S. m. (Droit naturel et Morale) obligation que l'on contracte envers autrui.

Les engagements que l'on prend de soi-même envers autrui, sont des stipulations positives, par lesquelles on contracte quelque obligation où l'on n'était point auparavant.

Le devoir général que la loi naturelle prescrit ici, c'est que chacun tienne inviolablement sa parole, et qu'il effectue ce à quoi il s'est engagé par une promesse ou par une convention verbale. Sans cela, le genre humain perdrait la plus grande partie de l'utilité qui lui revient d'un tel commerce de services. D'ailleurs, si l'on n'était pas dans une obligation indispensable de tenir sa promesse, personne ne pourrait compter sur les secours d'autrui ; on appréhenderait toujours un manque de parole qui arriverait aussi très-souvent. De-là naitraient mille sujets légitimes de querelles et de guerres.



On s'engage, ou par un acte obligatoire d'une part seulement, ou par un acte obligatoire des deux côtés ; c'est-à-dire que tantôt il n'y a qu'une seule personne qui entre dans quelque engagement, envers une ou plusieurs autres, et tantôt deux ou plusieurs personnes s'engagent les unes envers les autres. Dans le premier cas, c'est une promesse gratuite, et dans l'autre une convention. Voyez PROMESSE, CONVENTION.

Il y a une chose absolument nécessaire, pour rendre valables et obligatoires les engagements où l'on entre envers autrui, c'est le consentement volontaire des parties. Aussi tout engagement est nul, lorsqu'on y est forcé par une violence injuste de la part de celui à qui l'on s'engage ; mais le consentement d'une partie ne lui impose actuellement aucune obligation, sans l'acceptation réciproque de l'autre.

Pour former un engagement valable, il faut en général, que ce à quoi l'on s'engage, ne soit pas au-dessus de nos forces, ni de plus défendu par la religion ou par la loi ; autrement on est, ou fou, ou criminel. Personne ne peut donc s'engager à une impossibilité absolue. Il est vrai que l'impossibilité en matière d'engagement n'est telle pour l'ordinaire, que par rapport à certaines personnes, ou par l'effet de certains accidents particuliers, mais cela n'importe, l'engagement n'en est pas moins nul. Par exemple, s'il se trouve qu'une maison de campagne qu'on avait louée, ait été consumée par le feu sans qu'on en sut rien de part ni d'autre, on n'est tenu à rien, et l'engagement tombe.

Il est clair encore que personne ne peut s'engager validement à une chose illicite ; mais il n'y a que les choses illicites en elles-mêmes, soit de leur nature ou à cause de la prohibition des lois civiles entre concitoyens qui les connaissent, qui aient la vertu de rendre nulle une convention, d'ailleurs revêtue des qualités requises.

Il n'est pas moins certain que l'on ne saurait s'engager validement, au sujet de ce qui appartient à autrui, ou de ce qui est déjà engagé à quelqu'autre personne.

Il y a des engagements absolus et des engagements conditionnels ; c'est-à-dire, que l'on s'engage ou absolument et sans réserve, ou en sorte que l'on attache l'effet et la validité de l'engagement à quelque événement, qui est, ou purement fortuit, ou dépendant de la volonté humaine ; ce qui a lieu surtout en matière de simple promesse.

Enfin, on s'engage non-seulement par soi-même, mais encore par l'entremise d'un tiers que l'on établit pour interprete de notre volonté, et porteur de notre parole auprès de ceux à qui l'on promet ou avec qui l'on traite ; lorsqu'un tel entremetteur ou procureur a exécuté de bonne foi et exactement la commission qu'on lui avait donnée, on entre par là dans un engagement valide envers l'autre partie, qui a regardé ce procureur et qui a eu lieu de le regarder comme agissant en notre nom et par notre ordre.

