S. f. (Histoire naturelle) formica, insecte qui subit diverses transformations, et qui vit en société comme les abeilles. Suivant les observations de Swammerdam, il parait d'abord sous la forme d'un petit œuf qui est composé d'une membrane fort mince et du ver de la fourmi qui en est revêtu ; cet œuf est lisse, luisant, et si petit qu'on ne l'aperçoit que difficilement. Le ver sort de l'œuf en se dépouillant de sa membrane, et il la roule de façon qu'elle devient presqu'invisible ; alors il n'a point encore de jambes, mais on distingue les douze anneaux sur le corps, et on voit la bouche, la tête est panchée sur la poitrine, et reprend cette situation toutes les fois que l'on essaye de la relever ; lorsqu'il a pris son accroissement, tous les membres de la fourmi y sont déjà formés, mais ils restent cachés sous une enveloppe. Quoique ce ver ait du mouvement et plusieurs caractères propres aux animaux, et qu'il soit quelquefois plus gros qu'une fourmi, cependant on croit vulgairement que c'est l'œuf de cet insecte ; et on en vend dans les marchés sous ce nom pour la nourriture des rossignols et d'autres petits oiseaux. Ses membres paraissent à découvert après qu'il s'est dépouillé de son enveloppe, et dans cet état on lui donne le nom de nymphe.



On voit dans cette nymphe les deux yeux et les dents de la fourmi ; ses antennes sont étendues sur la poitrine : elle a six jambes, trois de chaque côté, etc. Enfin tous les membres de la fourmi sont formés dans la nymphe ; mais leur consistance est très-molle, et ils sont recouverts par une membrane fort mince. Lorsque la nymphe s'en dépouille, la couleur des yeux qui était blanche devient noire, les antennes, les jambes, et tout le corps entier changent aussi de couleur ; toute l'humidité superflue s'exhale, tous les membres commencent à se mouvoir, et se débarrassent de la membrane qui les enveloppait ; alors la nymphe devient une vraie fourmi, mais c'est toujours le même insecte que l'on a Ve successivement sous la forme d'un œuf, d'un ver, et d'une nymphe. Dans l'œuf il était enveloppé d'une peau luisante et unie : dans le ver il était recouvert d'une peau velue et sillonnée : dans la nymphe la peau enveloppait chacune des parties de l'insecte : enfin cette troisième peau étant tombée, la fourmi parait à découvert, et sous une forme qui ne change plus dans le reste de sa vie ; sa peau se durcit et prend une consistance approchante de celle de la corne. Biblia naturae, p. 287. et suiv.

Il y a diverses espèces de fourmis, et dans chaque espèce, outre les mâles et les femelles, il y a encore les fourmis ouvrières. Swammerdam a donné la description de ces trois sortes de fourmis de l'espèce la plus commune qui se trouve dans les jardins et dans les prés.

La fourmi ouvrière a la mâchoire inférieure divisée en deux parties qui sont courbes, qui avancent au-dehors, et qui sont terminées chacune par sept petites pointes ; ces deux portions de mâchoire sont mobiles, et servent comme des bras pour transporter différentes choses, surtout les jeunes fourmis qui sont sous la forme de vers ; la tête est séparée de la poitrine par un étranglement fort court ; il y a une partie mince et assez longue entre la poitrine et le ventre ; la tête est aussi grosse, mais moins allongée que la poitrine ; le ventre est à-peu-près aussi long que la poitrine, mais plus gros ; les yeux sont noirs ; les antennes ont une couleur brune, et se trouvent placées au-devant des yeux, une de chaque côté : elles sont hérissées de petites soies, et composées de douze pièces, dont la première est la plus longue ; la tête et la poitrine sont revêtues d'une peau dure et inégale ; les lombes forment le second étranglement qui est entre la poitrine et le ventre ; les six jambes tiennent à la poitrine, trois de chaque côté, et ont chacune quatre parties, dont la dernière est le pied ; celle-ci est de quatre pièces, posées successivement les unes au bout des autres ; et la quatrième a deux petits angles ; le ventre est velu de même que les jambes et le reste du corps, mais il a une couleur roussâtre. Swammerdam croit que les fourmis ouvrières n'ont aucune des parties qui caractérisent le sexe du mâle et de la femelle : que par conséquent elles ne contribuent en rien à la propagation de l'espèce, et qu'elles nourrissent et soignent les jeunes fourmis qui ne sont pas encore parvenues à leur dernière transformation.

