S. m. fiber, (Histoire naturelle) animal quadrupede amphibie, qui a au plus trois ou quatre pieds de longueur, sur douze ou quinze pouces de largeur au milieu de la poitrine, et qui pese ordinairement depuis quarante à soixante livres. Les animaux de cette espèce sont pour l'ordinaire fort noirs : dans le nord le plus reculé de l'Amérique il y en a aussi de blancs. La plupart de ceux de Canada sont bruns : cette couleur s'éclaircit à mesure que les pays sont plus tempérés ; car les castors sont de couleur fauve ; et même ils approchent de la couleur de paille, chez les Illinais et chez les Chaouanons. Celui dont on a fait la description dans les Mém. de l'Académ. roy. des Scien. tom. III. part. I. avait été pris en Canada, aux environs de la rivière de Saint-Laurent : sa longueur était d'environ trois pieds et demi, depuis le bout du museau jusqu'à l'extrémité de la queue ; et sa plus grande longueur de près d'un pied : il pesait plus de trente livres. Il avait du poil sur tout le corps, à l'exception de la queue, et ce poil était de deux sortes mêlées ensemble ; l'une avait environ un pouce et demi de longueur ; celui-là était gros comme des cheveux, fort luisant, de couleur brune, tirant un peu sur le minime ; il donne la principale couleur au castor ; sa substance était ferme, et si solide, qu'on n'y apercevait aucune cavité avec le microscope ; cependant M. Sarrasin, médecin du Roi en Canada, dit qu'on y remarque dans le milieu une ligne qui est beaucoup moins opaque que les côtés, et qui a fait conjecturer que le poil est creux, Mém. de l'Ac. des Scienc. ann. 1704. L'autre sorte de poil n'avait qu'environ un pouce de longueur ; Il était beaucoup plus abondant que le premier ; il paraissait aussi plus délié, et si doux, qu'il ressemblait à de la soie ; c'est un duvet très-fin et très-serré, qui garantit le castor du froid, et qui sert à faire des chapeaux et des étoffes : il ne reste que ce duvet dans les peaux qui ont servi de vêtement et de couvertures de lits aux sauvages : il est le plus recherché, parce qu'étant engraissé par la matière de la transpiration, il se foule beaucoup mieux. Le duvet du castor est garanti de la boue par le poil le plus long, lorsque l'animal est en vie et qu'il travaille.



Il y avait cinq pouces et demi depuis le bout du museau jusqu'au derrière de la tête, et cinq pouces de largeur à l'endroit des os qui font l'éminence des joues ; de sorte que la tête était presque carrée : les oreilles étaient rondes et fort courtes, revêtues de poil par le dehors, et presque sans poil au-dedans. Les yeux du castor sont fort petits : l'ouverture des paupières n'a qu'environ quatre lignes ; la cornée est ronde, et l'iris d'un bleu foncé. Les dents incisives, qui sont au nombre de deux en chaque mâchoire, étaient tranchantes dans le castor dont la description a été faite, comme celles des écureuils, des porcs-épics, des rats, etc. celles d'en-bas avaient plus d'un pouce de longueur ; celles d'en-haut n'avaient qu'environ dix lignes ; elles glissaient au dedans des autres lorsqu'on fermait la bouche de l'animal ; elles étaient demi-rondes par-devant, et comme taillées en biseau de dedans en-dehors ; en-dedans leur couleur était blanche, et en-dehors d'un rouge clair tirant sur le jaune ; les unes et les autres étaient larges d'environ trois lignes au sortir de la mâchoire, et de plus de deux lignes à leur extrémité ; il y avait seize dents molaires, huit de chaque côté, quatre en haut et quatre en bas ; elles étaient directement opposées les unes aux autres.