Voilà des principes généraux de droit naturel sur les engagements. Leur observation est sans contredit un des plus grands et des plus incontestables devoirs de la Morale. Si vous demandez à un chrétien qui croit des récompenses et des peines après cette vie, pourquoi un homme doit tenir son engagement, il en rendra cette raison, que Dieu qui est l'arbitre du bonheur et du malheur éternel nous le recommande. Un disciple d'Hobbes à qui vous ferez la même question, vous dira que le public le veut ainsi, et que le Léviathan vous punira si vous faites le contraire. Enfin un philosophe payen aurait répondu à cette demande, que de violer sa promesse, c'était faire une chose déshonnête, indigne de l'excellence de l'homme et contraire à la vertu, qui élève la nature humaine au plus haut point de perfection où elle soit capable de parvenir.

Cependant quoique le chrétien, le payen, le citoyen, reconnaissent également par différents principes le devoir indispensable des engagements qu'on contracte ; quoique l'équité naturelle et la seule bonne foi obligent généralement tous les hommes à tenir leurs engagements, pourvu qu'ils ne soient pas contraires à la religion, à la morale ; la corruption des mœurs a prouvé de tout temps, que la pudeur et la probité n'étaient pas d'assez fortes digues pour porter les hommes à exécuter leurs promesses. Voilà l'origine de tant de lois au sujet des conventions dans tous les pays du monde. Voilà ce qui dans le Droit français, accable la Justice de tant de clauses, de conditions et de formalités sur cet article, que les parchemins inventés avec raison pour faire convenir ou pour convaincre les hommes de leurs engagements, ne sont malheureusement devenus que des titres pour se ruiner en procédures, et pour faire perdre le fond par la forme. Si les hommes sont justes, ces formules sont d'ordinaire inutiles ; s'ils sont injustes, elles le sont encore très-souvent, l'injustice étant plus forte que toutes les barrières qu'on lui oppose. Aussi pouvons-nous justement dire de nos engagements ce qu'Horace disait de ceux de son temps :

........................................... Adde Cicutae

Nodosi tabulas centum, mille adde catenas,

Effugiet tamen haec sceleratus vincula Proteus.

Lib. II. Sat. 3. 69.

Article de M(D.J.)

ENGAGEMENT, (Jurisprudence) Il y a des engagements fondés sur la nature ; tels que les devoirs réciproques du mariage, ceux des pères et mères envers les enfants, ceux des enfants envers les pères et mères, et autres semblables qui résultent des liaisons de parenté ou alliance, et des sentiments d'humanité.

D'autres sont fondés sur la religion ; tels que l'obligation de rendre à Dieu le culte qui lui est dû. le respect dû à ses ministres, la charité envers les pauvres.

D'autres engagements encore sont fondés sur les lois civiles ; tels sont ceux qui concernent les devoirs respectifs du souverain et des sujets, et généralement tout ce qui concerne différents intérêts des hommes, soit pour le bien public, soit pour le bien de quelqu'un en particulier.

Les engagements de cette dernière classe résultent quelquefois d'une convention expresse, ou tacite ; d'autres se forment sans convention directe, avec la personne qui y est intéressée, mais en vertu d'un contrat fait avec la justice, comme les engagements des tuteurs et curateurs : d'autres ont lieu absolument sans aucune convention ; tels que les engagements réciproques des co-héritiers et co-légataires, qui se trouvent avoir quelque chose de commun ensemble, sans aucune convention : d'autres encore naissent d'un délit ou quasi-délit, ou d'un cas fortuit : d'autres enfin naissent du fait d'autrui ; tels que les engagements des pères par rapport aux délits et quasi-délits de leurs enfants ; et ceux des maîtres, par rapport aux délits et quasi-délits de leurs esclaves ou domestiques ; et les engagements dont peuvent être tenus ceux dont un tiers a géré les affaires à leur insçu.

Tous ces différents engagements sont volontaires, ou involontaires : les premiers sont ceux qui résultent d'une convention expresse, ou tacite : les autres sont ceux qui naissent d'un délit ou quasi-délit, d'un cas fortuit.

