contrôle, où leur fonction est de taxer toutes les lettres qui ont été scellées. Les taxes apposées sur chaque lettre, et paraphées du grand-audiencier de France et de son contrôleur, font le caractère et la preuve des lettres scellées ; puisque pour l'ordinaire et par un abus très-repréhensible, on ôte la cire sur laquelle sont empreints les sceaux de France et du dauphin.
Le nom d'audiencier qu'on leur a donné vient, suivant les formules de Marculphe, de ce que le parchemin qui sert à faire les lettres de chancellerie, s'appelait autrefois carta audientialis : d'autres disent que c'est parce que l'audiencier demande l'audience à celui qui tient le sceau, pour lui présenter les lettres : d'autres prétendent que ce nom d'audiencier vient de ce que ce sont eux qui présentent les lettres au sceau, dont la tenue est réputée une audience publique : d'autres enfin, et c'est l'opinion qui parait la mieux fondée, tiennent que l'audiencier est ainsi nommé, parce que la salle où se tient le sceau est réputée la chambre du roi, et que le sceau qui s'y tient s'appelle l'audience de France : c'est le terme des ordonnances. Dans cette audience, le grand-audiencier délivrait autrefois les lettres, nommant tout haut ceux au nom desquels elles étaient expédiées ; c'est pourquoi on l'appelait en latin judiciarius praeco.
On leur donne encore en latin les noms, in judiciali cancellariae Franciae praetorio supremo diplomatum ac rescriptorum relatores, amanuensium decuriones, scribarum magistri : ces derniers titres annoncent qu'ils ont toujours été au-dessus des clercs-notaires et secrétaires du roi.
Ils ont aussi le titre de conseillers du roi en ses conseils, et sont secrétaires du roi nés en la grande chancellerie ; ils en peuvent prendre le titre, et en faire toutes les fonctions, et en ont tous les privilèges sans être obligés d'avoir un office de secrétaire du roi, étant tous réputés du collège des secrétaires du roi : ils peuvent cependant aussi posséder en même temps un office de secrétaire du roi.
Leur office est de la couronne du roi ; c'est pourquoi ils paient leur capitation à la cour, à celui qui reçoit celle de la famille royale, des princes et princesses du sang, et des grands officiers de la couronne.
Il n'y avait anciennement qu'un seul audiencier en la chancellerie de France. Les plus anciens titres où il en soit fait mention, sont deux états de la maison du roi Philippe-le-Long, l'un du 2 Décembre 1316, l'autre du 18 Novembre 1317, où il est dit, que le chancelier doit héberger avec lui son chauffe-cire et celui qui rend les lettres ; celui-ci quoique bien supérieur à l'autre, puisqu'il est le premier officier de la grande chancellerie, n'est nommé que le dernier, soit par inattention du redacteur, soit parce qu'on les a nommés suivant l'ordre des opérations, et que l'on chauffe la cire pour sceller avant que l'on rende les lettres.
Celui qui faisait alors la fonction d'audiencier était seul ; il rapportait les lettres, les rendait après les avoir taxées, et faisait les fonctions de trésorier et de scelleur.
On l'a depuis appelé audiencier du roi, ou audiencier de France, et ensuite grand-audiencier de France.
On le nommait encore en 1321 comme en 1316, suivant un règlement de Philippe-le-Long, du mois de Février 1321, portant qu'il établira une certaine personne avec celui qui rend les lettres, pour recevoir l'émolument du sceau.
Ce même règlement ne voulait pas que celui qui rendait les lettres fût notaire, et cela, est-il dit, pour ôter toute suspicion ; ce qui a été bien changé depuis, puisque les audienciers sont en cette qualité secrétaires du roi, qu'ils en peuvent prendre le titre et en faire toutes les fonctions.
L'audiencier a été surnommé grand-audiencier, soit à cause de l'importance de son office et parce qu'il fait ses fonctions en la grande chancellerie de France, soit pour le distinguer des audienciers particuliers qu'il commettait autrefois dans les autres chancelleries, et qui ont depuis été érigés en titre d'office.
