S. m. (Droit politique, Histoire, Littérature) Un fief était, dans son origine, un certain district de terrain possédé par un leude, avec des prérogatives inhérentes à ce don, ou à cette possession qui était amovible. Mais du temps de Charlemagne et de Lothaire I. il y avait déjà quelques-uns de ces sortes de biens qui passaient aux héritiers, et se partageaient entr'eux : ensuite les fiefs devinrent héréditaires ; et pour lors leur hérédité jointe à l'établissement général des arriere-fiefs, éteignirent le gouvernement politique, et formèrent le gouvernement féodal.
Je n'ai pas dessein de traiter ici de nos fiefs modernes ; je me propose d'envisager cette matière sous une face plus générale, plus noble, et j'ose ajouter, plus digne de nos regards. Quel spectacle singulier que celui de l'établissement des fiefs ! " Un chêne antique s'éleve, l'oeil en voit de loin les feuillages ; il approche, il en voit la tige, mais il n'en aperçoit point les racines, il faut percer la terre pour les fouiller ". C'est la comparaison d'un des beaux génies de notre siècle (Esprit des Lais, tome III.), qui après avoir découvert les racines de ce chêne antique, l'a représenté dans son vrai point de vue.
L'origine des fiefs vient de l'invasion des peuples du Nord en occident et en orient. Personne n'ignore l'évenement qui est une fois arrivé dans le monde, et qui n'arrivera peut-être jamais ; je veux parler de l'irruption des nations septentrionales, connues sous le nom de Goths, Visigoths, Ostrogoths, Vandales, Anglo-Saxons, Francs, Bourguignons, qui se répandirent dans toute l'Europe, s'y établirent, et donnèrent le commencement aux états, aux fiefs, qui partagent aujourd'hui cette partie du monde.
Ces peuples barbares, c'est-à-dire ces peuples étrangers à la langue et aux mœurs des pays qu'ils inondèrent, descendaient des anciens Germains, dont César et Tacite nous ont si bien dépeint les mœurs. Nos deux historiens se rencontrent dans un tel concert, avec les codes des lois de ces peuples, qu'en lisant César et Tacite, on trouve par-tout ces codes ; et qu'en lisant ces codes, on trouve par-tout César et Tacite.
Raisons de cette invasion en occident. Après que le vainqueur de Pompée eut opprimé sa patrie, et qu'elle eut été soumise à la domination la plus tyrannique, l'Europe gémit longtemps sous un gouvernement violent, et la douceur romaine fut changée en une oppression des plus cruelles. Enfin les nations du Nord favorisées par les autres peuples également opprimés, se rassemblèrent et se réunirent ensemble pour vanger le monde : elles se jetèrent comme des torrents en Italie, en France, en Espagne, dans toutes les provinces romaines du midi, les conquirent, les démembrèrent, et en firent des royaumes ; Rome avait si bien anéanti tous les peuples, que lorsqu'elle fut vaincue elle-même, il sembla que la terre en eut enfanté de nouveaux pour la détruire.
Les princes des grands états ont ordinairement peu de pays voisins qui puissent être l'objet de leur ambition ; s'il y en avait eu de tels, ils auraient été enveloppés dans le cours de la conquête : ils sont donc bornés par des mers, des rivières, des montagnes, et de vastes déserts, que leur pauvreté fait mépriser. Aussi les Romains laissèrent-ils les Germains septentrionaux dans leurs forêts, et les peuples du Nord dans leurs glaces ; et il s'y conserva, ou il s'y forma des nations qui les asservirent eux-mêmes.
Raisons de cette invasion en Orient. Pendant que les Goths établissaient un nouvel empire en Occident, à la place de celui des Romains, il y avait en Orient les nations des Huns, des Alains, des Avares, habitants de la Sarmatie et de la Scythie, auprès des Palus-Méotides, peuples terribles, nés dans la guerre et dans le brigandage, errants presque toujours à cheval ou sur leurs chariots, dans le pays où ils étaient enfermés.
On raconte que deux jeunes Scythes poursuivant une biche qui traversa le bosphore Cimmérien, aujourd'hui le détroit de Kapha, le traversèrent aussi. Ils furent étonnés de voir un nouveau monde ; et retournant dans l'ancien, ils firent connaître à leurs compatriotes les nouvelles terres, et si l'on peut se servir de ce terme, les Indes qu'ils avaient découvertes.
D'abord les armées innombrables de ces peuples Huns, Alains, Avares, passèrent le bosphore, et chassèrent sans exception tout ce qu'ils rencontrèrent sur leur route ; il semblait que les nations se précipitassent les unes les autres, et que l'Asie pour écraser l'Europe, eut acquis un nouveau poids. La Thrace, l'Illyrie, l'Achaïe, la Dalmatie, la Macédoine, en un mot, toute la Grèce fut ravagée.
Enfin sous l'empereur Théodose, dans le cinquième siècle, Attila vint au monde pour dessoler l'Univers. Cet homme, un des plus grands monarques dont l'histoire ait parlé, logé dans sa maison de bois où nous le représente l'histoire, étant maître de tous ces peuples Scythes, craint de ses sujets sans être haï, rusé, fier, ardent dans sa colere, et sachant la régler suivant ses intérêts ; fidèlement servi des rois mêmes qui étaient sous sa dépendance ; simple dans sa conduite, et d'ailleurs d'une bravoure qu'on ne peut guère louer dans le chef d'une nation, où les enfants entraient en fureur au récit des beaux faits d'armes de leurs pères, et où les pères versaient des larmes lorsqu'ils ne pouvaient pas imiter leurs enfants ; Attila, dis-je, soumit tout le Nord, traversa la Germanie, entra dans les Gaules, ravagea l'Italie, détruisit Aquilée, retourna victorieux dans la Pannonie, et y mourut après avoir imposé ses lois à l'empire d'Orient et d'Occident, et se préparant encore à envahir l'Asie et l'Afrique. Envain, après sa mort, les nations barbares se divisèrent, l'empire des Romains était perdu ; il alla de degrés en degrés, de la décadence à sa chute, jusqu'à ce qu'il s'affaissa tout-à-coup sous Arcadius et Honorius. Ainsi changea la face de l'Univers.
Différence qui a résulté de l'invasion en Occident et en Orient. Par le tableau que nous venons de tracer de ce grand événement qu'ont produit les invasions successives des Goths et des Huns, le lecteur est en état de juger de la différence qui a dû résulter de l'irruption de ces divers peuples du Nord. Les derniers n'ont fait que ravager les pays de l'Europe où ils ont passé, sans y former d'établissement ; semblables aux Tartares leurs compatriotes, soumis à la volonté d'un seul, avides de butin, ils n'ont songé dans leurs conquêtes qu'à se rendre formidables, à imposer des tributs exorbitants, et à affermir par les armes l'autorité violente de leur chef. Les premiers au contraire se fixèrent dans les royaumes qu'ils soumirent ; et ces royaumes, quoique fondés par la force, ne sentirent point le joug du vainqueur. De plus, ces premiers, libres dans leurs pays, lorsqu'ils s'emparèrent des provinces romaines en Occident, n'accordèrent jamais à leur général qu'un pouvoir limité.
Quelques-uns même de ces peuples, comme les Vandales en Afrique, les Goths dans l'Espagne, déposaient leur roi dès qu'ils n'en étaient pas contens ; et chez les autres, l'autorité du prince était bornée de mille manières différentes. Un grand nombre de seigneurs la partageaient avec lui ; les guerres n'étaient entreprises que de leur consentement ; les dépouilles étaient communes entre le chef et les soldats ; aucun impôt en faveur du prince ; et les lois étaient faites dans les assemblées de la nation.
Quelle différence entre les Goths et les Tartares ! Ces derniers en renversant l'empire grec, établirent dans les pays conquis le despotisme et la servitude ; les Goths conquérant l'empire romain, fondèrent partout la monarchie et la liberté. Jornandez appelle le nord de l'Europe, la fabrique du genre humain ; il serait encore mieux de l'appeler, la fabrique des instruments qui ont brisé les fers forgés au midi : c'est-là en effet que se sont formées ces nations vaillantes, qui sont sorties de leurs pays pour détruire les tyrants et les esclaves, et pour apprendre aux hommes que la nature les ayant fait égaux, la raison n'a pu les rendre dépendants que pour leur bonheur.
Autres preuves de cette différence. On comprendra mieux ces vérités, si l'on veut se rappeler les mœurs, le caractère, et le génie des Germains dont sortirent ces peuples, que Tacite nomme Gethones, et qui subjuguèrent l'empire d'Occident. Ils ne s'appliquaient point à l'agriculture ; ils vivaient de lait, de fromage, et de chair ; personne n'avait de terres ni de limites qui lui fussent propres. Les princes et les magistrats de chaque nation donnaient aux particuliers la portion de terrain qu'ils voulaient dans le lieu qu'ils voulaient, et les obligeaient l'année suivante de passer ailleurs.
Chaque prince avait une troupe de compagnons (comites) qui s'attachaient à lui et le suivaient. Il y avait entr'eux une émulation singulière pour obtenir quelque distinction auprès du prince ; il regnait de même une vive émulation entre les princes sur le nombre et la bravoure de leurs compagnons. Dans le combat, il était honteux au prince d'être inférieur en courage à ses compagnons ; il était honteux aux compagnons de ne point égaler la valeur du prince, et de lui survivre. Ils recevaient de lui le cheval du combat, et le javelot terrible. Les repas peu délicats, mais grands, étaient une espèce de solde pour ces braves gens.
Il n'y avait point chez eux de fiefs, mais il y avait des vassaux. Il n'y avait point de fiefs, puisque leurs princes n'avaient point de terrain fixe à leur donner ; ou si l'on veut, leurs fiefs étaient des chevaux de bataille, des armes, des repas. Il y avait des vassaux, parce qu'il y avait des hommes fidèles, liés par leur parole, par leur inclination, par leurs sentiments, pour suivre le prince à la guerre. Quand un d'eux, dit César, déclarait à l'assemblée qu'il avait formé le projet de quelque expédition, et demandait qu'on le suivit ; ceux qui approuvaient le chef et l'entreprise, se levaient et offraient leur secours. Il ne faut pas s'étonner que les descendants de ces Peuples ayant le même gouvernement, les mêmes mœurs, le même caractère, et marchant sur les mêmes traces, aient conquis l'empire romain.
Idée du gouvernement féodal établi par les peuples du Nord en Europe. Mais pour avoir une idée du gouvernement qu'ils établirent dans les divers royaumes de leur domination, il est nécessaire de considérer plus particulièrement la nature de leurs armées envoyées pour chercher de nouvelles habitations, et la conduite qu'ils tinrent. La nation entière était divisée, comme les Israélites, en plusieurs tribus distinctes et séparées, dont chacune avait ses juges sans aucun supérieur commun, excepté en temps de guerre, tels qu'étaient les dictateurs parmi les Romains : ainsi les armées ou colonies qu'on faisait partir de leurs pays surchargés d'habitants, n'étaient pas des armées de mercenaires qui fissent des conquêtes pour l'avantage de ceux qui les payaient ; c'étaient des sociétés volontaires, ou des co-partageants dans l'expédition qu'on avait entreprise. Ces sociétés étaient autant d'armées distinctes, tirées de chaque tribu, chacune conduite par ses propres chefs, sous un supérieur ou général choisi par le commun consentement, et qui était aussi le chef ou capitaine de sa tribu : c'était en un mot une armée de confédérés. Ainsi la nature de leur société exigeait que la propriété du pays conquis fût acquise à tout le corps des associés, et que chacun eut une portion dans le tout qu'il avait aidé à conquérir.
Pour fixer cette portion, le pays conquis était divisé en autant de districts que l'armée contenait de tribus ; on les appela provinces, comtés (en anglais shire, qui vient du mot saxon scyre, c'est-à-dire diviser, partager). Après cette division générale, les terres étaient encore partagées entre les chefs des tribus. Comme il était nécessaire à leur établissement, dans un pays nouvellement conquis, de continuer leur général dans son autorité, on doit le considérer sous deux divers égards ; comme seigneur d'un district particulier, divisé parmi ses propres volontaires ; ou comme seigneur ou chef de la grande seigneurie du royaume. A chaque district ou comté présidait le comte (en anglais ealdorman), qui avec une assemblée de vassaux tenanciers (landholders) réglait toutes les affaires du comté ; et sur toute la seigneurie du royaume, présidait le général ou roi, lequel avec une assemblée générale des vassaux de la couronne, reglait les affaires qui regardaient tout le corps de la république ou communauté.
Ainsi quand les Gaules furent envahies par les nations germaines, les Visigoths occupèrent la Gaule narbonnaise, et presque tout le midi ; les Bourguignons se fixèrent dans la partie qui regarde l'orient ; les Francs conquirent à-peu-près le reste ; et ces peuples conservèrent dans leurs conquêtes les mœurs, les inclinations, et les usages qu'ils avaient dans leur pays, parce qu'une nation ne change pas dans un instant de manières de penser et d'agir. Ces peuples, dans la Germanie, cultivaient peu les terres, et s'appliquaient beaucoup à la vie pastorale. Roricon, qui écrivait l'histoire chez les Francs, était pasteur.
Le partage des terres se fit différemment chez les divers peuples qui envahirent l'empire : les uns comme les Goths et les Bourguignons, firent des conventions avec les anciens habitants sur le partage des terres du pays : les seconds, comme les Francs dans les Gaules, prirent ce qu'ils voulurent, et ne firent de règlements qu'entr'eux ; mais dans ce partage même, les Francs et les Bourguignons agirent avec la même modération. Ils ne dépouillèrent point les peuples conquis de toute l'étendue de leurs terres ; ils en prirent tantôt les deux tiers, tantôt la moitié, et seulement dans certains quartiers. Qu'auraient-ils fait de tant de terres ?
D'ailleurs il faut considérer que les partages ne furent point exécutés dans un esprit tyrannique, mais dans l'idée de subvenir aux besoins mutuels de deux peuples qui devaient habiter le même pays. La loi des Bourguignons veut que chaque bourguignon soit reçu en qualité d'hôte chez un romain : le nombre des romains qui donnèrent le partage, fut donc égal à celui des bourguignons qui le reçurent. Le romain fut lésé le moins qu'il lui fut possible : le bourguignon chasseur et pasteur, ne dédaignait pas de prendre des friches ; le romain gardait les terres les plus propres à la culture ; les troupeaux du bourguignon engraissaient le champ du romain.
Ces partages de terres sont appelés par les écrivains du dernier temps, sortes gothicae, et sortes romanae en Italie. La portion du terrain que les Francs prirent pour eux dans les Gaules, fut appelée terra salica, terre salique ; le reste fut nommé allodium, en français aleu, de la particule négative à, et heud qui signifie en langue teutonique, les personnes attachées par des tenements de fief, qui seules avaient part à l'établissement des lois.
Le romain ne vivait pas plus dans l'esclavage chez les Francs, que chez les autres conquérants de la Gaule ; et jamais les Francs ne firent de règlement général qui mit le romain dans une espèce de servitude. Quant aux tributs, si les Gaulois et les Romains vaincus en payèrent aux Francs, ce qui n'est pas vraisemblable dans la monarchie de ces peuples simples, ces tributs n'eurent pas lieu longtemps, et furent changés en un service militaire : quand au cens, il ne se levait que sur les serfs, et jamais sur les hommes libres.
Comme les Germains avaient des volontaires qui suivaient les princes dans leurs entreprises, le même usage se conserva après la conquête. Tacite les désigne par le nom de compagnons, comites ; la loi salique par celui d'hommes qui sont sous la foi du roi, qui sunt in truste regis, tit. xljv. art. 4 ; ces formules de Marculfe (l. I. form. 18), par celui d'antrustions du roi du mot trew, qui signifie fidel chez les Allemands, et chez les Anglais true, vrai ; nos premiers historiens par celui de leudes, de fidèles) et les suivants par celui de vassaux, et seigneurs, vassali, seniores.
Les biens réservés pour les leudes, furent appelés dans les divers auteurs et dans les divers temps, des biens fiscaux, des bénéfices ; termes que l'on a ensuite appropriés aux promotions ecclésiastiques ; des honneurs, des fiefs, c'est-à-dire, dons ou possessions, du mot teutonique, feld ou foeld, qui a cette signification ; dans la langue anglaise on les appela fees.
On ne peut pas douter que les fiefs ne fussent d'abord amovibles. Les historiens, les formules, les codes des différents peuples barbares, tous les monuments qui nous restent, sont unanimes sur ce fait. Enfin, ceux qui ont écrit le livre des fiefs, nous apprennent que d'abord les seigneurs purent les ôter à leur volonté, qu'ensuite ils les assurèrent pour un an, et ensuite les donnèrent pour la vie.
Deux sortes de gens étaient tenus au service militaire ; les leudes vassaux qui y étaient obligés en conséquence de leur fief ; et les hommes libres francs, romains et gaulois, qui servaient sous le comte, et étaient menés par lui et ses officiers.
On appelait hommes libres, ceux qui d'un côté n'avaient point de bénéfices ou fiefs, et qui de l'autre n'étaient point soumis à la servitude de la glebe ; ces terres qu'ils possédaient, étaient ce qu'on appelait des terres allodiales.
Il y avait un principe fondamental, que ceux qui étaient sous la puissance militaire de quelqu'un, étaient aussi sous sa juridiction civile. Une des raisons qui attachait ce droit de justice, au droit de mener à la guerre, faisait en même temps payer les droits du fisc, qui consistaient uniquement en quelques services de voiture dû. par les hommes libres, et en général en de certains profits judiciaires très-limités. Les seigneurs eurent le droit de rendre la justice dans leurs fiefs, par le même principe qui fit que les comtes eurent le droit de la rendre dans leur comté.
Les fiefs comprenaient de grands territoires ; comme les rois ne levaient rien sur les terres qui étaient du partage des francs, encore moins pouvaient-ils se réserver des droits sur les fiefs ; ceux qui les obtinrent eurent à cet égard la jouissance la plus étendue : la justice fut donc un droit inhérent au fief même. On ne peut pas, il est vrai, prouver par des contrats originaires, que les justices dans les commencements aient été attachées aux fiefs, puisqu'ils furent établis par le partage qu'en firent les vainqueurs ; mais comme dans les formules des confirmations de ces fiefs, on trouve que la justice y était établie, il résulte que ce droit de justice était de la nature du fief, et une de ses prérogatives.
On sait bien que dans la suite, la justice a été séparée d'avec le fief, d'où s'est formée la règle des jurisconsultes français, autre chose est le fief, autre chose est la justice : mais voici une des grandes causes de cette séparation ; c'est que, y ayant une infinité d'hommes de fiefs, qui n'avaient point d'hommes sous eux, ils ne furent pas en état de tenir leurs cours : toutes les affaires furent donc portées à la cour de leur seigneur suzerain, et les hommes de fiefs perdirent le droit de justice, parce qu'ils n'eurent ni le pouvoir ni la volonté de le reclamer.
Présentement nous pouvons nous former une idée de la nature des gouvernements établis en Europe, par les nations du nord. Nous voyons de-là l'origine des principautés, duchés, comtés, dans lesquels les royaumes de l'Europe ont été partagés ; de-là nous pouvons remarquer, que la propriété, le domaine (directum dominium) du pays, résidait dans le corps politique ; que les tenanciers en fief étaient seulement revêtus du domaine utile, dominium utîle ; et que par conséquent les grands tenaient leurs seigneuries du public, du royaume et non du roi. C'est ainsi que les Princes d'Allemagne tiennent leurs principautés de l'Empire et non de l'empereur ; et c'est aussi pourquoi les seigneurs anglais sont nommés pairs du royaume, quoiqu'on croye communément qu'ils tiennent leur titre du roi. C'est encore par la même raison qu'en Angleterre.... Mais laissons aux particuliers des diverses nations, les remarques intéressantes qui les concernent, et hâtons-nous de parler des principaux changements, qui par succession de temps, sont arrivés dans le gouvernement féodal et politique de notre royaume.
Changements arrivés dans le gouvernement féodal et politique de France. Quoique par la loi, les fiefs fussent amovibles, ils ne se donnaient pourtant, ni ne s'ôtaient d'une manière arbitraire, et c'était ordinairement une des principales choses qui se traitait dans les assemblées de la nation ; on peut bien penser que la corruption se glissa parmi nous sur ce point, l'on continua la possession des fiefs pour de l'argent, comme on fit pour la possession des comtés.
Ceux qui tenaient des fiefs avaient de très-grands avantages. La composition pour les torts qu'on leur faisait, était plus forte que celle des hommes libres. On ne pouvait obliger un vassal du roi de jurer par lui-même, mais seulement par la bouche de ses propres vassaux. Il ne pouvait être contraint de jurer en justice contre un autre vassal. Ces avantages firent que l'on vint à changer son aleu en fief, c'est-à-dire qu'on donnait sa terre au roi, qui la donnait aux donateurs en usufruit ou bénéfice, et celui-ci désignait au roi ses héritiers.
Comme il arriva sous Charles Martel, que les fiefs furent changés en biens d'église, et les biens d'église en fiefs, les fiefs et les biens d'église prirent réciproquement quelque chose de la nature de l'un et de l'autre. Ainsi les biens d'église eurent les privilèges des fiefs, et les fiefs eurent le privilège des biens d'église. Voilà l'origine des droits honorifiques dans les églises.
Les hommes libres ne pouvaient point dans les commencements se recommander pour un fief ; mais ils le purent dans la suite, et ce changement se fit dans le temps qui s'écoula depuis le règne de Gontrand jusqu'à celui de Charlemagne. Ce prince dans le partage fait à ses enfants, déclara que tout homme libre pourrait après la mort de son seigneur, se recommander pour un fief dans les trois royaumes, à qui il voudrait, de même que celui qui n'avait jamais eu de seigneur. Ensuite tout homme libre put choisir pour son seigneur qui il voulut, du roi ou des autres seigneurs. Ainsi ceux qui étaient autrefois nuement sous la puissance du roi, en qualité d'hommes libres sous la puissance du comte, devinrent insensiblement vassaux les uns des autres à cause de cette liberté.
Voici d'autres changements qui arrivèrent en France dans les fiefs depuis Charles le Chauve. Il ordonna dans ses capitulaires, que les comtés seraient donnés aux enfants du comte, et il voulut que ce règlement eut encore lieu pour les fiefs. Ainsi les fiefs passèrent aux enfants par droit de succession et par droit d'élection.