Enfin, toutes sortes d'engagements sont simples ou réciproques : les premiers n'obligent que d'un côté : les autres sont synallagmatiques, c'est-à-dire obligatoires des deux côtés. Voyez CONTRAT et OBLIGATION ; voyez aussi l'auteur des lois civiles, en son traité des lais, chap. IIe et suiv. et liv. II. de la prem. partie. (A)

ENGAGEMENT D'UN BIEN : ce terme pris dans le sens le plus étendu, peut s'appliquer à tout acte par lequel on oblige un bien envers une autre personne, comme à titre de gage ou d'hypothéque. Voyez GAGE et HYPOTHEQUE.

Ce même terme engagement signifie aussi l'acte par lequel on en cede à quelqu'un la jouissance pour un temps.

Il y a deux sortes d'engagements pour les biens.

Les uns sont faits par le débiteur au profit du créancier, pour sûreté de sa créance ; et ces engagements se font en deux manières différentes ; savoir, par forme d'antichrèse, ou par forme de contrat pignoratif. Voyez ANTICHRESE et CONTRAT PIGNORATIF.

L'autre sorte d'engagement est celle qui contient une espèce d'aliénation faite sous la condition expresse ou tacite, que l'ancien propriétaire pourra exercer la faculté de rachat, soit pendant un certain temps, ou même à perpétuité.

Les ventes à faculté de rémeré, et les baux emphytéotiques, ne sont proprement que des engagements.

Mais dans l'usage on ne donne guère ce nom qu'aux antichrèses, contrats pignoratifs, et aux aliénations que le roi fait en certains cas de quelques portions du domaine de la couronne. Voyez ENGAGEMENT DU DOMAINE. (A)

ENGAGEMENT DU DOMAINE DE LA COURONNE, est un contrat par lequel le roi céde à quelqu'un un immeuble dépendant de son domaine, sous la faculté de pouvoir lui et ses successeurs, le racheter à perpétuité toutes fois et quantes que bon leur semblera.

L'étymologie du mot engagement vient de gage, et de ce que l'on a comparé ces sortes de contrats aux engagements ou antichrèses, que le débiteur fait au profit de son créancier.

Il y a néanmoins cette différence entre l'engagement ou antichrèse que fait un débiteur, et l'engagement du domaine du roi, que le premier, dans les pays où il est permis, ne peut être fait qu'au profit du créancier, lequel ne gagne pas les fruits ; ils doivent être imputés sur le principal, l'engagement n'étant à son égard qu'une simple sûreté : au lieu que l'engagement du domaine du roi peut être fait tant à prix d'argent, que pour plusieurs autres causes ; et l'engagiste gagne les fruits jusqu'au rachat, sans les imputer sur le prix du rachat, au cas qu'il lui en soit dû.

Le domaine de la couronne, soit ancien ou nouveau, grand ou petit, est inaliénable de sa nature ; c'est pourquoi les actes par lesquels le roi céde à quelqu'un une portion de son domaine, ne sont considérés que comme des engagements avec faculté de rachat.

Ce grand principe a été longtemps ignoré : les engagements du domaine proprement dit étaient cependant déjà connus dès l'an 1311, comme il parait par une ordonnance de Philippe-le-Bel ; mais on admettait aussi alors plusieurs autres manières d'aliéner le domaine ; savoir, la concession à titre d'apanage, l'assiete des terres pour les dots et douaires des reines et filles de France, et l'inféodation qui était alors différente de l'engagement.

Présentement les apanages ne passent plus, comme autrefois, à tous les héritiers mâles ou femelles indistinctement ; ils sont reversibles à la couronne à défaut d'hoirs mâles.

Les terres du domaine ne sont plus données purement et simplement en mariage, mais seulement en payement des deniers dotaux, et comme un engagement ou espèce de vente à la faculté de rachat. Les terres données pour le douaire des reines, ne sont qu'en usufruit : ainsi il n'y a point d'aliénation.