Le sciendum ou instruction faite pour le service de la chancellerie, que quelques-uns croient de 1339, d'autres de 1394, d'autres seulement de 1415, est l'acte le plus ancien qui donne le titre d'audiencier à celui qui exerce cette fonction.
Il y est dit, entr'autres choses, que chaque notaire du roi (c'est-à-dire sécrétaire) aura soin d'envoyer chaque mois qu'il aura exercé son office à Paris ou ailleurs, en suivant la cour, à l'audiencier ou au contrôleur de l'audience du roi, sa cédule, le premier, le second, ou au plus-tard le troisième ou le quatrième jour du mois, conçue en ces termes : Monsieur l'audiencier du roi, je tel ai été à Paris, où en la cour du roi pendant un tel mois faisant ma charge, ayant escrit ; etc. Que si dans la distribution des bourses le secrétaire du roi trouve de l'erreur à son préjudice, il peut recourir à l'audiencier et lui dire : Monsieur, je vous prie de voir si au rôle secret de la distribution des bourses il ne s'est pas trouvé de faute sur moi, car je n'ai en ma bourse que tant ; et alors l'audiencier verra, est-il dit, le rôle secret ; et s'il y a erreur, il suppléera le défaut. La naïveté de ces formules fait connaître la simplicité de ces temps, et peut faire croire que le sciendum est plutôt de 1339 que de 1415.
Ce même sciendum porte que des lettres en simple queue pour chasseurs, venatoribus, et autres semblables, on n'a pas coutume de rien recevoir, mais qu'ils chassent pour l'audiencier et le contrôleur ; ce qui est néanmoins de grâce. Ces derniers termes sont équivoques ; car on ne sait si c'est la remise des droits qui était de grâce, ou si c'était le gibier que donnaient les chasseurs.
Par le terme de chasseurs on pourrait peut-être entendre le grand-véneur et autres officiers de la vénerie du roi, le grand-fauconnier, etc. En effet on voit que les principaux officiers du roi étaient exempts des droits du sceau, tels que le chancelier, les chambellans, le grand-bouteiller, et autres semblables : mais il y a plus d'apparence que par le terme de chasseurs on a entendu en cet endroit de simples chasseurs sans aucune dignité ; le droit de l'audiencier n'en était que plus étendu, Ve qu'alors la chasse était après la guerre la principale occupation de toute la noblesse : et à ce compte la maison de l'audiencier devait être bien fournie de gibier ; mais il faut aussi convenir que si l'on chassait beaucoup, alors on prenait peu de lettres en chancellerie.
Pour ce qui est des personnes que le sciendum comprend sous ces mots et autres semblables, il y a apparence que c'étaient aussi des personnes peu opulentes qui vivaient de leur industrie, et que par cette raison le grand-audiencier ne prenait point d'argent d'eux ; de même que c'était alors la coutume qu'un menétrier passait à un péage sans rien payer, pourvu qu'il jouât de son instrument devant le péager, ou qu'il fit jouer son singe s'il en avait un : d'où est venu le proverbe, payer en monnaie de singe. On ne voit point comment l'ancien usage a changé par rapport à l'audiencier, à-moins que ce ne soit par les défenses qui lui ont été faites dans la suite de recevoir autre chose que la taxe.
L'audiencier du roi, appelé depuis grand-audiencier, était autrefois seul pour la grande chancellerie de France, de même que le contrôleur général de l'audience de France, dont la fonction est de contrôler toutes les lettres que délivre l'audiencier.
A-mesure que l'on établit des chancelleries près les cours, l'audiencier et le contrôleur y établissaient de leur part des commis et subdélégués, pour y faire en leur nom les mêmes fonctions qu'ils faisaient en la grande chancellerie, et ces audienciers et contrôleurs particuliers commis, étaient subordonnés au grand-audiencier et au contrôleur général, auxquels ils rendaient compte de leur mission. Ce fut sans-doute pour distinguer l'audiencier de la grande chancellerie de tous ces audienciers particuliers par lui commis, qu'on le surnomma grand-audiencier de France.
Dans un règlement du roi Jean, du 7 Décembre 1361, il est fait mention de l'audiencier de Normandie, qui était apparemment un de ces audienciers commis par celui de la grande chancellerie, lequel y est qualifié d'audiencier du roi.