L'Empire était sorti de la maison de Charlemagne dans le temps que l'hérédité des fiefs ne s'établissait que par condescendance ; au contraire, quand la couronne de France sortit de la maison de Charlemagne, les fiefs étaient réellement héréditaires dans ce royaume ; la couronne, comme un grand fief, le fut aussi.
Après que les fiefs, d'annuels qu'ils étaient, furent devenus héréditaires, il s'éleva plusieurs contestations entre les seigneurs et leurs vassaux et entre les vassaux eux-mêmes ; dans ces contestations il fallut faire des règlements concernant les droits et les fonctions réciproques de chacun. Ces règlements ramassés peu-à-peu des décisions particulières ; furent appelés la loi des fiefs, et on s'en servit en Europe pendant plusieurs siècles.
Cette loi est distinguée par le docteur Nicholson, un des plus savants prélats d'Angleterre en matière d'antiquités, dans les périodes suivantes : 1°. sa naissance depuis l'irruption des nations septentrionales jusqu'à l'an 650 : 2°. son enfance depuis ce temps-là jusqu'en 800 : en 3e. lieu sa jeunesse depuis le même temps jusqu'en 1027 : enfin 4°, son état de perfection peu de temps après.
Les princes de l'Europe et leurs sujets se trouvant unis mutuellement par des titres de possessions en fief (ce qui étant duement considéré, montra la vraie nature du pouvoir de la royauté) ; cette union subsista longtemps dans un heureux état, pendant lequel, aucun prince de l'Europe ne s'imagina être revêtu d'un pouvoir arbitraire, jusqu'à ce que la loi civîle ayant été ensevelie dans l'oubli après l'établissement des nations du nord dans l'occident de l'Empire, cette nouvelle idée parut au jour. Alors quelques princes se servirent de la loi Regia pour s'attribuer un pouvoir despotique, et introduire dans leurs royaumes la loi civile, uniquement par ce motif. Cette entreprise n'eut point de succès en Angleterre, mais elle gagna le dessus dans d'autres parties de l'Europe ; en Espagne, par exemple, où la lecture de cette loi fut pour cette raison défendue sur peine de la vie.
Effets qui ont résultés de l'hérédité des fiefs. Une infinité de conséquences ont résulté de la perpétuité des fiefs. Il arriva de cette perpétuité des fiefs, que le droit d'ainesse ou de primogéniture s'établit dans l'Europe, chez les Français, les Espagnols, les Italiens, les Anglais, les Allemands. Cependant on ne connaissait point en France cet injuste droit d'ainesse dans la première race ; la couronne se partageait entre les frères, les aleus se divisaient de même, et les fiefs amovibles ou à vie n'étant pas un objet de succession, ne pouvaient être un objet de partage. Dans la seconde race, le titre d'empereur qu'avait Louis le Débonnaire, et dont il honora Lothaire son fils ainé, lui fit imaginer de donner à ce prince une espèce de primauté sur ses cadets.
On juge bien que le droit d'ainesse établi dans la succession des fiefs, le fut de même dans celle de la couronne, qui était le grand fief. La loi ancienne qui formait des partages, ne subsista plus : les fiefs étant chargés d'un service, il fallait que le possesseur fût en état de le remplir : la raison de la loi féodale força celle de la loi politique ou civile.
Dès que les fiefs furent devenus héréditaires, les ducs ou gouverneurs des provinces, les comtes ou gouverneurs des villes, non contens de perpétuer ces fiefs dans leurs maisons, s'érigèrent eux-mêmes en seigneurs propriétaires des lieux, dont ils n'étaient que les magistrats, soit militaires, soit civiles, soit tous les deux ensemble. Par-là fut introduit un nouveau genre d'autorité dans l'état, auquel on donna le nom de suzeraineté ; mot, dit Loyseau, qui est aussi étrange que cette espèce de seigneurie est absurde.
A l'égard des fiefs qui étaient dans leurs gouvernements, et qu'ils ne purent pas s'approprier, parce qu'ils passaient par hérédité aux enfants du possesseur, ils inventèrent, pour s'en dédommager, un droit qu'on appela le droit de rachat, qui se paya d'abord en ligne directe, et qui par usage, vint à ne se payer plus qu'en ligne collatérale. Voilà l'origine du droit de rachat reçu par nos coutumes.
Bien-tôt les fiefs purent être transportés aux étrangers comme un bien patrimonial ; c'est à quoi l'on attribue en général l'origine du droit de lods et ventes ; mais consultez là-dessus ceux qui ont traité de cette matière, relativement aux différentes coutumes du royaume.
Lorsque les fiefs étaient à vie, on ne pouvait pas donner une partie de son fief, pour le tenir à toujours en arriere-fief ; il eut été absurde qu'un simple usufruitier eut disposé de la propriété de la chose ; mais lorsqu'ils devinrent perpétuels, cela fut permis avec de certaines restrictions, que nos coutumes ont en partie adoptées, c'est-là ce qu'on a nommé se jouer de son fief.
La perpétuité des fiefs ayant établi le droit de rachat, comme nous l'avons dit, il arriva que les filles purent succéder à un fief au défaut des mâles ; car le seigneur donnant le fief à la fille, il multipliait les cas de son droit de rachat, parce que le mari devait le payer comme la femme : mais cette disposition ne pouvait avoir lieu pour la couronne ; car comme elle ne relevait de personne, il ne pouvait y avoir de droit de rachat sur elle.
Eléonore succéda à l'Aquittaine, et Mathilde à la Normandie. Le droit des filles à la succession des fiefs parut dans ce temps-là si bien établi, que Louis VII. dit le jeune, après la dissolution de son mariage avec Eléonore, ne fit aucune difficulté de lui rendre la Guienne en 1150.
Quand les fiefs étaient amovibles, on les donnait à des gens qui pouvaient les servir ; et il n'était point question de mineur : mais quand ils furent perpétuels, les seigneurs prirent le fief jusqu'à la majorité, soit pour augmenter leur profit, soit pour faire élever le pupille dans l'exercice des armes. Ce fut, je pense, vers l'an 877, que les rois firent administrer les fiefs, pour les conserver aux mineurs ; exemple qui fut suivi par les seigneurs, et qui donna l'origine à ce que nous appelons la garde-noble ; laquelle est fondée sur d'autres principes que ceux de la tutele, et en est entièrement distincte.
Quand les fiefs étaient à vie, on se recommandait pour un fief ; et la tradition réelle qui se faisait par le sceptre, constatait le fief, comme fait aujourd'hui ce que nous nommons l'hommage.
Lorsque les fiefs passèrent aux héritiers, la reconnaissance du vassal, qui n'était dans les premiers temps qu'une chose occasionnelle, devint une action réglée ; elle fut faite d'une manière plus éclatante ; elle fut remplie de plus de formalités, parce qu'elle devait porter la mémoire des devoirs du seigneur et du vassal, dans tous les âges.
Quand les fiefs étaient amovibles ou à vie, ils n'appartenaient guère qu'aux lois politiques ; c'est pour cela que dans les lois civiles de ce temps là il est fait si peu mention des lois des fiefs : mais lorsqu'ils devinrent héréditaires, qu'ils purent se donner, se vendre, se léguer, ils appartinrent et aux lois politiques et aux lois civiles. Le fief considéré comme une obligation au service militaire, tenait au droit politique ; considéré comme un genre de bien qui était dans le commerce, il tenait au droit civil : cela donna naissance aux lois civiles sur les fiefs.
Les fiefs étant devenus héréditaires, les lois concernant l'ordre des successions dû.ent être relatives à la loi de la perpétuité des fiefs : ainsi s'établit, malgré la disposition du droit romain et de la loi salique, cette règle du droit français, propres ne remontent point. Il fallait que le fief fût servi ; mais un ayeul, un grand oncle, auraient été de mauvais vassaux à donner au seigneur : aussi cette règle n'eut-elle d'abord lieu que pour les fiefs, comme nous l'apprenons de Boutillier.
Les fiefs étant devenus héréditaires, les seigneurs soigneux de veiller à ce que le fief fût servi, exigèrent que les filles qui devaient succéder aux fiefs ne puissent se marier sans leur consentement ; de sorte que les contrats de mariage devinrent pour les nobles une disposition féodale, et une disposition civile. Dans un acte pareil fait sous les yeux du seigneur, on faisait des dispositions pour la succession future, dans la vue que le fief put être servi par les héritiers.
En un mot, les fiefs étant devenus héréditaires'& les arriere-fiefs s'étant étendus, il s'introduisit beaucoup d'usages en France, auxquels les lois saliques, ripuaires, bourguignones, et visigothes n'étaient plus applicables : on en retint bien pendant quelque temps l'esprit, qui était de régler la plupart des affaires par des amendes ; mais les valeurs ayant changé, les amendes changèrent aussi. L'on suivit l'esprit de la loi, sans suivre la loi même. D'ailleurs la France se trouvant divisée en une infinité de petites seigneuries qui reconnaissaient plutôt une dépendance féodale, qu'une dépendance politique, il n'y eut plus de loi commune. Les lois saliques, bourguignones, et visigothes, furent donc extrêmement négligées à la fin de la seconde race ; et au commencement de la troisième on n'en entendit presque plus parler. C'est ainsi que les codes des lois des barbares et les capitulaires se perdirent.
Enfin le gouvernement féodal commença entre le douzième et treizième siècle, à déplaire également aux monarques qui gouvernaient la France, l'Angleterre, et l'Allemagne : ils s'y prirent tous à-peu-près de même, et presque en même temps, pour le faire évanouir, et former sur ses ruines une espèce de gouvernement municipal de villes et de bourgs. Pour cet effet, ils accordèrent aux villes et aux bourgs de leur domination plusieurs privilèges. Quelques serfs devinrent citoyens ; et les citoyens acquirent pour de l'argent le droit d'élire leurs officiers municipaux. C'est vers le milieu du douzième siècle qu'on peut fixer en France l'époque de l'établissement municipal des cités et des bourgs. Henri II. roi d'Angleterre donna des prérogatives semblables aux villes de son royaume ; les empereurs suivirent les mêmes principes en Allemagne : Spire, par exemple acheta en 1166 le droit de se choisir des bourguemestres, malgré l'évêque qui s'y opposait : ainsi la liberté naturelle aux hommes sembla vouloir renaître de la conjoncture des temps et du besoin d'argent où se trouvaient les princes. Mais cette liberté n'était encore qu'une servitude réelle, en comparaison de celle de plusieurs villes d'Italie qui s'érigèrent alors en république, au grand étonnement de toute l'Europe.
Il arriva cependant qu'insensiblement les villes et les bourgs de divers royaumes s'accrurent en nombre, et devinrent de plus en plus considérables : ensuite la nécessité, mère de l'industrie, obligea quantité de personnes à imaginer des moyens de contribuer aux commodités des gens riches, pour avoir de quoi subsister : de-là, l'invention de divers métiers en divers lieux et en divers pays. Enfin parut en Europe le commerce qui fructifie tout, le retour aimable des Lettres, des Arts, des Sciences, leur encouragement et leur progrès : mais comme rien n'est pur ici bas, de-là vint la renaissance odieuse de la maltôte romaine, si nuisible et si cruelle, inconnue dans la monarchie des Francs, et malheureusement remise en pratique parmi nous, lorsque les hommes commencèrent à jouir des Arts et du Commerce.
Auteurs théoriques sur les fiefs. C'est précisément lorsque les fiefs furent rendus héréditaires, que presque tous les auteurs ont commencé leurs traités sur ce sujet, en appliquant communément aux temps éloignés les idées générales de leur siècle ; source d'erreurs intarissable. Ceux qui ont remonté plus haut ont bâti des systèmes sur leurs préjugés. Peu de gens ont su porter leur esprit sans prévention aux vraies sources des lois féodales ; de ces lois qu'on vit paraitre inopinément en Europe, sans qu'elles tinssent à celles qu'on avait jusqu'alors connues ; de ces lois qui ont fait des biens et des maux infinis ; de ces lois enfin qui ont produit la règle avec une inclination à l'anarchie, et l'anarchie avec une tendance à la règle. M. de Montesquieu tenant le bout du fil est entré dans ce labyrinthe, l'a tout vu, en a peint le commencement, les routes, et les détours, dans un tableau lumineux dont je viens de donner l'esquisse, en empruntant perpétuellement son crayon, je ne dis pas son coloris.
Ceux qui seront curieux de comparer son excellent ouvrage avec d'autres sur la même matière, peuvent lire, par exemple, de Hauteserre, Origines feudorum pro moribus Galliae, liber singularis ; il se trouve à la fin de ses trois livres de ducibus et comitibus provincialibus Galliae, Toulouse, 1643, in -4°. Le Fèvre de Chantereau, de l'origine des fiefs ; Loyseau, Boutillier, Pasquier ; quelques-uns de nos historiens ; Cambden, dans sa Britannia ; Spelman, et Saint-Amand, dans son Essai sur le pouvoir législatif de l'Angleterre. Article de M(D.J.)
FIEF, (Jurisprudence) en latin feudum, et quelquefois anciennement feodum, est un immeuble ou droit réel qui est tenu et mouvant d'un seigneur, à la charge de lui faire la foi et hommage, quand il y a mutation et changement de personne, soit de la part du seigneur dont relève le fief, soit de la part du vassal, qui est le possesseur du fief.
Il est aussi ordinairement dû des droits en argent au seigneur, pour certaines mutations ; mais il n'y a que la foi et hommage qui soit de l'essence du fief : c'est ce qui le distingue des autres biens.
Les auteurs sont fort partagés sur l'étymologie du mot fief : les uns le font venir de foedus, à cause de l'alliance qui se fait entre le seigneur et le vassal ; d'autres, comme Cujas, le font venir de fides, ou du mot gaulois fé ou fié, qui signifie foi, parce que la foi est ce qui constitue l'essence du fief ; d'autres, du mot saxon feh, gages. Bodin prétend que le mot latin foedus est formé des lettres initiales de ces mots, fidelis ero domino vero meo, qui étaient une ancienne formule de la foi et hommage : Hottoman le fait venir du mot allemand qui signifie guerre : Pontanus le tire du mot danois feid, service militaire : d'autres du mot hongrois foeld, terre : d'autres, de foden, nourrir ; mais l'opinion de Selden, qui parait la plus suivie, est que ce mot fief tire son étymologie de l'ancien saxon feod, qui signifie jouissance ou possession de la solde ; parce qu'en effet les fiefs, dans leur origine, ont été donnés pour récompense du service militaire, et à la charge de faire ce service gratuitement : de manière que le fief tenait lieu de solde. De feod on a fait en latin feodum, et par corruption feudum : aussi les termes de féodal et de féodalité sont-ils plus usités dans nos coutumes, que celui de feudal.
Tous les héritages et droits réels réputés immeubles, sont tenus en fief, ou en censive, ou en franc-aleu.
Les fiefs sont opposés aux rotures, qui sont les biens tenus en censive ; ils sont aussi différents des franc-aleux, qui ne relèvent d'aucun seigneur.
Dans le doute, une terre est présumée roture, s'il n'appert du contraire.
La qualité de fief doit être prouvée par des actes de foi et hommage, par des aveux et dénombrements, par des partages, ou par des jugements contradictoires, et autres actes authentiques.
Un seul dénombrement ne suffit pas pour la preuve du fief, à moins qu'il ne soit soutenu d'autres adminicules : la preuve par témoins n'est point admise en cette matière.
On peut tenir en fief toutes sortes d'immeubles, tels que les maisons et autres bâtiments, cours, basse-cours, jardins, et autres dépendances, les terres labourables, prés, vignes, bois, étangs, rivières, etc.
M. le Laboureur, sur les Masures de l'île Barbe, p. 181. dit, à l'occasion d'un titre de l'an 1341, que l'érection d'un fief ne se pouvait faire qu'il n'y eut 10 liv. de rente ; ce qui suffisait alors pour l'entretien d'un gentilhomme.
On peut aussi tenir en fief toutes sortes de droits réels à prendre sur des immeubles tels que le cens, rentes foncières, dixmes, champarts, etc. les propriétaires de ces droits sont obligés d'en faire la foi au seigneur dont ils les tiennent.
Les justices seigneuriales sont aussi toutes tenues en fief du roi, et attachées à quelque fief corporel dont elles ne peuvent être séparées par le possesseur.
L'origine des fiefs est un des points les plus obscurs et les plus embrouillés de notre histoire ; elle parait venir de l'ancienne coutume de toutes les nations, d'imposer un hommage et un tribut au plus faible.
Plusieurs tiennent que les fiefs étaient absolument inconnus aux Romains ; parce qu'en effet il n'en est point parlé dans leurs lois : il est néanmoins certain que les empereurs romains donnèrent à leurs capitaines et à leurs soldats des terres conquises sur les ennemis, avec des esclaves et des animaux pour les cultiver ; ces concessions furent faites à la charge de l'hommage ou reconnaissance envers celui dont ils tenaient ces bienfaits ; et à condition de ne passer aux enfants mâles qu'au cas qu'ils portassent les armes. S'il n'y avait que des filles, ou que les garçons ne portassent pas les armes, l'empereur donnait les terres à d'autres officiers ou soldats ; ce qu'il faisait, dit Lampride en la vie de Sévère, pour les engager à mieux défendre les frontières qui étaient devenues leur propre bien. On trouve plusieurs exemples de ces concessions sous les empereurs Alexandre Sevère et Probus, l'un mort l'an 211 ; l'autre, en 282.
On trouve donc dès le temps des Romains le premier modèle des fiefs, et l'obligation du service militaire imposée aux possesseurs ; et comme c'étaient principalement les terres des frontières que l'on accordait ainsi aux officiers, on peut rapporter à cette époque la première origine de nos marquis, qui, dans leur institution, étaient destinés à garder les marches ou frontières du royaume.
Comme les empereurs faisaient ces sortes de concessions dans les pays qu'ils avaient conquis, on conçoit qu'ils ne manquèrent pas d'en faire dans les Gaules, que Jules César avait réduites en province romaine.
Quelques auteurs croient entrevoir des traces des devoirs réciproques du seigneur et du vassal, dans l'ancienne relation qu'il y avait entre le patron et le client.
Il faut néanmoins convenir que les Romains n'avaient point dans leurs états de fiefs tels qu'ils ont été pratiqués en France, surtout depuis le temps de la seconde race de nos rais.
Mezeray prétend que la donation des fiefs à la noblesse de France commença sous Charles-Martel.
D'autres tiennent que l'usage des fiefs nous est venu des Lombards, et que Charlemagne l'emprunta d'eux. Il est certain en effet que les Lombards furent les premiers qui érigèrent des duchés, pour relever en fief de leur état.
Ces peuples voyant en 584 que l'empereur Maurice voulait faire les derniers efforts pour les exterminer, remirent leur état en royaume : néanmoins les trente-six ducs qui gouvernaient leurs villes, les gardèrent en propre et à titre héréditaire ; mais ils demeurèrent obligés envers le roi à certains devoirs, particulièrement de lui obéir et le suivre en guerre. Spolete et Benevent furent sous les Lombards des duchés héréditaires avant Charlemagne.
Ce qui a pu accréditer cette opinion, est que les livres des fiefs que l'on a joints au corps de droit, sont principalement l'ouvrage de deux jurisconsultes lombards nommés Gérard le Noir et Obert de Horto, qui étaient consuls de Milan en 1158 : ce sont les jurisconsultes lombards qui ont embrouillé le droit des fiefs des subtilités du digeste ; celui de France était auparavant fort simple.
D'autres encore pensent que Charlemagne prit l'idée des fiefs chez les peuples du nord : en effet, comme on l'a déjà observé, le mot fief parait venir du mot saxon feod, qui signifie la jouissance ou la possession de la solde ; et de feod on a fait feodum, et en français féodal.
Quelques-uns pour concilier ces deux dernières opinions, disent que Charlemagne, après avoir pris l'idée des fiefs chez les peuples du nord, s'y confirma par l'exemple des Lombards ; et qu'après en avoir fait l'expérience en Italie, il estima tant cette police, qu'il l'introduisit dans tous les pays où il le put faire sans détruire les lois qui y étaient d'ancienneté. C'est ainsi que Tassillon possédait le duché de Bavière, à condition d'un hommage ; et ce duché eut appartenu à ses descendants, si Charlemagne ayant vaincu ce prince n'eut dépouillé le père et les enfants.
Il y a aussi des historiens qui rapportent l'établissement des fiefs en France au roi Raoul, lequel, pour gagner l'affection des grands, fut obligé de leur donner plusieurs domaines.
D'autres enfin fixent cette époque au temps de Hugues Capet.
Mais nonobstant ces diverses opinions, il parait constant que l'usage des fiefs est venu en France du nord ; qu'il y fut apporté par les Francs lorsqu'ils firent la conquête des Gaules.
M. Schilter, en ses notes sur le traité des fiefs de Struvius, remarque que ce n'est point aux seuls Lombards qu'on doit l'origine des fiefs ; qu'ils étaient en usage en Allemagne, avant que le droit des Lombards y eut été reçu ; que les François ont beaucoup plus contribué que les Lombards à introduire l'usage des fiefs ; que c'est par eux que les fiefs ont passé en Allemagne.
Il observe encore que les fiefs sont inconnus en Espagne, quoique les Visigoths s'y soient établis : d'où il infère que cet usage n'était pas commun à tous les peuples de Germanie ; qu'il s'est introduit peu après chez les François et les Lombards, depuis que les uns et les autres furent sortis de Germanie : il y a lieu de croire que les Francs avaient emprunté cet usage des Saxons.
Il est vrai que le terme de fief était totalement inconnu sous la première race de nos rois : aussi n'en est-il rien dit dans la loi salique ni dans celle des Ripuariens : il n'y est parlé que des terres saliques et des aleux. Les aleux étaient les biens libres qui étaient demeurés aux anciens propriétaires : les terres saliques étaient celles qui étaient données aux officiers et soldats, jure beneficii, c'est-à-dire à titre de bienfait et de récompense, et à la charge du service militaire. Ce fut à ce titre que Clovis donna Melun à Aurélien, jure beneficii concessit : ainsi ces bénéfices qui sont les premiers fondements des fiefs, sont aussi anciens que la monarchie.
Dumoulin ne doute point que ces distributions de terres appelées bénéfices, dont l'usage avait commencé chez les Romains, ne soient la première origine de nos fiefs ; c'est pourquoi il se sert indifféremment des mots bénéfice et fief, quoiqu'il y ait une différence essentielle entre bénéfice et fief. Est-ce que ces bénéfices n'obligeaient point à la foi et hommage, ni aux autres devoirs féodaux ? d'ailleurs ces bénéfices n'étaient point héréditaires.
L'usage que l'on observait, par rapport à ces bénéfices, éprouva plusieurs changements.