Ce castor avait cinq doigts à chaque pied ; ceux des pieds de derrière étaient joints ensemble par des membranes, comme ceux d'une oie ; les pieds de devant avaient les doigts séparés, et étaient faits comme la main d'un homme, excepté qu'ils étaient couverts de poil, et que les ongles étaient longs et pointus ; les pieds de devant avaient six pouces et demi de longueur depuis le coude jusqu'à l'extrémité du plus grand doigt, et trois pouces depuis le commencement de la main jusqu'à cette extrémité du plus grand doigt ; les pieds de derrière avaient six pouces depuis l'extrémité du talon jusqu'au bout du plus long des doigts, qui était le second ; les ongles étaient taillés de biais, et creux par-dedans comme des plumes à écrire ; il y avait à la partie externe de chaque pied de devant et de derrière, un petit os qui faisait une éminence, et qu'on aurait pu prendre pour un sixième doigt s'il avait été séparé du pied.

La queue avait environ onze pouces de longueur. deux pouces de largeur à la racine, et trois pouces dans le milieu, le bout était terminé en ovale ; l'épaisseur était de près de deux pouces vers la racine, d'un pouce dans le milieu, et de cinq lignes et demie à l'extrémité ; ses bords étaient ronds, et beaucoup plus minces que le milieu : elle était couverte d'une peau garnie d'écailles jointes ensemble par une pellicule épaisse comme un parchemin, longue au plus d'une ligne et demie, d'un gris brun un peu ardoisé et pour la plupart d'une figure hexagone irrégulière. Il sortait un, deux, ou trois petits poils d'environ deux lignes de longueur, entre les écailles du dessous de la queue. En corroyant la peau de ce castor, les écailles de la queue tombèrent, mais leur figure y demeura empreinte. La chair de la queue était assez grasse, et avait beaucoup de conformité avec celle des gros poissons.

Les parties de la génération du castor ne sont pas apparentes au-dehors lorsqu'il n'y a point d'érection ; on ne voit dans le mâle et dans la femelle qu'une ouverture, qui était située, dans le castor dont nous suivons la description, entre la queue et les os pubis. Trais pouces et demi plus bas que ces os, pour reconnaître le sexe, il faut pincer plus que la peau qui est entre l'os pubis et cette ouverture ; on y sent dans le mâle la verge qui est dure, grosse, et longue comme le doigt. L'ouverture avait une figure ovale, longue d'environ neuf lignes, et large de sept ; elle se dilatait et se resserrait aisément, non pas par le moyen d'un sphincter, mais simplement comme une fente qui se ferme en s'allongeant. Les gros excréments, l'urine, et même la verge, passent par cette ouverture ; parce que la verge est renfermée dans un conduit qui est couché sur le rectum, et qui aboutit à l'ouverture commune, de même que le rectum : le vagin y aboutit aussi dans les femelles.

Il y avait aux parties latérales du dedans de l'extrémité du rectum, deux petites cavités ; une de chaque côté ; et on sentait à-travers la peau du dehors deux éminences, qui sont les poches ou vessies dans lesquelles le castoreum est renfermé. Après avoir écorché l'animal, on découvrit à l'endroit où on avait remarqué les éminences, quatre grandes poches situées au-dessous des os pubis. Les deux premières étaient placées au milieu, et plus élevées que les deux autres ; elles avaient toutes deux, prises ensemble, la forme que l'on donne à un cœur. Leur plus grande largeur était d'un peu plus de deux pouces ; et la longueur depuis le haut de chacune de ces poches jusqu'à l'ouverture commune et extérieure dans laquelle elles communiquaient, était aussi d'environ deux pouces. Il y avait au-dedans de ces poches une tunique qui paraissait plus charnue que glanduleuse ; elle était rougeâtre, et avait au-dedans plusieurs replis semblables à ceux de la caillette d'un mouton. Ces replis contenaient une matière grisâtre de fort mauvaise odeur, qui était adhérente : ces mêmes replis s'étendaient dans les deux poches qui avaient communication l'une avec l'autre vers le bas par une ouverture de plus d'un pouce, et qui n'étaient séparées que par le fond. Au bas de ces deux premières poches, il y en avait deux autres, l'une à droite et l'autre à gauche. Leur figure ressemblait à celle d'une poire longue et un peu aplatie ; leur longueur était de deux pouces et demi, et la largeur de dix lignes. Ces deux poches inférieures étaient étroitement jointes avec les supérieures vers l'ouverture commune.