Les fourmis mâles et les femelles ont les deux portions de la mâchoire inférieure un peu plus petites que les fourmis ouvrières : mais les yeux des mâles sont plus grands que ceux des femelles et des ouvrières ; les mâles et les femelles ont sur la tête trois tubercules semblables à de petites perles qui manquent aux fourmis ouvrières ; il y a aussi des différences dans la forme et la couleur de la poitrine ; mais le mâle est caractérisé d'une manière bien plus apparente par quatre ailes qui tiennent à la poitrine, deux de chaque côté, dont la première est plus grande que la seconde ; il a aussi une couleur plus foncée, et il est plus grand que la fourmi ouvrière. Les nymphes des fourmis mâles diffèrent aussi des autres en ce qu'elles ont des ailes. On ne trouve pas des fourmis mâles dans les fourmilières en tout temps ; il est à croire qu'ils ont le sort des abeilles mâles que les ouvrières tuent après que les femelles sont fécondées. Aussi Swammerdam a souvent observé des fourmis ouvrières qui maltraitaient des mâles.

Les fourmis femelles sont non-seulement plus longues que les mâles et les ouvrières, mais encore plus grosses. En les disséquant on y aperçoit aisément de petits œufs de couleur blanche ; la poitrine est de couleur moins brune que celle du mâle, et plus rousse que celle de la fourmi ouvrière.

Swammerdam a observé que parmi les fourmis les plus communes en Hollande, il ne se trouve qu'un petit nombre de mâles et quelques femelles, en comparaison du grand nombre des fourmis ouvrières. Il a ramassé ces insectes dans la campagne et dans des jardins pour les nourrir dans sa maison ; et pour les voir plus commodément, il les empêchait de se disperser au loin, en leur opposant de toutes parts un petit fossé plein d'eau qu'elles ne pouvaient pas franchir, car les fourmis fuient l'eau : pour cet effet il appliquait sur un grand plat de terre concave un rebord de cire, et il l'étendait dans toute la circonférence du plat, à quelque distance des bords, de sorte qu'il restait un petit canal circulaire entre le rebord de cire et les bords du plat ; il remplissait d'eau ce petit canal, et il plaçait les fourmis sur l'aire du cercle formé par le rebord de cire : dès qu'elles y avaient passé quelques jours, il s'y trouvait de petits œufs dont il sortait des vers tels qu'ils ont été décrits plus haut ; alors il voyait les fourmis ouvrières occupées à soigner ces vers, à les nourrir, et à les transporter d'un lieu à un autre, les tenant entre les deux prolongements de la mâchoire inférieure. Dès que la terre dans laquelle elles étaient logées sur le plat, se desséchait à la superficie, elles transportaient les vers et les nymphes au-dedans, à l'endroit le plus profond ; et lorsqu'on versait assez d'eau dans le plat pour inonder des vers, bientôt les fourmis ouvrières les remontaient au-dessus de l'eau ; mais si on ne répandait qu'une petite quantité d'eau pour humecter seulement une partie de la terre, c'était dans cet endroit humecté qu'elles apportaient les vers qui se trouvaient dans une portion de terre trop seche, ce qui prouve que la terre humectée leur convient mieux que celle qui est trop seche ou trop mouillée.

Les soins des fourmis ouvrières sont si nécessaires à ces vers et à ces nymphes, que Swammerdam a tenté plusieurs fais, mais toujours inutilement, d'en élever sans leur secours. Il nourrissait les fourmis qu'il observait avec du sucre, des raisins, des poires, des pommes, et d'autres fruits ; jamais il ne les a Ve construire d'autres nids que de petites routes qu'elles pratiquaient sous terre ; elles se placent toujours du côté qui est échauffé par le soleil, et elles y déposent leurs vers et leurs nymphes. Il n'a jamais trouvé dans ces fourmilières de provisions pour l'hiver, et il pense que ces insectes ne prennent aucune nourriture dans les temps froids. Biblia naturae, pag. 292. et suiv.