Dans le premier état, le seigneur en pouvait dépouiller arbitrairement le vassal. Ils furent ensuite annals, comme étaient toutes les commissions, puis on les concéda pour la vie du vassal. Les seigneurs accordèrent après, que le fief passerait à celui des fils du vassal qu'ils voudraient choisir ; et comme on choisissait ordinairement l'ainé, c'est peut-être de-là que viennent les prérogatives que les ainés mâles ont conservées dans les fiefs : les autres fils obtinrent, par succession de temps, le droit de partager avec l'ainé. Ce droit de succéder fut étendu aux petits-fils, et même à defaut de descendants, au frère, si c'était un fief ancien.
Les femmes ne succédaient pas d'abord aux fiefs, ni les collatéraux au-delà des cousins-germains ; dans la suite les collatéraux succédèrent jusqu'au septième degré, et présentement ils succedent à l'infini. En France les femelles concourent avec les mâles en directe, et succedent en collatérales à défaut de mâles ; mais en Allemagne et en Italie, elles sont encore excluses des fiefs.
On ne peut pas fixer précisément le temps auquel ces changements arrivèrent, car les fiefs n'ont pas été établis tous à la fois sur le pied qu'ils sont présentement : ces changements s'introduisirent peu-à-peu en divers lieux et en divers temps, et d'une manière différente.
Les ducs et les comtes, établis d'abord par les Romains et conservés ensuite par les Français, de simples officiers qu'ils étaient, se rendirent peu-à-peu seigneurs de leur gouvernement : les comtes étaient vassaux des ducs, et ces comtes se firent eux-mêmes des vassaux : de-là vinrent les arriere-fiefs ; et comme tout le royaume était partagé en fiefs et arriere-fiefs, qui tous se rapportaient médiatement ou immédiatement au roi, la France se trouva insensiblement gouvernée comme un grand fief, plutôt que comme une monarchie.
Ce gouvernement féodal fut fondé par Charlemagne en Allemagne, où il subsiste encore dans toute son autorité, et même en Septimanie, qui formait la partie méridionale des Gaules. Depuis le règne de ce prince, le terme de vassal se trouve commun dans les chartres et ordonnances, pour exprimer un homme engagé au service d'un autre, par la possession de quelques terres.
Charles-le-Chauve étendit le progrès des fiefs en France, par le démembrement du duché de France et du comté de Flandre, qui furent donnés en fief, l'un à Robert-le-Fort, tige de Hugues Capet, l'autre à Baudouin : l'ordonnance que ce prince fit au parlement de Chierzy, avant son second voyage d'Italie, assura pleinement la succession des enfants à leur père dans tous les bénéfices ou fiefs du royaume.
Louis-le-Begue, roi et empereur, pour regagner les mécontens, fut forcé de démembrer vers l'an 879 une grande partie de son domaine, ce qui multiplia beaucoup les duchés et comtés.
Les usurpations des seigneurs augmentèrent encore ces démembrements.
Charles-le-Simple, prince trop faible, perdit la couronne impériale ; ce fut de son temps, et vers l'an 900, que les bénéfices prirent le nom de fiefs, et qu'ils commencèrent à devenir héréditaires.
Il y eut encore d'autres démembrements, de sorte qu'il ne restait plus à Lothaire que trois villes, Laon, Saissons et la Fere ; et quelques-uns croient que ce fut par cette raison que l'on cessa alors de partager le royaume.
Raoul fut aussi obligé, comme on l'a dit, de donner aux grands plusieurs domaines.
Ce qui est de plus certain, est que la plupart des grands fiefs ne se formèrent, ou du moins ne devinrent héréditaires, que lors de l'avenement d'Hugues Capet à la couronne : les ducs et les comtes se rendirent propriétaires de leurs gouvernements, et Hugues Capet ayant trop peu d'autorité pour s'opposer à ces usurpations, se contenta d'exiger des seigneurs qu'ils lui fissent la foi et hommage des terres en seigneuries dont ils s'étaient ainsi emparés.
L'origine des fiefs en Angleterre remonte, suivant Cambden, jusqu'au temps d'Alexandre Sevère ; ce prince ayant fait bâtir une muraille dans le nord de l'Angleterre pour empêcher les incursions des Pictes, commença quelque temps après à en négliger la défense, et donna, au rapport de Lampride, les terres qu'il avait conquises sur l'ennemi à ses capitaines et à ses soldats, que cet auteur appelle limitarios duces et milites, c'est-à-dire capitaines et soldats des frontières : on pouvait aussi tirer de-là l'origine des marquis. Ces concessions furent faites à condition que les héritiers de ces officiers gardiens des frontières resteraient toujours au service, et que ces terres ne pourraient jamais parvenir à des personnes privées, c'est-à-dire à des personnes qui ne porteraient pas les armes. Le motif de ce prince était que ceux qui en servant défendent leur propre bien, servent avec beaucoup plus de zèle que d'autres. Toutes les terres en Angleterre sont de la nature des fiefs, excepté le domaine de la couronne, c'est-à-dire que personne ne peut posséder des terres, soit par succession ou par acquisition, qu'avec les charges qui ont été imposées au premier possesseur du bénéfice.
Au reste, ce qui vient d'être dit des fiefs d'Angleterre, ne doit pas faire croire que leur origine soit plus ancienne que celle des fiefs de France ; il en résulte seulement qu'ils peuvent également tirer leur origine des bénéfices romains, dont on trouve des traces dès le temps d'Alexandre Sevère ; mais il y a toute apparence que les fiefs d'Angleterre n'ont pris la véritable forme de fief qu'à l'imitation des fiefs de France, et que ces usages ont été portés de Normandie en Angleterre par Guillaume le Conquérant.
Les principales divisions des fiefs sont :
1°. Qu'il y a des fiefs de dignité et des fiefs simples ; les premiers sont les principautés, duchés, marquisats, comtés, vicomtés et baronies ; les fiefs simples sont ceux qui n'ont aucun titre de dignité.
2°. La qualité de fief simple est aussi quelquefois opposée à celle de fief lige, lequel est ainsi appelé à ligando, parce qu'il oblige le vassal plus étroitement qu'un fief simple et ordinaire : le vassal en faisant la foi pour un tel fief, promet à son seigneur de le servir envers et contre tous, et y oblige tous ses biens. Voyez ci-après FIEF LIGE.
3°. Les fiefs sont suzerains, dominans, ou servants. Le fief qui relève d'un autre est appelé fief servant, et celui dont il relève fief dominant ; et lorsque celui-ci est lui-même mouvant d'un autre fief, le plus élevé s'appelle fief suzerain : le fief qui tient le milieu entre les deux autres, est fief servant à l'égard du suzerain, et fief dominant à l'égard du troisième qu'on appelle aussi arriere-fief par rapport au fief suzerain.
Les seigneurs prennent chacun le titre convenable à leur fief : le seigneur d'un simple fief qui relève d'un autre, s'appelle seigneur de fief ou vassal ; celui dont ce fief releve, est appelé seigneur féodal ou seigneur dominant ; celui-ci a aussi son seigneur dominant, qu'on appelle suzerain par rapport au fief inférieur qui relève de lui en arriere-fief. Voyez ARRIERE-FIEF, FIEF DOMINANT, FIEF SERVANT, FIEF SUZERAIN.
Il y a encore plusieurs autres divisions des fiefs, et plusieurs autres qualifications que l'on leur donne ; mais comme elles sont moins ordinaires, on les expliquera chacune en leur rang dans les subdivisions des fiefs, qui suivront les notions générales.
On appelle vassal celui qui possède un fief en propriété, et arriere-vassal, celui qui possède un arriere-fief.
Les vassaux sont aussi quelquefois appelés hommes de fief, pairs de fief, hommes du seigneur.
Anciennement les vassaux étaient tous obligés d'assister aux audiences du juge de leur seigneur dominant, et de lui donner conseil, comme cela se pratique encore dans les coutumes de Picardie, Artais, et autres coutumes voisines : on les appelle hommes de fiefs et pairs.
Lorsque les vassaux avaient quelque procès entre eux, ils avaient droit d'être jugés par leurs pairs, et le seigneur du fief dominant y présidait : ce droit d'être jugé par ses pairs, subsiste encore à l'égard des pairs de France.
Comme les seigneurs se faisaient souvent la guerre, leurs vassaux étaient obligés de les accompagner et de mener avec eux leurs arriere-vassaux. Le temps de ce service n'était que de 40 jours, à compter du moment que l'on était arrivé au camp ; celui qui voulait servir pour deux personnes, restait 80 jours.
Depuis que les guerres privées ont été abolies, il n'y a plus que le roi qui puisse faire marcher ses vassaux à la guerre, ce qu'il fait quelquefois par la convocation du ban et de l'arriere-ban. Voyez ARRIERE-BAN et BAN.
Le seigneur féodal ou dominant a une nue directe et seigneurie du fief servant qui est mouvant de lui : le vassal en a la directe immédiate avec le domaine utile.
La mouvance est la supériorité d'un fief sur un autre ; il y a des fiefs qui ont beaucoup d'autres fiefs qui en relèvent ; mais il y en a aussi qui n'ont aucune mouvance ni censive. Voyez MOUVANCE.
Les fiefs servants relèvent du roi ou de quelques autres seigneurs, soit particulier, ou corps et communauté auxquels appartient le fief dominant.
Tous les fiefs de France relèvent du roi, ou en pleins fiefs, c'est-à-dire immédiatement, comme sont les fiefs de dignité ; ou médiatement en arriere-fiefs, comme sont les fiefs simples, qui sont mouvants d'autres fiefs qui relèvent du roi immédiatement.
Un fief, soit suzerain, dominant ou servant, peut appartenir à plusieurs seigneurs ; mais un même fief ne peut pas relever en même degré de plusieurs seigneurs ; il peut néanmoins relever immédiatement d'un ou de plusieurs co-seigneurs ; et en arriere-fief, d'un ou plusieurs co-seigneurs suzerains.
Lorsque deux seigneurs prétendent respectivement la mouvance d'un fief, le vassal, pour ne point reconnaître l'un au préjudice de l'autre, doit se faire recevoir par main souveraine. Voyez FOI et HOMMAGE, IN SOUVERAINEAINE.
Toutes sortes de personnes peuvent présentement posséder des fiefs ; les roturiers comme les nobles, hommes et femmes, ecclésiastiques et laïques.
Sous les derniers rois de la seconde race, et au commencement de la troisième, tout homme libre qui faisait profession des armes, pouvait acquérir et posséder un fief, ou faire convertir en fief son aleu.
Du temps des croisades, les roturiers même possédaient déjà des fiefs, quoiqu'ils ne fissent pas profession des armes ; mais comme la principale obligation des vassaux était le service militaire, et que la plupart des roturiers ne desservaient pas leurs fiefs, saint Louis, ou selon d'autres, Philippe III. dit le Hardi, défendit aux roturiers de posséder des fiefs, à moins qu'ils ne leur échussent par succession, ou qu'il ne les eussent acquis 20 ans auparavant. Beaumanoir parle de ce règlement comme d'une disposition nouvelle ; il parait en effet que c'est la première ordonnance qui ait exclu les roturiers de la possession des fiefs ; dans la suite les besoins de l'état ont obligé nos rois à permettre peu-à-peu aux roturiers de posséder des fiefs, en payant au roi une certaine finance.
Philippe-le-Hardi, par une ordonnance de 1275. et Philippe-le-Bel, par une autre de 1291, taxèrent les roturiers pour les fiefs qu'ils possédaient hors les terres des barons.
Philippe V. dit le Long, les taxa même pour les fiefs qu'ils possédaient dans ses terres, à l'exception des fiefs tenus de lui en quart-degré.
Enfin les roturiers ont été assujettis, pour toutes sortes de fiefs, à payer tous les 20 ans au roi une finance qu'on appelle droit de francs-fiefs. Voyez ci-après FRANCS-FIEFS.
Les gens d'église et autres gens de main-morte, ne peuvent acquérir ni posséder aucun fief ou autre héritage, sans payer au roi le droit d'amortissement : et aux seigneurs le droit d'indemnité ; ce qui fut ainsi établi par S. Louis. Voyez AMORTISSEMENT et INDEMNITE.
Il y a des fiefs auxquels se trouve attaché un droit de justice, soit haute, moyenne et basse, soit moyenne ou basse seulement, d'autres fiefs n'ont point droit de justice, c'est pourquoi l'on dit que fief et justice n'ont rien de commun, c'est-à-dire que le fief peut être sans droit de justice et la justice sans le fief. Quand on dit que la justice peut être sans le fief, on entend que le seigneur qui a la justice dans un lieu, n'y a pas toujours la seigneurie directe ou féodale ; mais ce droit de justice est toujours attaché à quelque fief.
Il faut aussi observer qu'il y a quelques coutumes où le fief et la justice sont réciproques, c'est-à-dire que tout seigneur direct a par sa qualité, droit de justice dans sa seigneurie, telles sont les coutumes d'Artais, Anjou et Maine. Voyez JUSTICE SEIGNEURIALE.
Anciennement l'investiture des fiefs de dignité, donnée par le roi, annoblissait le possesseur ; mais depuis l'ordonnance de Blais, les fiefs n'annoblissent plus.
Le seigneur qui jouit du fief de son vassal, en conséquence de la saisie féodale qu'il en a faite, ne peut le prescrire par quelque laps de temps que ce sait, parce qu'il n'en jouit que comme d'une espèce de dépôt, jusqu'à ce qu'on lui ait porté la foi et payé les droits : les héritiers du seigneur, et ses autres successeurs à titre universel, ne peuvent pas non plus prescrire dans ce cas.
Les contestations qui s'élèvent au sujet des fiefs, soit pour leur qualité ou pour leur droit, doivent être réglées par le titre d'investiture, par les fois et hommages, aveux et dénombrements, par la coutume du lieu du fief dominant, pour ce qui concerne la forme de la foi et hommage ; et par la coutume du fief servant, pour les droits qui peuvent être dû..
Au défaut de la coutume du lieu, on a recours à la coutume de Paris, aux coutumes voisines, ou au droit le plus général, et à ce qui parait le plus équitable.
La connaissance des matières féodales appartient aux baillis et sénéchaux royaux, privativement aux prévôts.
Le seigneur plaide devant son juge au nom de son procureur fiscal, lorsqu'il s'agit du domaine et des droits et revenus ordinaires ou casuels de son fief, comme relief, quint, requint, lods et ventes, amendes, cens et rentes, baux, sous-baux, etc.
Le vassal est obligé de plaider devant le juge de son seigneur, quand il s'agit des droits prétendus par le seigneur, quoique le fief servant soit situé dans une autre juridiction. Voyez JUSTICE SEIGNEURIALE, SEIGNEUR, OCUREUR-FISCALSCAL.
La propriété d'un fief oblige en outre le vassal à quatre choses envers le seigneur.
1°. A lui faire la foi et hommage dans le temps de la coutume, à moins qu'il n'ait obtenu souffrance, c'est-à-dire un délai, lequel ne s'accorde que pour quelque empêchement légitime, comme pour minorité. Voyez ci-après FOI et SOUFFRANCE.
2°. A payer au seigneur les droits utiles qui lui sont dû., comme quint, requint, relief, et autres, selon l'usage du lieu et les différentes mutations.
3°. A donner l'aveu et dénombrement de son fief. Voyez DENOMBREMENT.
4°. A comparaitre aux plaids du seigneur par-devant ses officiers, quand il est assigné à cette fin. Voyez PLAIDS, SERVICE DE PLAIDS.
Les fiefs peuvent avoir deux sortes de droits qui y soient attachés ; savoir des droits honorifiques, et des droits utiles.
Les droits honorifiques des fiefs sont, 1°. la justice pour ceux auxquels ce droit est attaché, et les droits de deshérence et de bâtardise, qui sont une suite de la haute justice.
2°. Le droit de patronage, attaché à certaines seigneuries.
3°. Les droits honorifiques proprement dits, ou grands honneurs de l'église qui peuvent appartenir au seigneur, soit comme patron, soit comme seigneur haut-justicier. Voyez DROITS HONORIFIQUES.
4°. Les seigneurs moyens et bas-justiciers, et les simples seigneurs de fief jouissent, après le patron et le haut-justicier, des moindres honneurs de l'église, et autres préséances sur les personnes qui leur sont inférieures en dignité.
5°. Le droit de colombier à pied.
6°. La chasse et la pêche, droit de garenne et d'étang.
7°. Le droit de retrait féodal.
8°. Le droit de commise.
Les droits utiles des fiefs sont les droits de quint, requint et relief, dû. pour les fiefs qui sont mouvants d'un autre, lorsqu'il y a mutation sujette aux droits, et pour les rotures les lods et ventes.
Il y a aussi des redevances dû.s annuellement sur les rotures au seigneur de fiefs, tels que les droits de cens, champart, terrage, dixmes inféodées, et plusieurs autres droits extraordinaires, tels que corvées et bannalités, qui dépendent des titres de la possession et de l'usage des lieux. Les droits casuels des fiefs étaient inconnus jusqu'au temps de la troisième race, auparavant les fiefs n'étaient que d'honneur simplement. Voyez DROITS SEIGNEURIAUX, LODS et VENTES, QUINT, REQUINT, CENS, CHAMPART, etc.
Les seigneurs qui ont des censives, peuvent obliger leurs censitaires de passer déclaration à leur terrier. Voyez DECLARATION, RECONNOISSANCE, LETTRES DE TERRIER, TERRIER.
Il se forme quelquefois un combat de fief entre deux seigneurs ; on appelle combat de fief une contestation qui survient entre deux seigneurs qui prétendent respectivement la mouvance d'un héritage, soit en fief ou en censive.
Si c'est un fief qui forme l'objet de ce combat, les seigneurs contendants peuvent faire saisir le fief pour la conservation de leurs droits ; et le nouveau vassal doit se faire recevoir par main souveraine, et consigner les droits.
Quand le fief est ouvert par le changement de vassal, ou qu'il y a mutation de seigneur, et que le vassal n'a pas fait la foi et payé les droits qui peuvent être dû., le seigneur peut faire saisir féodalement ou procéder par voie d'action ; lorsqu'il prend cette dernière voie, il ne gagne point les fruits. Voyez SAISIE FEODALE.
Le fief étant saisi féodalement, le vassal, pour en avoir main-levée, doit avant toute chose avouer ou désavouer le seigneur ; avouer, c'est se reconnaître son vassal ; désavouer, c'est nier qu'on relève de lui.
La peine du désaveu téméraire, est que le vassal perd son fief, qui demeure confisqué au profit du seigneur. Voyez AVEU et DESAVEU.
La commise ou confiscation du fief a aussi lieu pour crime de félonie, c'est-à-dire lorsque le vassal offense grievement son seigneur. Voyez FELONIE.
Le démembrement de fief en général est défendu, c'est-à-dire qu'il n'est pas permis au vassal de faire d'un même fief plusieurs fiefs séparés et indépendants les uns des autres, à moins que ce ne soit du consentement du seigneur dominant, ou que ce ne soit dans quelques coutumes qui le permettent ou le tolèrent expressément, comme Artais et Boulogne, Péronne et Amiens, qui le permettent dans tous les actes et dans toutes les aliénations ; celle de Vermandais le permet pour le partage successif ; mais il faut dans toutes ces coutumes, que la volonté de démembrer soit constante. Voyez DEMEMBREMENT.
Le jeu de fief, même excessif, est différent du démembrement ; c'est une aliénation des parties du corps matériel du fief, sans division de la foi dû. pour la totalité du fief : l'on peut se jouer de son fief, soit en faisant des sous-inféodations, ou en donnant quelque portion du domaine du fief à cens ou à rente, ou en la vendant.
Le jeu de fief est permis pour la totalité dans les pays de droit écrit ; mais dans les pays coutumiers, il est regardé comme excessif, lorsqu'il excède la portion dont la coutume permet de se jouer. La plupart des coutumes veulent que le vassal réserve du moins le tiers des domaines en fonds, comme celle de Paris, article 51, qui permet au vassal de se jouer de son fief, et faire son profit des héritages, rentes ou cens étant du fief, sans payer aucun profit au seigneur dominant, pourvu que l'aliénation n'excède pas les deux tiers, et que l'on retienne la foi entière et quelque droit seigneurial et domanial sur ce qu'il aliene.
Ce que les coutumes d'Anjou, du Maine et de Touraine appellent depié de fief, n'est pas le démembrement du fief, mais plutôt le jeu excessif du fief.
La peine du depié de fief et du jeu excessif, est que tout ce qui est aliéné relève dorénavant, immédiatement du seigneur dominant du vassal qui a fait l'aliénation excessive ; au lieu que toute la peine du démembrement, est que le seigneur dominant n'est pas obligé de reconnaître la division que l'on a voulu faire du fief. Voyez DEPIE DE FIEF et JEU DE FIEF.
Lorsque le propriétaire d'un fief acquiert un autre fief mouvant de lui, ou quelque héritage qui était tenu de lui à cens, ce fief ou autre héritage est réuni au fief de l'acquéreur, à moins que par le contrat il ne déclare qu'il entend tenir séparément ce qu'il acquiert. Cette déclaration doit être renouvellée par chaque possesseur qui se trouve propriétaire du fief et des portions acquises.
La succession des fiefs se règle en pays de droit écrit comme celle des autres biens ; mais il n'en est pas de même en pays coutumier ; on trouve presque dans chaque coutume des règles particulières pour le partage des fiefs : de sorte qu'il n'est pas possible d'asseoir sur cette matière des principes qui conviennent par-tout : voici néanmoins les usages les plus généraux.
L'ainé mâle a dans le partage des fiefs en ligne directe le droit d'ainesse, qui consiste dans le préciput et la part avantageuse.
Le préciput consiste dans le principal manoir, cour, basse-cour et bâtiments en dépendants, avec un arpent de jardin, qui est ce que quelques coutumes appellent le vol du chapon. Il a aussi la faculté de retenir le surplus de l'enclos, en récompensant les puinés. Voyez PRECIPUT, L DU CHAPONAPON.
La part avantageuse, lorsqu'il n'y a que deux enfants, est de deux tiers pour l'ainé, et de moitié seulement lorsqu'il y a plus de deux enfants. Coutume de Paris, art. 15. et 16.
Quelques coutumes, comme Tours, Angoumais et Poitou, accordent un droit d'ainesse en collatérale ; et dans quelques-unes de ces coutumes, le plus âgé des mâles extants lors de la succession, est considéré comme l'ainé, quoiqu'il ne soit pas descendant de l'ainé.
