S. m. (Peinture) peintre de paysage. Voyez PAYSAGE.
Les écoles italiennes, flamandes, et hollandaises sont celles qui ont produit le plus grand nombre d'excellents artistes en ce genre de peinture.
Les sites de l'Albane sont agréables et piquans. Le Bassan se fit admirer par la vérité qui regnait dans ses paysages ; il suivit toujours l'étude de la nature qu'il sut exprimer, après l'avoir connue dans les lieux champêtres qu'il habitait. Peu de peintres ont mieux touché le feuillage que le Bolognese. Borzoni (Français-Marie) né à Gènes en 1625, et mort dans la même ville en 1679, a fait aussi connaître ses talents en ce genre par ses neuf grands paysages peints à huile, qu'on voit dans le vestibule du jardin de l'Infante.
Annibal Carrache ne se distingua pas seulement par un goût de dessein fier et correct, il sut aussi s'occuper du paysage, et y excella ; ses arbres sont d'une forme exquise, et d'une touche très-légère. Les tableaux du Giorgion sont d'un goût supérieur pour les couleurs et les oppositions. Le Guaspre a montré un art particulier à exprimer les vents, à donner de l'agitation aux feuilles des arbres, enfin à représenter des bourasques et des orages. Le Lorrain, à force d'études, devint un grand paysagiste dans l'expression des objets inanimés, mais manquant de talents pour peindre les figures, la plupart de celles qu'on voit dans ses ouvrages, sont d'autres artistes. Le Mola a des sites du plus beau choix, et sa manière de feuiller les arbres est charmante. Le Mutin prit beaucoup en ce genre de la manière flamande, car les Italiens n'ont pas autant recherché l'art du feuiller que les Flamands ; il accompagna donc ses tiges d'arbres de tout ce qu'il croyait les devoir rendre agréables, et y jeter de la variété ; mais les plus grands paysagistes qu'on connaisse sont sans doute le Titien et le Poussin.
La plume du Titien, aussi moèlleuse qu'elle est expressive, l'a servi heureusement lorsqu'il a dessiné des paysages. Indépendamment de sa belle façon de feuiller les arbres sans aucune manière, et d'exprimer avec vérité les différentes natures de terrasses, de montagnes, et de fabriques singulières, il a encore trouvé le secret de rendre ses paysages intéressants, par le choix des sites et la distribution des lumières : tant de grandes parties ont fait regarder le Titien comme le plus grand dessinateur de paysages qui ait encore paru.
Le Poussin a su de plus agiter nos passions dans ses paysages comme dans ses tableaux d'histoire. Qui n'a point entendu parler, dit l'abbé Dubos, de cette fameuse contrée qu'on imagine avoir été durant un temps le séjour des habitants les plus heureux qu'aucune terre ait jamais portés. Hommes toujours occupés de leurs plaisirs, et qui ne connaissaient d'autres inquiétudes ni d'autres malheurs que ceux qu'essuient dans les romans, ces bergers chimériques dont on veut nous faire envier la condition.
Le tableau dont je parle représente le paysage d'une contrée riante ; au milieu l'on voit le monument d'une jeune fille morte à la fleur de son âge ; c'est ce qu'on connait par la statue de cette fille couchée sur le tombeau, à la manière des anciens, l'inscription sépulchrale n'est que de quatre mots latins : je vivais cependant en Arcadie, et in Arcadiâ ego. Mais cette inscription si courte fait faire les plus sérieuses réflexions à deux jeunes garçons, et à deux jeunes filles parées de guirlandes de fleurs, et qui paraissent avoir rencontré ce monument si triste en des lieux, où l'on devine bien qu'ils ne cherchaient pas un objet affligeant. Un d'entr'eux fait remarquer aux autres cette inscription en la montrant du doigt, et l'on ne voit plus sur leurs visages, à-travers l'affliction qui s'en empare, que les restes d'une joie expirante. On s'imagine entendre les réflexions de ces jeunes personnes sur la mort qui n'épargne ni l'âge, ni la beauté, et contre laquelle les plus heureux climats n'ont point d'asile. On s'imagine ce qu'elles vont se dire de touchant, lorsqu'elles seront revenues de leur première surprise, et l'on l'applique à soi-même, et à ceux à qui l'on s'intéresse.
La vue du paysage qui représente le déluge, et qui orne le palais du Luxembourg, nous accable de l'évenement qui s'offre à nos yeux, et du bouleversement de l'univers. Nous croyons voir le monde expirant, tant il est vrai que le Poussin a aussi-bien peint dans les paysages tous les effets de la nature, que les passions de l'âme dans ses tableaux d'histoire.
Le célèbre Rubens est encore, dans son école, le prince du paysage, et l'on peut dire qu'il l'a traité aussi supérieurement que personne ; ce genre de peinture a été singulièrement gouté par les Flamands et les Hollandais, et leurs ouvrages le prouvent assez.