Les inféodations du domaine faites à prix d'argent, ou pour récompense de services réels et exprimés dans l'acte avant l'ordonnance de 1566, ne sont pas sujettes à révocation comme les simples dons. Il y a d'autres inféodations du domaine qui ont été faites depuis cette ordonnance, en conséquence des édits du mois d'Avril 1574, Mars 1587, Septembre 1591, 4 Septembre et 23 Octobre 1592, 25 Février 1594, Mars 1619, Mars 1635, Mars 1639, Septembre 1645, Décembre 1652, Avril 1667, 1669 ; 7 Avril 1672, Mars et 19 Juillet 1695, 13 Mars, 3 Avril et 4 Septembre 1696, 13 Aout 1697, Avril 1702, 2 Avril et 26 Septembre 1703, Aout 1708, et 9 Mars 1715 : mais quoique plusieurs de ces édits et déclarations aient ordonné la vente des domaines à titre d'inféodation et de propriété incommutable et à perpétuité, on tient pour maxime que toutes ces inféodations faites moyennant finance, et qui emportent diminution du domaine, en quelques termes qu'elles soient conçues, ne sont toujours que des engagements sujets au rachat perpétuel ; comme il est dit par les édits de 1574, 1587, et plusieurs autres édits et déclarations postérieurs : à plus forte raison quand les inféodations participent de l'engagement, et qu'elles sont faites en rentes et en argent.

On distingue néanmoins les engagements qui sont faits à titre d'inféodation, de ceux qui ne sont point faits à ce titre, et que l'on appelle engagements simples. Les premiers donnent aux seigneurs engagistes un droit un peu plus étendu ; ils jouissent quasi domini, des domaines qui leur sont engagés, et participent à certains droits de fief et honorifiques : au lieu que les simples engagistes ne sont proprement que des créanciers antichrésistes, qui jouissent du domaine engagé pour l'intérêt de l'argent qu'ils ont prêté au roi ; du reste, ceux qui ont acquis un bien du domaine à titre d'inféodation, ne sont toujours qualifiés que d'engagistes comme les autres, ainsi qu'on le voit dans tous les édits et déclarations intervenus sur cette matière depuis 1667.

On ne doit pas confondre avec les engagements les inféodations des domaines du roi, lorsqu'elles sont faites sans aucun payement de finance, sous la condition par l'inféodataire d'améliorer le domaine inféodé, comme de défricher ou dessécher un terrain, d'y bâtir ou planter, etc. et sous la réserve de la suzeraineté, emportant foi et hommage, droits seigneuriaux et féodaux ; ou de la directe, cens et surcens, emportant lods et ventes, saisine, et autres droits dû. aux mutations des fiefs ou des rotures, suivant qu'ils sont fixés par les coutumes, ou stipulés par les contrats d'inféodation.

Ce qui a donné lieu quelquefois de confondre ces sortes d'inféodations avec les engagements, est que par différents édits qui ont ordonné l'aliénation des domaines du roi à titre d'engagement, pour accréditer ces engagements, on les a assimilé aux inféodations, en ordonnant que les engagistes jouiraient des domaines engagés à titre d'inféodation ; on y a même souvent ajouté la réserve au roi, de la suzeraineté et de la directe. La plus grande partie des aliénations des justices a été faite à ce titre d'inféodation et sous ces réserves ; et quoiqu'il y ait eu des finances payées lors de ces aliénations, on doute encore si l'on doit considérer les aliénations de ces justices, faites depuis plus d'un siècle sous la réserve de la suzeraineté et du ressort, comme des aliénations des autres portions utiles du domaine du roi. Si on admettait un pareil principe, on exposerait la plus grande partie des propriétaires des terres et fiefs à être privés de leurs justices, dans lesquelles le roi aurait droit de rentrer comme n'étant possédées qu'à titre d'engagement : ce qui aurait bien des inconvéniens.

Sans entrer dans cette question, il est constant que toutes ces aliénations des portions des domaines du roi, faites sans finance et au seul titre d'inféodation, sous la réserve de la suzeraineté, de la féodalité, de la directe, censive et surcens, emportant droits seigneuriaux, lods et ventes aux mutations, ne sont point compris dans la classe des engagements des domaines.

L'objet de l'inféodation est toujours, que l'inféodataire étant propriétaire incommutable améliorera le domaine inféodé, et que par ces améliorations, les droits qui seront payés au roi lors des ventes et autres mutations deviennent si considérables, que le roi soit plus qu'indemnisé de la valeur du fonds qu'il a inféodé.