Les coutumes de Picardie et Artais donnent tous ces fiefs à l'ainé, même en collatérale, sauf le quint hérédital aux puinés ; encore l'ainé a-t-il un temps pour retirer ce quint.
En Anjou et Maine, les roturiers partagent les fiefs roturièrement jusqu'à ce qu'ils soient tombés en tierce foi ; entre nobles l'ainé a tout ; les puinés n'ont leur portion qu'en bienfait, c'est-à-dire à vie : cependant les père et mère, oncle, frère, peuvent donner aux puinés leurs portions par héritage, c'est-à-dire en propriété. Pour ce qui est des femelles, elles l'ont toujours par héritage.
En collatérale, le mâle exclut la femelle en parité de degré ; il n'y a d'exception à cet égard que dans les coutumes où la représentation a lieu à l'infini, même en collatérale, comme dans la coutume du grand Perche.
Dans quelques coutumes, il y a une manière particulière de partager les fiefs entre frères et sœurs, qui est ce que l'on appelle parage ; c'était anciennement le seul partage usité pour les fiefs dans toutes les coutumes.
Tenir en parage, c'est posséder une portion d'un fief avec les mêmes droits que l'ainé a pour la sienne ; l'ainé fait la foi pour tous. Dans quelques coutumes on l'appelle chemier ou parageur, et les puinés parageaux ou paragers ; en Angoumais les puinés sont nommés parageurs, en Bretagne juveigneurs.
Il y a deux sortes de parage, le légal et le conventionnel ; ce dernier n'est connu qu'en Poitou, Saintonge et Angoumais, et n'a lieu qu'avec permission du roi ou du seigneur dominant. Voyez PARAGE et FRERAGE.
Il est permis à celui qui possède un fief de le convertir en roture, sans qu'il ait besoin du consentement de ses enfants ou autres héritiers, pourvu que cela soit convenu avec le seigneur dominant.
Sur les fiefs en général on peut voir Struvius, Frecias, Oneronus, Julius Clarus, Flornius, Schilter, Dumoulin, Dargentré, et les autres commentateurs des coutumes sur le titre des fiefs ; Salvaing, Chantereau, le Fevret, Brusselles, Billecoq, Poquet de Livonières, Guyot. (A)
FIEF ABONNE, est celui dont le relief ou rachat, les droits de quint, requint, et autres auxquels il était naturellement sujet, et quelquefois l'hommage même, sont changés et convertis en rentes ou redevances annuelles. Voyez LOYSEL, Instit. coutum. liv. IV. tit. IIIe n. 23. et les notes.
FIEF ABREGE, ou comme on disait anciennement abregié, et qu'on appelle aussi fief restreint, et dans quelques coutumes fief non noble, c'est celui pour lequel il est dû des services qui ont été limités et diminués. Beaumanoir sur les coutumes de Beauvaisis, c. xxviij. p. 142. dit qu'il y a des fiefs que l'on appelle fiefs abregiés ; que quand on est semons pour le service de tels fiefs, l'on doit offrir à son seigneur ce qui est dû pour raison de l'abregement ; que le seigneur ne peut pas demander autre chose, si l'abregement est prouvé ou connu, et s'il est suffisamment octroyé par le comte ; car je ne puis, dit-il, souffrir que l'on abrège le plein service que l'on tient de moi sans l'octroi du comte, encore qu'il y ait plusieurs seigneurs au-dessous du comte l'un après l'autre, et qu'ils se soient tous accordés à l'abregement : et s'ils se sont tous ainsi accordés, et que le comte le sache, il gagne l'hommage de celui qui tient la chose, et l'hommage revient en nature de plein service ; et si le doit amender celui qui l'abregea à son homme de 60 livres au comte.
Dans la coutume d'Amiens le fief abrégé ou restreint et non noble, est un fief dont le relief est abonné à une somme au-dessous de 60 sous parisis et le chambellage, à moins de 20 sous. Voyez les art. 25. 71. 84. et 132. de cette coutume, voyez aussi l'art. 4. de celle de Ponthieu, et la coutume d'Anjou, art. 258.
FIEF D'ACQUET, dans certaines coutumes signifie un fief acquis pendant le mariage. Par exemple, dans la coutume de Haynault, on distingue les fiefs d'acquêts, des fiefs patrimoniaux ; les enfants du second lit succedent avec ceux du premier aux fiefs patrimoniaux de leurs père et mère ; mais les enfants du second lit ne succedent point aux fiefs d'acquêts faits pendant le premier mariage ou pendant le veuvage ; ils succedent seulement aux fiefs d'acquêts faits pendant le second mariage. Voyez le ch. lxxvj.
FIEF EN L'AIR, ou FIEF INCORPOREL, est celui qui n'a ni fonds ni domaine, et qui ne consiste qu'en mouvances et en censives, rentes ou autres droits, quelquefois en censives seules. On l'appelle fief en l'air par opposition au fief corporel, qui consiste en domaines réels. Ces sortes de fiefs se sont formés depuis la patrimonialité des fiefs et par la liberté que les coutumes donnaient autrefois de se jouer de son fief, jusqu'à mettre la main au bâton, ce qu'on appelle au parlement de Bordeaux, se jouer de son fief, usque ad minimam glebam.
Le fief en l'air, est continu ou volant ; continu, lorsqu'il a un territoire circonscrit et limité ; volant, lorsque ses mouvances et censives sont éparses.
Avant la réformation de la coutume de Paris, le vassal pouvait aliéner tout le domaine de son fief, en retenant seulement quelque droit domanial et seigneurial sur ce qu'il aliénait.
Mais afin de maintenir l'honneur et la consistance du fief, et que le vassal soit en état de satisfaire dans l'occasion aux charges du fief, les réformateurs ont décidé en l'art. 51. de la nouvelle coutume, que le vassal ne peut aliéner plus des deux tiers de son fief, sans démission de foi.
Cependant les fiefs en l'air sont usités encore dans quelques coutumes ; il y en a même plusieurs dans Paris qui ne consistent qu'en censives.
Ces fiefs ne peuvent être saisis que par main-mise sur les arriere-fiefs. Voyez Peleus, qu. 75. et Carondas, liv. II. rep. 6. (A)
FIEF AMETE, dont il est parlé à la fin de l'article 23. de la coutume de Mantes, est la même chose que le fief abonné, c'est-à-dire un fief pour lequel le seigneur est convenu avec le vassal de ce que ce dernier doit payer au seigneur pour les droits de mutation. (A)
FIEF D'AMITIE, qu'on appelait aussi DRUERIE, était celui que le prince donnait à un de ses druds ou fidèles, qui étaient les grands du royaume, auxquels on donnait aussi le nom de leudes. Il est parlé de ces drueries ou fiefs d'amitié dans les anciens auteurs. Voyez DRUDS et LEUDES. (A)
FIEF ANCIEN ou PATERNEL, antiquum seu paternum : quelques-uns appellent ainsi un fief concédé d'ancienneté à une certaine famille, de manière qu'il ne puisse être possédé que par les mâles à moins que les femelles n'aient aussi la capacité d'y succéder par le titre d'inféodation, et à la charge que la ligne des ainés venant à manquer, les puinés y succedent, sans que ce fief puisse jamais être aliéné. Voyez ci-après FIEF NOUVEAU. (A)
FIEF ANNUEL, feudum annuum seu stipendium, était la jouissance d'un fonds qui était donnée à titre de fief pendant l'espace d'une année pour tenir lieu de solde et récompense à quelqu'un par rapport à son office, dignité ou autre ministère ; ce fut le second état des fiefs ; car dans le premier, le seigneur pouvait arbitrairement dépouiller son vassal de ce qu'il lui avait donné en fief, ensuite les fiefs devinrent annals, comme l'étaient toutes les commissions. Voyez les notes de Godefroy sur le premier titre du livre des fiefs de Gerard le Noir, et le glossaire de Ducange au mot feudum annuum. (A)
FIEF EN ARGENT, feudum nummorum, c'était une somme d'argent assignée à titre de fief par le seigneur, sur son trésor, en attendant qu'il l'eut assignée sur quelque terre. On trouve un exemple d'un tel fief créé par l'empereur pour le seigneur de Beaujeu en 1245, de 100 marcs d'argent sur la chambre impériale, jusqu'à ce qu'il l'eut assigné sur quelque terre. Ces sortes de fiefs étaient alors fréquents. Voyez les mémoires manuscrits de M. Aubert, pour servir à l'histoire de Dombes. (A)
FIEF AROTURE, c'est un bien féodal que l'on a mis en roture ; cela s'appelle proprement commuer le fief en censive. (A)
FIEF ARRIERE, est un fief qui relève d'un autre, lequel est lui-même mouvant d'un autre fief supérieur.
Il est appelé arriere-fief à l'égard du seigneur suzerain, dont il ne relève pas immédiatement, mais en arriere-fief.
Ainsi le vassal tient en plein fief du seigneur féodal ou dominant, dont il relève immédiatement, et il tient ce même fief en arrière fief du seigneur suzerain qui est le seigneur féodal ou dominant de son seigneur féodal immédiat.
Celui qui possède un arriere-fief est appelé arriere-vassal, par rapport au seigneur suzerain, c'est le vassal du vassal.
Les premiers fiefs furent érigés par les souverains en faveur des ducs, marquis, comtes, vicomtes, barons et autres vassaux mouvants immédiatement de la couronne.
Ceux-ci, à l'imitation du souverain, voulurent aussi avoir des vassaux ; et pour cet effet, ils sousinféodèrent une partie de leurs fiefs à ceux qui les avaient accompagnés à la guerre, ou qui étaient attachés à eux par quelque emploi qui les rendait commençaux de leur maison ; ces sous-inféodations formèrent les premiers arriere-fiefs.
Les arriere-vassaux firent aussi des sous-inféodations, ce qui forma encore d'autres arriere-fiefs, plus éloignés d'un degré que les premiers, et ces arriere-fiefs ont été ainsi multipliés de degré en degré.
Le parage a aussi formé des arriere-fiefs, puisque par la fin du parage les portions des cadets deviennent fiefs tenant de la portion de l'ainé, etiam invito domino.
Enfin, les fiefs de protection et les fiefs de reprise ont encore produit des arriere-fiefs, de sorte qu'ils ne procedent pas tous de la même source. Voyez les inst. feod. de Guyot, chap. j. n. 8.
Quand le seigneur trouve des arriere-fiefs ouverts pendant la saisie féodale qu'il a faite du fief mouvant immédiatement de lui, soit que l'ouverture de ces arriere-fiefs soit arrivée avant ou depuis sa saisie féodale ; il a droit de les saisir aussi et de faire les fruits siens, jusqu'à ce que les arriere-vassaux aient satisfait aux causes de la saisie ; parce que le seigneur entre dans tous les droits du vassal pendant la saisie, et le dépossède entièrement, et que les arriere-fiefs aussi bien que le fief supérieur procedent du même seigneur ou de ses prédécesseurs qui ont donné l'un et l'autre à leur vassal.
Le seigneur suzerain peut aussi accorder souffrance.
Les arriere-vassaux peuvent avoir main-levée de la saisie, en faisant la foi et hommage et payant les droits qui sont dû. au seigneur suzerain.
Si les arriere-vassaux avaient fait la foi et hommage à leur seigneur, il n'y aurait point de lieu à la saisie.
Quand le seigneur suzerain n'a pas saisi les arriere-fiefs, les arriere-vassaux peuvent faire la foi et hommage et payer les droits à leur seigneur.
Lorsque la saisie du fief du vassal est faite faute de dénombrement, le seigneur ne peut pas saisir les arriere-fiefs, parce qu'il ne fait pas les fruits siens.
La saisie des arriere-fiefs se fait avec les mêmes formalités que celle des fiefs. Voyez SAISIE FEODALE.
Le suzerain ne peut pas saisir les arriere-fiefs, qu'il n'ait auparavant saisi le fief de son vassal.
Pendant la saisie des arriere-fiefs, le seigneur suzerain a les mêmes droits qu'y aurait eu le vassal ; il peut en faire payer les censives et droits seigneuriaux, même saisir pour iceux, obliger les arriere-vassaux de communiquer leurs papiers de recette et de donner une déclaration du revenu de leurs fiefs.
Les arriere-vassaux sont obligés de faire la foi et hommage, et payer les droits dû. pour leur mutation, au seigneur suzerain lorsqu'il a saisi les arriere-fiefs ; il peut seul leur donner main-levée de saisie, il peut aussi les obliger de donner leur aveu, lequel ne préjudicie pas au vassal, n'étant pas fait avec lui.
Après la main-levée, le seigneur suzerain est obligé de rendre au vassal les originaux des fois et hommages et aveux ; mais il en peut tirer des copies à ses dépens.
Quand l'arriere-fief est vendu pendant la saisie, le seigneur suzerain peut le retirer par retrait féodal, ou recevoir le droit de mutation. Mais si la vente avait été faite avant la saisie, les droits appartiendraient au vassal, et le suzerain ne pourrait pas retirer féodalement. (A)
FIEF-AUMONE ou AUMONE FIEFFEE, est celui que le seigneur a donné à l'église par forme d'aumône, pour quelque fondation. Voyez AUMONE, FRANCHE AUMONE, PURE AUMONE, FONDATION. (A)
FIEF D'AVOUERIE, (feudum advocatiae) était celui dont le possesseur était l'avoué du seigneur dominant, c'est-à-dire chargé de le défendre en jugement. Voyez AVOUEE et AVOUERIE. (A)
FIEF BANDERET ou BANNERET, on dit communément banneret. Voyez FIEF BANNERET. (A)
FIEF BANNERET ou BANDERET, c'est-à-dire fief de bannière, feudum vexilli ; c'est un fief de chevalier banneret, lequel doit à son seigneur dominant le service de bannière, c'est-à-dire de venir au commandement de son seigneur, en armes et avec sa bannière, suffisamment accompagné de ceux qui doivent servir sous sa bannière. Voyez ARRIERE-BAN, BAN, BANNERET, BANNIERE, CHEVALIER BANNERET, SERVICE DE BANNIERE. (A)
FIEF BOURGEOIS, feudum burgense seu ignobile, fief rural ou roturier, ou non noble, sont termes synonymes. Voyez ci-après FIEF NOBLE, FIEF ROTURIER, FIEF RURAL, et le glossaire de Ducange ; verbo feudum burgense. (A)
FIEF DE BOURSE COUTUMIERE, n'est pas la même chose que fief boursal ou boursier ; c'est un fief acquis de bourse coutumière, c'est-à-dire par une personne roturière et non noble, que dans quelques coutumes on appelle les hommes coutumiers. (A)
FIEF BOURSAL ou DE BOURSE, ou BOURSIER, selon quelques-uns est une portion du revenu d'un fief que l'ainé donne à ses puinés, ou une rente par lui créée en leur faveur, pour les remplir de leurs droits dans la succession paternelle ; ce qui est conforme à ce que dit Bracton liv. IV. tit. IIIe cap. IXe §. 6. feudum est id quod quis tenet ex quâcumque causâ sibi et haeredibus suis, sive sit tenementum, sive sit reditus, ita quod reditus non accipiatur sub nomine ejus, quod venit ex camerâ alicujus.
M. Henin, dans ses observations sur le §. 1. de l'assise du comte Geoffroy, tome II. des arrêts de Frain, p. 522, dit qu'un fief boursier est une rente que l'ainé constitue à ses puinés, pour leur tenir lieu de leur part et portion sur un fief commun, afin que ce fief ne soit point démembré ; les coutumes du grand Perche, art. 77. et 78. et de Chartres, art. 17. font connaître, dit-il, que l'ainé constituait aux puinés une rente sur la seigneurie, pour leur tenir lieu de partage, ce qui se faisait pour empêcher le démembrement actuel de la seigneurie : à raison de quoi les puinés ainsi partagés en vente, sont appelés boursaux ou boursiers ; et tel assignat est dit fief boursier, consistant en deniers.
Loyseau avait déjà dit la même chose en son tr. des offices, liv. II. ch. IIe n. 56.
Du Cange en son glossaire, au mot feudum bursae seu bursale, est aussi de ce sentiment ; il cite les coutumes du Perche et de Chartres, et celle du Maine, art. 282.
Mais M. de Laurière en ses notes sur le glossaire, ou au dire de Ragueau au mot fief boursal, fait connaître que ces auteurs se sont trompés et ont mal entendu les termes de coutumes qu'ils citent ; il fait voir que dans ces coutumes les fiefs qui ne se partagent pas entre roturiers, sont appelés fiefs boursaux ou boursiers, et que les puinés copartageants entre roturiers, sont de même appelés boursaux ou boursiers : que cette dénomination vient de ce qu'entre roturiers qui partagent un fief, tous les enfants sont obligés de contribuer aux rachats qui doivent être présentés au seigneur féodal, par l'ainé ou par celui qui est possesseur du lieu tenu en fief, suivant l'art. 59. de la coutume du Perche, et que comme tous les enfants tirent chacun en particulier de l'argent de leur bourse pour composer les rachats, les fiefs échus à des roturiers ont été par cette raison nommés boursiers ou boursaux, ce qui est conforme à ce que dit Bodreau sur l'article 282. de la coutume du Maine : au lieu que dans ces coutumes, quand les fiefs se partagent entre nobles, l'ainé est seul tenu du rachat de la manière dont l'expliquent ces coutumes. Cette opinion parait en effet la mieux fondée et la plus conforme aux textes des coutumes du Maine, de Chartres et du Perche. (A)
FIEF DE BOURSE, feudum bursae, seu de camerâ vel canevâ, aut cavenâ, est une rente réputée immeuble, assignée sur la chambre ou trésor du roi, ou sur le fisc du seigneur, et concédée en fief. On l'appelle fief de bourse, parce que le terme bourse se prend quelquefois pour le fisc, de même que chambre se prenait autrefois pour le domaine ou trésor du roi. C'est ainsi que ces termes s'entendent suivant les règles des fiefs, et telle est l'explication qu'en donne Rasius, part. II. de feudis. Voyez aussi le glossaire de Ducange, au mot feudum bursae. Voyez ci-devant FIEF BOURSAL, etc. (A)
FIEF BOURSIER ou BOURSAL, voyez ci-devant FIEF BOURSAL.
FIEF DE CAMERA seu CANEVAE aut CAVENAE, voyez après FIEF DE CHAMBRE.
FIEF DE CAHIER, feudum quaternatum, est un grand fief qui se trouve inscrit dans le dénombrement des fiefs mouvants du prince, sur les cahiers ou registres de la douanne, in quaternionibus, comme il parait par les constitutions des rois de Sicile, lib. I. tit. xxxvij. xxxjx. lxj. lxjv. lxviij. lxxiij. lxxxvj. et lib. III. tit. xxiij. et xxvij. Voyez le glossaire de Laurière au mot fief en chef. (A)
FIEF CAPITAL, feudum capitale, est celui qui relève immédiatement du roi, comme les duchés, les comtés, les baronies. Voyez le gloss. de Ducange, au mot feudum capitale. (A)
FIEF CASTRENSE, feudum castrense, c'est lorsque le seigneur dominant donne à son vassal une certaine somme d'argent ou un tenement, à condition de garder et défendre le château que le seigneur lui a donné. Voyez le glossaire de Ducange, au mot feudum castrense. (A)
FIEF CENSUEL, est la même chose que fief roturier ou non noble, ou pour parler plus exactement, c'est un héritage tenu à cens, que l'on appelait aussi fief, quoique improprement et pour le distinguer des véritables fiefs qui sont francs, c'est-à-dire nobles et libres de toute redevance ; on appelait celui-ci censuel, à cause du cens dont il était chargé. Il est parlé de ces sortes de fiefs dans les lettres de Charles VI. du mois d'Avril 1393, art. 2. où l'on voit que ces fiefs étaient opposés aux fiefs francs. L'abbé et couvent de S. André associent le roi in omnibus feodis, retrofeodis, franchis et censualibus, etc. (A)
FIEF DE CHAMBRE, feudum camerae, seu cavenae, aut canevae, c'est une rente tenue en fief, assignée sur le trésor du roi, qu'on appelait autrefois la chambre du roi. Voyez CHAMBRE DU ROI, CHAMBRE DE LA COURONNE, DOMAINE et THRESOR, le glossaire de Ducange, au mot feudum camerae. (A)
FIEF CHEVANT et LEVANT, en Bretagne, est de telle nature, que tout teneur doit par an quatre boisseaux d'avoine, poule et corvée. Mais si un teneur retire par promesse l'héritage vendu, il n'est point rechargé de la vente que devait le vendeur ; elle s'éteint en diminution du devoir du seigneur, et cela s'appelle faire abattue. Si au contraire il acquiert sans moyen de promesse, il doit le même devoir que devait le bailleur. Voyez Dargentré sur l'art. 418. de l'anc. cout. gloss. IIe n. 9. (A)
FIEF EN CHEF, ou CHEVEL, feudum capitale, est un fief noble en titre, ayant justice comme les comtés, baronies, les fiefs de haubert, à la différence des vavassouries qui sont tenues par sommage, par service de cheval, par acres, et des autres fiefs vilains ou roturiers : on le définit aussi feudum magnum et quaternatum, id est in quaternionibus doanae inscriptum quelques-uns ajoutent quod à principe tantum tenetur ; et c'est ainsi que l'ont pensé Ragueau et Ducange, mais M. de Laurière, en ses notes sur le glossaire de Ragueau, au mot fief en chef, prouve par la glose de l'ancienne coutume de Normandie, ch. xxxjv. vers la fin, que le fief en chef n'est pas toujours tenu immédiatement du roi ; qu'un fief relevant d'un autre seigneur, peut aussi être fief en chef, mais que ces sortes de fiefs sont fiefs nobles, et non pas tenus à aucun fief de haubert, comme vilain fief. Voyez l'art. 166. de la nouvelle coutume de Normandie, et terrier sur le mot fief ou membre de haubert, avec les mots chef seigneur et vavassouerie. (A)
FIEF DE CHEVALIER, ou FIEF DE HAUBERT, feudum loricae, est celui qui ne pouvait être possédé que par un chevalier, lequel devait à son seigneur dominant le service de chevalier ; celui qui le possédait était obligé à 21 ans de se faire chevalier, c'est à-dire de vêtir le haubert ou la cotte de maille, qui était une espèce d'armure dont il n'y avait que les chevaliers qui pussent se servir. Le vassal devait servir à cheval avec le haubert, l'écu, l'épée et le héaume ; la qualité de fief de chevalier ne faisait pas néanmoins que le vassal dû. absolument servir en personne, mais seulement qu'il devait le service d'un homme de cheval. Quelquefois par le partage d'un fief de cette espèce, on ne devait qu'un demi-chevalier, comme le remarque M. Boulainvilliers, en son traité de la pairie, tom. II. p. 110. Voyez FIEF DE HAUBERT. (A)
FIEF COMMIS, c'est le fief tombé en commise ou confiscation, pour cause de désaveu ou félonie de la part du vassal. Voyez COMMISE, CONFISCATION, DESAVEU, FELONIE. (A)
FIEF DE CONDITION FEUDALE ; quelques coutumes donnent cette qualité aux fiefs proprement dits, qui se transmettent par succession, à la différence de certains fiefs auxquels on ne succede point, comme on voit dans les livres des fiefs. Voyez le glossaire de Laurière, au mot fief. (A)
FIEF CONDITIONNEL, est un fief temporaire qui ne doit subsister que jusqu'à l'événement de la condition portée par le titre de concession ; tels sont les fiefs consistants en rente créée sur des fiefs dont le créancier se fait recevoir en foi ; ces fiefs ne sont créés que conditionnellement, tant que la rente subsistera, tant que le vassal ne remboursera pas, et s'éteignent totalement par le remboursement. Voyez Guyot en ses observat. sur les droits honorifiques, ch. Ve p. 187. et ci-après FIEF TEMPORAIRE. (A)
FIEF CONTINU, est celui qui a un territoire circonscrit et limité, dont les mouvances et censives sont tenantes l'une à l'autre ; ce fief jouit du privilège de l'enclave, qui forme un moyen puissant, tant contre un seigneur voisin, que contre un censitaire. Voyez ENCLAVE.