Suivant les statuts des secrétaires du roi, confirmés par lettres de Charles V. du 24 Mai 1389, quand le roi était hors de Paris pour quelque voyage, on commettait un audiencier forain pour recevoir les émoluments des collations, lequel à son retour devait remettre ces émoluments aux secrétaires du roi commis pour cette recette en vérifiant la sienne sur son journal de l'audience.
Il y avait aussi un audiencier et un contrôleur particuliers pour la chancellerie de Bretagne, laquelle ayant formé autrefois une chancellerie particulière indépendante de celle de France, avait toujours conservé un audiencier et un contrôleur en titre, même depuis l'édit du mois de Mai 1494, par lequel Charles VIII. abolit le nom et l'office de chancelier de Bretagne.
A l'égard des autres chancelleries particulières établies près les cours, dans lesquelles le grand-audiencier et le contrôleur général de l'audience avaient des commis ou subdélégués, ces fonctions ayant paru trop importantes pour les confier à des personnes sans caractère, Henri II. par un édit du mois de Janvier 1551, créa en chef et titre d'office formé six offices d'audiencier et six offices de contrôleur, tant pour la grande chancellerie que pour celles établies près les parlements de Paris, Toulouse, Dijon, Bordeaux et Rouen ; il supprima les noms et qualités de grand-audiencier de France et de contrôleur général de l'audience, et ordonna qu'ils s'appelleraient dorénavant, savoir en la grande chancellerie, conseiller du roi et audiencier de France, et contrôleur de l'audience de France ; et que dans les autres chancelleries l'audiencier s'appellerait conseiller du roi audiencier de la chancellerie du lieu où il serait établi, et que le contrôleur s'appellerait contrôleur de ladite chancellerie.
Par le même édit, ces nouveaux officiers furent créés clercs-notaires et secrétaires du roi, pour signer et expédier toutes lettres qui s'expédieraient en la chancellerie en laquelle chacun serait établi, et non ailleurs ; de manière qu'ils n'auraient pas besoin de tenir un autre office de secrétaire du roi et de la maison et couronne de France ; mais si quelqu'un d'eux s'en trouve pourvu, l'édit déclare ces deux charges compatibles, et veut qu'en ce cas il prenne une bourse à part à cause de l'office de secrétaire du roi.
On ne voit point par quel règlement le titre de grand-audiencier a été rendu à l'audiencier de la grande chancellerie ; l'édit du mois de Février 1561 parait être le premier où cette qualité lui ait été donné depuis la suppression qui en avait été faite dix ans auparavant ; les édits et déclarations postérieurs lui donnent aussi la plupart la même qualité, et elle a été communiquée aux trois autres audienciers qui ont été créés pour la grande chancellerie.
L'édit du mois d'Octobre 1571 créa pour la grande chancellerie deux offices, l'un d'audiencier, l'autre de contrôleur, pour exercer de six mois en six mois avec les anciens, et avec les mêmes droits qu'eux.
Au mois de Juillet 1576, Henri III. créa encore pour la grande chancellerie deux audienciers et deux contrôleurs, outre les deux qui y étaient déjà, pour exercer chacun par quartier, et les nouveaux avec les mêmes droits que les anciens.
On a aussi depuis multiplié le nombre des audienciers dans les petites chancelleries, mais ceux de la grande sont les seuls qui prennent le titre de grands-audienciers de France.
Ils prêtent serment entre les mains de M. le garde des sceaux.
Le grand-audiencier a sur les secrétaires du roi une certaine inspection relativement à leurs fonctions, et qui était même autrefois plus étendue qu'elle ne l'est présentement.
Le roi Jean fit le 7 Décembre 1361 un règlement pour les notaires du roi, suivant lequel ils devaient donner à la fin de chaque mois une cédule des jours de leur service ; ils étaient obligés à une continuelle résidence dans le lieu où ils étaient distribués ; et lorsqu'ils voulaient s'absenter sans un mandement du roi, ils devaient prendre congé de l'audiencier et lui dire par serment la cause pour laquelle ils voulaient s'absenter ; alors il leur donnait congé et leur fixait un temps pour revenir, selon les circonstances, mais il ne pouvait pas leur donner plus de huit jours, sans l'autorité du chancelier. L'audiencier ni le chancelier même ne pouvaient permettre à plus de quatre à la fois de s'absenter ; et s'ils manquaient quatre fois de suite, à la quatrième l'audiencier pouvait mettre un des autres notaires en leur place, pour servir continuellement : il ne pouvait cependant le faire que par le conseil du chancelier.