Il y a lieu de présumer que c'est par des inféodations que se sont faits les établissements des fiefs, de la directe, et des censives ; toutes les directes qui appartiennent au roi sur les maisons de la ville de Paris, ne proviennent que d'inféodations faites des terrains qui appartenaient à sa majesté, et qui ont été par elle inféodés. Sans remonter aux temps reculés, il a été fait dans le dernier siècle plusieurs de ces inféodations par le roi, de semblables terrains ; tels que sont ceux que l'on comprend sous la dénomination d'île du Palais, où sont situées la rue Saint-Louis, la rue de Harlay, le quai des Orfèvres, la place Dauphine, les salles neuves du Palais, les cours qui les environnent, appelées l'une la cour neuve, l'autre la cour de la Moignon : tous ces terrains ont été concédés à titre d'inféodation, sous la réserve de directe et de censives : toutes les fois que les propriétaires ont été inquiétés pour taxes ; ou sous d'autres prétextes, comme détempteurs de terrains du domaine du roi aliénés, ils ont été déchargés par des arrêts du conseil.

Les inféodations ne peuvent donc en général être mises dans la classe des engagements du domaine, que quand elles sont faites moyennant finance, et qu'elles emportent une véritable aliénation et diminution du domaine.

Toute aliénation du domaine et droits en dépendants, à quelque titre qu'elle soit faite, excepté le cas d'apanage ou d'échange, n'est donc véritablement qu'un engagement, soit que l'acte soit à titre d'engagement, ou à titre d'inféodation, que ce soit à titre de vente, donation, bail à cens ou à rente, bail emphytéotique, ou autrement : et quand même le titre porterait que c'est pour en jouir à perpétuité et incommutablement, sans parler de la faculté de rachat ; cette faculté y est toujours sousentendue, et elle est tellement inhérente au domaine du roi, qu'on ne peut y déroger, et qu'elle est imprescriptible comme le domaine.

L'ordonnance de Blais, art. 333 et 334, distingue à la vérité la vente du domaine d'avec le simple engagement : mais il est sensible que les principes de cette matière n'étaient point encore développés alors comme il faut ; et selon les principes qui résultent des ordonnances postérieures, il est constant que l'aliénation du domaine, faite à titre de vente, ne peut pas avoir plus d'effet que celle qui est faite simplement à titre d'engagement.

L'engagiste a même moins de droit qu'un acquéreur ordinaire à charge de rachat. En effet celui qui peut faire tous les actes de propriétaire jusqu'à-ce que le rachat soit exercé, et ce quand le temps du rachat est expiré, il devient propriétaire incommutable : au lieu que l'engagiste du domaine n'est en tout temps qu'un simple acquéreur d'usufruit, qui a le privilège de transmettre son droit à ses héritiers ou ayans cause.

La propriété du domaine engagé demeurant toujours par devers le roi, il s'ensuit par une conséquence naturelle, que l'engagiste ne doit point de foi et hommage, ni de droits seigneuriaux, soit pour la première acquisition, soit pour les autres mutations qui surviennent de la part du roi, ou de celle de l'engagiste. Quelque clause qu'il y ait au contraire dans l'engagement, les chambres des comptes ne doivent jamais admettre les engagistes à l'hommage des domaines engagés, si ce n'est par rapport aux justices ; comme on l'a expliqué ci-devant pour les autres engagements : cela serait d'une trop dangereuse conséquence, et la chambre des comptes de Paris ne s'écarte jamais de ce principe.

Il ne peut pas, comme l'apanager, se qualifier duc, comte, marquis, ou baron d'une telle terre, mais seulement seigneur par engagement de cette terre, si ce n'est que l'engagement contint permission de prendre ces qualités.

