TALENT, (Synonyme) les qualités forment le caractère de la personne ; les talents en font l'ornement. Les premières rendent bon ou mauvais, et influent fortement sur l'habitude des mœurs. Les seconds rendent utîle ou amusant, et ont grande part au cas qu'on fait des gens.
On peut se servir du mot de qualité en bien et en mal ; mais on ne prend qu'en bonne part celui de talent.
L'homme est un mélange de bonnes et de mauvaises qualités, quelquefois bizarre, jusqu'à rassembler en lui les extrêmes ; il y a des gens à talent sujets à se faire valoir, et dont il faut souffrir pour en jouir : il vaut encore mieux essuyer le caprice du renchéri, que la fatigue de l'ennuyeux.
Les qualités du cœur sont les plus essentielles ; celles de l'esprit sont les plus brillantes. Les talents qui servent aux besoins sont les plus nécessaires, ceux qui servent aux plaisirs sont les mieux récompensés.
On se fait aimer ou haïr par ses qualités ; on se fait rechercher par ses talents.
Des qualités excellentes jointes à de rares talents, font le parfait mérite. Girard. (D.J.)
QUALITE, (Métaphysique) ce mot exprime toute détermination intrinséque de l'être, qui peut être comprise par elle-même, et sans recourir à la voie de comparaison ; c'est ce qui distingue les qualités de la quantité. La quantité existe dans le sujet, mais elle ne saurait être exprimée par la seule description ; pour rendre sa notion communicable, il faut chercher quelque quantité homogène déterminée, que vous prenez pour une unité et sur laquelle vous mesurez la première ; c'est un grand homme, dites-vous. Jusques-là la grandeur n'est qu'une qualité ; mais en voulez-vous déterminer la quantité, vous ne le ferez qu'en disant, il a tant de pieds et de pouces. Au lieu que si vous parlez d'une étoffe rouge, d'une pierre chaude, etc. la simple dénomination de ces qualités en excite l'idée.
Toute détermination intrinséque de l'être, est qualité ou quantité, et par conséquent tout ce qui n'est pas quantité est qualité ; prenez une boule de bois. Qu'y a-t-il à observer dans ce sujet ? Des quantités ; savoir, la grandeur de la boule, et de son diamètre, la multitude déterminable de ses parties, et la quantité de son poids. Des qualités ; savoir, sa figure, l'espèce de sa matière, sa pesanteur, sa couleur, etc. voilà tout ce que ce sujet, et quelqu'autre que ce soit peuvent fournir.
Les déterminations essentielles, les attributs, les possibilités et les modes mêmes, en tant qu'on en sépare l'idée de quantité, sont les qualités de l'être ; il y en a de primitives, qui n'en reconnaissent point d'autres où elles aient leur raison ; il y en a de dérivatives, dont la raison suffisante, tant d'actualité, que de possibilité se trouve dans d'autres antérieures.
Les qualités dérivatives sont, ou nécessaires, ou contingentes. Les premières ont la raison suffisante de leur actualité dans les primitives : les autres n'y ont qu'une raison prochaine, ou même éloignée de leur possibilité. Ainsi les qualités dérivatives nécessaires sont la même chose que les attributs ; et les qualités dérivatives contingentes coïncident avec les modes.
Les qualités servent à distinguer les choses ; celles qui sont constantes, comme les qualités primitives, et les dérivatives nécessaires distinguent les objets en tout temps ; mais les contingentes ne peuvent servir à cet usage que dans un temps donné. Les choses semblables ont les mêmes qualités, et celles qui ont les mêmes qualités sont semblables.
La doctrine des qualités a fort occupé les scolastiques qui l'ont embarrassée de leurs subtilités, et qui aux qualités réelles avaient joint une foule de qualités occultes, qu'ils employaient pour l'explication des phénomènes, et que la saine philosophie n'a peut-être pas encore entièrement extirpées.