Outre l'espèce de fourmi dont il vient d'être fait mention, Swammerdam en avait Ve six autres. La première venait du cap de bonne Espérance : elle était de couleur brune foncée. Il parait par la figure que l'auteur a fait graver, qu'elle était plus de trois fois aussi grande que celle qui a été décrite.

La seconde espèce se trouva en Hollande ; la figure qui en a été gravée dans l'ouvrage de Swammerdam est à-peu-près de la même grandeur que celle de la fourmi mâle de l'espèce ordinaire ; l'auteur n'a pas pu reconnaître si c'était une femelle ou une ouvrière, mais cette fourmi n'avait point d'ailes comme les mâles, qui étaient aussi un peu plus grands ; elle avait une couleur rougeâtre. Ce qu'il y a de plus singulier dans les fourmis de cette espèce, c'est que les nymphes sont renfermées dans des coques tissues de fils, comme une sorte de toîle ; ces coques étaient beaucoup plus grosses que les fourmis ouvrières qui les transportaient.

Les fourmis de la troisième espèce étaient plus petites que les fourmis ordinaires, plus noires et plus luisantes : l'auteur les trouva sur des saules.

Celles de la quatrième espèce étaient encore plus petites, mais plus épaisses, et de couleur roussâtre.

Les fourmis de la cinquième espèce avaient le corps plus mince et plus allongé que celles de la quatrième. L'auteur a Ve les mâles : ils avaient des ailes ; mais il n'a point aperçu de mâles parmi les fourmis de la troisième et de la quatrième espèce.

Celles de la sixième étaient très-petites : l'auteur n'a point Ve les mâles ; il a fait graver une ouvrière dont la figure n'a qu'environ une ligne de longueur ; ces fourmis étaient de couleur brune, et ressemblaient aux autres par la figure du corps. On ne les voyait que vers le milieu du mois de Juillet, il en venait tous les ans dans ce temps quelques centaines qui se répandaient sur le pain et sur le fromage ; passé le mois d'Octobre il n'en restait aucune ; ces fourmis sortaient de la cave : mais l'eau y ayant séjourné pendant quelques mois, elles ne reparurent plus dans la suite.

Swammerdam ne doute pas qu'il n'y ait bien d'autres espèces de fourmis ; il en donne pour exemple : 1°. des fourmis blanches qu'on lui a dit être dans les Indes orientales : elles sont plus petites que les fourmis ordinaires, et elles gâtent les provisions de bouche et les marchandises : 2°. des fourmis rouges à pieds noirs qu'on lui avait envoyées de l'île de Ternate ; elles étaient un peu plus petites que celles de la seconde espèce dont il a été fait mention. On lui a dit encore que l'on avait Ve dans les grandes Indes des fourmis longues comme la première phalange du pouce ; que leurs fourmilières avaient six pieds de tour, qu'elles étaient divisées au-dedans en plusieurs cellules, et qu'elles paraissaient quelquefois en partie hors de terre, et étaient d'autres fois entièrement enfouies. Biblia naturae, pag. 266. et suiv.

Le P. du Tertre a Ve dans les Antilles quatre sortes de fourmis : elles font, dit-il, des provisions dans le temps de la récolte, quoiqu'il n'y ait point d'hiver dans ce climat ; souvent elles causent un grand dommage en enlevant les graines du tabac, ou d'autres plantes en une seule nuit, aussi-tôt qu'elles sont semées. Les fourmis qui emportent ainsi les semences, sont petites, noires, et assez semblables à celles que l'on voit le plus communément en Europe ; elles sont en si grand nombre qu'elles infectent les provisions de bouche, telles que les confitures, les viandes, les graisses, les huiles, les fruits, etc. quelquefois elles couvrent les tables, de façon qu'on est obligé de les abandonner sans pouvoir manger de ce qui a été servi ; on est aussi contraint de sortir de son lit lorsqu'elles y arrivent. Il y a deux sortes de fourmis rouges très-petites, qui ne sont pas si communes que les autres ; les fourmis de l'une de ces espèces ne mordent pas, mais elles entrent dans les coffres qui renferment du linge, en si grand nombre qu'elles le tachent et le gâtent entièrement ; les autres restent dans les bois sur les feuilles des arbres ; lorsqu'il en tombe sur la chair, elles causent une demangeaison très-vive.