Quand le chef-lieu d'une grande seigneurie est engagé, les mouvances féodales qui en dépendent et la justice royale qui est attachée au chef-lieu, et tous les droits honorifiques, demeurent réservés au roi ; la justice s'y rend toujours en son nom : on y ajoute seulement en second celui du seigneur engagiste, mais celui-ci n'a point collation des offices, il n'en a que la nomination, et les officiers sont toujours officiers royaux ; s'il fait mettre un poteau en signe de justice, les armes du roi doivent y être marquées : il peut seulement mettre les siennes au-dessous. Il n'a point droit de litre, ou de ceinture funèbre ; il ne peut recevoir les foi et hommage, aveux et déclarations, ni donner les ensaisinements : il a seulement tous les droits utiles du domaine engagé, excepté les portions qui ont été aliénées aux officiers du domaine, antérieurement aux engagements, conformément à plusieurs règlements, et notamment à l'édit du mois de Décembre 1743.

Mais quand le roi engage seulement quelque dépendance du chef-lieu de la seigneurie, et qu'il engage aussi la justice, alors c'est une nouvelle justice seigneuriale qui s'exerce au nom du seigneur ; il a la collation des offices, et tous les droits utiles et honorifiques, à l'exception néanmoins des droits qui sont une suite des mouvances du chef-lieu, lesquelles dans ce cas demeurent réservées au roi, conformément à l'édit du 15 Mai 1715.

Les droits de patronage, droits honorifiques, droits de retrait féodal, ne sont point comptés au nombre des droits utiles ; de sorte que l'engagiste ne les a point, à moins qu'ils ne lui aient été cédés nommément.

Tout contrat d'engagement doit être registré en la chambre des comptes.

Les acquisitions que l'engagiste fait dans la mouvance du domaine qui lui est engagé, soit par voie de retrait, ou autrement, ne sont point réunies au domaine.

L'engagiste peut pendant sa jouissance sous-inféoder, ou donner à cens ou rente quelque portion du domaine qu'il tient par engagement : mais en cas de rachat de la part du roi, toutes ces aliénations faites par l'engagiste sont révoquées, et le domaine rentre franc de toute hypothéque de l'engagiste.

Cependant jusqu'au rachat, l'engagiste peut disposer comme bon lui semble du domaine ; il est considéré comme propre dans sa succession ; le fils ainé y prend son droit d'ainesse ; le domaine engagé peut être vendu par l'engagiste, ses héritiers ou ayans cause ; il peut être saisi et decreté sur eux : mais tout cela ne préjudicie point au rachat.

Tant que l'engagement subsiste, l'engagiste doit acquitter les charges du domaine ; telles que les gages des officiers, et autres prestations annuelles, pour fondation ou autrement, entretenir les bâtiments, prisons, ponts, chemins, chaussées, fournir le pain des prisonniers, payer les frais de leur transport, et généralement tous les frais des procès criminels où il n'y a point de partie civîle ; gages d'officiers, rentes, revenant-bons, décharges et épices des comptes des domaines : mais cet édit n'a pas été par-tout pleinement exécuté. L'édit d'Octobre 1705 a ordonné que les engagistes rembourseraient les charges locales, telles que le payement des fiefs et aumônes ; à l'effet de quoi il est obligé d'en remettre le fonds au receveur des domaines et bois, lequel rapporte au jugement de son compte, les pièces justificatives de l'acquittement desdites charges.

Loyseau en son traité des offices, et Chopin en son traité du domaine, ont parlé des engagements ; mais quoique ces auteurs aient dit d'excellentes choses, il faut prendre garde que leurs principes ne sont pas toujours conformes au dernier état de la jurisprudence sur cette matière.

On peut aussi voir ce que Guyot en a dit en son traité des fiefs, tome VI. et en ses observations sur les droits honorifiques. Voyez DOMAINE. (A)

ENGAGEMENT, s. m. (Histoire moderne) nom donné aux vœux des anciens chevaliers dans leurs entreprises d'armes. Je n'en dirai qu'un mot d'après M. de Sainte-Palaye, et seulement pour crayonner une des plus singulières extravagances dont l'homme soit capable.

Les chevaliers qui formaient des entreprises d'armes, soit courtoises, soit à outrance, c'est-à-dire meurtrières, chargeaient leurs armes de chaînes, ou d'autres marques attachées par la main des dames, qui leur accordaient souvent un baiser, moitié oui, moitié non, comme celui que Saintré obtint de la sienne.

