chanson, (Poésie) espèce d'ode anacréontique, dont l'amour et la galanterie fournissent la matière. Rien n'est plus commun dans notre langue que ces sortes de chansons, et l'on peut assurer que nous en avons de parfaites. Nous voulons que les pensées en soient fines, les sentiments délicats, les images douces, le style leger, et les vers faciles. La subtilité des réflexions, la profondeur des idées, et les tours trop recherchés, y sont des défauts ; l'esprit et l'art n'y doivent point paraitre, le cœur seul y doit parler. La chanson érotique tire encore un grand agrément des images, et des faits mythologiques que l'auteur y sait répandre avec gout. C'est même dans la délicatesse de leurs rapports et des allusions, que consiste principalement la finesse de son art. Une fiction ingénieuse qui rassemblerait tout cela sous un seul point de vue, rendrait une chanson de cette espèce beaucoup plus intéressante, que celle dont les pensées détachées n'auraient pas cette intime liaison. Quelques-uns de nos poètes ont eu le talent de réunir toutes les grâces dont nous venons de parler, et nous ont donné des chefs-d'œuvre en ce genre. Article de M(D.J.)
EROTIQUE (Mélancolie) Voyez MELANCOLIE.
EROTIQUE, adj. (Médecine) de , amour, d'où a été formé ; c'est une épithète qui s'applique à tout ce qui a rapport à l'amour des sexes : on l'emploie particulièrement pour caractériser le délire, qui est causé par le déreglement, l'excès de l'appétit corporel à cet égard, qui fait regarder l'objet de cette passion comme le souverain bien, et fait souhaiter ardemment de s'unir à lui ; c'est une espèce d'affection mélancolique, une véritable maladie ; c'est celle que Willis appelle eroto-mania, et Sennert, amor insanus.
On distingue l'amour insensé d'avec la fureur utérine et le satyriasis, qui sont aussi des excès de cette passion, en ce que ceux qui sont affectés de ces derniers ont perdu toute pudeur, au lieu que les amoureux en ont encore, souvent même accompagnée d'un sentiment très-respectueux, quelquefois déplacé.
Le délire érotique a différents degrés ; quelques-uns de ceux qui en sont affectés aiment passionnément un objet, dont ils ne peuvent pas se procurer la jouissance ; cependant ils conservent la raison, et sentent parfaitement l'inutilité de leur passion ; ils avouent leur égarement sans pouvoir s'en corriger, parce qu'ils sont portés malgré eux à s'occuper de l'objet de leurs désirs impuissants, par la cause de leur mélancolie amoureuse (voyez MELANCOLIE en général) : ils éprouvent toutes les suites de cette maladie, ne pensent ni à manger ni à boire, ils refusent de subvenir aux besoins les plus pressants, et ils périssent, en se voyant périr, sans pouvoir se défendre de l'affection d'esprit qui les entraîne au tombeau. D'autres ressentent cette passion d'une manière encore plus fâcheuse ; ils sont agités, tourmentés jour et nuit par les inquiétudes, les chagrins, la tristesse, les larmes, la jalousie, la colere même, et la fureur, sentiments auxquels ils se livrent en réfléchissant sur leur malheureuse passion ; et il arrive souvent qu'ils perdent l'esprit et qu'ils se donnent la mort lorsqu'ils désespèrent de pouvoir se satisfaire ; et au contraire lorsqu'ils s'imaginent qu'ils seront heureux, et que leurs désirs seront remplis, ils se laissent aller à des sentiments de contentement, de joie immodérée accompagnée de grands éclats de rire, lorsqu'ils sont seuls ; et quand ils se trouvent avec d'autres, ils tiennent à ce sujet des propos extravagans : ils s'exposent souvent à des dangers, dans l'espérance de mettre le comble à leur bonheur.
On trouve une très-belle description des effets de l'amour excessif dans Plaute, in cistell. act. IIe scen. 1. divers auteurs en ont aussi donné de très-exactes, tels que Paul Eginete, lib. III. de re medicâ, c. XVIIe Galien, lib. de praecogn. ad posth. cap. VIe Valere-Maxime, Amatus Lusitanus, Valleriola, Sennert, etc. On trouve dans Tulpius un exemple d'érotomanie, qui avait jeté le malade dans la catalepsie : Manget fait mention d'un amoureux phrénétique avec fièvre violente.
L'amour démesuré ne s'annonce cependant pas toujours par des signes évidents, il se tient quelquefois caché dans le cœur ; le feu dont il le brule, dévore la substance de celui qui est affecté de cette passion, et le fait tomber dans une vraie consomption : il est difficîle de connaître la cause de tous les mauvais effets qu'elle produit en silence. Tout le monde sait comment Erasistrate connut l'amour d'Antiochus pour Stratonice sa belle-mère ; en touchant le pouls à l'amant en présence de l'objet de sa passion, l'émotion trahit son secret : on peut de même découvrir la véritable cause d'une maladie produite par l'amour, lorsqu'on soupçonne cette passion, en parlant au malade de tout ce qui peut y avoir rapport, et de la personne que l'on peut croire y avoir donné lieu. Le changement subit du pouls, l'inégalité, l'altération des pulsations de l'artère qui se font sentir alors décelent infailliblement le secret de l'âme, surtout lorsque le pouls devient tranquille après qu'on a changé de conversation.
On voit par tout ce qui vient d'être rapporté, tous les désordres que produisent dans l'économie animale la folie de l'amour ; elle constitue par conséquent une sorte de maladie très-dangereuse, surtout lorsqu'elle est portée à un certain degré d'excès où les remèdes moraux, c'est-à-dire la raison, les réflexions, la philosophie, la religion ne sont d'aucun secours, tous autres remèdes étant employés presqu'à pure perte dans cette affection. On peut cependant tenter l'effet de ceux que la Pharmacie peut fournir de plus convenables à rendre le calme à l'esprit, en apaisant l'agitation des humeurs ; tels sont les rafraichissants, les adoucissants, comme le lait, les émulsions des semences froides, les tisanes appropriées, les bains, les anodyns : les préparations de plomb mises en usage avec prudence, peuvent aussi produire de bons effets, comme étant propres à engourdir l'appétit vénérien : on doit accompagner ces remèdes d'une diete très-sevère : les saignées et les purgatifs peuvent aussi trouver place dans ce traitement, selon les différentes indications qui se présentent, tirées de l'âge, du tempérament, de la force du malade. Voyez AMOUR, PASSION, MELANCOLIE. (d)