Il y a lieu de croire que la matière du castoreum passe des premières poches dans les secondes pour s'y perfectionner : aussi ces secondes poches étaient-elles d'une structure différente de celle des premières ; elles étaient composées de glandes qui formaient à l'extérieur des éminences rondes, dont les plus grandes n'excédaient pas une lentille de grandeur moyenne. Ayant ouvert l'une de ces secondes poches par le fond, on y trouva une liqueur d'une odeur desagréable, jaune comme du miel, onctueuse comme de la graisse fondue, et combustible comme de la térébenthine : en comprimant la poche il ne se fit aucun reflux de cette liqueur dans les poches supérieures, ni dans l'ouverture commune des excréments. Après avoir vuidé la liqueur de cette seconde poche, on aperçut dans sa partie inférieure une troisième poche longue d'environ quatorze lignes, et large de six ; elle était tellement attachée à la membrane de la seconde, qu'on ne put pas l'en séparer : elle aboutissait en pointe à la partie latérale de l'ouverture commune ; mais on ne découvrit aucune issue dans les cavités que l'on avait observées dans cette ouverture. Il y avait sur la surface extérieure de ces troisiemes poches, des éminences semblables à celles des secondes poches, et on trouva dans leur cavité un suc plus jaune et plus liquide que dans les autres ; il avait aussi une autre odeur et une couleur plus pâle : enfin toutes ces poches sont très-différentes des testicules. Ainsi il est bien prouvé que ce ne sont pas les testicules qui contiennent le castoreum ; et par conséquent on ne sera plus tenté de croire que le castor arrache ses testicules lorsqu'il est poursuivi par des chasseurs, afin de s'en délivrer en leur donnant le castoreum qui fait l'objet de leur poursuite. Cette fable n'a jamais eu aucun fondement, puisque les testicules sont cachés dans les aines, un peu plus haut que les poches du castoreum, aux parties externes et latérales des os pubis.

M. Sarrasin a remarqué trois membranes dans la tissure des premières bourses du castoreum, qu'il appelle bourses supérieures. La première de ces membranes est simple, mais très-ferme. La seconde est plus épaisse, moèlleuse, et garnie de vaisseaux. La troisième est particulière au castor ; elle est seche comme un vieux parchemin, elle en a l'épaisseur, et se déchire de même. Cette membrane forme des replis dans lesquels la seconde membrane s'insere : ces replis sont en si grand nombre, que la troisième membrane devient trois fois plus étendue lorsqu'elle est développée : elle est inégale au-dedans, et garnie de petits filets, auxquels il adhere une matière résineuse qui est le castoreum, et qui s'épaissit peu-à-peu dans les bourses, et y acquiert la consistance d'une résine échauffée entre les doigts. Elle conserve sa mollesse plus d'un mois après avoir été séparée de l'animal ; il sent mauvais dans ce temps-là, et elle est de couleur grisâtre en-dehors et jaunâtre en-dedans ; ensuite elle perd son odeur, se durcit, et devient friable comme les autres résines, et en tout temps elle est combustible. Lorsqu'on a découvert la membrane qui enveloppe les bourses inférieures, on trouve de chaque côté, quelquefois deux, quelquefois trois bourses ensemble. Chacun de ces paquets est long de deux pouces et demi sur environ quatorze ou quinze lignes de diamètre ; les bourses sont arrondies par le fond, et diminuent insensiblement de grosseur en approchant de l'ouverture commune, que M. Sarrasin nomme cloaque. La plus grande de ces bourses occupe toute la longueur du paquet, et n'a qu'environ huit ou dix lignes de diamètre ; la seconde n'a ordinairement pas la moitié du volume de la première ; elle n'est pas toujours plus grande que la troisième, qui cependant est le plus souvent la plus petite de toutes. Les bourses, tant supérieures qu'inférieures, n'ont point de communication les unes avec les autres, leurs conduits aboutissent dans le cloaque.