Un fief incorporel ou en l'air, peut être continu pour ses mouvances et censives, de même qu'un fief corporel. Voyez Guyot, instit. féodales. cap. j. n. 6.
Le fief continu est opposé au fief volant. Voyez ci-après VOLANT. (A)
FIEF CORPOREL, est celui qui est composé d'un domaine utîle et d'un domaine direct : le domaine utile, ce sont les fonds de terre, maisons ou héritages tenus en fief, dont le seigneur jouit par lui-même ou par son fermier ; le domaine direct, ce sont les fiefs mouvants de celui dont il s'agit, les censives et autres devoirs retenus sur les héritages dont le seigneur s'est joué. Voyez Dumoulin, §. olim 35. de l'ancienne, et 51. de la nouvelle, gloss. j. n. 1.
Le fief corporel est opposé au fief incorporel ou fief en l'air. Voyez ci-devant FIEF EN L'AIR. (A)
FIEF DE CORPS, c'est un fief lige, c'est-à-dire dont le possesseur, outre la foi et hommage, entr'autres devoirs personnels, est obligé d'aller lui-même à la guerre, ou de s'acquitter des autres services militaires qu'il doit au seigneur dominant ; il a été ainsi nommé fief de corps, à la différence des fiefs dont les possesseurs ne sont tenus de rendre au seigneur dominant, que certaines redevances ou prestations, au lieu de services personnels et militaires, tels que sont les fiefs oubliaux dont il est parlé dans la coutume de Toulouse, ou de fournir et entretenir un ou deux hommes de guerre, plus ou moins.
Le service du fief de corps est ainsi expliqué dans le ch. ccxxx. des assises de Jérusalem, p. 156. ils doivent service d'aller à cheval et à armes (à la semonce de leur seigneur), dans tous les lieux du royaume où il les semondra ou fera semondre, à tel service, comme ils doivent, et y demeurer tant comme il les semondra ou fera semondre jusqu'à un an. Par l'assise et usage de Jérusalem, la semonce ne doit pas accueillir l'homme pour plus d'un an ; celui qui doit service de son corps, de chevalier ou de sergent, en doit faire par tout le royaume le service avec le seigneur, ou sans lui s'il en semond, comme il le doit quand il est à court d'aller à conseil de celui ou de celle à qui le seigneur le donnera, si ce n'est au conseil de son adversaire, ou si la querelle est contre lui-même. Nul ne doit plaidoyer par commandement du seigneur ni d'autre, ils doivent faire égard ou connaissance et recort de court, si le seigneur leur commande de le faire ; ils doivent aller voir meurtre ou homicide, si le seigneur leur commande d'aller voir comme court, et ils doivent par commandement du seigneur, voir les choses dont on se clame de lui, et que l'on veut montrer à court. Ils doivent, quand le seigneur leur commandera, aller par tout le royaume semondre comme court, aller faire devise de terre et d'eaux entre gens qui ont contention, faire enquêtes quand on le demande au seigneur et qu'il l'ordonne, voir les monstrées de terres et autres choses telles qu'elles soient, que le seigneur leur commande de voir comme court. Ils doivent faire toutes les autres choses que les hommes de court doivent faire comme court quand le seigneur le commande ; ils lui doivent ce service par tout le royaume ; ils lui doivent même service hors du royaume, en tous les lieux où le seigneur ne Ve pas, pour trois choses, l'une pour son mariage ou pour celui de quelqu'un de ses enfants, l'autre pour garder et défendre sa foi ou son honneur, la troisième pour le besoin apparent de sa seigneurie, ou le commun profit de sa terre ; et celui ou ceux que le seigneur semond ou fait semondre, comme il doit, de l'une desdites trois choses, et s'ils acquiescent à la semonce et vont au service du seigneur, il doit donner à chacun ses estouviers, c'est-à-dire son nécessaire, suffisamment tant qu'ils seront à son service, etc. et celui ou ceux que le seigneur a semond ou fait semondre dudit service, et qui n'acquiescent pas à la semonce ou ne disent pas la raison pour quoi, et telle que court y ait égard, le seigneur en peut avoir droit comme de défaut de service. Le service des trois choses dessus dites, est dû hors le royaume à celui à qui les possesseurs doivent service de leur corps et au chef seigneur ; ils doivent tous les autres services comme il a été dit ci-dessus ; et si une femme tient fief qui doive service de corps au seigneur, elle lui doit tel service que si elle était mariée, et quand elle sera mariée, son baron (c'est-à-dire son mari), devra au seigneur tous les services ci-dessus expliqués. Voyez Littletons, chap. IVe of. Knights service sect. 103. fol. 74. v°. et Bouteiller dans sa somme rurale, liv. I. ch. lxxxiij. p. 486.
FIEF-COTTIER, c'est le nom que l'on donne dans quelques coutumes aux héritages roturiers, et qui sont de la nature des main-fermes ; le terme de fief ne signifie pas en cette occasion un bien noble, mais seulement la concession à perpétuité d'un héritage à titre de censive. Voyez la coutume de Cambrai, tit. j. art. 74. (A)
FIEF EN LA COURT DU SEIGNEUR, feudum in curia seu in curte, c'est lorsque le seigneur dominant donne à titre d'inféodation une partie de son château ou village, ou de son fisc ou de ses recettes, et que la portion inféodée est moindre que celle qui reste au seigneur dominant. C'est ainsi que l'explique Rosentalius, cap. IIe §. 40. Voyez FIEF HORS LA COURT.
Baron, de beneficiis, liv. I. et Loyseau, des seign. ch. XIIe n. 47. dit que les fiefs mouvants d'un seigneur haut-justicier qui sont hors les limites de sa justice, sont appelés fiefs extra curtem ; ainsi fief en la court peut aussi s'entendre de celui qui est enclavé dans la justice du seigneur, (A)
FIEF HORS LA COURT DU SEIGNEUR DOMINANT, c'est lorsque le seigneur d'un château ou village donne à titre d'inféodation à quelqu'un la juridiction et le ressort dans son château ou village avec un modique domaine, le surplus des fonds appartenant à d'autres. C'est ainsi que le définit Rasius, part. II. de feud. §. 1.
On entend aussi par là celui qui est situé hors les limites de la justice du seigneur. Voyez ce qui est dit en l'article précédent sur les fiefs en la court du seigneur, vers la fin. (A)
FIEF COUVERT, est celui dont l'ouverture a été fermée, c'est-à-dire pour lequel on a fait la foi et hommage, et payé les droits de mutation. En couvrant ainsi le fief, on prévient la saisie féodale : ou si elle est déjà faite, on en obtient main-levée : il y a ouverture au fief jusqu'à ce qu'il soit couvert. Voyez
FIEF OUVERT, et OUVERTURE DE FIEF. (A)
FIEF IN CURIA seu IN CURTE. Voyez FIEF EN LA COURT.
FIEF DE DANGER, est celui dont on ne peut prendre possession ou faire aucune disposition, sans le congé du seigneur, autrement le fief tombe en commise ; ce qui fait appeler ces sortes de fiefs de danger, eò quòd periculo sunt obnoxia et domino committuntur. Il en est parlé dans la cout. de Troie. ; art. 37. Chaumont, art. 56. Bar-le-Duc. art. 1. en l'ancienne coutume du bailliage de Bar, art. 1. et en l'article 31. de l'ancienne coutume d'Amiens. Suivant ces coutumes, quand le fief est ouvert ou sans homme, le nouveau vassal ne doit point y entrer, ni en prendre possession sans premièrement en faire foi et hommage au seigneur dominant, sans quoi il encourrerait la commise. Anciennement en Bourgogne le fief de danger tombait en commise s'il était aliéné sans le congé du seigneur, comme il parait par un arrêt du parlement de Paris du 20 Décembre 1393, cité par du Tillet. Mais par la coutume du duché ch. IIIe et du comté ch. j. rédigées l'une et l'autre en 1549, le danger de commise est aboli en plusieurs cas, suivant les lois des Lombards, si le vassal est en demeure pendant an et jour à demander l'investiture, il perd son fief comme il est dit dans les livres des fiefs, lib. I. tit. xxj. et lib. IV. tit. lxxvj. Cette cause de danger fut aussi autorisée par les constitutions des empereurs Lothaire et Frederic ; mais par les statuts de Milan, la commise n'a point lieu dans ce cas non plus qu'en France. Voyez COMMISE. (A)
FIEF DEMI-LIGE, dont il est parlé dans l'art. 21. de la coutume du comté de S. Pol rédigée en 1507, est celui pour lequel le vassal promet la fidélité contre tous à l'exception des supérieurs, à la différence du fief -lige où le vassal promet fidélité à son seigneur envers tous et contre tous.
Les fiefs demi-liges différent encore des fiefs -liges, en ce que le relief des fiefs -liges dans cette même coutume est de dix livres ; au lieu que celui des demi-liges est seulement de 60 sous, et de moitié de chambellage, pourvu que le contraire n'ait pas été réglé, ou par convention ou par prescription.
La coutume de S. Pol réformée en 1631, ne parle point de fief -lige. Voyez FIEF-LIGE. (A)
FIEFS DE DEVOTION ou DE PIETE, sont ceux que les seigneurs reconnaissaient autrefois par humilité tenir de Dieu ou de quelque saint, église ou monastère, à la charge de l'hommage et de quelques redevances d'honneur, comme de cire et autres choses semblables. Plusieurs souverains ont ainsi fait hommage de leurs états à certaines églises ; ce qui n'a point donné pour cela atteinte à leur souveraineté, ni attribué à ces églises aucune puissance temporelle sur les états et autres seigneuries dont on leur a rendu un hommage de dévotion. Voyez S. Julien dans ses mélanges, p. 657. Doublet, dans ses antiquités de S. Denis, liv. I. ch. xxiv. et xxviij. liv. III. ch. IIIe et VIe Brodeau sur Paris, art. 63. Voyez HOMMAGE DE DEVOTION. (A)
FIEF DIGNITAIRE ou DE DIGNITE, est celui auquel il y a quelque dignité annexée, tels que les principautés, duchés, marquisats, comtés, vicomtés, baronies. Voyez chacun de ces termes en leur lieu.
Le fief de dignité est opposé au fief simple, auquel il n'y a aucune dignité annexée.
On a toujours pris soin de conserver ces sortes de fiefs dans leur entier autant qu'il est possible ; c'est pourquoi ils sont de leur nature indivisibles, et appartiennent en entier à l'ainé, sauf à lui à récompenser les puinés pour les droits qu'ils peuvent y avoir. Chopin sur la coutume d'Anjou, lib. III. tit. IIe n. 6. et Salvaing de l'usage des fiefs.
On était même obligé anciennement, lorsqu'on voulait partager un fief de cette qualité, d'obtenir la permission du roi. L'histoire en fournit plusieurs exemples, entr'autres celui du seigneur d'Authouin lequel en l'année 1486 obtint du roi Charles VIII. que sa pairie de Dombes et Domnat près d'Abbeville, mouvante du roi à une seule foi fut divisée en deux, afin qu'il put pourvoir plus facilement à l'établissement de ses enfants. Duranti, dec. xxx. n. 10. Graverol et la Rochefl. liv. VI. tit. lxiij. art. 1.
On ne peut encore démembrer ces fiefs, ni s'en jouer et disposer de quelque partie que ce sait, sans le consentement du roi, suivant un arrêt du parlement du 18 Juillet 1654.
Les lettres d'érection des terres en dignité ne se vérifient dans les cours que pour le nom et le titre seulement, c'est-à-dire que les fiefs ainsi érigés n'acquièrent pas pour cela toutes les prérogatives attribuées par les coutumes aux anciennes dignités. Chopin de doman. et sur la coutume d'Anjou. Ainsi le parlement de Paris ne vérifia l'érection en marquisat de la terre de Maigneley en Vermandais, de Suses au Maine, et de Durestal en Anjou en comté, que pour le titre seulement, suivant ses arrêts des 14 Aout, 19 Octobre, et 12 Décembre 1566.
Le parlement de Grenoble procédant à l'enregistrement des lettres-patentes portant érection de la terre d'Ornacieu en marquisat, arrêta le 19 Juin 1646, les chambres consultées, que dorénavant il ne procéderait à la vérification d'aucunes lettres, portant érection des terres en marquisat, comté, vicomté, et baronie, que l'impétrant ne fût présent et poursuivant la vérification ; de quoi il ne pourrait être dispensé que pour des causes très justes et légitimes concernant le service de S. M. qu'avant la vérification, il sera informé par un commissaire de la cour, de l'étendue, revenus et mouvance desdites terres, pour savoir si elles seront capables du titre qui leur sera imposé ; que les impétrants ne pourront unir aux marquisats, comtés, vicomtés, et baronies, aucunes terres se mouvant pleinement du fief de S. M. qu'ils ne pourront aussi démembrer, vendre, donner, ni aliéner, pour quelque cause que ce sait, aucunes dépendances des terres qui composeront le corps de la qualité qui sera sur elle imposée, faute de quoi la terre reprendra sa première qualité ; que la vérification sera faite sans préjudice des droits des quatre barons anciens de la province, et sans que pour raison desdites qualités, les impétrants puissent prétendre d'avoir leurs causes commises en première instance pardevant la cour, si ce n'est qu'il s'agit des droits seigneuriaux en général, des marquisats, comtés, vicomtés, et baronies, de la totalité de la terre et seigneurie, mais qu'ils se pourvoiront tant en demandant que defendant pardevant les juges ordinaires et royaux, et que les appelations des juges des marquisats, comtés, vicomtés, et baronies, ressortiront pardevant les vice-baillifs et juges royaux, ainsi qu'elles faisaient auparavant.
La chambre des comptes par un arrêté du 28 Juillet 1645, déclara que les fonds et héritages de franc-aleu composant le revenu des marquisats ou comtés, sortiront nature de fief, pour être insérés et compris aux aveux et dénombrements qui en seront donnés.
Le seigneur féodal ne perd pas son droit de féodalité par l'érection en dignité de la terre de son vassal ; c'est pourquoi les lettres portent communément la clause que c'est sans rien innover aux droits de justice, foi et hommage appartenans à autres qu'au roi ; c'est pourquoi le seigneur dominant du fief ne peut s'opposer à l'érection pour la conservation des droits de féodalité seulement, parce que le roi peut honorer son arriere-fief de telle dignité que bon lui semble, sans préjudice de la mouvance des autres seigneurs. Chopin sur Anjou, liv. I. art. 48. n. 8. Salvaing, de l'usage des fiefs, ch. l. Bodin, liv. I. de sa républ. ch. VIIe (A)
FIEF DOMINANT, est celui duquel un autre relève immédiatement. La qualité de fief dominant est opposée à celle de fief servant, qui est celui qui relève directement du fief dominant ; et ce dernier est différent du fief suzerain, dont le fief servant ne relève que médiatement.
Un même fief peut être dominant à l'égard d'un autre, et servant à l'égard d'un troisième : ainsi si le seigneur dominant a un suzerain, son fief est dominant à l'égard de l'arriere-fief, et servant à l'égard du seigneur suzerain. Voyez ci-après FIEF SERVANT et SEIGNEUR DOMINANT.
Il est parlé du fief dominant dans plusieurs coutumes, notamment dans celles de Melun, artic. 24. et 37 ; Estampes, art. 12, 16, 20, 38 ; Mantes, art. 44 ; Laon, art. 186, 187, 188, 202, 219, 224 ; Châlons, art. 177, 189, 190, 219, 224 ; Rheims, art. 120, 138 ; Ribemont, art. 19 ; Montargis, ch. prem. art. 11, 66, 85 ; Grand-Perche, art. 35, 38, 44, 46, 47, 48, 65 ; Châteauneuf, art. 16 ; Poitou, art. 23 ; Péronne, art. 30, 52, 56, 81 ; Berri : tit. Ve art. 20 ; Dourdan, art. 25. (K)
FIEF DROIT, feudum rectum, seu cujus possessio recta est ; c'est celui qui passe aux héritiers à perpétuité. Voyez Razius, de feud. part. XII.
FIEF DE DROIT FRANÇOIS, feudum jur. francisci, est celui qui se règle par les lois de France au sujet des fiefs. Schilter, en son traité du parage et de l'apanage, observe qu'il ne faut pas confondre les fiefs du droit français, juris francisci, avec les francs-fiefs, feuda franca ; ni avec les fiefs de France, feuda Franciae : en effet il y a beaucoup de fiefs situés hors les limites de la France, qui ne laissent pas d'être fiefs de droit français ; et il y a bien des fiefs de droit français qui ne sont pas pour cela des francs-fiefs. (A)
FIEF ECHEANT ET LEVANT ; voyez ci-après FIEF REVANCHABLE.
FIEF D'ECUYER, feudum scutiferi, scutarii, seu armigeri ; c'était celui qui pouvait être possédé par un simple écuyer, et pour lequel il n'était dû au seigneur dominant que le service d'écuyer ou d'écuyage, servitium scuti, scutagium. L'écuyer n'avait point de cotte d'armes ni de casque, mais seulement un écu, une épée, et un bonnet ou chapeau de fer. Ce fief était différent du fief de haubert ou haubergeon, feudum loricae, pour lequel il fallait être chevalier. Voyez l'histoire de la pairie par Boulainvilliers, tom. II. pag. 117, et aux mots ECUYER, FIEF DE HAUBERT et HAUBERT, FIEF DE CHEVALIER, FIEF BANNERET. (A)
FIEF EGALABLE, voyez FIEF REVANCHABLE.
FIEF ENTIER ou PLEIN FIEF, c'est un fief non divisé, que le vassal doit desservir par pleines armes ; au lieu que les membres ou portions d'un fief de haubert, ne doivent quelquefois chacun qu'une portion d'un chevalier. Voyez FIEF DE CHEVALIER, FIEF DE HAUBERT.
Fief entier dans la coutume de Chartres, art. 10, et dans celle de Châteauneuf en Thimerais, art. 9, est celui qui vaut trente livres tournois de revenu par an, ce qui suffisait apparemment autrefois dans ces coutumes pour l'entretien d'un noble ou seigneur de fief portant les armes. Suivant l'article 10 et 21 de la coutume de Châteauneuf, et le 15 de celle de Chartres, le fief entier doit pour raison d'un cheval de service, soixante sous de rachat. Voyez ci-après FIEF SOLIDE et PLEIN FIEF. (A)
FIEF EPISCOPAL, était celui qu'un vassal laïc tenait d'un évêque, qui était son seigneur dominant ; ou plutôt c'était le fief même que tenait l'évêque, ou ce que son vassal tenait de lui comme étant une portion du fief épiscopal. On en trouve un exemple dans les preuves de l'histoire de Montmorency, pag. 37, à la fin. Ego Girbertus, Dei gratiâ Parisiensis episcopus, etc. Assensu domini Stephani archidiaconi, ecclesiam et altare Bullariae de Moncellis monasterio B. Martini de Pontisarâ concessi : annuente Burcardo de monte Morenciaco, qui eum de episcopali feudo possidebat, etc. Actum publice Parisiis in capitulo B. Mariae, anno Incarnationis dominicae 1122. Voyez aussi les preuves du pénitentiel de Théodore, pag. 411, et Marlot dans sa métropole de Rheims, tome II. pag. 114.
Les fiefs épiscopaux et presbytéraux commencèrent vers la fin de la seconde race ; lorsque les seigneurs laïques s'emparèrent de la plupart des biens ecclésiastiques, des dixmes, offrandes, etc. Voyez le glossaire de Laurière, au mot Fief épiscopal, et ci-après FIEF PRESBYTERAL. (A)
FIEF EXTRA CURIAM, voyez FIEF HORS LA COURT DU SEIGNEUR DOMINANT.
FIEF FEMININ, dans son étroite signification, est celui qui par la première investiture a été accordé à une femme ou fille, et à la succession duquel les femmes et filles sont admises à défaut de mâles.
Dans un sens plus étendu, on entend par fiefs féminins, tous les fiefs à la succession desquels les femmes et filles sont admises à défaut de mâles, quoique la première investiture de fief n'ait pas été accordée à une femme ou fille ; et pour distinguer ceux-ci des premiers, on les appelle ordinairement fiefs féminins héréditaires.
Enfin on entend aussi par fiefs féminins, ceux qui peuvent être possédés par des femmes ou filles à quelque titre qu'ils leur soient échus, soit par succession, donation, legs, ou acquisition.
Le fief féminin est opposé au fief masculin, qui ne peut être possédé que par un mâle ; comme le royaume de France, lequel ne tombe point en quenouille ; le duché de Bourgogne et celui de Normandie étaient aussi des fiefs masculins.