Aristote s'en est tenu à la notion confuse du vulgaire sur ce sujet, en définissant la qualité, ce que nous répondons à la question, qu'elle est une telle chose ? Quelques scolastiques ont fait leurs efforts pour rendre cette notion plus distincte, en indiquant les marques qui dénotent les qualités dans les sujets ; mais leur esclavage n'a pas permis qu'ils fissent de grands progrès dans cette analyse. Cependant cette notion confuse adoptée par l'école, n'est point en contradiction avec la notion distincte que notre définition en donne ; et toutes les qualités que nous comprenons sous cette définition, peuvent servir de réponse à la question, quel est ce sujet ? Tout ce qu'il y a, c'est que la voie vulgaire ne sert qu'à distinguer confusément les objets dans la pratique ; au lieu que la route philosophique en enseigne les distinctions à priori.
QUALITE, en Physique est proprement une force ou action qui part d'un ou de plusieurs points, et de-là se répand dans un certain espace.
Quelqu'ignorants que nous soyons sur la nature des qualités, et sur la manière dont elles opèrent, nous connaissons cependant les lois qui règlent leur plus ou moins d'intensité. Le docteur Keill démontre que toute qualité qui se propage en rond, c'est-à-dire du centre à la circonférence, comme la lumière, la chaleur, le froid, l'odeur, etc. augmente ou diminue d'efficacité en raison doublée des distances du centre de sa radiation, c'est-à-dire du point d'où elle part.
Sait, par exemple (Pl. géométr. fig. 80.), la lettre A, le centre d'où quelque qualité se propage aux environs, selon la direction des lignes A e, A f, etc. l'efficacité de cette qualité, soit chaleur, soit froid, soit odeur, etc. sera à égale distance du point A, comme l'épaisseur ou la densité des rayons A b, A c, A d. Mais les rayons bornés à la circonférence interne, ou la surface sphérique b c d H venant à s'étendre jusqu'à la surface sphérique e f g K ; ils sont à cette dernière surface beaucoup moins pressés les uns contre les autres ; et cela en raison de l'étendue de cette surface ; c'est-à-dire que si la grande surface est double de la petite, les rayons seront une fois moins pressés. Ainsi les surfaces sphériques étant comme les carrés de leurs rayons, l'efficacité de la qualité à la surface interne, sera à l'efficacité de cette même qualité à la surface externe, comme le carré de A e est au carré de A b.
Il faut cependant remarquer (& cette observation est très-importante) que la proposition précédente n'a lieu que pour les qualités qui se propagent par émission de particules, et non par pression dans un fluide. Pour éclaircir ceci, soit par exemple A un point lumineux qui envoye des rayons suivant A e, A f, A g, etc. lesquels rayons soient composés de particules émanées du corpuscule A. Il est certain que l'intensité de la lumière de ce corps sera par la proposition précédente en raison inverse du carré de la distance. Mais si la lumière du corps A ne se propageait que par pression, de sorte que A e, A f, etc. marquassent seulement les directions suivant lesquelles le point A presse le fluide, il est constant par les lois de l'hydrostatique et par la nature des fluides, que la pression sur chaque portion de la surface e k est égale à la pression sur chaque portion égale de la surface b H ; de sorte que la lumière devrait ne point diminuer à mesure qu'on s'en éloigne, si elle se propageait par pression. Ce qui peut fournir un nouvel argument en faveur du système de l'émission des corpuscules lumineux. Voyez LUMIERE et EMISSION.
Au reste pour prouver que l'action d'une qualité est en raison inverse du carré de la distance, il faut supposer que cette qualité se propage par des corpuscules qui partent d'un centre ; autrement la prétendue démonstration est illusoire. C'est donc une absurdité que de vouloir démontrer de cette manière la loi de l'attraction. Il faut uniquement la démontrer par les phénomènes ; surquoi voyez mes éléments de Philosophie, pag. 237 et 238. (O)
M. Newton avance comme une règle infaillible en Physique, que les qualités des corps qui ne sont point susceptibles d'augmentation ou de diminution d'intensité, et qui se trouvent dans tous les corps où on en a fait l'expérience, doivent être censées des qualités générales de tous les corps. Voyez PHYSIQUE.
QUALITES COSMIQUES, (Philosophie) M. Boyle entend par ce mot les qualités qui dépendent de l'action des corps qui composent le système de l'univers.