On ne sait pas encore, ajoute M. Sarrasin, à quoi servent pour le castor les liqueurs contenues dans les bourses. Il n'est pas vrai, selon cet auteur, qu'ils en prennent pour exciter leur appétit lorsqu'il est languissant, ni que les chasseurs l'emploient, comme on l'a dit, pour attirer les castors : mais on frotte avec la liqueur huileuse les piéges que l'on dresse aux animaux carnaciers qui font la guerre aux castors, comme les martes, les renards, les ours, et surtout les carcajoux, qui brisent souvent pendant l'hiver les loges des castors pour les y surprendre. Voyez CARCAJOU. Les femmes des sauvages graissent leurs cheveux avec cette même huile, quoiqu'elle ait une mauvaise odeur.

Les castors ne vivent dans les pays froids, et pendant l'hiver, que de bois d'aune et de platane, d'orme, de frêne, et de différentes sortes de peuplier. Pendant l'été ils mangent de toutes sortes d'herbes, de fruits, de racines, surtout de celles de différentes espèces de nymphaea. On ne croit pas qu'ils vivent plus de quinze ou vingt ans.

M. Sarrasin ne s'en est pas tenu à la description du castor ; il a aussi rapporté plusieurs faits qui concernent l'histoire de cet animal.

Les castors choisissent pour établir leur demeure un lieu qui soit abondant en vivres, arrosé par une petite rivière, et propre à faire un réservoir d'eau : ils commencent par construire une sorte de chaussée, assez haute pour retenir l'eau à la hauteur du premier étage des cabanes qu'ils doivent faire. Ces chaussées ont dix à douze pieds d'épaisseur dans les fondements, et deux pieds seulement dans le haut ; elles sont construites avec des morceaux de bois gros comme le bras ou comme la cuisse, et longs de 2, 4, 5 ou 6 pieds, que les castors coupent et taillent très-facilement avec leurs dents incisives ; ils les plantent fort avant dans la terre et fort près les uns des autres ; ils entrelacent d'autres bois plus petits et plus souples ; et ils remplissent les vides avec de la terre glaise qu'ils amollissent et qu'ils gachent avec leurs pieds, et qu'ils transportent sur leur queue, qui leur sert aussi comme une sorte de truelle pour la mettre en place et pour l'appliquer. Ils élèvent la digue à mesure que la rivière grossit, et par ce moyen le transport des matériaux est plus facîle ; enfin cet ouvrage est assez solide pour soutenir les personnes qui montent dessus. Les castors ont grand soin d'entretenir ces chaussées en bon état, et pour cela ils appliquent de la terre glaise dans la moindre ouverture qu'ils y aperçoivent.