Suivant la coutume de chaque province ; il y avait de grands fiefs féminins, tels que le duché de Guienne, et le comté d'Artais. Mahaut comtesse d'Artais, paire de France, au sacre de Philippe-le-Long, soutint la couronne du roi avec les autres pairs : cependant c'était elle-même qui était excluse de la couronne. Mais celle-ci est un fief masculin suivant la loi salique, au lieu que l'Artais est un fief féminin. Voyez Struvius, syntagm. juris feud. cap. IVe n. 17 ; M. le président Henault, en son abrégé chronologique. (A)
FIEF-FERME, feudo firma, vel feudi firma, était un tenement ou certaine étendue de terres, accordé à quelqu'un et à ses héritiers, moyennant une redevance annuelle qui égalait le tiers, ou au moins le quart du revenu, sans aucune autre charge que celles qui étaient exprimées dans la charte d'inféodation. Ces sortes de concessions étaient telles, que si le tenancier était deux années sans payer la redevance, le bailleur avait une action pour rentrer dans son fonds. Ces fiefs-fermes ressemblent beaucoup à nos baux à rente, et aux baux emphythéotiques. Voyez Britton, pag. 164 ; Cowel, lib. II. instit. tit. IIe §. 16, et tit. IVe §. 1, lib. III. tit. xxv. §. 2 ; Leges Henrici I. regis Angl. cap. lvj. Matth. Paris, à l'an 1250. Charte de Philippe-le-Bel, de l'an 1384, au trésor des chartes, reg. 49. Gloss. de Ducange, au mot feudo firma. (A)
FIEF-FERME, au pays de Normandie est encore une concession d'héritage faite à perpétuité, et qui est opposée à ferme muable : mais on doit plutôt écrire et dire fieffe-ferme, que fief-ferme ; c'est pourquoi voyez ci-après FIEFFE-FERME et MAIN-FERME. (A)
FIEF FINI, feudum finitum, est celui dont le cas de reversion au seigneur est arrivé, soit par quelque clause du premier acte d'inféodation, soit par quelque cause postérieure, comme pour félonie ou désaveu. Le fief fini est différent du fief ouvert, que le seigneur dominant peut bien aussi mettre en sa main, mais non pas irrévocablement : c'est pourquoi le fief en ce cas n'est pas fini, c'est-à-dire éteint. Voyez Loiseau, tr. des off. liv. II. ch. VIIIe n. 51. (A)
FIEF FORAIN, feudum forinsecum, est une pension annuelle assignée sur le fisc, et que le trésorier du roi est chargé de payer à quelqu'un qui n'est pas de l'hôtel du roi. Voyez le glossaire de Ducange au mot feudum forinsecum, et ci-devant au mot FIEF EN LA COURT DU SEIGNEUR.
Les fiefs forains sont opposés à ces fiefs en la cour. Voyez aussi FIEF HORS LA COURT DU SEIGNEUR. (A)
FIEF FRANC ou FRANC FIEF, feudum francale seu francum ; c'est ainsi que tous fiefs étaient autrefois appelés, à cause de la franchise ou des prérogatives qui y étaient annexées, et dont jouissaient ceux qui les possédaient. Ce nom convient singulièrement aux fiefs nobles et militaires. Voyez ci-après FRANCS FIEFS, FIEF MILITAIRE, et FIEF VILAIN, ROTURIER, RURAL. (A)
FIEFS, (francs) dans sa signification propre doit s'entendre de tous fiefs tenus franchement et noblement, c'est-à-dire sans aucune charge de devoir ou prestation annuelle, comme les biens roturiers que l'on qualifiait aussi quelquefois de fiefs ; mais au lieu de les appeler francs-fiefs, on les appelait fiefs roturiers, fiefs non-nobles, &c.
On entend plus communément par le terme de francs-fiefs, la taxe que les roturiers possédant quelque fief, paient au roi tous les vingt ans pour la permission de garder leurs fiefs.
Ce droit est royal et domanial ; les seigneurs n'y ont plus aucune part.
L'origine de ce droit vient de ce qu'anciennement les nobles étaient les seuls auxquels on concédait les fiefs. Il était défendu aux roturiers d'en acquérir ; comme il parait par deux anciens arrêts, l'un de 1265, l'autre de 1282 ; et comme il est porté dans les coutumes de Meaux, art. 144 ; Artais, 137 : ce qui s'observe aussi en Bretagne.
Ce ne fut qu'à l'occasion des croisades, lesquelles commencèrent l'an 1095, que les roturiers commencèrent à posséder des fiefs. Les nobles qui s'empressaient presque tous à faire paraitre leur zèle dans ces expéditions, pour en soutenir la dépense se trouvèrent obligés de vendre une partie de leurs fiefs et seigneuries ; et comme il se trouvait peu de nobles pour les acheter, parce que la plupart s'engageait dans ces croisades, ils furent contraints de les vendre à des roturiers, auxquels nos rois permirent de posséder ces fiefs en leur payant une certaine finance, qui fut dans la suite appelée droit de franc-fief.
Ce droit fut regardé comme un rachat de la peine encourue par les roturiers, pour avoir acquis des fiefs contre la prohibition des anciennes ordonnances ; et comme il n'appartient qu'au souverain de dispenser des lois et d'en faire de nouvelles, le roi est aussi le seul qui puisse permettre aux roturiers de posséder des fiefs, et exiger d'eux pour cette permission la taxe appelée droit de franc-fief.
La permission accordée aux roturiers de posséder des fiefs, était d'autant plus importante, que la possession de ces sortes de biens avait le privilège d'affranchir les roturiers qui demeuraient dans leur fief, tant qu'ils y étaient levants et couchans. M. de Boulainvilliers, en son histoire de la pairie, prétend même que le roturier qui acquérait un fief et voulait bien en faire le service militaire, devenait noble, et qu'il ne payait le droit de franc-fief que comme une indemnité, lorsqu'il ne voulait pas vivre saliquement ou noblement, c'est-à-dire faire le service militaire.
Il parait du moins certain, que les roturiers possesseurs de fiefs étaient reputés nobles, lorsque leurs fiefs étaient tombés en tierce-foi ; c'est-à-dire que lorsqu'ils avaient déjà été partagés deux fois entre roturiers, à la troisième fois ils les partageaient noblement et de même que les nobles.
Nos rois n'approuvaient pourtant pas ces usurpations de noblesse ; et pour en interrompre la possession, ils faisaient de temps en temps payer aux roturiers une taxe pour leurs fiefs. Cependant les roturiers possesseurs de fiefs ayant toujours continué de prendre le titre d'écuyers, l'ordonnance de Blais statua enfin par l'article 258, que les roturiers et non-nobles achetant fiefs nobles, ne seraient pour ce annoblis, de quelque revenu que fussent les fiefs par eux acquis. Et tel est l'usage que l'on suit présentement.
Anciennement les roturiers ne pouvaient acquérir un fief sans le consentement du seigneur immédiat dont le fief relevait. Il était permis aux seigneurs particuliers de recevoir des roturiers pour vassaux, pourvu que les droits du roi ne fussent point diminués, c'est-à-dire que les roturiers s'obligeassent de faire le service du fief, ce qui intéressait le roi en remontant jusqu'à lui de degré en degré.
Mais comme ordinairement les roturiers qui achetaient des fiefs ne s'engageaient pas à faire le service militaire, on appelait cela abreger le fief, c'est-à-dire que le service du fief était abrégé ou perdu.
Il arrivait de-là que le fief était dévolu au seigneur supérieur immédiat, au même état que ce fief était avant l'abregement ; et comme ce seigneur diminuait lui-même son fief en approuvant ce qui avait été fait par son vassal, le fief de ce seigneur supérieur immédiat était à son tour dévolu à son seigneur supérieur, et ainsi de seigneur supérieur en seigneur supérieur jusqu'au roi ; de manière que pour désintéresser tous ces seigneurs, il fallait leur payer à chacun une finance ou indemnité.
Philippe III. dit le Hardi abolit cet ancien droit par son ordonnance de 1275, par laquelle il ordonne que les personnes non-nobles qui auraient acquis des fiefs et les tiendraient par hommage à service compétent, ne pourraient être inquiétés par ses juges, lesquels les laisseraient jouir paisiblement de ces biens ; qu'au cas où ces personnes non-nobles auraient fait de telles acquisitions de fiefs ou arriere-fiefs, hors les terres des barons, si entre le roi et celui qui avait fait l'aliénation il ne se trouvait pas trois seigneurs, et s'ils possédaient les fiefs acquis avec abregement de service, ils seraient contraints de les mettre hors de leurs mains, ou de payer la valeur des fruits de deux années ; et que si un fief était commué en roture, les choses seraient remises en leur premier état, à moins que le possesseur ne payât au roi l'estimation des fruits de quatre années.
Cependant depuis, en quelques lieux, l'ancien droit fut suivi par rapport à l'abregement de fief ; comme il se voit dans l'ancienne coutume de Bourges, qui porte, que là où aucune personne non-noble acquiert de noble, telle personne acquérant ne peut tenir l'acquêt si elle ne fait finance au seigneur de fief, et aussi de seigneur en seigneur jusqu'au roi.
Philippe-le-Bel par son ordonnance de 1291, dérogea en quelque chose à celle de Philippe-le-Hardi, ayant ordonné que, quant aux personnes non-nobles qui acquerraient des terres en fiefs ou arriere-fiefs du roi, hors les terres des barons, sans son consentement, s'il n'y avait pas entre le roi et celui qui avait fait l'aliénation trois seigneurs intermédiaires, soit que les acquéreurs tinssent à la charge de desservir les fiefs ou non, ils payeraient au roi la valeur des fruits de trois années : et que s'il y avait abregement de fief, ils en payeraient le dédommagement au dire de prudhommes.
Le droit de francs-fiefs fut aussi levé par Philippe V. dit le Long, lequel par son ordonnance du mois de Mars 1320, renouvella celle de Philippe-le-Bel, excepté qu'au lieu du dire de prudhommes, que les roturiers devaient payer en cas d'abregement de service, il ordonna qu'ils payeraient l'estimation des fruits de quatre années.
Charles-le-Bel fit deux ordonnances touchant les francs-fiefs.
L'une en 1322, portant que les personnes non-nobles qui avaient acquis depuis trente ans sans la permission du roi des fiefs et arriere-fiefs et des aleux, seraient obligés de mettre ces acquisitions hors de leurs mains sous peine de confiscation, avec défense de faire dans la suite de semblables acquisitions.
L'autre ordonnance du même prince, qui est du 18 Juillet 1326, est conforme à celles de Philippe-le-Bel et de Philippe-le-Long, et qui porte que dans le cas expliqué par ces précédentes ordonnances, les roturiers payeraient seulement la valeur des fruits de deux années, et qu'ils en payeraient quatre pour la conversion d'un fief en roture.
On trouve aussi une déclaration de la même année, portant que les roturiers ne payeraient pas de finance pour les biens qu'ils auraient acquis à titre d'emphytéose, moyennant un certain cens ou pension, pourvu que ce fût sans juridiction, et que la valeur du fief ne fût pas diminuée.
Il est aussi ordonné que les roturiers descendant d'un père non-noble et d'une mère noble, ne payeront aucune finance pour les biens qui leur viendraient par succession de leur mère, ou de ses collatéraux nobles.
Du temps de Philippe-de-Valais, on fit une recherche du droit de franc-fief. Ce prince fit le 18 Juin 1328 une ordonnance latine à ce sujet, portant entr'autres choses, que pour les choses et possessions que les personnes non-nobles avaient acquises depuis trente ans en-çà dans les fiefs ou arriere-fiefs du roi, sans le consentement de lui ou de ses devanciers, posé qu'il n'y eut pas entre le roi et la personne qui avait fait cette aliénation, trois seigneurs intermédiaires ou plus, ils payeraient pour finance l'estimation des fruits de trois ans.
Que si aucune personne non-noble acquérait d'une autre personne non-noble quelque fief, et que le vendeur l'eut tenu plus anciennement que depuis trente ans, ou qu'au bout de trente ans il eut payé une finance ; l'acquéreur ne serait point contraint de payer une nouvelle finance, ou de mettre le fief hors de ses mains.
Suivant cette même ordonnance, dans le cas où une personne non-noble devait payer quelque finance pour son assignation, les commissaires députés pour demander et lever lesdites finances, ne devaient point assigner ni mettre la main, si ce n'est sur les biens acquis, avant que la finance fût accordée entre le commissaire et l'acquéreur.
On voit par un mandement qui fut adressé à cette occasion aux commissaires députés pour la recherche des francs-fiefs, que quand un noble vendait son fief à un non-noble moyennant une somme d'argent, et en outre une certaine rente ou pension annuelle, on ne devait avoir égard qu'au prix payé en argent pour estimer la finance qui était dû., sans compter la rente ou pension retenue par le vendeur.
Philippe-de-Valais renouvella son ordonnance du 6 Juin 1328, le 23 Novembre suivant ; avec cette différence qu'au lieu de trois années que l'on devait payer pour le droit de franc-fief, il en mit quatre par cette dernière ordonnance.
Comme les nobles outre leurs fiefs possédaient aussi quelquefois des biens roturiers, il expliqua par un mandement adressé le 10 Juin 1331 au sénéchal de Beaucaire, que les roturiers qui acquéraient des nobles de tels biens, auxquels il n'y avait ni fief, ni hommage, ni justice attachée, ne devaient pour cette acquisition aucune finance au roi.
Le droit de franc-fief était dû par les non-nobles, quoiqu'ils eussent acquis d'un noble ; comme il parait par des lettres du même prince du 24 Aout 1338.
Mais ce qui est encore plus remarquable, c'est que du temps de Philippe de Valais et de ses prédécesseurs, l'affranchissement d'un fief où l'acquittement du droit de franc-fief était réputé réel, de manière qu'un non-noble pouvait, sans payer au roi aucune nouvelle finance, acheter le fief d'un autre non-noble qui l'avait acquis, et qui avait payé au roi le droit de franc-fief, pour obtenir de Sa Majesté l'abregement et affranchissement de service ; ce qui fut changé environ deux cent ans après, en établissant que ces sortes d'affranchissements ne seraient plus que personnels à chaque possesseur, et non réels.
L'ordonnance de 1302, donnée par Charles IV. dont on a parlé ci-devant eut quelques suites, non-seulement alors, mais même sous les règnes suivants. En conséquence de cette ordonnance, on envoya plusieurs commissaires dans la sénéchaussée de Beaucaire, pour faire saisir et confisquer au profit du roi les acquisitions de biens nobles faites depuis 30 ans par des roturiers ; il y eut en effet quelques-uns de ces biens saisis : quelques acquéreurs payèrent des finances pour conserver leurs acquisitions ; les commissaires ne tirèrent pourtant pas de-là les finances infinies qu'ils auraient pu, dit-on, en tirer. Ceux dont les acquisitions avaient été servies, continuèrent depuis d'en percevoir les fruits et revenus.
Le duc de Berry et d'Auvergne, et comte de Poitiers, fils et lieutenant du roi Jean dans le Languedoc, donna des lettres pour continuer à exécuter l'ordonnance de 1322, et l'on fit en conséquence quelques poursuites qui furent interrompues lorsqu'il sortit du Languedoc.
Mais le maréchal Daudeneham, lieutenant du roi dans ce pays, envoya des commissaires dans la sénéchaussée de Beaucaire avec ordre de s'informer de ces nouvelles acquisitions, soit par témoins ou par titres, d'obliger même à cet effet les notaires de donner des copies des actes qui seraient dans leurs protocoles et dans ceux de leurs prédécesseurs contenant ces sortes d'acquisitions, et après cette information faite, de faire saisir toutes ces nouvelles acquisitions, d'en faire percevoir tous les revenus, de faire défenses à ceux qui les possédaient de les recevoir, et même de les vendre, de les donner à cens ou moyennant quelque redevance annuelle, et enfin de faire rendre compte à ceux qui avaient perçu les revenus de ces biens au préjudice de la saisie qui en avait été faite au nom du roi.
Le maréchal Daudeneham donna néanmoins pouvoir à ces commissaires de composer avec ceux qui avaient fait de telles acquisitions, ou qui avaient perçu les fruits de celles qui étaient saisies, et de leur permettre moyennant une finance qu'ils payeraient, de les garder, sans qu'ils pussent être contraints à s'en désaisir dans la suite.
Le détail que l'on vient de faire sur l'exécution de l'ordonnance de 1322, se trouve dans les lettres du maréchal de Daudeneham du 15 Aout 1363.
On suivit toujours les mêmes principes au sujet des francs-fiefs du temps du roi Jean, comme il parait par des lettres de ce prince du mois d'Octobre 1354, confirmatives d'autres lettres du 4 Mai 1324, portant concession aux citoyens et habitants de Toulouse d'acquérir des personnes nobles des biens-fonds, pourvu que ces biens fussent sans justice, et qu'il n'en fût pas dû d'hommage.
Louis duc d'Anjou, lieutenant de Charles V. dans le Languedoc, ordonna par des lettres données à Nismes le 16 Février 1367, qu'il ne serait point payé de finances par les roturiers pour les acquisitions d'aleux non nobles, et ne relevant point du roi ni en fief ni en arriere-fief, quoique faites de personnes nobles, et que ceux qui n'auraient point payé la finance des francs-fiefs, n'y pourraient être contraints par emprisonnement de leur personne, mais seulement par saisie et vente de leurs biens.
Charles V. ordonna depuis en 1370, que ceux qui auraient refusé de payer le droit de franc-fief, et auraient fatigué les commissaires par des tours et des chicanes, seraient contraints de payer une double finance.
De temps immémorial, les bourgeois de Paris ont été exemptés des droits de franc-fief, tant pour les biens nobles par eux acquis dans les fiefs du roi et dans ceux des seigneurs, que pour les francs-aleux ; on publia à Paris vers l'année 1371 une ordonnance, portant que les non nobles qui avaient acquis depuis 1324 des biens nobles, en fissent dans un mois leur déclaration au receveur de Paris, qui mettrait ces biens dans la main du roi jusqu'à ce que ces acquéreurs eussent payé finance ; mais Charles V. par des lettres du 9 Aout 1371, confirma les bourgeois de Paris dans leur exemption des droits de franc-fief dans toute l'étendue du royaume ; ils ont en conséquence joui de ce privilège sans aucun trouble, si ce n'est depuis quelque temps qu'on les a inquiétés à ce sujet, pour raison de quoi il y a une instance pendante et indécise au conseil, où les prévôt des marchands et échevins de la ville de Paris sont intervenus pour soutenir le droit des bourgeois de Paris, lesquels néanmoins sont contraints par provision de payer le droit de franc-fief.
Les bourgeois de Paris ne sont pas les seuls auxquels l'exemption du droit de franc-fief eut été accordée ; ce privilège fut communiqué par Charles V. aux habitants de plusieurs autres villes ; mais tous ne l'eurent pas avec la même étendue.
On croit que ce privilège fut accordé aux habitants de Montpellier, suivant des lettres du mois de Juillet 1369, qui leur permettent d'acheter toutes sortes de biens ; mais l'exemption des francs-fiefs n'y est pas exprimée clairement.
Elle fut accordée purement et simplement aux habitants de la ville de Caylus-de-Bonnette en Languedoc, par Charles V. en 1370.
Ceux de Ville-Franche et Rouergue obtinrent la même exception pour le passé, et pour les acquisitions qu'ils feraient pendant dix ans.
Par d'autres lettres de 1370, les habitants de la ville de Caussade en Languedoc, furent déclarés exempts du droit de franc-fief pour les fiefs qu'ils acquerraient, pourvu que ce ne fût pas des fiefs de chevalerie ou des aleux d'un prix considérable.
Le 19 Juillet de la même année, les habitants de la ville de Milhaud furent déclarés exempts des francs-fiefs pour les biens nobles qu'ils avaient acquis, et qu'ils acquerraient dans la suite.
La même chose fut ordonnée en faveur des habitants de Puy-la-Roque, par d'autres lettres des mêmes mois et an.
Les privilèges accordés en la même année à la ville de Cahors, portent entr'autres choses que les habitants de cette ville seraient exemts du droit de franc-fief, pour les biens nobles qu'ils acquerraient dans la suite, quand même ces biens seraient situés dans des fiefs ou arriere-fiefs du roi, et quand même ils les auraient acquis de personnes nobles ou ecclésiastiques.
Les habitants de Puy-Mirol dans l'Agenais, obtinrent aussi au mois de Juin de la même année des privilèges, portant qu'ils jouiraient des fiefs et autres droits nobles qu'ils possédaient depuis 30 ans, qu'ils jouiraient pareillement des fiefs et autres droits nobles qu'ils pourraient acquérir pendant l'espace de dix ans dans le duché d'Aquittaine, pourvu cependant qu'il n'y eut point de forteresse sur ces fiefs ni d'arriere-fiefs qui relevassent de ces fiefs.
Les habitants de Saint-Antonin obtinrent le même privilège pour dix ans, pourvu qu'il n'y eut pas de justice attachée aux fiefs qu'ils acheteraient ; on leur remit seulement les droits pour le passé.
Les mêmes conditions furent imposées aux habitants de Maissac.
La ville de Fleurence obtint aussi en 1371 pour ses habitants, le privilège d'acquerir pendant cinq ans des fiefs nobles et militaires, pourvu qu'il n'y eut point de justice attachée, et à condition qu'ils ne rendraient point hommage de ces fiefs. Ce terme de cinq ans fut ensuite prorogé jusqu'à huit.
Charles V. accorda aussi en 1371 des lettres aux habitants de Rhodès, portant qu'ils seraient exempts du droit de franc-fief pour les biens nobles relevants du roi, qu'ils acquerraient hors du comté de Rouergue, et des terres appartenantes au comte d'Armagnac.
Il exempta pareillement des francs-fiefs les bourgeois de la Rochelle, mais seulement ceux qui auraient 500 liv. de rente.
L'exemption fut accordée pour 20 ans en 1369 aux habitants de Lauserte, à condition qu'ils n'acquerraient point des hommages, des forteresses et des aleux d'un grand prix.
Charles VI. exempta des francs-fiefs les habitants de Condom.
Ceux de Bourges en furent exemptés en 1438, et ceux d'Angers et du Mans en 1483.
Plusieurs autres villes obtinrent en divers temps de semblables exemptions.
Il fut nommé par Charles VI. en 1388 deux commissaires dans chaque prévôté, sur le fait des acquisitions faites par les gens d'église et personnes non nobles, avec des receveurs sur les lieux ; et depuis par des lettres du 8 Juillet 1394, il confirma ce qui avait été fait par ces commissaires touchant les francs-fiefs ; et depuis nos rois ont de temps en temps nommé de semblables commissaires pour la recherche des francs-fiefs.
Par des lettres patentes de 1445, Charles VII. ordonna que les trésoriers de France pourraient contraindre toutes personnes non nobles, ou qui ne vivaient pas noblement, de mettre hors de leurs mains tous les fiefs qu'ils possédaient par succession ou autrement, sans en avoir suffisante provision du roi, ou de les en laisser jouir en payant la finance au roi, telle que lesdits trésoriers aviseraient.
