S. f. pl. (Antiquité romaine) les Romains pour s'épargner la peine d'offrir une affliction extérieure dans les funérailles de leurs parents et de leurs amis, ou pour augmenter l'aspect de leur deuil, établirent l'usage d'un chœur de pleureuses, qu'ils plaçaient à la tête du convoi, et qui par des chants lugubres, et par des larmes affectées, tâchaient d'émouvoir le public en faveur du mort que l'on conduisait au bucher. Elles avaient à leur tête une femme qui réglait le ton sur lequel elles devaient pleurer ; on les appelait praeficae, comme nous l'apprenons de Festus. Praeficae dicuntur mulieres ad lamentandum mortuum conductae, quae dant caeteris modum plangendi, quasi in hoc ipsum prefectae. Le poète Lucilius en a fait mention, au rapport de Nonius.



Mercede quae

Conductae flent alieno in funere praeficae.

Celle qui entonnait la lamentation était nommée praefica, du terme praefari, parce qu'elle commençait à pleurer la première. Les autres étaient aussi nommées praeficae, mais plus rarement que leur maîtresse ; et c'est ce qui fait croire que praefica ne vient pas de praefari, puisque toutes les pleureuses étaient honorées de cette illustre qualité.

Lorsque les Romains voulaient parler d'eux-mêmes avantageusement, ils prévenaient leurs auditeurs par ce mot praefiscine ; en quoi nous les imitons encore, lorsque nous voulons nous donner quelques louanges, car nous disons volontiers, cela soit dit sans vanité. Nous lisons dans l'Asinaria de Plaute, act. 2. scen. 4. que Léonida accusé de quelque tour de souplesse, commença sa justification par praefiscine, parce qu'il devait dire du bien de lui-même.

Praefiscine, hoc nunc dixerim nemo me etiam accusavit.

Merito meo, neque me Athenis est alter hodie cui credi recte, aequè putent.

Et comme les pleureuses affectaient de donner de grandes louanges au mort, elles se servaient d'abord selon la coutume du terme praefiscine, pour prévenir les spectateurs, et attirer leur croyance ; d'où l'on a fait le mot praeficae. L'Ecriture nous fournit des exemples de ces pleurs publiques ; il est dit dans le chapitre 21 des Nombres, que l'on pleura trente jours sur le corps d'Aaron : omnis autem multitudo vidents occubuisse Aaron, flevit super eo trigenta diebus per cunctas familias suas. Moïse fut pleuré de même pendant trente jours par tout Israèl.

Aussi tôt que le malade était expiré, l'usage des Romains était d'appeler les pleureuses, que l'on plaçait à la porte de la maison ; là s'étant instruites par les domestiques des circonstances de la vie du défunt, elles en composaient un éloge, où le mensonge et la flatterie n'étaient pas épargnés.

L'art des pleurs consistait dans l'action et dans le chant. Le poète Lucilius nous l'apprend par ces vers :

In funere, praeficae

Multo, et capillos scindunt, et clamant magis.

On reconnait dans ces vers, les deux parties de l'art de pleurer. Capillos scindunt, voilà l'action ; et clamant magis, voilà le chant qu'elles accommodaient à certains vers lugubres, que l'on nommait neniae, selon l'explication de Festus : nenia est carmen, quod in funere laudandi gratiâ cantatur, et c'est ainsi que Ciceron en parle dans le second livre des lois ; honoratorum virorum laudes in concione memorant, easque etiam ad cantus, ad tibicinem prosequuntur, cui nomen neniae, quo vocabulo etiam graeci cantus lugubres nominant.

On comprend aisément que ces pleureuses étaient vêtues de l'habit qui marquait ordinairement le deuil et l'affliction : c'était une robe noire, que les Romains appelaient pulla, et ceux qui en étaient vêtus, étaient désignés par cette épithète, pullati, dont Juvénal fait mention dans sa troisième satyre.

Si magna Arturici cecidit domus, horrida mater

Pullatos procères differt vadimonia praetor.

Auguste, au rapport de Pétrone, défendit à ceux qui portaient cet habit, de se présenter aux spectacles. Sanxit ne quis pullatorum in mediâ caveâ sederet. Je suis du sentiment de Saint-Evremont : il y a, dit-il, une certaine douceur à pleurer la mort de celui qu'on a aimé ; votre amour vous tient lieu de votre amant dans la douleur, et de-là vient l'attachement à un deuil qui a des charmes.

Qui me console, excite ma colere,

Et le repos est un bien que je crains ;

Mon deuil me plait, et doit toujours me plaire,

Il me tient lieu de celle que je plains. (D.J.)

PLEUREUSES, (Histoire des Grecs modernes) les Grecs modernes, suivant l'ancienne coutume, ont à la suite des enterrements des femmes à gage, dont la principale fonction est d'hurler, de pleurer, et de se frapper la poitrine, tandis que quelques autres chantent des élégies à la louange du mort ou de la morte ; ces sortes de chansons servant pour les deux sexes, et pour toutes sortes de morts, de quelque âge et qualité qu'ils soient.

Pendant cette espèce de charivari, d'autres personnes apostrophaient de temps en temps le défunt ou la défunte, en lui disant : " te voilà bien-heureuse ; tu peux présentement te marier avec un tel ; et ce tel est un ancien ami que la chronique scandaleuse a mis sur le compte de la morte ". Au bout de ces propos, ou autres semblables, les pleureuses recommencent leurs cris et leurs larmes.

Enfin, dès qu'une personne est morte, les parents, les amis, les pleureuses, font leurs complaintes autour du corps que l'on porte à l'église, le plus souvent sans attendre qu'il soit froid ; cependant on l'inhume, après avoir récité quelques oraisons accompagnées de gémissements feints ou véritables. (D.J.)

PLEUREUSES, PLEUREURS, (Critique sacrée) les Juifs avaient des pleureurs et des pleureuses à gages dans leurs funérailles, comme on le voit par quelques endroits de l'Ecriture. " Allez chercher des pleureuses et qu'elles viennent : envoyez querir des femmes qui savent faire des lamentations ; qu'elles se hâtent, et qu'elles commencent leurs lamentations sur le malheur de Sion, dit Jérémie, Ve 16. On ne verra que deuil dans toutes les places ; et par-tout on n'entendra que ces mots, malheur, malheur ; on appellera le laboureur à ce deuil, et on fera venir pour pleurer, ceux qui savent faire les plaintes funèbres ". Amos, Ve 16. (D.J.)

PLEUREUSES, terme de Lingeres ; elles appellent pleureuses, de larges bandes de batiste qu'on met en partie sur le revers de la manche d'un juste-au-corps, dans les premiers temps d'un grand deuil. (D.J.)