Les fourmis les plus dangereuses sont celles que l'on appelle chiens, à cause de leur morsure qui est plus douloureuse que celle des scorpions ; mais la douleur ne dure qu'une heure au plus ; ces fourmis sont longues comme un grain d'avoine, et deux fois aussi grosses. On en trouve par-tout dans les iles, mais elles ne sont pas en si grand nombre que les autres. Histoire naturelle des Antilles, tom. II. pag. 343.

Il y a au Sénégal des fourmis blanches de la grosseur d'un grain d'avoine ; leurs fourmilières sont élevées en forme de pyramide, unies et cimentées au dehors ; elles n'ont qu'une seule ouverture qui se trouve vers le tiers de leur hauteur, d'où les fourmis descendent sous terre par une rampe circulaire. Histoire gen. des voyages, tom. II.

A Batavia les fourmis font leurs nids ou fourmilières sur des cannes, pour éviter les inondations ; elles les construisent avec une terre grasse, et y forment des cellules. On voit sur la côte d'or en Guinée des fourmilières au milieu des champs, qui sont de la hauteur d'un homme. Il y en a aussi de grandes sur des arbres fort élevés. Les fourmis sortent souvent de ces nids en si grand nombre, qu'il n'y a point d'animal qui puisse leur résister ; elles dévorent des moutons et des chèvres, en une seule nuit il n'en reste que les os. En une heure ou deux elles mangent un poulet ; les rats ne peuvent pas les éviter ; dès qu'une fourmi a atteint un de ces animaux, il s'en trouve plusieurs autres qui se répandent sur son corps tandis qu'il s'arrête pour se débarrasser de la première ; enfin elles l'accablent par le nombre, et l'entraînent où elles veulent ; on a remarqué que ces fourmis ont assez d'instinct pour aller chercher du secours dans la fourmilière lorsquelles ne peuvent pas emporter leur proie : les unes la gardent pendant que les autres vont à la fourmilière, et bien-tôt il en sort une multitude.

On trouve à Madagascar des fourmis volantes qui ressemblent à celles de l'Europe ; elles laissent sur les buissons épineux une humeur gluante, ou gomme blanche, qui sert de colle et de mastic aux habitants du pays, et qui est astringente. Voyez LAQUE.

On appelle en Amérique fourmis de visite, celles qui marchent en grandes troupes, et qui exterminent les rats, les souris, et d'autres animaux nuisibles ; lorsqu'on voit paraitre ces fourmis, on ouvre les maisons, les coffres, et les armoires, afin qu'elles puissent trouver les rats et les insectes ; elles ne viennent pas aussi souvent qu'on le voudrait, car il se passe quelquefois trois ans sans qu'il en arrive ; lorsque les hommes les irritent, elles se jettent sur leurs souliers et leurs bas qu'elles mettent en pièces. Voyez INSECTE. (I)

Selon le rapport de personnes dignes de foi, il y a une espèce de fourmi dans les Indes orientales qui ne marchent jamais à découvert, mais qui se font toujours des chemins en galerie pour parvenir où elles veulent être. Lorsqu'occupées à ce travail elles rencontrent quelque corps solide qui n'est pas pour elles d'une dureté impénétrable, elles le percent, et se font jour au-travers. Elles font plus : par exemple, pour monter au haut d'un pilier, elles ne courent pas le long de la superficie extérieure, elles y font un trou par le bas, entrent dans le pilier même, et le creusent jusqu'à ce qu'elles soient parvenues au haut. Quand la matière au travers de laquelle il faudrait se faire jour est trop dure, comme le serait une muraille, un pavé de marbre, etc. elles s'y prennent d'une autre manière ; elles se fraient le long de cette muraille, ou ce pavé, un chemin vouté, composé de terre liée par le moyen d'une humeur visqueuse, et ce chemin les conduit où elles veulent se rendre. La chose est plus difficîle lorsqu'il s'agit de passer sur un amas de corps détachés ; un chemin qui ne serait que vouté par-dessus, laisserait par-dessous trop d'intervalles ouverts, et formerait une route trop raboteuse : cela ne les accommoderait pas ; aussi y pourvoyent-elles, mais c'est par un plus grand travail ; elles se construisent alors une espèce de tube ou un conduit en forme de tuyau, qui les fait passer pardessus cet amas, en les couvrant de toutes parts.