Après avoir fait la chaussée, ils fondent leurs cabanes sur le bord de l'eau, sur quelque petite ile, ou sur des pilotis ; elles sont rondes ou ovales, et débordent des deux tiers hors de l'eau : les murs sont perpendiculaires, et ont ordinairement deux pieds d'épaisseur. La cabane est terminée en manière de dome au-dehors, et en anse de panier en-dedans : elle est bâtie à plusieurs étages, que les castors habitent successivement à mesure que l'eau s'élève ou s'abaisse : ils ne manquent pas d'y faire une porte que la glace ne puisse pas boucher ; ils ont aussi une ouverture séparée de leur porte et de l'endroit où ils se baignent ; c'est par cette ouverture qu'ils vont à l'eau rendre leurs excréments. Quelquefois ils établissent la cabane entière sur la terre, et creusent autour des fossés de cinq ou six pieds de profondeur, qu'ils conduisent jusqu'à l'eau : les matériaux sont les mêmes pour les cabanes que pour les chaussées. Lorsque la construction est faite, ils perfectionnent leur ouvrage en coupant avec leurs dents qui valent des scies, tous les morceaux de bois qui excédent les murailles, et ils appliquent avec leur queue au-dedans et au-dehors de la cabane une sorte de torchis fait avec de la terre glaise et des herbes seches. Une cabane dans laquelle il y a huit ou dix castors, a huit ou dix pieds de largeur hors d'œuvre et dix à douze de longueur, supposé qu'elle soit ovale ; dans œuvre elle a quatre ou cinq pieds de largeur, et cinq ou six pieds de longueur. Lorsqu'il y a quinze, vingt, ou même trente castors qui habitent la même cabane, elle est grande à proportion, ou il y en a plusieurs les unes contre les autres. On dit qu'on a trouvé jusqu'à quatre cent castors dans différentes cabanes qui communiquaient les unes avec les autres. Les femelles rentrent dans leurs cabanes pour y faire leurs petits, lorsque les grandes inondations sont passées : mais les mâles ne quittent la campagne qu'au mois de Juin ou de Juillet : lorsque les eaux sont tout à fait basses ; alors ils réparent leurs cabanes, ou ils en font de nouvelles ; et ils en changent lorsqu'ils ont consommé les aliments qui étaient à portée, lorsque leur nombre devient trop grand, et lorsqu'ils sont trop inquiétés par les chasseurs.

Il y a des castors qui se logent dans des cavernes pratiquées dans un terrain élevé sur le bord de l'eau : on les nomme castors terriers. Ils commencent leur logement par une ouverture, qui Ve plus ou moins avant dans l'eau, selon que les glaces sont plus ou moins épaisses, et ils la continuent de cinq ou six pieds de longueur, sur une largeur suffisante pour qu'ils puissent passer ; ensuite ils font un réservoir d'eau de trois ou quatre pieds en tout sens pour s'y baigner ; ils coupent un autre boyau dans la terre, qui s'élève par étages, où ils se tiennent à sec successivement lorsque l'eau change de hauteur. Il y a de ces boyaux qui ont plus de mille pieds de longueur. Les castors terriers couvrent les endroits où ils couchent, avec de l'herbe, et en hiver ils font des copeaux qui leur servent de matelas.

Tous les ouvrages sont achevés au mois d'Aout ou de Septembre, surtout dans les pays froids ; alors les castors, font des provisions pour l'hiver ; ils coupent du bois par morceaux, dont les uns ont deux ou trois pieds de longueur, et d'autres ont jusqu'à huit ou dix pieds. Ces morceaux sont trainés par un ou plusieurs castors, selon leur pesanteur : ils rassemblent une certaine quantité de bois qui flotte sur l'eau, et ensuite ils empilent d'autres morceaux sur les premiers, jusqu'à ce qu'il y en ait assez pour suffire aux castors qui vivent ensemble. Par exemple, la provision de huit ou dix, est de vingt-cinq ou trente pieds en carré, sur huit ou dix pieds de profondeur. Ces piles sont faites de façon qu'ils peuvent en tirer les morceaux de bois à leur choix, et ils ne mangent que ceux qui trempent dans l'eau.

On fait la chasse des castors depuis le commencement de Novembre jusqu'au mois de Mars et d'Avril, parce que c'est dans ce temps qu'ils sont bien fournis de poil. On les tue à l'affût, on leur tend des piéges, et on les prend à la tranche.