Cette chaîne ou ce signe, quel qu'il fût, qu'ils ne quittaient plus, était le gage de l'entreprise dont ils juraient l'exécution, quelquefois même à genoux, sur les Evangiles. Ils se préparaient ensuite à cette exécution par des abstinences et par des actes de piété qui se faisaient dans une église où ils se confessaient, et dans laquelle ils devaient envoyer au retour, tantôt les armes qui les avaient fait triompher, tantôt celles qu'ils avaient remportées sur leurs ennemis.

On pourrait faire remonter l'origine de ces espèces d'enchainements jusqu'au temps de Tacite, qui rapporte quelque chose de semblable des Cattes dans ses mœurs des Germains. Je crois pourtant qu'il vaut mieux la borner à des siécles postérieurs, où les débiteurs insolvables devenant esclaves de leurs créanciers, et proprement esclaves de leur parole, comme nous nous exprimons, portaient des chaînes de même que les autres serfs, avec cette seule distinction, qu'au lieu de fers ils n'avaient qu'un anneau de fer au bras. Les pénitens, dans les pélerinages auxquels ils se vouaient, également débiteurs envers l'église, portèrent aussi des chaînes pour marque de leur esclavage ; et c'est de-là sans-doute que nos chevaliers en avaient pris de pareilles, pour acquitter ce vœu qu'ils faisaient d'accomplir leurs entreprises d'armes.

Ces emprises une fois attachées sur l'armure d'un chevalier, il ne pouvait plus se décharger de ce poids qu'au bout d'une ou de plusieurs années, suivant les conditions du vœu, à moins qu'il n'eut trouvé quelque chevalier qui s'offrant de faire arme contre lui, le délivrât en lui levant son emprise, c'est-à-dire en lui ôtant les chaînes ou autres marques qui en tenaient lieu, telles que des pièces différentes d'une armure, des visières de heaumes, des gardes-bras, des rondelles, etc.

Vous trouverez dans Olivier de la Marche les formalités qui s'observaient pour lever ces emprises, et les engagements des chevaliers. On croit lire des contes arabes en lisant l'histoire de cet étrange fanatisme des nobles, qui régna si longtemps dans le midi de l'Europe, et qui n'a cessé dans un royaume voisin que par le ridicule dont le couvrit un homme de lettres, Miguel Cervantes Saavedra, lorsqu'il mit au jour, en 1605, son incomparable roman de dom Quichotte. Voyez ECUYER, CHEVALIER, et les mémoires de M. de Sainte-Palaye, dans le recueil de l'académie des Belles-Lettres. Article de M(D.J.)

ENGAGEMENT, c'est dans l'Art militaire, un acte que signe un particulier, par lequel il s'engage pour servir dans les troupes en qualité de soldat ou de cavalier. Tout engagement doit être au moins de six ans, à peine de cassation contre les officiers qui en auront fait pour un moindre temps. Voyez DESERTEUR. (Q)

ENGAGEMENT D'UN MATELOT, (Marine) c'est la convention qu'il fait avec le capitaine, ou le maître d'un navire, pour le cours du voyage. (Z)

ENGAGEMENT DES MARCHANDISES, (Commerce) est une espèce de commerce ou de négociation très-commune à Amsterdam, et qui se fait ordinairement lorsque le prix des marchandises diminue considérablement, ou qu'il y a apparence qu'il augmentera de beaucoup dans peu. Dans ces deux cas, les marchands qui ont besoin d'argent comptant, et qui cependant veulent éviter une perte certaine, en donnant à trop bas prix ce qui leur a couté fort cher, ou s'assurer du gain qu'ils espèrent de l'augmentation de leurs denrées, ont recours à l'engagement de leurs marchandises qui se fait en la manière suivante.