Suivant une déclaration de Charles IX. du mois de Juillet 1565, les secrétaires du roi doivent donner ou envoyer au grand-audiencier toutes les lettres qu'ils ont dressées et signées, pour les présenter au sceau, à l'exception des provisions d'offices, qui se portent chez le garde des rôles. Il est enjoint à l'audiencier ou à celui des secrétaires du roi qui sera commis en son absence ou empêchement légitime, de présenter les lettres selon l'ordre et ancienneté de leurs dates et longueur du temps de la poursuite des parties, avec défenses d'en interrompre l'ordre pour quelque cause que ce sait, sinon pour lettres concernant les affaires du roi : présentement après la liasse du roi ils rapportent les autres lettres, en les arrangeant par espèces.
Le règlement fait par le chancelier de Sillery le 23 Décembre 1609, pour l'ordre que l'on doit tenir au sceau, porte pareillement que les lettres seront présentées par le grand-audiencier seul et non par d'autre ; ce qui doit s'entendre seulement des lettres de sa compétence. Il est dit aussi que pendant la tenue du sceau il n'en pourra recevoir aucunes, sinon les arrêts ou lettres concernant le service de sa majesté.
Le garde des sceaux du Vair fit le premier Décembre 1619 un règlement pour le sceau, portant entre autres choses, que les provisions des audienciers et contrôleurs des chancelleries, avant d'être présentées au sceau, seront communiquées aux grands-audienciers de France et contrôleurs généraux de l'audience, qui mettront sur icelles s'ils empêchent ou non lesdites provisions.
Il est aussi d'usage, suivant un édit du mois de Novembre 1482, que les secrétaires du roi ne peuvent faire aucune expédition ni signature, qu'ils n'aient fait serment devant le grand-audiencier et le contrôleur, d'entretenir la confrairie du collège des secrétaires du roi, et qu'ils n'aient fait enregistrer leurs provisions sur le livre de l'audiencier et du contrôleur.
Les grands-audienciers font chacun pendant leur quartier le rapport des lettres qui sont de leur compétence.
L'édit du mois de Février 1599, et plusieurs autres règlements postérieurs qui y sont conformes, veulent qu'aussi-tôt que les lettres sont scellées elles soient mises dans les coffres, sans que les audienciers contrôleurs et autres en puissent délivrer aucune, pour quelque cause que ce sait, quand même les impétrants seraient secrétaires du roi ou autres notoirement exemts du sceau ; mais que les lettres seront délivrées seulement après le contrôle, à-moins que ce ne fût pour les affaires de sa majesté et par ordre du chancelier.
Ce même édit ordonne que le contrôle et l'audience de la grande chancellerie se feront en la maison du chancelier, si faire se peut, sinon en la maison du grand-audiencier qui sera de quartier, et en son absence dans celle du contrôleur, toutefois proche du logis de M. le chancelier.
Que l'audiencier et le contrôleur assisteront au contrôle, qu'ils suivront les règlements pour la taxe des lettres, que les taxes seront écrites tout-au-long et paraphées de la main du grand-audiencier et du contrôleur.
Pour faire la taxe, toutes les lettres doivent être lues intelligiblement par l'audiencier et le contrôleur alternativement, savoir la qualité des impétrants et le dispositif.
Il est défendu aux audienciers et contrôleurs d'en donner aucune au clerc de l'audience par lequel ils les font délivrer, qu'elles n'aient été lues et taxées.
Enfin il est ordonné aux audienciers et contrôleurs de faire un registre des lettres expédiées chaque jour de sceau, et qui seront taxées à cent-deux sous parisis et au-dessus : l'audiencier a pour faire ce registre un droit sur chaque lettre appelé contentor, ou droit de registrata.