Cet illustre philosophe prétend 1°. que ces qualités dépendent en partie de l'influence des agens extérieurs, autant que des affections primitives de la matière ; en sorte qu'il y a plusieurs corps, qui en certains cas n'agissent point, à moins que d'autres n'agissent sur eux ; et quelques-uns agissent seuls ou principalement, selon que ces agens universels et inconnus agissent sur eux. 2°. Qu'il y a des corps subtils répandus dans l'univers, prêts à s'insinuer dans les pores de tout corps disposé à recevoir leurs impressions, ou qui agissent sur lui de quelqu'autre manière, surtout si d'autres causes inconnues, et les lois établies dans l'univers, concourent avec eux. 3°. Qu'un corps par le changement mécanique de sa contexture, peut acquérir ou perdre la disposition de recevoir l'impression de ces agens inconnus, comme aussi de diversifier leurs opérations par la diversité de sa contexture.
Boyle propose quelques conjectures sur ce sujet : par exemple, 1°. qu'outre ces corpuscules nombreux et uniformes dont l'éther est composé, selon quelques philosophes modernes, il y a peut-être d'autres espèces de corpuscules propres à produire de grands effets, lorsqu'ils trouvent des corps sur lesquels ils puissent agir. 2°. Il rapporte que plusieurs personnes ont cru remarquer des écoulements de parties pestilentielles dans l'air avant qu'elles agissent comme telles sur les corps. 3°. Il soupçonne que des changements considérables quoique lents, dans les parties intérieures de la terre, peuvent produire des variations dans la boussole. 4°. Il suppose que le flux et le reflux de la mer, et d'autres phénomènes semblables, sont produits par quelque loi générale de la nature ; ou que le tourbillon planétaire du soleil et de la lune n'y a pas peu de part. 5°. Que toutes les maladies épidémiques doivent peut-être leur origine à l'influence de ces globes qui roulent autour de nous, et à celle des écoulements terrestres de notre globe. 6°. Il doute que ce qu'on regarde comme les lois générales des phénomènes, et qui supposent une constitution constamment uniforme, et un cours réglé dans les choses ; il doute, dis-je, que ces lois soient aussi uniformes qu'on le croit. 7°. Il conjecture d'un autre côté que ce que nous regardons souvent comme des irrégularités hors du cours établi de la nature, se trouveraient peut-être, si on observait exactement, des phénomènes réglés qui ont leur retour après de grands intervalles. Mais parce que les hommes n'ont ni assez d'habileté ni assez de curiosité pour les observer, et qu'ils ne vivent pas assez longtemps pour faire un assez grand nombre d'observations sur ces phénomènes rares, ils en concluent trop promptement que ce sont des irrégularités, qui ne doivent leur origine à aucune cause fixe et durable. Tout cela parait fort censé. (D.J.)
QUALITE, (Jurisprudence) est un titre personnel qui rend habîle à exercer quelque droit.
Pour intenter une action, il faut avoir qualité, c'est-à-dire avoir droit de le faire.
On prend qualité dans une succession en se portant héritier ou légataire, ou donataire ou douairier.
Il y a des qualités qui sont incompatibles entr'elles, comme celles d'héritier et de légataire dans la coutume de Paris. Voyez HERITIER.
Qualités d'une sentence ou d'un arrêt, sont les noms des parties plaidantes avec leurs demandes et défenses que l'on énonce avant le Ve et le dispositif du jugement.
Le procureur qui veut lever un jugement d'audience, fait signifier à son confrère des qualités ; si celui auquel il les signifie y trouve quelque chose à réformer, il peut former opposition aux qualités, et alors on plaide sur cet incident avant que le greffier expédie le jugement. Voyez ARRET, SENTENCE, GREFFIER, DISPOSITIF. (A)
QUALITE, en terme de Commerce ; se dit de la nature bonne ou mauvaise d'une marchandise, ou de la perfection ou du défaut d'une étoffe. Ce vin, cette étoffe, ce drap sont d'une excellente qualité, ou ne sont pas d'une bonne qualité. Dict. de commerce.
QUALITE, signifie encore ce qui distingue une chose d'avec une autre, parce qu'elles ne sont pas de même nature, ou qu'elles ont quelque apprêt qui les différencie ; comme l'or, l'argent, ou les autres métaux en lingots ne sont pas réputés de même qualité, ni entr'eux, ni avec les mêmes métaux ouvrés. Id. ibid.