Les piéges sont semblables aux quatre de chiffre, avec lesquels on prend des rats. On plante fort avant dans la terre plusieurs piquets de trois ou quatre pieds de longueur, entre lesquels il y a une traverse fort pesante, élevée d'environ un pied et demi : on met dessus une branche de peuplier longue de cinq ou six pieds, qui conduit à une autre branche fort petite, placée de façon que dès que le castor la coupe, la traverse tombe et le tue. Ces animaux ne manquent pas de donner dans ces piéges, en allant de temps de temps dans le bois chercher de nouvelles nourritures, quoiqu'ils aient fait leurs provisions, parce qu'ils aiment mieux le bois frais que le bois flotté.

Prendre les castors à la tranche, c'est faire des ouvertures à la glace avec des instruments tranchans, lorsqu'elle n'a qu'environ un pied d'épaisseur ; ces animaux viennent à ces ouvertures pour respirer, et on les assomme à coups de hache. Il y a des chasseurs qui remplissent ces trous avec la bourre de l'épi de typha, pour n'être pas vus par les castors ; et alors ils les prennent par un pied de derrière. S'il y a quelque ruisseau près des cabanes, on en coupe la glace en travers ; on y tend un filet bien fort, ensuite on détruit la cabane : les castors en sortent, et se réfugient dans le ruisseau où ils rencontrent le filet.

On donne le nom de bièvre au castor d'Europe. On en a dissequé un à Metz qui avait la queue beaucoup plus petite, à proportion, que le castor du Canada, dont on vient de donner la description. Ses pieds de devant n'étaient pas faits comme des mains : mais il avait les doigts joints par des membranes comme la loutre. Cependant Rondelet dit expressément que le bièvre a les pieds de devant semblables aux pieds d'un singe. Mém. de l'acad. roy. des Sc. tom. III. part. I. et année 1704. Rondelet, histoire des poissons. Voyez QUADRUPEDE. (I)

Le castor fournit plusieurs remèdes à la Médecine ; la peau de cet animal appliquée sur les parties affligées de goutte, les défend contre le froid.

On se sert avec succès de l'axonge du castor pour amollir les duretés ; elle est très-efficace dans les tremblements et les maladies des nerfs, la paralysie, etc. on en oint les parties affligées.

Le castoreum attenue les humeurs visqueuses, fortifie le cerveau, excite les règles, et pousse par la transpiration ; on l'emploie dans l'épilepsie, la paralysie, l'apoplexie, et la surdité.

On brule du castoreum, et on en fait respirer l'odeur fétide aux femmes hystériques dans le temps des accès. La teinture du castoreum se fait comme il suit.

Prenez une demi-once de castoreum et une demi-livre d'esprit-de-vin ; mettez les en digestion pendant quelques jours ; décantez ensuite la liqueur, et la gardez pour l'usage.

On ajoute quelquefois le sel de tartre à la dose de deux gros, dans le dessein de diviser le tissu résineux du castoreum ; la dose de cette teinture est depuis six jusqu'à douze gouttes dans les cas où on emploie le castoreum en substance. Le castoreum entre dans plusieurs compositions de la Pharmacopée de Paris. (N)

Il se fait un grand commerce de peaux de castor ; les marchands, dit M. Savary, les distinguent en castors neufs, castors secs, et castors gras. Les castors neufs sont les peaux des castors qui ont été tués à la chasse pendant l'hiver et avant la mue. Ce sont les meilleures et les plus propres à faire de belles fourrures.

Les castors secs, qu'on nomme aussi castors maigres, sont les peaux de castors provenant de la chasse d'été, temps auquel l'animal est en mue et a perdu une partie de son poil. Les castors secs peuvent aussi être employés en fourrures, quoique bien inférieures aux premières. Leur plus grand usage est pour les chapeaux.

Les castors gras sont des peaux de castor, que les sauvages ont portées sur leur corps, et qui sont imbibées de leur sueur : le castor gras vaut mieux que le sec ; on ne s'en sert cependant que pour la fabrique des chapeaux.