Une personne qui a confirmé tous ces faits à M. Lyonnet, a dit avoir Ve que des fourmis de cette espèce ayant pénétré dans un magasin de la compagnie des Indes orientales, au bas duquel il y avait un tas de clous de girofle qui allait jusqu'au plancher, elles s'étaient faites un chemin creux et couvert qui les avait conduites par-dessus ce tas sans le toucher au second étage, ou elles avaient percé le plancher, et gâté en peu d'heures pour une somme considérable d'étoffes des Indes, au-travers desquelles elles s'étaient fait jour.

Des chemins d'une construction si pénible, semblent devait couter un temps excessif aux fourmis qui les font ; il leur en coute pourtant beaucoup moins qu'on ne croirait. L'ordre avec lequel une multitude y travaille, avance la besogne. Deux fourmis, qui sont apparemment deux femelles, ou peut-être deux mâles, puisque les mâles et les femelles sont ordinairement plus grandes que les fourmis du troisième ordre, deux grandes fourmis, dis-je, conduisent le travail, et marquent la route. Elles sont suivies de deux files de fourmis ouvrières, dont les fourmis d'une fîle portent de la terre, et celles de l'autre une eau visqueuse. De ces deux fourmis les plus avancées, l'une pose son morceau de terre contre le bord de la voute ou du tuyau du chemin commencé : l'autre détrempe ce morceau, et toutes les deux le pétrissent et l'attachent contre le bord du chemin ; cela fait, ces deux fourmis rentrent, vont se pourvoir d'autres matériaux, et prennent ensuite leur place à l'extrémité postérieure des deux files ; celles qui après celles-ci étaient les premières en rang, aussitôt que les premières sont rentrées, déposent pareillement leur terre, la détrempent, l'attachent contre le bord du chemin, et rentrent pour chercher de quoi continuer l'ouvrage. Toutes les fourmis qui suivent à la fîle en font de même, et c'est ainsi que plusieurs centaines de fourmis trouvent moyen de travailler dans un espace fort étroit sans s'embarrasser, et d'avancer leur ouvrage avec une vitesse surprenante. Voyez M. Lyonnet sur les insectes.

Les voyageurs parlent beaucoup de certaines fourmis blanches du royaume de Maduré, nommées par les Indiens carreyan, et qui sont la proie ordinaire des écureuils, des lésards, et autres animaux de ce genre ; ces sortes de fourmis élèvent leurs fourmilières à la hauteur de cinq ou six pieds au-dessus de terre, et les enduisent artistement d'un mortier impénétrable. Les campagnes du pays sont couvertes de fourmilières de cette nature, que les habitants laissent subsister ; soit par la difficulté qu'ils ont d'empêcher ces insectes de les rétablir promptement, soit par la crainte de les attirer dans leurs propres cabanes.

Quoi qu'il en sait, on remarque en tous lieux que chaque espèce de fourmi fait constamment bande à part, et qu'on ne les voit jamais mêlées ensemble ; si quelqu'une par inadvertance se rend dans un nid de fourmi qui ne soit pas de son espèce, elle perd nécessairement la vie, à moins qu'elle n'ait le bonheur de se sauver promptement.

La fourmi vue au microscope, parait curieuse par sa structure, qui est divisée en tête, corps, et queue, qu'un ligament très-délié joint ensemble. Ses yeux perlés sortent de la tête, qui est ornée de deux cornes ayant chacune douze jointures ; ses mâchoires sont garnies de sept petites dents ; la queue de quelques fourmis est armée d'un aiguillon creux, dont elles se servent quand elles sont irritées, pour jeter une liqueur acre et corrosive.