Au commencement c'était le chancelier qui recevait lui-même l'émolument du sceau ; ensuite il commettait un receveur pour cet objet : depuis ce fut l'audiencier qui fut chargé de faire cette recette pour le chancelier ; il la faisait faire par le clerc de l'audience, et en rendait compte à la chambre des comptes sous le nom du chancelier, comme si c'était le chancelier qui fût comptable ; ce qui blessait la dignité de sa charge ; c'est pourquoi Louis XIII. créa trois trésoriers du sceau, qui ont été depuis réduits à un seul ; et par une déclaration du mois d'Aout 1636, il fut ordonné que le compte des charges ordinaires serait rendu par les grands-audienciers sous leur nom, sans néanmoins qu'au moyen de ce compte les grands-audienciers soient reputés comptables, et que le compte des charges extraordinaires sera rendu par les tresoriers du sceau.
Du nombre des charges ordinaires que le grand-audiencier doit acquitter, sont les gages et pensions que le chancelier a sur le sceau, comme il est dit dans les provisions du chancelier de Morvilliers, du 23 Septembre 1461, qu'il prendra ses gages et pensions par la main de l'audiencier.
Les audienciers des petites chancelleries étaient autrefois obligés de remettre au grand-audiencier les droits qui appartiennent au roi ; mais depuis que ces droits sont affermés, c'est le fermier qui remet au trésorier du sceau la somme portée par son bail. Le grand-audiencier compte de tous ces différents objets avec les émoluments du grand sceau. Par des lettres patentes du 2 Mars 1570, vérifiées en la chambre des comptes de Paris le 20, les grands-audienciers ont été déclarés exemts et réservés de l'ordonnance du mois de Juin 1532, portant que tous comptables tant ordinaires qu'extraordinaires, seront tenus de présenter leur compte à la chambre, dans le temps porté par ladite ordonnance.
Le grand-audiencier est aussi chargé du compte de la cire que l'on emploie au sceau. L'édit de 1561 ordonne qu'aussi-tôt que le sceau sera levé, l" audiencier et le contrôleur ou leur commis, arrêteront avec le cirier combien il aura été fourni de cire ; et ils doivent en faire registre signé d'eux, aussi-tôt que l'audience sera faite.
La distribution des bourses se faisait autrefois chaque mois par le grand-audiencier : les lettres du mois d'Aout 1358, données par Charles, régent du royaume, qui fut depuis le roi Charles V. pour l'établissement des Célestins à Paris, supposent que le grand-audiencier faisait dès-lors chaque mois cette distribution, et lui ordonnent de donner tous les mois une semblable bourse aux Célestins, laquelle a été depuis convertie en une somme de 76 liv.
Ils prenaient en outre autrefois de grands profits sur l'émolument du sceau ; c'est pourquoi l'ordonnance de Charles VI. du mois de Mai 1413, ordonna que l'audiencier et le contrôleur ne prendraient dorénavant que six sous par jour, comme les autres notaires du roi, avec leurs mêmes droits accoutumés d'ancienneté ; défenses leur furent faites de prendre aucuns dons ou autres profits du roi, sur peine de les recouvrer sur eux ou leurs héritiers.
Présentement la confection des bourses se fait tous les trois mois par le grand-audiencier qui est de quartier, en présence du contrôleur, et de l'avis des anciens officiers de la compagnie des secrétaires du roi, des députés des officiers du marc d'or, et du garde des rolles.
Le grand-audiencier prélève d'abord pour lui une somme de 8000 liv. appelée bourse de préférence : après ce prélevement et autres qui se font sur la masse, il compose les bourses dont il arrête le rôle ; il en présente une au roi, et en reçoit cinq pour lui ; ce qui lui tient lieu d'anciens gages et taxations.
Les grands-audienciers, comme étant du nombre et collège des secrétaires du roi, ont de tout temps joui des privilèges accordés à ces charges ; ce qui leur a été confirmé par différents édits, notamment par celui du mois de Janvier 1551, qui les crée secrétaires du roi, sans qu'ils soient obligés d'avoir ni tenir aucun office dudit nombre et collège ; il est dit qu'ils jouiront de tous les privilèges, franchises, exemptions, concessions, et octrais accordés aux secrétaires du roi, leurs veuves et enfants.
