(Littérature et Mythologie) dieu de la bonne foi ou de la fidélité, par lequel on jurait chez les Romains, en disant me dius Fidius, et en sous-entendant adjuvet : que le dieu Fidius me soit favorable !
J'ai lu avec grand plaisir dans une dissertation de M. l'abbé Massieu (Mém. de l'Acad. des Belles-Lettres, tom. I.), quelques détails instructifs sur le dieu Fidius, dont je vais profiter, parce que personne ne s'est encore donné la peine d'éclaircir bien des choses qui concernent ce dieu. Tout ce qu'on sait de plus sur ; c'est qu'il présidait à la religion des contrats et des serments : du reste on ignore sa véritable généalogie, la force de ses différents noms, et même la manière dont ils doivent être lus.
Denys d'Halycarnasse semble confondre le dieu Fidius avec Jupiter ; car en plusieurs endroits où il est obligé de traduire le dieu Fidius des Romains, il le rend par le des Grecs. Mais il est abandonné sur ce point par tout ce qu'il y a de meilleurs critiques.
La plupart croient que ce dieu était le même qu'Hercule, et que ces deux mots dius fidius ne signifient autre chose que Jovis filius. Nos anciens, dit Festus, se servaient souvent de la lettre d au lieu de la lettre l, et disaient fidius au lieu de filius : c'était aussi le sentiment d'Elius, au rapport de Varron.
Quelques-uns prennent ce dieu pour Janus, d'autres pour Sylvanus, dieu des forêts : ceux qui prétendent avoir le plus approfondi cette matière, soutiennent après Lactance, que c'était un dieu étranger, et que les Romains l'avaient emprunté des Sabins. Ils lui donnent une naissance miraculeuse, qui dès ce temps même de superstition, parut fort équivoque et fort suspecte.
Les sentiments ne sont pas moins partagés sur les noms de ce dieu que sur son origine. Les trois noms qu'on lui donnait le plus communément, étaient ceux de Sancus, de Fidius, et de Semi-pater.
C'est encore un nouveau sujet de dispute entre les Savants, que de déterminer la manière dont on doit lire ces trois noms, car ils ne s'accordent que touchant fidius, et sont très-divisés, au sujet de sancus et de semi-pater. En effet, à l'égard du premier nom, les uns tiennent pour sancus, les autres pour sangus, d'autres pour sanctus, et ceux-ci concluent que ce dieu était le même qu'Hercule. Quant au dernier nom, les uns lisent semi-pater, et par ce mot n'entendent autre chose que demi-dieu ; les autres semi-caper, dans la persuasion où ils sont que dius fidius était le même que Sylvanus, qui comme toutes les divinités champêtres, avait des pieds de chèvre : enfin la plupart lisent semo-pater, c'est-à-dire dieu mitoyen, dieu qui faisait son séjour dans l'air, n'étant pas assez éminent pour être dieu du ciel, et l'étant trop pour être simple dieu de la terre.
Mais ce qui rend le choix difficîle entre tant d'opinions, c'est que chacun des auteurs qui les soutiennent, a ses autorités ; et que dans ce grand nombre de diverses leçons, il n'y en a point qui ne soit fondée sur de vieux manuscrits et sur d'anciennes inscriptions.
Au reste, si nous en croyons des critiques dignes de foi, la ressemblance qui se trouve entre les mots semo et simo, fit tomber S. Justin le martyr dans une grande erreur ; ce père grec, mal instruit de ce qui regardait la langue et les usages des Romains, s'imagina sur quelques inscriptions de semo-sancus, qu'il s'agissait de ces sortes de monuments de Simon le magicien : de sorte que dans cette idée il chargea les Romains de n'avoir point de honte d'admettre parmi leurs dieux un imposteur avéré ; et cette méprise de Justin martyr passa dans les écrits de plusieurs autres pères de l'église, dit M. l'abbé Massieu.
Si jamais un dieu mérita des temples, c'est le dieu Fidius ; aussi en avait-il plusieurs à Rome : l'un dans la treizième région de la ville ; un autre qui était appelé aedes dii Fidii sponsoris, temple du dieu Fidius sponsor, c'est-à-dire garant des promesses ; et un troisième situé sur le mont Quirinal, où l'on célebrait la fête de ce dieu le 5 Juin de chaque année. Ovide dit au sujet de ce dernier temple, qu'il était l'ouvrage des anciens Sabins, Fast. liv. VI. Ve 217. Denys d'Halycarnasse assure au contraire positivement que Tarquin le Superbe l'avait bâti, et qu'environ quarante ans après la mort de ce roi, Spurius Posthumius étant consul, en fit la dédicace.
Mais sans examiner qui a raison du poète ou de l'historien, et sans chercher à les concilier, il est toujours certain que quel que fût le dieu Fidius, ou Jupiter vengeur des faux serments, ou Hercule son fils, ou tout autre, et de quelque manière qu'on l'appelât, ce dieu présidait à la sainteté des engagements. On lui donnait par cette raison pour compagnie, l'honneur et la vérité. Un ancien marbre qui existe encore à Rome, en fait foi ; il représente d'un côté sous une espèce de pavillon, un homme vêtu à la romaine, près duquel est écrit honor, et de l'autre côté une femme couronnée de laurier, avec cette inscription, veritas ; ces deux figures se touchent dans la main ; au milieu d'elles est représenté un jeune garçon d'une figure charmante, et au-dessus on lit dius fidius. Voilà une idée bien noble et bien juste ! ne serait-elle gravée que sur le marbre ?
Après ce détail, on sera maître de consulter ou de ne pas consulter Festus et Scaliger sur Denys d'Halycarnasse ; Vossius de idolol. lib. I. cap. XIIe lib. VIII. cap. XIIIe Struvius antiq. Rom. synt. cap. j. les Dictionnaires de Pitiscus et de Martinius, etc. Au reste la fidélité était une divinité différente du dieu Fidius ; ou pour mieux dire, les Romains avaient un dieu et une déesse qui présidaient à la bonne foi, à la sûreté des engagements et des promesses. Voyez donc FIDELITE. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.