Brugel (Jean) surnommé Brugel de velours, s'est servi du pinceau avec une adresse infinie pour feuiller les arbres. Il a su mettre dans ses paysages des fleurs, des fruits, des animaux et des voitures, avec beaucoup d'intelligence.
Bril (Matthieu) avait déjà fait connaître son goût pour traiter le paysage, quand il mourut à Rome âgé de 34 ans ; mais son frère Paul le surpassa de bien loin. Ses tableaux en ce genre sont recommandables par des sites et des lointains intéressants par un pinceau moèlleux, par une touche légère et par une manière vraie de rendre tous les objets ; on lui trouve seulement un peu trop de verd dans ses tableaux.
Juanefeld (Hermand) est un maître par l'art de peindre les arbres, par ses figures d'animaux, et par sa touche spirituelle. On a aussi de ce charmant artiste des paysages gravés à l'eau-forte, et qui font beaucoup d'effet.
Van-der-Meer (Jean) a orné ses paysages de vues de mer, et de figures, dessinées avec esprit ; mais son frère de Jonghe le surpasse de beaucoup dans la peinture des animaux qu'il mit dans ses paysages, surtout des moutons dont il représente la laine avec un art tout à fait séduisant ; ses figures, ses ciels, ses arbres, sont d'une manière supérieure ; on ne distingue point ses touches, tout est fondu et d'un accord singulier.
Van-Uden (Lucas) né à Anvers en 1595, mort vers l'an 1660, est mis au rang des célèbres paysagistes. Une touche légère, élégante et précise, caractérise sa manière ; ses ciels ont un éclat brillant, ses sites sont agréables et variés, la vue se perd dans les lointains qu'il a su représenter : on croit voir les arbres agités par le vent, et des figures élégamment dessinées, donnent un nouveau prix à ses tableaux.
Berghem (Nicolas) est un des grands paysagistes hollandais ; il plait surtout par des effets piquans de lumière, et par son habileté à peindre les ciels.
Breenberg (Bartholomé) a orné ses paysages de belles fabriques qu'il avait dessinées pendant son séjour en Italie : ses petites figures sont d'un svelte admirable.
Griffier (Jean) s'est particulièrement attaché à rendre ses paysages brillans, en y représentant les plus belles vues de la Tamise.
Poélemburg (Corneille) a souvent orné les fonds de ses paysages des ruines de l'ancienne Rome ; son pinceau est doux et moèlleux ; le transparent de son coloris se fait singulièrement remarquer dans la beauté de ses ciels.
Potter (Paul) a rendu avec beaucoup d'art les différents effets que peut faire sur la campagne l'ardeur et l'éclat d'un soleil brulant ; les animaux y sont peints avec la dernière vérité, et le grand fini de ses paysages les a fait rechercher avec une sorte d'avidité ; cependant ils ne disent rien à l'esprit, parce qu'il n'y a placé qu'une ou deux figures, et ses sites sont pauvres, parce qu'il n'a peint que les vues de la Hollande, qui sont plates et très-peu variées.
Ruysdall (Jacob) né à Harlem en 1640, est un des fameux paysagistes du pays. Il s'est attaché à représenter dans ses tableaux des marines ou des tempêtes ; ses sites plaisent, son coloris est vigoureux, et ses figures sont communément de la main de Van-Ostade.
Wauwermants orna ses paysages de chasses, d'altes, de campements d'armées, d'attaques de villages, de petits combats, et d'autres sujets dans lesquels il pouvait placer des chevaux qu'il dessinait parfaitement. Ses tableaux sont précieux par le tour spirituel des figures, par la fonte des couleurs, par un pinceau flou et séduisant, par l'entente du clair obscur, enfin par un précieux fini.
Les paysages de Van-Everdin (Adrien) sont recherchés en Hollande par la liberté de la touche, et par le goût de ce maître.
Zacht-Leeven (Herman) né à Roterdam en 1609, mort à Utrecht en 1685, a fait des paysages très-piquans par le choix des sites, par la beauté de son coloris, et par l'art avec lequel il a représenté des lointains légers, qui semblent fuir et s'échapper à la vue.
Enfin tous les Vanderveldes se sont plus ou moins distingués dans les paysages ; on aime les petites figures naïves dont ils les ont ornés.
Quant à ce qui regarde les artistes de la Grande-Bretagne, comme rien n'est si riant que les campagnes de l'Angleterre, plus d'un peintre y fait un usage heureux des aspects charmants qui s'y présentent de toutes parts. Les tableaux de paysage y sont fort à la mode et fort bien payés, en sorte que ce genre y est cultivé avec un grand succès. Il n'y a pas beaucoup d'artistes flamands ou hollandais qui soient fort supérieurs aux peintres de paysages qui jouïssent aujourd'hui en Angleterre de la première réputation. (D.J.)