(Géographie ancienne) Pactolus, fleuve d'Asie, dans la Lydie ; c'est le Ludon, Lydon flumen de Varron, et le Lydius amnis de Tibulle. Il prenait sa source dans le mont Tmolus, mouillait la ville de Sardes et se jetait dans l'Hermus, qui Ve se perdre dans le golfe de Smyrne selon Ptolémée, l. V. c. IIe et Strabon, l. XI. p. 526.
Son lit est étroit et sans profondeur, son cours très borné ; mais le canton qu'il traverse est un des plus beaux de la province. Il passe aujourd'hui près des ruines de Sardes ; mais autrefois il coulait au milieu de cette ville, l'une des plus anciennes et des plus riches de l'Asie mineure.
Le Pactole, à peine remarqué de nos jours dans les lieux qu'il arrose, était jadis fameux par plusieurs choses, dont la plus considérable est un mélange de parcelles d'or avec le sable qui roulait dans son lit. Les auteurs anciens parlent de cette singularité ; les Poètes surtout l'ont célébrée comme à l'envi, et les continuelles allusions que les modernes font au Pactole, lui conservent encore une réputation qu'il ne mérite plus depuis longtemps.
Le Pactole a reçu le nom de Chrysorrhoas, épithète commune autrefois à plusieurs rivières dont les eaux bienfaisantes fertilisaient leurs bords. Le Pactole la méritait à ce titre et par une raison plus forte, les paillettes d'or qu'il entrainait justifiaient à son égard le surnom de Chrysorrhoas, lequel pris à la lettre, désigne une rivière qui coule des flots chargés d'or.
Suivant Ovide, Hygin, et Planciades, c'est à Midas, roi de Phrygie, que le Pactole a dû ses richesses. Ce prince avait obtenu de Bacchus, le don de convertir en or tout ce qu'il touchait : don funeste, dont il sentit bien-tôt les affreuses conséquences. Pour s'en délivrer il implora la pitié du dieu, qui lui dit de se baigner dans le Pactole, dont les eaux en le recevant acquirent la propriété qu'il perdit. Nous rapportons cette tradition fabuleuse empruntée des Grecs par les mythologues latins, pour montrer qu'il fut un temps où le Pactole passait pour n'avoir point roulé d'or avec ses eaux. Mais quand a-t-il commencé ? C'est ce qu'il est impossible de déterminer. Hésiode ne fait aucune mention du Pactole, quoiqu'il ait donné dans sa Théogonie une liste de la plupart des rivières de l'Asie mineure, dont quelques-unes n'ont qu'un cours très-peu étendu. Homère n'en parle jamais ; ce poète était géographe : aurait-il ignoré que dans le voisinage des lieux où il place l'Iliade, et de ceux mêmes, où selon quelques écrivains, il avait pris naissance, coulait un fleuve qui, pour nous servir de l'expression de Virgile, arrosait de son or les campagnes de la Lydie ? Et s'il ne l'ignorait pas, aurait-il pu négliger cette singularité, si susceptible des ornements de la poésie ? Ce fut donc longtemps après que les eaux du Pactole commencèrent à rouler de l'or, et nous savons seulement que Xerxès I. en tirait de cette rivière ; elle en fournissait encore du temps d'Hérodote ; mais enfin la source s'en tarit insensiblement, et longtemps avant Strabon qui vivait sous Tibere, le Pactole avait perdu cette propriété.
Si l'on demande de quelle nature était cet or, nous répondrons avec l'auteur du traité sur les fleuves, et le scholiaste de Licophron, que c'était des paillettes mêlées le plus souvent avec un sable brillant, et quelquefois attachées à des pierres que les courants d'eau enlevaient de la mine. Au rapport de quelques anciens, de Varron entr'autres, et de Dion Chrysostôme, la quantité de ces paillettes était comparable à celui qu'on retire des mines les plus abondantes. Le Pactole, à les entendre, fut la principale source des richesses de Crésus ; il en tira la matière de ces briques d'or d'un si grand prix, dont il enrichit le temple d'Apollon ; mais gardons-nous de prendre au pied de la lettre ces témoignages de deux écrivains, qui n'ont consulté qu'une tradition vague des plus exagérées par les Grecs.
Ils apprirent avec admiration qu'un métal que la nature leur avait refusé, coulait ailleurs dans les sables d'une rivière : singularité frappante, surtout pour des hommes épris du merveilleux. De-là vint la gloire du Pactole. Long-temps après la découverte des mines de la Thrace, le pillage du temple de Delphes, et surtout les conquêtes d'Alexandre, rendirent l'or plus commun dans la Grèce ; mais la réputation du Pactole était faite, elle subsista sans s'affoiblir, et dure encore, du-moins parmi nos Poètes, dont le langage est l'asîle de bien des faits proscrits ailleurs.
Rabattons donc infiniment du récit des anciens, pour avoir une juste idée des richesses du Pactole, qui toutefois étaient considérables. Si cette rivière n'avait que détaché par hasard quelques parcelles d'or des mines qu'elle traversait, elle n'aurait pas mérité l'attention de Crésus et de ses ayeux, moins encore celle des rois de Perse successeurs de Crésus. Les souverains s'attachent rarement à des entreprises dont la dépense excède le profit. Le soin avec lequel les rois de Lydie ramassaient l'or du Pactole, suffit pour montrer que la quantité en valait la peine.
Le peu de profondeur du Pactole, et la tranquillité de son cours, facilitaient le travail nécessaire pour en retirer les parcelles de ce métal précieux ; ce que les ouvriers laissaient échapper allait se perdre dans l'Hermus, que les anciens mirent par cette raison au nombre des fleuves qui roulent l'or, comme on y met parmi nous la Garonne, quoiqu'elle ne doive ce faible avantage qu'à l'Ariège, Aurigera, qui lui porte de temps-en-temps quelques paillettes d'or avec ses eaux.
Au reste, celui du Pactole était au meilleur titre, car l'auteur du traité des fleuves lui donne le nom d'or darique, monnaie des Perses qui était à 23 karats, d'où il résulterait que l'or du Pactole, avant que d'être mis en œuvre, n'avait qu'une 24. partie de matière hétérogène.
Ajoutons à la gloire du Pactole, que l'on trouvait dans ses eaux argentines une espèce de crystal ; que les cygnes s'y plaisaient autant que dans celles du Caystre et du Méandre ; et que ses bords étaient émaillés des plus belles fleurs. Si l'on était assuré que la pourpre, si connue dans l'antiquité sous le nom de pourpre sardique, se teignit à Sardes et non pas en Sardaigne, on pourrait dire encore à la louange des eaux du Pactole, qu'elles contribuaient à la perfection de ces fameuses teintures. Enfin l'on sait que les habitants de Sardes avaient sous Septime-Sévère établi des jeux publics, dont le prix parait tout-ensemble faire allusion aux fleuves qui embellissaient les rives du Pactole, et à l'or qu'il avait autrefois roulé dans son lit : ce prix était une couronne de fleurs d'or.
Tout a changé de face ; à peine le Pactole est-il connu de nos jours : Smith, Spon, Whéeler, et d'autres voyageurs modernes n'en parlent que comme d'une petite rivière, qui n'offre rien aujourd'hui de particulier, et peut-être nous serions nous borné à le dire séchement, sans les recherches de M. l'abbé Barthélemi, dont nous avons eu le plaisir de profiter. (D.J.)