Louis XI. donna des lettres patentes en forme d'amortissement général pour tous les pays de Normandie, pour les nouveaux acquêts faits par les gens de main-morte et pour les fiefs et biens nobles acquis par les roturiers, portant qu'après 40 ans tous fiefs nobles acquis par des roturiers seraient réputés amortis, et que les détenteurs ne seraient contraints d'en vider leurs mains ni d'en payer finance : ces lettres portaient même, que tous roturiers ayant acquis des héritages nobles en Normandie, étaient annoblis et leur postérité.
François I. par ses lettres du 6 Septembre 1520, défendit à tous roturiers de tenir des héritages féodaux.
Henri II. enjoignit le 7 Janvier 1547 à toutes personnes non nobles possédant fiefs, d'en fournir déclaration pour en payer le droit.
Charles IX. par des lettres patentes du 5 Septembre 1571, nomma des commissaires pour procéder à la liquidation de la finance dû. à cause des droits de franc-fief et nouveaux acquêts, et ordonna que tous les roturiers et non nobles fourniraient leur déclaration de tous les fiefs, arriere-fiefs, héritages, rentes et possessions nobles qu'ils tenaient dans chaque bailliage et sénéchaussée.
Henri IV. nomma aussi des commissaires pour la liquidation des droits de franc-fief, par des lettres du mois d'Avril 1609, dont Louis XIII. ordonna l'exécution par d'autres lettres du 20 Octobre 1613 : il ordonna encore en 1633 la levée du droit de franc-fief sur le pied du revenu d'une année, et il en fut fait un traité en forme de bail, à commencer depuis le 21 Février 1609, jusqu'au dernier Décembre 1633.
La levée du droit de franc-fief fut encore ordonnée au mois de Janvier 1648, quoiqu'il n'y eut alors que 14 ans depuis la dernière recherche : mais l'exécution de cet édit fut sursise jusqu'à la déclaration du 29 Décembre 1652, qui ordonna la levée du droit pour les 20 années qui avaient couru depuis 1638.
On voit donc que le temps au bout duquel se fit la recherche des francs-fiefs, a été réglé différemment ; qu'anciennement elle ne se faisait que tous les 30 ou 40 ans ; que quelquefois elle s'est faite plutôt : par exemple, sous François I. elle se fit pour les 33 années que dura son règne : sous Charles IX. on la fit au bout de 25 ans, et depuis ce temps, elle se fait ordinairement tous les 20 ans, au bout duquel temps les roturiers paient pour le droit de franc-fief une année du revenu.
Cet ordre fut observé jusqu'en 1655, où par l'édit du mois de Mars de ladite année, on ordonna que le droit de franc-fief, qui jusqu'alors ne s'était levé que de 20 ans en 20 ans au moins, et pour la jouissance de 20 années, une année de revenu des fiefs et biens nobles, serait dorénavant payée par tous les roturiers possédant fief sur le pied de la 20e partie d'une année du revenu.
Mais sur ce qui fut représenté, que les frais du recouvrement de ces sommes qui se trouveraient pour la plupart très-modiques, seraient plus à charge aux sujets du roi que le payement du principal, l'édit de 1655 fut révoqué par un autre édit du mois de Novembre 1656, qui ordonna que les roturiers qui possédaient alors des fiefs et biens nobles, seraient à l'avenir, eux et leurs successeurs et ayans cause à perpétuité, exempts du droit de francs-fiefs en payant au roi une certaine finance.
Depuis par un autre édit du mois de Mars 1672, la même exemption fut accordée aux roturiers qui possédaient alors des fiefs et biens nobles ; en payant au roi trois années de revenu desdits biens ; savoir une année pour la jouissance qu'ils avaient eue pour les 20 années commencées en 1652 et finies en 1672, et la valeur de deux autres années pour jouir à l'avenir dudit affranchissement.
On reconnut depuis que le droit de franc-fief étant domanial et inaliénable, il était contraire aux principes d'avoir accordé un tel affranchissement à perpétuité ; c'est pourquoi le roi par un édit du mois d'Avril 1692, le restraignit à la vie de ceux qui possédaient alors des fiefs, et qui avaient financé en conséquence de l'édit de 1672.
La recherche des francs-fiefs fut or donnée par une déclaration du 9 Mars 1700, sur tous ceux dont l'affranchissement était expiré depuis 1692 jusqu'au premier Janvier 1700.
Par deux autres édits des mois de Mai 1708, et Septembre 1710, Louis XIV. ordonna la recherche des francs-fiefs sur tous ceux qui s'en trouveraient redevables, soit par l'expiration des 20 années d'affranchissement, soit par acquisition, donation ou autre mutation quelconque : ces droits furent mis en parti pour 7 années, et ensuite affermés.
Il fut établi en 1633 une chambre souveraine pour connaître des droits de franc-fief dû. dans toute l'étendue du parlement de Paris depuis le 21 Février 1609 jusqu'au dernier Décembre 1633 : la déclaration du 29 Décembre 1652 établit une semblable chambre, qui subsistait encore en 1660 : il en avait aussi été établi quelques autres, et notamment une en Bourgogne, qui fut supprimée par une déclaration du mois d'Aout 1669.
Présentement les contestations qui s'élèvent sur cette matière, sont portées devant les intendants, et par appel au conseil. Voyez le gloss. de Laurière au mot francs-fiefs ; le traité des amortissements et francs-fiefs de M. le Maitre ; le traité des francs-fiefs de Bacquet ; le traité des amortissement du sieur Jarry.
FIEF FURCAL, feudum furcale, est celui qui a droit de haute justice, conséquemment d'avoir des fourches patibulaires qui en sont le signe public extérieur. (A)
FIEF FUTUR, feudum futurum, seu de futuro, est celui que le seigneur dominant accorde à quelqu'un pour en être investi seulement après la mort du possesseur actuel. (A)
FIEF DE GARDE, ou ANNAL, feudum guardiae, c'était lorsque la garde d'un château ou d'une maison était confiée à quelqu'un pour un an, moyennant une récompense annuelle, promise à titre de fief. Voyez FIEF DE GUET et GARDE. (A)
FIEF, dit FEUDUM GASTALDIAE SEU GUASTALDIAE, était lorsqu'un seigneur donnait à titre de fief à quelqu'un la charge d'intendant ou agent de sa maison, ou de quelqu'une de ses terres. Voyez le glossaire de Ducange, au mot gastaldus.
FIEFS GENTILS, en Bretagne sont les baronies et chevaleries et autres fiefs de dignité encore plus élevée, lesquels se gouvernent et se sont gouvernés par les auteurs des co-partageants, selon l'assise du comte Geoffroy III. fils d'Henri II. roi d'Angleterre, qui devint duc de Bretagne par le mariage de Constance fille de Conan le petit, duc de Bretagne. On distingue ces fiefs gentils des autres fiefs qui ne se gouvernent pas selon l'assise dans les premiers ; les puinés mâles n'ont leur tiers qu'en bienfait, c'est-à-dire à viage, comme en Anjou et au Maine. (A)
FIEF GRAND, feudum magnum et quaternatum, n'est pas toujours celui qui a le plus d'étendue, mais celui qui est le plus qualifié ; c'est un fief royal ou de dignité. Voyez le glossaire de Laurière, au mot fief en chef. (A)
FIEF appelé GUASTALDIAE FEUDUM, voyez ci-devant FIEF dit FEUDUM GASTALDIAE.
FIEF D'HABITATION, est celui qui n'est concedé que pour le vassal personnel. Il en est parlé dans les coutumes des fiefs, lib. I. tit. cv. et par Razius, part. III. de feudis. (A)
FIEF DE HAUBERT ou DE HAUBERGEON, feudum loricae, c'est un fief de chevalier, c'est-à-dire dont le possesseur était obligé à 21 ans de se faire armer chevalier, et de servir avec le haubert, haubergeon ou cotte de maille, qui était une espèce d'armure dont il n'y avait que les chevaliers qui pussent se servir.
Ce fief est le même que les Anglais appellent feudum militare.
Quelques-uns écrivent fief de haubert, comme qui dirait fief de haut baron, car dans tous les anciens livres de pratique, ber et baron, haubert et haut-baron, sont termes synonymes.
Comme le haubert ou seigneur du fief de haubert était obligé de servir le roi avec armes pleines, c'est-à-dire armé de toutes pièces, et conséquemment avec l'arme du corps, qui était la cotte de maille ; cette armure fut appelée haubert ou haubergeon, et par succession de temps le fief de haubert a été pris pour toute espèce de fief dont le seigneur est tenu de servir le roi avec le haubert ou haubergeon, ce qui a fait croire à quelques-uns que le fief de haubert était ainsi appelé à cause du haubergeon, comme le dit Cujas sur le tit. IXe du liv. I. des fiefs quoique ce soit au contraire le terme de haubergeon qui vienne de haubert, et que haubergeon fût l'arme du haubert.
Cette erreur est cependant cause aujourd'hui qu'en la coutume reformée de Normandie, fief de haubert est moins que baronie. Les art. 155. et 156. taxent le relief de baronie à 100 liv. et celui du fief de haubert entier, à 15 liv. seulement.
Bouteiller, Ragueau et Charondas supposent que le fief de haubert relève toujours immédiatement du roi, ce qui est une erreur. Terrien qui savait très-bien l'usage de son pays, remarque sur le chap. IIe du liv. V. p. 171. de l'édition de 1654, qu'un fief de haubert peut être tenu de baronie, la baronie de la comté, la comté de la duché, et la duché du roi.
Suivant l'ancienne et la nouvelle coutume de Normandie, le fief de haubert est un plein fief ou fief entier ; le possesseur le dessert par pleines armes qu'il doit porter au commandement du roi. Ce service se fait par le cheval, le haubert, l'écu, l'épée et le heaume ; ce fief ne peut être partagé entre mâles, mais quand il n'y a que des filles pour héritières, il peut être divisé jusqu'en huit parties, chacune desquelles parties peut avoir droit de court et usage, juridiction et gage plège, et chacune de ces huit portions est appelée membre de haubert. Mais si le fief est divisé en plus de huit parts, en ce cas chaque portion est tenue séparément comme fief vilain, et dans ce cas aucune de ces portions n'a court ni usage. Ces droits reviennent au seigneur supérieur dont le fief était tenu. Il en est de même lorsqu'une des huitiemes est subdivisée en plusieurs portions, chacune perd sa court et usage. Voyez Couvel, lib. II. instit. tit. IIIe §. 5 ; Loyseau, des seigneurs ch. VIIe n. 45. et suiv. (A)
FIEF HEREDITAIRE, est celui qui passe aux héritiers du vassal, à la différence des fiefs qui n'étaient anciennement concédés que pour la vie du vassal. Vers la fin de la seconde race de nos rais, et au commencement de la troisième, les fiefs devinrent héréditaires. Voyez ce qui est dit ci-devant des fiefs en général. (A)
FIEF HEREDITAIRE, est aussi celui qui non-seulement se transmet par succession, mais qui ne peut être recueilli à la mort du dernier possesseur que par une personne qui soit véritablement son héritière, de manière qu'en renonçant à la succession, elle ne puisse plus le vendre. La succession de ces fiefs est pourtant réglée par le droit féodal, en ce que les femelles n'y concourent point avec les mâles, du moins dans les pays où ce droit est observé, comme en Allemagne ; mais du reste le fief héréditaire est réglé par le droit civil, en ce que l'on y succede suivant le droit civil, ultimo possessori, de même que dans la succession des allodes.
Le fief héréditaire est opposé au fief ex pacto et providentiâ, ou fief propre. Voyez ci-après FIEF EX PACTO et FIEF PROPRE.
Les feudistes distinguent quatre sortes de fiefs héréditaires.
La première est celle où le vassal est investi, de manière que l'investiture lui donne le pouvoir non-seulement de transmettre le fief par succession à toutes sortes d'héritiers sans exception, mais même d'en disposer par actes entre-vifs ou de dernière volonté. Un tel fief, dit Struvius, est moins un fief qu'un alode, et il est considéré comme tel ; c'est ce que les feudistes appellent un fief purement héréditaire. Les femmes y peuvent succéder à défaut de mâle, et en ce sens, on peut aussi l'appeler fief féminin héréditaire : mais suivant le droit féodal, les femmes n'y concourent jamais avec les mâles.
La seconde espèce de fief héréditaire est celle où le fief est concédé par l'investiture, pour être tenu par le vassal et ses héritiers en fief héréditaire ; et dans ce cas, il n'y a que les héritiers mâles du vassal qui y succedent ; c'est pourquoi on l'appelle aussi fief masculin héréditaire : dans tout le reste, ce fief conserve toujours la vraie nature de fief, en sorte que le vassal n'en saurait disposer sans le consentement du seigneur, et qu'il n'y a que les mâles qui y puissent succéder.
La troisième espèce de fief héréditaire est celle où l'investiture permet au vassal de transmettre le fief par succession à ses héritiers quelconques. Dans cette troisième espèce quelques auteurs pensent que la femme est admise à la succession du fief, d'autres pensent le contraire : mais ceux qui tiennent que la femme a droit d'y succéder, conviennent qu'elle n'y succede jamais concurremment avec les mâles, mais seulement à défaut de mâles.
Enfin la quatrième espèce de fief héréditaire est celle où l'investiture porte expressément cette clause extraordinaire, que les femmes seront admises à la succession du fief, concurremment avec les mâles, comme dans la succession des allodes ; il est constant que c'est-là le seul cas où elles ne sont point excluses par les mâles en parité de degré, et où elles recueillent le fief héréditaire conjointement avec eux ; telles sont les divisions des fiefs héréditaires, suivant le droit féodal. Voyez Struvius syntagm. juris feud. et Schilter en ses notes ; ibid. Rosenthal, c. IIe conclus. 26. Gail. lib. II. observat. cliv. n. ult.
Suivant l'état présent de notre droit coutumier, par rapport aux fiefs, les femelles y concourent avec les mâles en parité de degré dans les successions directes, mais en succession collatérale le mâle exclud la femelle en parité de degré. (A)
FIEF D'HONNEUR ou FIEF LIBRE, feudum honoratum, est celui qui ne consiste que dans la mouvance et la foi et hommage, sans aucun profit pécuniaire pour le seigneur dominant.
Dans les provinces de Lyonnais, Forêt, Beaujolais, Maconnais, Auvergne, les fiefs sont nobles, mais simplement fiefs d'honneur ; ils ne produisent aucun profit pour quelque mutation que ce sait, en directe ou collatérale, ni même en cas de vente. C'est pourquoi l'on est peu exact à y faire passer des aveux. Voyez les observat. de M. Bretonnier sur Henrys, tom. I. liv. III. chap. IIIe quest. 38.
Ils sont aussi de même qualité dans les deux Bourgognes et dans l'Armagnac, ainsi que l'atteste Salvaing en son tr. de l'usage des fiefs, ch. IIIe Il en est de même dans le Bugei, suivant Faber en son code de jure emphit. defin. xljv.
Il y a quelques coutumes qui en disposent de même. Celle de Metz, art. 1. des fiefs, dit que les fiefs au pays messin sont patrimoniaux et héréditaires, et que le vassal ne doit pour hommage que la bouche et les mains, s'il n'appert par l'investiture que le fief soit d'autre condition. La coutume de Thionville, art. 3. des fiefs, dit la même chose. (A).
FIEF IMMEDIAT, est celui qui relève directement d'un seigneur, à la différence du fief médiat ou fief subalterne qui relève directement de son vassal, et qui forme à l'égard du seigneur suzerain, ce que l'on appelle un arriere-fief. Voyez ARRIERE-FIEF. (A)
FIEF IMPERIAL, en Allemagne, est celui qui relève immédiatement de l'empereur, à cause de sa dignité impériale. (A)
FIEF IMPROPRE, c'est un fief roturier et non noble. Voyez ci-après FIEF PROPRE. (A)
FIEF INCORPOREL ou FIEF EN L'AIR, est un fief impropre qui ne consiste qu'en mouvances et censives, ou en mouvances seules ou en censives seules, et plus ordinairement en censives qu'en mouvances ; il est opposé au fief corporel. Voyez ci-devant FIEF EN L'AIR et FIEF CORPOREL. (A).
FIEF INFERIEUR, s'entend de tout fief qui relève d'un autre médiatement ou immédiatement. Il est opposé à fief supérieur.
Le fief servant est un fief inférieur par rapport au fief dominant.
Un même fief peut être inférieur par rapport à un autre, et supérieur par rapport à un arriere- fief.
Pour savoir quand le fief inférieur est confondu avec le fief supérieur lorsqu'ils sont tous deux en la même main, voyez ci-devant au mot FIEF, et ci-après REUNION, FIEF DOMINANT et FIEF SERVANT. (A).
FIEF INFINI, voyez ci-devant FIEF FINI.
FIEF JURABLE, feudum jurabile, est chez les ultramontains celui pour lequel le vassal doit à son seigneur le serment de fidélité. Jacobinus de sancto Georgio, de feudis v°, in feudum n°. 29. dit : Decima divisio est quia feudum quoddam est jurabile, quoddam non jurabîle : feudum jurabîle est pro quo juratur fidelitas domino ; non jurabile, quando conceditur eo pacto ut fidelitas non juretur. cap. j. §. nulla, in titulo, per quos fiat investitura in lib. feud. Voyez Wenher p. 532. col. I. in fine, et Lucium 5. lib. I. placitorum tit. j. n°. 2. p. 201.
Dans la coutume de Bar, le fief jurable et rendable était celui que le vassal était obligé de livrer à son seigneur. Cout. de Bar, art. 1. Voyez ci-après FIEF RENDABLE. (A)
FIEF LAÏCAL, est celui qui ne relève d'aucun ecclésiastique, mais est dépendant d'un fief purement temporel. (A).
FIEF LEVANT et CHEANT, voyez FIEF CHEANT et FIEF REVANCHABLE.
FIEF LIBRE ou FIEF D'HONNEUR, feudum liberum seu honoratum, il en est parlé dans plusieurs anciennes chartes, entr'autres dans la charte de commune d'Abbeville, c. xxjv. Voyez le gloss. de Ducange, au mot feudum liberum, et ci-devant FIEF D'HONNEUR. (A).
FIEF LIEGE, est la même chose que fief lige. Il est ainsi appelé dans quelques coutumes, comme dans celle de Hainault, ch. lxxjx. et dans celle de Cambrai, tit. j. art. xlvj. xlvij. xlvjx. l. lj. Voyez FIEF LIGE, HOMME et FEMME LIGE, LIGE FOI et HOMMAGE LIGE. (A).
FIEF LIGE, est celui pour lequel le vassal en faisant la foi et hommage à son seigneur dominant, promet de le servir envers et contre tous, et y oblige tous ses biens.
Le possesseur d'un fief lige est appelé vassal lige, ou homme lige de son seigneur ; l'hommage qu'il lui rend est appelé hommagelige, et l'obligation spéciale qui attache ce vassal à son seigneur, est appelée dans les anciens titres ligence ou ligeité.
Le fief lige est opposé au fief simple.
La différence que les feudistes français font entre ces deux sortes de fiefs ; est que l'hommage simple que le vassal rend pour un fief simple, n'est nullement personnel, mais purement réel ; il n'est rendu que pour raison du fonds érigé en fief, auquel fonds il est tellement attaché, que dès que le vassal le quitte, ce qu'il peut faire en tout temps, etiam invito domino, il demeure dès cet instant libre de l'obligation qu'il avait contractée, laquelle passe avec le fonds à celui qui y succede.
L'hommage lige au contraire magis cohaeret personae quam patrimonio ; et quoique la ligence affecte le fonds, qui par la première érection y a été assujetti, le possesseur qui s'en est fait investir, se charge personnellement du devoir de vassal lige ; il y affecte tous ses autres biens sans jamais pouvoir s'en affranchir, non pas même en quittant le fief lige, ne pouvant jamais le faire sans le consentement de son seigneur.
Il y a aussi cela de particulier dans l'hommage que l'on rend pour un fief lige, que cet hommage, à chaque fois qu'il est rendu, doit être qualifié d'hommagé lige ; c'est pourquoi à chaque nouvelle reception en foi, le vassal devait en signe de sujétion mettre ses mains jointes en celles de son seigneur, et ensuite être admis par lui au baiser.
Les auteurs ne sont pas trop d'accord sur l'étymologie de ce mot lige.
Les uns ont écrit que le fief était appelé lige à ligando, parce que le vassal était lié à son seigneur féodal, lui jurant et promettant une fidélité toute singulière. Jason, de usib. feud. n. 108.
D'autres tel que Matheus, sur la decis. 309. de Guypape, ont avancé que le fief lige avait pris ce nom de l'effet et de la suite des obligations sous lesquelles il avait été originairement donné, en ce que ceux qui s'en faisaient investir, étaient soumis et engagés à des conditions plus onéreuses que celles qui étaient attachées aux fiefs simples.
D'autres encore ont tenu que ce terme lige venait de la forme particulière qui se rendait pour ces sortes de fiefs, savoir, que les pouces du vassal étaient liés et ses mains jointes entre celles de son seigneur ; opinion que Ragueau, au mot hommage lige, traite avec raison de ridicule.
Quelques-uns ont soutenu que le mot lige tirait son origine de la ligne et confédération que quelques personnes font ensemble, en ce que les seigneurs et les vassaux se liguaient et confédéraient par serment les uns aux autres ; et sur ce fondement les feudistes allemands prétendent que les fiefs liges ont commencé en Italie, et qu'ils ont été ainsi appelés à liga, mot italien, qui selon eux signifie ligue ; opinion que Dargentré parait avoir adoptée après Albert Krantz : mais Brodeau sur Paris, art. lxiij. dit que liga est un ancien mot français, qui signifie colligationem, pacem et confederationem, une ligue.
Mais il est constant que liga n'est ni italien ni français ; une ligue en italien, c'est lega. D'ailleurs l'origine des fiefs liges ne peut venir d'Italie, puisque les constitutions napolitaines, quoique postérieures en partie aux usages des fiefs, ne parlent point de fiefs liges.
Le mot liga n'est pas non plus gaulois ; car les fiefs liges n'ayant commencé à être connus que bien avant dans le XIIe siècle, comme on le prouvera dans un moment, il est aisé de connaître par les auteurs de ce temps, que leur langage n'était point thiais.
Quelques-uns ont encore voulu tirer le mot lige du grec , à quoi il n'y a aucune apparence, la langue grecque n'étant pas alors assez familière pour en tirer cette dénomination.