Les lettres patentes du 18 Février 1583 leur donnent droit de franc-salé.
Les archives des grands-audienciers et contrôleurs généraux de la chancellerie sont dans une salle de la maison claustrale de sainte-Croix de la Bretonnerie ; ce qui a été autorisé par un brevet du roi du 5 Janvier 1610.
Les clercs de l'audience qui avaient été érigés en titre d'office par édit du mois de Mars 1631, ont été supprimés et leurs charges réunies à celles des grands-audienciers, qui les font exercer par commission.
Au nombre des petits officiers de la grande chancellerie, sont le fourrier, les deux ciriers, et les deux portes-coffre, qui paient l'annuel de leurs offices aux quatre grands-audienciers et aux quatre contrôleurs généraux ; et à défaut de payement en cas de mort, ces offices tombent dans leur casuel et à leur profit. Voyez Miraulmont, en ses mémoires sur la chancellerie de France ; Joly, en son traité des offices ; Tessereau, hist. de la chancellerie. (A)
GRAND-CHAMBRE, (Jurisprudence) Voyez au mot CHAMBRE.
GRAND-CONSEIL, (Jurisprudence) Voyez au mot CONSEIL, l'article GRAND-CONSEIL.
GRANDS-JOURS, (Histoire de France) espèces d'assises solennelles ; c'étaient des séances que les seigneurs ou nos rois tenaient ou faisaient tenir de temps en temps en certaines villes de leur dépendance, pour juger des affaires civiles et criminelles. Les grands-jours ont été appelés au lieu de grands-plaids, dit Loiseau.
Les comtes de Champagne tenaient les grands-jours à Troie. deux fois l'année, comme les ducs de Normandie leur échiquier, et les rois leur parlement. Les grands-jours de Troie. étaient la justice de Champagne, tant que cette province fut gouvernée par ses propres comtes, et les sept pairs de Champagne assistaient leurs comtes à la tenue des grands-jours. Dans les lettres patentes de Charles VI. du 4 Mars 1405, il est porté que le comte de Joigny, comme doyen des sept pairs de Champagne, serait toujours assis auprès du comte, quand il tiendrait son état et grands-jours. C'est vraisemblablement de Troie. que tous les autres grands-jours ont pris leur nom ; car Philippe-le-Bel ordonna en 1302, que les grands-jours de Troie. se tiendraient deux fois l'an, et qu'il s'y trouverait des commissaires ecclésiastiques et gentils-hommes. Le duc de Berri avait aussi le droit de faire tenir les grands-jours pour le pays de son obéissance.
Dans la suite, le nom de grands-jours a été spécialement appliqué à des tribunaux extraordinaires, mais souverains, que nos rois ont quelquefois établis dans les provinces éloignées des parlements dont elles ressortissent, pour réformer les abus qui s'y introduisaient dans l'administration de la justice, pour juger les affaires qui y naissaient, et pour affranchir les peuples des droits que les seigneurs usurpaient sur eux par autorité.
Coquille définit les grands-jours de son siècle, un tribunal composé de présidents, maîtres des requêtes et conseillers du parlement, nommés par lettres patentes, séans dans la ville marquée par le roi pour certaines provinces, spécifiés avec pouvoir de juger en dernier ressort de toute matière criminelle, et des affaires civiles jusqu'à la concurrence de six cent liv. de rente ou de dix mille liv. en capital.
Les grands-jours ont été tenus au nom du roi à Poitiers, en 1454, 1531, 1541, 1567, 1579 ; à Angers, en 1539 ; à Moulins, en 1534, 1540, 1545 ; à Riom, en 1546 ; à Tours, en 1547 ; à Troie., en 1535 ; à Lyon en 1596, et ailleurs. Avant l'érection du parlement de Dijon, les grands-jours du duché de Bourgogne se tenaient à Beaune.
Les lettres patentes portant établissement de grands-jours, nommaient les juges et les autres officiers dont le tribunal devait être composé, et détaillaient les matières dont ils devaient connaître.