Tout le corps est revêtu d'une espèce d'armure hérissée de soies blanches et brillantes ; les jambes sont aussi couvertes de poils courts et bruns. Voyez Hook microsc. obs. 49. Powers expér. phil. obs. 42. et Bakers, microsc. &c.

Mais le lecteur avide d'autres détails, peut consulter le traité des fourmis de M. Gould, Lond. 1747. in-8°. et à son défaut les Trants. philos. n°. 482. sect. 4. Nous dirons seulement ici que cet habîle homme détruit complete ment dans son ouvrage l'idée vulgaire de la prévoyance des fourmis et de leur approvisionnement pendant l'hiver. (D.J.)

FOURMI, (Economie rustique) ces insectes préjudicient beaucoup aux arbres qui portent du fruit, particulièrement aux poiriers et aux pêchers ; ils mangent les jets de ce dernier arbre, et les font mourir : c'est pourquoi les Jardiniers cherchent tous les moyens possibles de détruire ces petits animaux nuisibles, et y travaillent sans-cesse. Les uns, pour y parvenir, emploient le fumier humain, que les fourmis ne peuvent supporter ; et ils en mettent une petite quantité au pied des arbres qu'elles aiment davantage : d'autres, pour les en écarter, se servent de sciure de bois qu'ils jettent autour du pied de l'arbre ; de sorte que quand elles veulent y monter, elles sentent que le terrain n'est pas ferme sous leurs pattes, et elles se retirent ailleurs : on peut encore employer le mercure, qui est un poison pour ces insectes.

On prend aussi des bouteilles à moitié pleines d'eau miellée ; on en frotte un peu les goulots pour y attirer les fourmis ; quand il y en a beaucoup de prises, on les noye, et on répète le piège jusqu'à ce qu'on les ait détruites : d'autres frottent de miel des feuilles de papier, qu'ils étendent aux environs du passage des fourmis ; elles couvrent bien-tôt ces papiers qu'on lève par les quatre coins, et qu'on jette dans quelque baquet d'eau où elles périssent. Quelques uns font un mélange de miel et d'arsenic en poudre dans des boites percées de petits trous de la grosseur d'une fourmi ; et ce moyen en détruit un grand nombre : mais il faut éviter de faire ces trous assez grands pour que les abeilles y puissent passer ; car elles y entreraient avec les fourmis ; et alors elles pourraient par hasard, avant que de mourir, porter de ce miel empoisonné dans leurs ruches.

Quelques jardiniers n'ayant pas le temps de s'occuper de ces minuties, prennent le parti d'entourer le bas des tiges de leurs arbres précieux, de rouleaux de laine de brebis nouvellement tondues : d'autres enduisent ces tiges de goudron ; cependant comme le goudron nuit d'ordinaire aux arbres, je ne puis recommander cette dernière pratique. Mais un des bons moyens de chasser bien-tôt ou de faire périr les fourmis, est d'arroser fréquemment les pieds d'arbres et tous les endroits où elles peuvent aborder, parce qu'il n'est rien qu'elles craignent plus que l'eau. Si par tous ces divers stratagèmes, et autres semblables, on ne détruit pas ces insectes, du-moins on en éclaircit beaucoup le nombre, ou on les éloigne des arbres dont la conservation est importante. (D.J.)

FOURMI, œufs de- (Histoire naturelle) c'est le nom populaire qu'on donne à ces petites boules blanches qu'on trouve dans les nids et cellules de fourmis, et qu'on suppose communément être les œufs de cet insecte ; faute d'avoir considéré que ces œufs sont plus gros que l'animal même qui leur aurait donné naissance.

Cette idée vulgaire n'est donc qu'une erreur grossière. Aussi les naturalistes modernes ont démontré que ce ne sont pas là de purs et simples œufs de fourmis, mais les jeunes fourmis même emmaillottées dans leur premier état d'accroissement, ou plutôt ce sont tout autant de petits vers enveloppés dans une coque très-mince composée d'une espèce de soie que les fourmis tirent de leurs corps, comme font les vers-à-soie et les chenilles.