Outre les chapeaux et les fourrures auxquels on emploie le poil et les peaux de castor, on a tenté d'en faire des draps. Cette entreprise méritait bien d'être tentée, et avait pour but de rendre le poil de castor d'une utilité plus étendue : mais les draps ordinaires sont préférables à ceux de castor. L'expérience a fait voir que les étoffes fabriquées avec le poil de castor, quoique mêlé avec la laine de Ségovie, ne gardaient pas bien la teinture, et qu'elles devenaient seches et dures comme du feutre.

CASTOR signifie aussi un chapeau fait avec du poil de castor seul. Un chapeau demi-castor est celui dans lequel on a mêlé une partie de poil de castor avec une partie d'autre poil. Voyez CHAPEAU.

CASTOR, en Astronomie, est le nom de la moitié de la constellation des gemeaux. Voyez GEMEAUX.

CASTOR et POLLUX, en Météorologie, est un météore igné, qui parait quelquefois en mer s'attacher à un des côtés du vaisseau, sous la forme d'une, de deux, ou même de trois ou quatre boules de feu. Lorsqu'on n'en voit qu'une, on l'appelle plus proprement Helene ; et lorsqu'on en voit deux, on les nomme Castor et Pollux. Mussch. Ess. de Phys. Voyez FEU SAINT-ELME, et l'article qui suit.

* CASTOR et POLLUX, (Mythologie) fils de Jupiter et de Léda ; ils furent élevés à Pallene, où Mercure les porta aussi-tôt qu'ils furent nés. Ils s'illustrèrent dans l'expédition de la taison d'or : à leur retour ils nettoyèrent l'Archipel des corsaires qui l'infestaient. Ce service, l'apparition de deux feux qui voltigèrent autour de leur tête, et le calme qui succéda, les firent placer après leur mort, au nombre des dieux tutélaires des nautonniers. Ces feux continuèrent d'être regardés comme des signes de la présence de Castor et Pollux. Si l'on n'en voyait qu'un, il annonçait la tempête ; s'il s'en montrait deux, on espérait le beau temps. Nos marins sont encore aujourd'hui dans la même opinion ou dans le même préjugé ; et ils appellent feux S. Elme et S. Nicolas, ce que les payens appelaient feux de Castor et Pollux. Les deux frères invités aux noces de leurs parentes Hilaire et Phébé, les enlevèrent. Ce rapt couta la vie à Castor, qui périt quelque temps après de la main d'un des époux. Pollux, qui aimait tendrement son frère, demanda à Jupiter la résurrection de Castor et le partage entr'eux de l'immortalité qu'il devait à sa naissance. Jupiter l'exauça ; et l'un fut habitant des enfers, pendant que l'autre fut citoyen des cieux. Cette fable est fondée sur ce que l'apothéose de ces héros les a placés dans le signe des Gemeaux, dont l'une des étoiles descend sous l'horizon quand l'autre y parait. Pour célébrer leurs fêtes, les Romains envoyaient tous les ans vers leur temple, un homme couvert d'un bonnet comme le leur, monté sur un cheval, et en conduisant un autre à vide. La Grèce les compta parmi ses grands dieux : ils eurent des autels à Sparte et dans Athènes. Les Romains leur élevèrent un temple par lequel on jurait : le serment des hommes était œdepol, par le temple de Pollux ; et celui des femmes œcastor, par le temple de Castor. Les deux dieux parurent plusieurs fois au milieu des combats sur des chevaux blancs. On les représentait sous la figure de jeunes hommes, avec un bonnet surmonté d'une étoile, à cheval, ou en ayant près d'eux. Ils sont connus dans les Poètes sous le nom de Dioscures, ou fils de Jupiter, et de Tyndarides, parce que leur mère était femme de Tyndare roi de Sparte. Ils se distinguèrent dans les jeux de la Grèce : Castor, par l'art de dompter et de conduire des chevaux ; ce qui le fit appeler dompteur de chevaux : Pollux, par l'art de lutter ; ce qui le fit regarder comme le patron des athletes. Voyez M. l'abbé de Claustre.