Le marchand qui veut les engager, s'adresse à un courtier, et lui en donne une note. On convient de l'intérêt, qui est ordinairement depuis trois ou trois et demi jusqu'à six pour cent par an, selon l'abondance ou la rareté de l'argent ; on régle ce qu'il en doit couter pour le magasinage, etc. L'accord fait, le courtier en écrit l'obligation sur un sceau, c'est-à-dire sur un papier scellé du sceau de l'état, à peu-près comme ce que nous appelons du papier timbré, dans une forme à peu-près semblable à la suivante, que Jean Pierre Ricard, dans son traité du Négoce d'Amsterdam, donné comme une formule de ces sortes d'engagements, et dans laquelle il suppose que les marchandises engagées sont huit mille livres de caffé, valant lors de l'engagement vingt sols la livre, qu'on engage sur le pied de vingt-cinq sols la livre pour six mois, à raison de quatre pour cent d'interêt par an, et à trois sols par balle par mois de magasinage.

Formule d'un engagement de marchandises.

" Je soussigné, confesse par la présente, devoir loyalement à M. NN.... la somme de dix mille florins argent courant, pour argent comptant reçu de lui à ma satisfaction ; laquelle somme de dix mille florins je promets payer en argent courant dans six mois après la datte de la présente, franc et quitte de tous frais audit Sieur NN.... ou au porteur de la présente, avec intérêt d'icelle, à raison de quatre pour cent par an ; et en cas de prolongation, jusqu'au payement effectif du capital et de l'intérêt, engageant pour cet effet ma personne et tous mes biens, sans exception d'aucun, les soumettant à tous juges et droits. En foi de quoi j'ai signé la présente de ma propre main. A Amsterdam, le 2 Novembre 1718. J. P. R.

On ajoute ensuite :

Et pour plus grande assurance du contenu ci-dessus, j'ai délivré et remis au pouvoir dudit Sieur NN... comme un gage volontaire, seize balles de caffé marquées J. P. R. de numero 1 à 16, pesant huit mille livres ou environ, desquels je le rends et fais maître dès-à-présent, l'autorisant de les vendre et faire vendre comme il trouvera à propos, même sans en demander aucune permission en justice, si je ne lui paye pas la susdite somme avec les intérêts et les frais au jour de l'échéance ; et au cas de prolongation, jusqu'à son entier remboursement. Promettant de plus de lui payer trois sols par livre à chaque fois que le caffé pourra baisser de deux ou trois sols par livre, et trois sols par chaque balle par mois pour le magasinage, et tous autres frais qu'il pourra faire sur lesdites balles, l'affranchissant bien expressément de la perte ou dommage qui pourrait arriver audit caffé, soit par eau, soit par feu, par vol, ou par quelqu'autre accident prévu ou imprévu. A Amsterdam, ce 2 Novembre 1718. J. P. R. "

Quand l'intérêt est trop haut, comme de six pour cent par an, on se garde bien de le spécifier dans l'obligation, parce qu'il est usuraire ; mais on met qu'il sera payé à un demi par mois, ce qui revient au même, mais qu'on tolere, parce que l'emprunteur est censé pouvoir retirer sa marchandise tous les mois.

Si un emprunteur veut retirer sa marchandise avant le terme stipulé, il n'en paye pas moins l'intérêt convenu pour tout le temps, parce qu'en ce cas on suppose qu'il trouve sur sa marchandise un bénéfice considérable qui suffit pour payer l'intérêt.

Si l'on convient d'une prolongation, on en fait mention au bas de l'obligation. Enfin si le prêteur, après avoir averti l'emprunteur, veut avoir son argent à terme, et que celui-ci ne paye pas, les marchandises peuvent être vendues par autorité de justice en faveur du premier, jusqu'à concurrence du remboursement de la somme prêtée et des intérêts, l'excédant du prix qu'on en retire tournant au profit de celui qui a engagé la marchandise. Dictionnaire de Commerce, de Trévoux, et de Chambers. (G)

ENGAGEMENT, en fait d'escrime, c'est l'effort réciproque de deux épées qui se touchent. Il y a engagement, lorsqu'un escrimeur place le fort ou le talon de son épée sur le faible de celle de son ennemi, et la force de façon qu'il ne peut plus la détourner.