Les lettres patentes données pour les grands-jours établis à Clermont en Aout 1665, attribuaient aux commissaires pour la province d'Auvergne, à-peu-près la même autorité qu'ont les parlements dans leur ressort, tant en matière civîle qu'en matière criminelle et de police. Ces sortes de lettres patentes devaient être enregistrées au parlement ; celles données pour l'Auvergne l'ont été le 5 Septembre 1665 ; mais aussi depuis ce temps les grands-jours se sont évanouis. (D.J.)
GRAND-CROIX, (Histoire moderne) dans l'ordre de Malte, on donne ce nom aux piliers ou chefs des langues qui sont baillifs conventuels, aux grands-prieurs, aux baillifs capitulaires, à l'évêque de Malte, au prieur de l'église, et aux ambassadeurs du grand-maître auprès des souverains. Voyez MALTE ou ORDRE DE MALTE. (G)
GRAND-MAITRE DES ARBALETRIERS DE FRANCE, (Histoire moderne) c'était anciennement un des grands officiers de la couronne, qui avait la surintendance sur tous les officiers des machines de guerre, avant l'invention de l'artillerie ; on en trouve dans notre histoire une suite depuis S. Louis jusque sous François premier. (G)
GRAND-MAITRE DE FRANCE, (Histoire moderne) officier de la couronne appelé autrefois souverain maître d'hôtel du roi ; il a le commandement sur tous les officiers de la maison et de la bouche du roi, qui lui prêtent tous serment de fidélité, et des charges desquels il dispose : depuis Arnoul de Wesemale, qualifié de souverain maître d'hôtel du roi Philippe-le-Bel, vers l'an 1290, on compte quarante-deux grands-maîtres de France, jusqu'à M. le prince de Condé, qui est aujourd'hui revêtu de cette charge, qui pendant sa minorité a été exercée par M. le comte de Charolais, son oncle.
GRAND-MAITRE DES CEREMONIES DE FRANCE, (Histoire moderne) officier du roi dont la charge était autrefois annexée à celle de grand-maître de la maison du roi ; elle en fut séparée par Henri III. en 1585. Le grand-maître des cérémonies a soin du rang et de la séance que chacun doit avoir dans les actions solennelles, comme au sacre des rais, aux réceptions des ambassadeurs, aux obseques et pompes funèbres des rais, des reines, des princes et des princesses ; il a sous lui un maître des cérémonies et un aide des cérémonies. La marque de sa charge est un bâton couvert de velours noir, dont le bout et le pommeau sont d'yvoire. Quand le grand-maître, le maître, ou l'aide des cérémonies, vont porter l'ordre et avertir les cours souveraines, ils prennent place au rang des conseillers ; avec cette différence, que si c'est le grand-maître, il a toujours un conseiller après lui ; si c'est le maître ou l'aide des cérémonies, il se met après le dernier conseiller, puis il parle assis et couvert, l'épée au côté et le bâton de cérémonie en main.
GRAND-MAITRE D'ARTILLERIE, (Histoire moderne et Art militaire) était en France le chef suprême de l'Artillerie.
Par les provisions que le roi lui faisait expédier, il avait la sur-intendance, l'exercice, l'administration, et le gouvernement de l'état, et charge de grand-maître, et capitaine général de l'Artillerie de France, tant deçà que delà les monts et les mers, dedans et dehors le royaume, pays et terres étant sous l'obéissance et la protection de sa majesté.
Il ne se faisait aucuns mouvements de munitions d'Artillerie dans le royaume, que par les ordres du grand-maître, ou de ses lieutenans, ou officiers, à qui il donnait des commissions particulières pour cet effet, ensuite des ordres qu'il recevait du roi.
Tous les marchés se faisaient en son nom, stipulant pour sa majesté ; il arrêtait le compte général de l'Artillerie que le trésorier rend à la chambre des comptes, où le grand-maître était reçu comme ordonnateur de tous les fonds qui ont rapport à la dépense d'Artillerie de quelque nature qu'elle put être.
Le grand-maître avait encore un privilège dont il n'était point fait mention dans les provisions de sa charge ; c'est que quand on prenait une ville sur laquelle on avait tiré du canon, les cloches des églises, les ustensiles de cuivre et autre métal, lui appartenaient, et devaient être rachetés d'une somme d'argent par les habitants, à-moins que dans la capitulation on ne fût convenu du contraire.