Ces vermisseaux semblent à-peine remuer dans ce premier état ; mais au bout de peu de jours, ils montrent de faibles mouvements de flexion et d'extension : alors ils commencent à paraitre comme autant de fils jaunâtres, et croissent sous cette apparence, jusqu'à-ce qu'ils aient atteint la grosseur naturelle de la fourmi : ensuite lorsqu'ils ont subi leur métamorphose, ils se présentent sous la forme de fourmi, avec une petite tache noire près de l'anus. Leeuwenhoek croit que cette tache est l'excrément que l'insecte a rendu par cette partie.

Le docteur King a ouvert plusieurs de ces prétendus œufs ; et tantôt il a Ve le vermisseau dans sa première origine, et tantôt il a trouvé que ce vermisseau avait déjà commencé de revêtir la forme d'une fourmi, montrant sur la tête deux petites taches jaunes à l'endroit des yeux, et quelquefois ayant déjà ses yeux aussi noirs que du jayet. Enfin il a souvent trouvé sous l'enveloppe transparente les fourmis parvenues à leur état de perfection, et courant immédiatement après au milieu des autres fourmis.

Les œufs dont nous venons de faire l'histoire, sont portés par les fourmis chaque matin en été au haut de leurs fourmilières, où les mères les laissent pendant la chaleur du jour à l'exposition du soleil : mais dans les nuits fraiches, ou lorsqu'elles craignent la pluie, elles les transportent au fond de la fourmilière, et si avant, qu'on peut creuser jusqu'à la profondeur d'un pied sans les rencontrer. Quand on renverse ces fourmilières, on voit toutes les fourmis occupées à pourvoir à la sûreté des œufs qui renferment leurs petits ; elles les emportent en terre hors de la vue, et recommencent cet ouvrage tout autant de fois qu'on cherche à les déranger : ce sont-là les œufs qui font la nourriture délicieuse de plusieurs oiseaux, entr'autres des rossignols, des jeunes faisants, et des perdrix.

Les vrais œufs de fourmi sont une substance blanche, tendre, délicate, douce au toucher, et qui en ouvrant leurs nids, brille à l'oeil comme les petits crystaux de sels, ou les brillans d'un sucre blanc raffiné. Cette substance vue au microscope, parait figurée comme de petits œufs transparents, et formée de pellicules distinctes. On trouve cette même substance dans le corps des fourmis femelles qu'on disseque, et c'est proprement leur frai : quand ce frai est jeté sur terre, ce qui se fait par les mères à la manière des mouches, on voit les fourmis accourir en nombre pour le couver ; et au bout de quelques jours, il est changé en vermisseau de la grosseur d'une mite.

Leeuwenhoek a tracé le premier très-exactement le progrès de la génération, de l'accroissement, et de la métamorphose des fourmis. On en peut lire l'extrait dans la biblioth. univers. tome XI. Voyez aussi les Transactions philosophiques, n°. 23. p. 426. Swammerdam biblia naturae, et l'article FOURMI, (Histoire naturelle) (D.J.)

FOURMI, (Chimie et Matière médicale) les fourmis méritent une considération particulière dans l'analyse des substances animales, par l'acide connu sous le nom d'esprit de fourmi ; l'huîle essentielle, et l'huîle par expression qu'elles fournissent. Voyez SUBSTANCES ANIMALES.

Les fourmis sont regardées comme portant singulièrement aux voies urinaires et aux organes de la génération, et comme réveillant puissamment l'action des organes ; c'est pourquoi elles passent pour un remède excellent dans la faiblesse des vieillards, dans la paralysie, la disposition à l'apoplexie, la faiblesse de la mémoire, l'impuissance, etc. et cela, soit employées intérieurement en substance, soit extérieurement sous forme de bain ou de fomentation. Tous ces secours sont fort peu usités parmi nous ; on y emploie plus souvent, quoiqu'assez rarement encore, l'esprit de fourmis distillé avec l'esprit-de-vin, qui est regardé comme un puissant remède contre la paralysie et contre le bourdonnement des oreilles. (b)

* FOURMI, (Mythologie) les Grecs en général étaient si vains de l'antiquité d'origine, qu'ils aimaient mieux descendre des fourmis de la forêt d'Egine, que de se reconnaître pour des colonies de quelque peuple étranger. Les Thessaliens entêtés apparemment du même préjugé, honoraient ces insectes.