Il avait encore le droit en entrant et en sortant d'une place où il y avait de l'Artillerie, d'être salué de cinq volées de grosses pièces de canon, sans préjudice du plus grand nombre, auquel il pourrait avoir droit par sa naissance, ou par quelqu'autre qualité.
Le grand-maître d'Artillerie prêtait serment entre les mains du roi, au-moins depuis que cette charge avait été érigée en charge de la couronne ; car avant ce temps-là Armand de Biron, sous le règne de Charles IX. prêta serment, non pas entre les mains de ce prince, mais entre les mains de Henri, duc d'Anjou, qui fut depuis roi de France, troisième du nom. Ce serment fut fait le 3 de Février 1570.
Mais ce qui ajouta le plus de splendeur à cette haute dignité, est le relief que lui donna Henri IV. en l'érigeant en charge de la couronne, en faveur de Maximilien de Béthune, marquis de Rosni, et depuis duc de Sully. Cette érection se fit en 1601 au mois de Janvier.
Le grand-maître de l'Artillerie avait un grand nombre d'officiers, et même des corps de troupes sous sa juridiction et dans sa dépendance ; aux officiers desquels il pourvoyait et donnait à la plupart des provisions en vertu de sa charge.
Le grand-maître pour marque de sa dignité, mettait au-dessous de l'écu de ses armes deux canons sur leurs affuts, des caques de poudre, des boulets, et des gabions.
" Il serait difficile, dit le P. Daniel, de déterminer le temps où le titre de grand a été donné au maître d'Artillerie. Il est certain qu'il lui a été donné au-moins quelquefois, même dans des actes autentiques, longtemps avant que cette dignité fût érigée en charge de la couronne. Henri III. Charles IX. Henri II. le lui donnaient dans leurs ordonnances. L'usage en était dès le règne de François I. " Histoire de la milice française.
On peut voir dans le I. vol. de la troisième édition des mémoires de Saint-Remi, le détail de tous les droits et privilèges qui étaient attribués à la charge de grand-maître d'Artillerie. Cette importante charge a été supprimée au mois de Décembre 1755, sur la démission de Louis-Charles de Bourbon, comte d'Eu, qui en avait été pourvu en survivance de M. le duc du Maine, le 12 Mai 1710. Voyez GENIE. (Q)
GRAND ACQUIT, (Commerce) on nomme ainsi à Livourne un droit qui se lève sur chaque vaisseau ou barque de sel qui se met en coutume. Ce droit est de quatre livres par bâtiment, et c'est un de ceux que l'on paye au convoi. Voyez CONVOI. Dictionnaire de Commerce, de Chambers, et de Trévoux. (G)
GRANDE CHARTRE, (Histoire d'Angleterre) voyez CHARTRE, et vous observerez qu'elle n'est pas le fondement, mais une déclaration des libertés de l'Angleterre. La nation, par l'établissement de ce corps de lais, se proposa d'affermi ses libertés naturelles et originaires, par l'aveu authentique du roi (Henri III.) qui était sur le trône, afin de ne laisser ni à lui ni à ses successeurs aucun prétexte pour empiéter à l'avenir sur les privilèges des sujets. (D.J.)
GRAND'OEUVRE, (Alchimie) voyez PIERRE PHILOSOPHALE et PHILOSOPHIE HERMETIQUE.
GRAND-GOSIER, (Ornithologie) gros oiseau marin plus fort qu'une oie ; il a l'air triste et pesant ; ses jambes sont courtes et fortes : son cou est long, ainsi que son bec, dont la partie inférieure s'élargit à volonté pour laisser passer librement les gros poissons que l'oiseau reçoit dans une grande poche qu'il a au-dessous de ce bec. On prétend qu'on peut apprivoiser cet oiseau, et s'en servir comme d'un pourvoyeur, en lui faisant regorger le poisson qu'il a pris. Nous ne garantissons point ce fait. Son plumage est blanchâtre et gris mêlé de quelques plumes noires aux ailes. Quelques-uns le nomment pélicant.