S. Antonin, sous l'an 1224, écrivant la manière dont S. Jean d'Angely se rendit à Louis VIII. dit que l'abbé et les bourgeois rendirent la ville au roi, ei ligam exhibentes fidelitatem. Le jésuite Maturus explique ce mot liga par obsequium : mais S. Antonin qui vivait jusqu'au milieu du XVe siècle, n'a parlé que sur la foi de Vincent de Beauvais, en son miroir historial où, sous l'an 1224, il dit en parlant du même fait, legitimam facientes ei fidelitatem ; ainsi ou le texte a été corrompu, ou c'est une abréviation qui a été mal rendue.
Parmi tant d'opinions controversées, la première qui fait venir le mot lige à ligando, parait la plus naturelle.
Pour ce qui est de l'origine des fiefs liges, ou du moins du temps où ils ont commencé à être qualifiés du surnom de liges, l'époque n'en remonte guère plus haut que dans le XIIe siècle, vers l'an 1130.
En effet, il n'en est fait aucune mention dans les monuments qui nous restent du temps des deux premières races de nos rais, tels que la loi salique, les formules de Marculphe, et celles des auteurs anonymes ; ni dans les ouvrages de Gregoire de Tours, Frédégaire, Nitard, Thegan, Frodoard, Aymoin, Flodoard ; ni même dans les capitulaires de Charlemagne, de Louis le Débonnaire et de Charles le Chauve, quoique les usages des fiefs, tant simples que de dignité, qui se pratiquaient alors en France, et les devoirs réciproques des seigneurs et des vassaux, y soient assez détaillés.
On ne voit même point que les termes de lige, ligeance et ligeité, fussent encore usités sous les quatre premiers rois de la troisième race, dont le dernier, qui fut Philippe I. mourut en 1108.
Fulbert, chancelier de France, élevé à l'évêché de Chartres en 1007, et que l'on a regardé comme un homme consommé dans la jurisprudence féodale de son siècle, ne parle point des fiefs liges dans ses épitres, quoique dans plusieurs il traite des fiefs, et notamment dans la 101e, qui comprend en abrégé les devoirs réciproques du vassal et du seigneur.
Les fragments des auteurs qui ont écrit sous Henri I. et sous Philippe I. n'en disent pas davantage, non plus que Yves évêque de Chartres sous Philippe I. et sous Louis-le-Gros. Suger, abbé de Saint-Denis, n'en dit rien dans la vie de Louis-le-Gros, ni dans les mémoires qu'il a laissés des choses les plus importantes qui se sont passées de son temps, quoiqu'il y donne plusieurs éclaircissements sur les usages des fiefs.
On trouve dans le livre des fiefs un chapitre exprès de feudo ligio ; mais il est essentiel d'observer que ce chapitre n'est point de Gerard le Noir, ni de Obertus de Horto. Ces deux jurisconsultes, qui vivaient vers le milieu du XIIe siècle, ne sont auteurs que des trois premiers livres des fiefs, dans lesquels il n'est rien dit du fief lige.
Le chapitre dont on vient de parler, fait partie du quatrième livre, dans lequel on a ramassé les écrits de plusieurs feudistes anonymes ; et par les constitutions qui y sont citées de Frédéric I. dit Barberousse, qui tint l'Empire jusqu'en 1190, il parait que ces auteurs ne peuvent être au plutôt que de la fin du XIIe siècle, ou du commencement du XIIIe aussi Dumolin sur l'ancienne coutume de Paris, §. 1. gl. 5. n. 12. dit que ce mot lige est barbarius feudo : qu'il était encore inconnu du temps des livres des fiefs, et qu'il fut ensuite introduit pour exprimer qu'on se rendait homme d'un autre.
Il y a lieu de croire que la dénomination et les devoirs du fief lige furent introduits d'abord en France ; que ce fut sous le règne de Louis VI. dit le-Gros, lequel regna depuis l'an 1108 jusqu'en 1137.
Ce prince fut obligé de réprimer l'insolence des principaux vassaux de la couronne, lesquels refusaient absolument de lui faire hommage de leurs terres ; ou s'ils lui prêtaient serment de fidélité, ils se mettaient peu en peine de l'enfreindre, s'imaginant être libres de s'en départir, selon que leurs intérêts particuliers ou ceux de leurs alliés semblaient le demander.
Ce fut sans-doute le motif qui porta Louis-le-Gros à revêtir l'hommage de solennités plus rigoureuses que celles qui avaient été pratiquées jusqu'alors, et d'obliger ses vassaux de se reconnaître ses hommes liges ; d'où leurs fiefs furent appelés fiefs liges, pour les distinguer des fiefs simples subordonnés à ceux-ci, dont aucun n'avait encore la qualité ni les attributs de fief lige.
C'est aussi probablement ce que l'abbé Suger a eu en vue, lorsqu'il a parlé des précautions singulières que Louis-le-Gros prit pour s'assurer de la fidélité de Foulques, comte d'Anjou : l'hommage fut suivi de serments réitérés, on donna au roi plusieurs ôtages ; et dans l'hommage lige fait en 1190 par Thibaut, comte de Champagne, à Philippe-Auguste, le serment fut fait sur l'hostie et sur l'évangîle : plusieurs personnes qualifiées se rendirent aussi avec serment, cautions de la fidélité du vassal, jusqu'à promettre de se rendre prisonniers dans les lieux spécifiés, au cas que dans le temps convenu le vassal n'amendât pas son manque de fidélité, et d'y garder prison jusqu'à ce qu'il l'eut réparé. Enfin le comte se soumit à la puissance ecclésiastique, afin que sa terre put être mise en interdit si-tôt que le délai serait expiré, s'il n'avait amendé sa faute.
Cette formule d'hommage étant toute nouvelle, et beaucoup plus onéreuse que la formule ordinaire, il fallut un nom particulier pour la désigner ; on l'appela hommage lige.
Le continuateur d'Aymoin, dont l'ouvrage fut parachevé en 1165, rapporte l'investiture lige du duché de Normandie, accordée par Louis VII. dit le Jeune, à Henri fils de Geoffroi comte d'Anjou ; ce qui arriva vers l'an 1150. Il dit en propres termes, et eum pro eadem terra in hominem ligium accepit.
L'usage des fiefs liges fut introduit à-peu près dans le même temps dans le patrimoine du saint siège, en Angleterre et en Ecosse, et dans les autres souverainetés qui avaient le plus de liaisons avec la France.
On voit pour l'Italie, que l'anti-pape Pierre de Léon étant mort en 1138, ses frères reprirent d'Innocent II. les fiefs qu'ils tenaient de l'église, et lui en firent l'hommage lige, et facti homines ejus ligii juraverunt ei ligiam fidelitatem : c'est ainsi que saint Bernard le rapporte dans son épitre 320. adressée à Geoffroi lors prieur de Clairvaux.
Le même pape Innocent II. ayant en 1139 investi le comte Roger du royaume de Sicîle et autres terres, la charte d'investiture fait mention que Roger lui fit l'hommage lige, qui nobis et successoribus nostris ligium homagium fecerint ; termes qui ne se trouvent point dans l'investiture des mêmes terres, accordée en 1130 : ce qui suppose que l'usage des fiefs liges n'avait été introduit en Italie qu'entre l'année 1130 et l'année 1137.
On trouve aussi dans le septième tome des conciles, part. II. la sentence d'excommunication fulminée l'an 1245 par Innocent VI. au concîle de Lyon contre l'empereur Frédéric second qui fait mention expresse d'hommage lige. Une partie de cette sentence est rapportée dans le sexte. Un des crimes dont Frédéric était prévenu, était qu'en persécutant l'Eglise il avait violé le serment solennel dont il s'était lié envers elle, lorsqu'en recevant du pape Innocent III. l'investiture du royaume de Sicile, il s'était reconnu vassal lige du saint siège.
Les fiefs liges sont de deux sortes ; les uns primitifs et immédiats ; les autres subordinés, médiats et subalternes.
Les premiers, qui sont les plus anciens, relèvent nuement du roi ; les autres relèvent des vassaux de la couronne ou autres seigneurs particuliers, lesquels eurent aussi l'ambition d'avoir des vassaux liges, ce qui n'appartenait pourtant régulièrement qu'aux souverains : aussi les fiefs liges médiats et subalternes ne furent-ils point d'abord reçus en Italie, et c'est sans-doute la raison pour laquelle les auteurs des livres des fiefs n'en ont point parlé.
L'origine des fiefs liges, médiats et subordinés, n'est que de la fin du règne de Louis VII. dit le Jeune, et voici à quelle occasion l'usage en fut introduit. Henri II. roi d'Angleterre, prétendait, du chef d'Eléonor de Guienne sa femme, que le comté de Toulouse lui appartenait. Après de longues guerres, Raymond, comte de Toulouse, s'accorda avec Henri, roi d'Angleterre, en se rendant son vassal lige pour le duché de Guienne. Louis-le-Jeune ne put supporter qu'un duc de Guienne eut des vassaux liges, ce qu'il savait n'appartenir qu'aux souverains. On apprend ces faits par l'épitre 153. de Pierre de Blais. Le tempérament que l'on trouva pour terminer ce différend, fut que le comte de Toulouse demeurerait vassal lige du roi d'Angleterre, comme duc de Guienne, sauf et excepté néanmoins l'hommage lige qu'il devait au roi de France. Voyez Catel, hist. de Toulouse, liv. II. ch. Ve
Deux choses sont requises, suivant Dumolin, pour donner à un fief le caractère de fief lige ; savoir que dans la première investiture le fief soit qualifié lige ; et que le serment de fidélité soit fait au seigneur, pour le servir envers et contre tous, sans exception d'aucune personne.
Cette définition de Dumolin n'est pourtant pas bien exacte ; car les fiefs tenus immédiatement de la couronne, n'ont pas été d'abord qualifiés de fiefs liges par les premiers actes d'investiture ; et à l'égard des fiefs liges médiats et subordinés, le vassal ne doit pas y promettre au seigneur de le servir contre tous sans exception, le souverain doit toujours être excepté.
L'obligation personnelle du vassal de servir son seigneur envers et contre tous, ne fut pas l'effet de l'hommage lige à l'égard des fiefs liges immédiats : car les vassaux de la couronne avaient toujours été obligés tacitement à servir leur souverain, avant que la formule de l'hommage lige fût introduite ; et les formalités ajoutées à cet hommage, qui le firent qualifier de lige, ne furent que des précautions établies pour assurer et faciliter l'exécution de cette obligation personnelle, tant sur la personne du vassal et sur son fief, que sur tous ses autres biens.
Pour ce qui est des fiefs liges médiats et subordinés, auxquels l'obligation personnelle de servir le seigneur n'était pas de droit attachée, on eut soin de l'exprimer dans les premières investitures ; il s'en trouve des exemples dans le livre des fiefs de l'évêché de Langres, dans plusieurs concessions de la fin du XIIIe siècle : mais les hommages subséquents à la première investiture, ne reprenaient point nommément l'obligation personnelle de tous biens, étant suffisamment sous-entendue par la qualité de fief lige ou d'hommage lige.
Les obligations de l'hommage lige furent dans la suite des temps trouvées si onéreuses, que nombre de vassaux liges firent tous leurs efforts pour se soustraire à ces obligations.
C'est ainsi que malgré les hommages liges rendus pour le duché de Bretagne par Arthus I. à Philippe-Auguste, au mois de Juillet 1202 ; par Pierre de Dreux, dit Mauclerc, tant au même Philippe-Auguste, le dimanche avant la Chandeleur 1212, qu'au roi S. Louis par le traité d'Angers de l'an 1231 ; et par Jean, dit le Roux, au même roi S. Louis en 1239, leurs successeurs au duché de Bretagne prétendirent ne devoir que l'hommage simple, et ne purent jamais être réduits à s'avouer hommes et vassaux liges : nos rois se contentèrent que l'hommage fût rendu tel qu'il avait été fait par les précédents ducs de Bretagne. Les chanceliers de France firent des protestations à ce sujet ; les ducs en firent de leur part dans le même acte, comme on voit dans les fois et hommages des ducs de Bretagne, de 1366, 1381, 1403, 1445 et 1458.
Les historiens ont aussi remarqué qu'en 1329 Edouard III. roi d'Angleterre, s'étant rendu en France pour porter l'hommage qu'il devait à Philippe de Valais pour le duché de Guienne et comté de Ponthieu, refusa de le faire en qualité d'homme lige, alléguant qu'il ne devait pas s'obliger plus étroitement que ses prédécesseurs. On reçut pour lors son hommage conçu en termes généraux, avec serment qu'il ferait dans la suite la foi en la même forme que ses prédécesseurs. Etant ensuite retourné en Angleterre, et ayant été informé qu'il devait l'hommage lige, il en donna ses lettres, datées du 30 Mars 1331, par lesquelles il s'avouait homme lige du roi de France, en qualité de duc de Guienne, de pair de France, et de comte de Ponthieu.
Le jurisconsulte Jason, qui enseignait à Padoue en 1486, dans son traité super usib. feudor. et Sainxon sur l'ancienne coutume de Tours, remarquent tous deux n'avoir trouvé dans tout le droit qu'un seul texte touchant l'hommage lige ; savoir en la clémentine, appelée vulgairement pastoralis, qui est une sentence du pape Clément V. rendue en 1313, par laquelle il cassa et annulla le jugement que Henri VII. empereur, avait prononcé contre Robert, roi de Sicile, fondée entr'autres moyens sur ce que Robert étant vassal lige de l'Eglise et du saint siège, à cause du royaume de Sicile, Henri n'avait pu s'attribuer de juridiction sur lui, comme s'il eut été vassal de l'Empire, ni conséquemment le priver, comme il avait fait, de son royaume.
Les livres des fiefs, ajoutés au corps de Droit, contiennent aussi, comme on l'a déjà observé, un chapitre de feudo ligio.
Il faut encore joindre à ces textes, ceux des coutumes qui parlent de fiefs liges, d'hommage lige, et de vassaux liges.
Il y avait autrefois deux sortes d'hommage lige ; l'un où le vassal promettait de servir son seigneur envers et contre tous, sans exception même du souverain, comme l'a remarqué Cujas, lib. II. feudor. tit. Ve et lib. IV. tit. xxxj. xc. et xcjx. et suivant l'article 50. des établissements de France, publiés par Chantereau ; et en son origine des fiefs, p. 16. et 17. L'autre sorte d'hommage lige était celui où le vassal, en s'obligeant de servir son seigneur contre tous, en exceptait les autres seigneurs dont il était déjà homme lige. Il y en a plusieurs exemples dans les preuves des histoires des grandes maisons. Voyez aussi Chantereau, des fiefs, p. 15. et 16.
Les guerres privées que se faisaient autrefois les seigneurs entr'eux, dont quelques-uns osaient même faire la guerre à leur souverain, donnèrent lieu aux arriere- fiefs liges et aux hommages liges dû. à d'autres seigneurs qu'au roi ; mais les guerres privées ayant été peu-à-peu abolies, l'hommage lige ne peut régulièrement être dû qu'au roi : quand il est rendu aux ducs et autres grands seigneurs, on doit excepter le roi.
La foi et hommage dû. pour les fiefs liges, doit toujours être faite par le vassal en personne, de quelque condition qu'il sait, même dans les coutumes où le vassal simple est admis à faire la foi par procureur, comme dans celle de Peronne, Montdidier et Roye, art. 53. Voyez les traités des fiefs, et les commentateurs des coutumes, sur le titre des fiefs ; le premier factum de M. Husson, qui est dans les œuvres de Duplessis ; et HOMMAGE LIGE, HOMME LIGE, VASSAL LIGE. Voyez aussi ci-dev. FIEF DEMI-LIGE, et ci-après FIEF A SIMPLE HOMMAGE LIGE, FIEF TENU A PLEIN LIGE. (A)
FIEF DE MAITRE ou OFFICIER, ou FIEF D'OFFICE, est celui qui consiste dans un office inféodé. Voyez OFFICE INFEODE. (A)
FIEF MASCULIN, est celui qui est affecté aux mâles à l'exclusion des femelles.
Dans l'origine tous les fiefs étaient masculins ; les femmes n'y succédaient point, et elles ne pouvaient en acquérir. Dans la suite on a admis les femelles à concourir avec les mâles en pareil degré dans la succession directe, et en collatérale à défaut de mâles.
Mais il y a certains grands fiefs qui sont toujours demeurés masculins, tels que le royaume de France ; c'est pourquoi on dit qu'il ne tombe point en quenouille.
Les duchés-pairies sont aussi des fiefs masculins, à l'exception des duchés qu'on appelle femelles, à cause que les femmes y succedent. Voyez DUCHE. Voyez ci-devant FIEF FEMININ. (A)
FIEF MEDIAT, est celui qui forme un arriere- fief par rapport au seigneur suzerain. Voyez ARRIERE-FIEF. Il est opposé au fief immédiat. (A)
FIEF MEMBRE DE HAUBERT, est une portion d'un fief de haubert en Normandie. Un fief de cette qualité peut être partagé entre filles jusqu'en huit parties, et alors chaque partie est appelée membre de haubert ; mais s'il y a plus de huit parties, en ce cas aucune n'a court ni usage ; elles sont tenues comme fief vilain. Voyez FIEF DE HAUBERT, FIEF VILAIN, et le gloss. de Laurière au mot fief. (A)
FIEF MENU au pays de Liège, est celui qui n'a aucune juridiction, il est opposé au plein fief. Voyez ci-après. PLEIN FIEF. (A)
FIEF DE MEUBLES, on donne quelquefois ce nom à un fief abonné, c'est-à-dire celui dont les reliefs ou rachats, quints et requints, et quelquefois l'hommage même, sont changés et convertis en rentes ou redevances annuelles, payables en deniers ou en grains. Voyez Loysel, liv. I. tit. j. règle 72. avec l'observation de M. de Laurière. (A)
FIEF MILITAIRE, feudum militare, seu francale militare, signifiait un fief qui ne pouvait être possédé que par des nobles et non par des roturiers. On l'appelait fief militaire, parce qu'il obligeait le vassal au service militaire ; tous les seigneurs de fiefs et arriere- fiefs sont encore sujets à la convocation du ban ou arriere-ban. Voyez le gloss. de Ducange au mot feudum francale et feudum militare.
Les Anglais appellent fief militaire, ce que nous appelons fief de haubert ou de chevalier, feudum loricae. Ce fief oblige en effet le vassal de rendre le service militaire à son seigneur dominant. Voyez FIEF DE CHEVALIER, EF DE HAUBERTBERT. (A)
FIEFS DE MIROIR, dans les coutumes de parage sont les fiefs ou portions de fief des puinés garantis sous l'hommage de l'ainé. Ils ont été ainsi appelés, parce que dans les coutumes de parage l'ainé est par rapport au seigneur dominant le seul homme de fief, et par rapport aux puinés une espèce d'homme vivant et mourant, sur lequel le seigneur féodal se règle et mire, pour ainsi parler, pour régler ses droits seigneuriaux ; c'est aussi de-là que dans le Vexin français le parage est appelé mirouer de fief. Voyez les notes de M. de Laurière sur le glossaire de Ragueau au mot fief boursal vers la fin, et aux mots FRERAGE et PARAGE. (A)
FIEF MORT, qui est opposé à fief vif, est proprement un sous-acasement et un héritage tenu à rente seche, non à cens ou rente foncière ; c'est lorsque le fief ne porte aucun profit à son seigneur. Voyez la coutume d'Acqs, tit. VIIIe art. 2. 5. 6. 7. et 8. Voyez FIEF VIF. (A)
FIEF MOUVANT D'UN AUTRE, c'est-à-dire qui en dépend et en relève à charge de foi et hommage et autres droits et devoirs, selon que cela est porté par l'acte d'inféodation. (A)
FIEF NOBLE, est entendu de diverses manières : selon Balde, le fief noble est celui qui annoblit le possesseur ; définition qui ne convient plus aux fiefs même de dignité, car la possession des fiefs n'annoblit plus. Selon Jacob de Delvis, in praelud. feudor. et Jean André, in addit. ad speculator. rubric. de praescript. le fief noble est proprement celui qui est concedé par le souverain, comme sont les duchés, marquisats et comtés : le fief moins noble est celui qui est concedé par les ducs, les marquis, et les comtes : le médiocrement noble, est celui qui est concedé par les vassaux qui relèvent immédiatement des ducs, des marquis, et des comtes. Enfin le fief non noble est celui qui est concedé par ceux qui relèvent de ces derniers vassaux, c'est-à-dire qui est tenu du souverain en quart degré et au-dessous. En Normandie on appelait fief noble, celui qui était possedé à charge de foi et hommage et de service militaire, et auquel il avait court et usage ; au lieu que s'il était possedé à la charge de payer des tailles, des corvées, et autres vilains services, c'était un fief roturier. Voyez l'ancienne coutume de Normandie, ch. liij. à la fin, et ch. lxxxvij. et la nouvelle, art. 2. et 336. Terrier, liv. V. ch. clxxj. Berault, sur l'art. 2. et 100. Basnage, p. 164. tom. I. Voyez ci-devant FIEF COTTIER, et ci-après FIEF ROTURIER, FIEF VILAIN. (A)
FIEF NON NOBLE ou ROTURIER, ou FIEF ABREGE, et RESTRAINT. Voyez ci-devant FIEF ABREGE, et FIEF NOBLE. (A)
FIEF DE NU A NU ; on donne quelquefois ce nom aux fiefs qui relèvent nuèment et sans moyen du prince. (A)
FIEF EN NUESSE, dans les coutumes d'Anjou et du Maine, signifie celui dans l'étendue duquel se trouvent les héritages auxquels le seigneur peut prétendre quelque droit ; car nuesse est l'étendue de la seigneurie féodale ou censuelle dont les choses sont tenues sans moyen et nuement. Voyez la coutume d'Anjou, art. 10. 12. 13. 29. 61. 221. 351. Maine, art. 9. 11. 13. 34. 236. et 362. et Brodeau, sur l'article 13. (A).
FIEF OUBLIAL, est celui qui est chargé envers le seigneur dominant d'une redevance annuelle d'oublies ou pains ronds appelés pains d'hotelage et oublies, oblitae quasi oblatae, parce que ces oublies doivent être présentées au seigneur.
Cette charge ne peut guère se trouver que sur des fiefs cottiers ou roturiers, et non sur des fiefs nobles. Voyez le gloss. de M. de Laurière au mot obliage. (A)
FIEF OUVERT, est celui qui n'est point rempli, et dont le seigneur dominant n'est point servi par faute d'homme, droits et devoirs non faits et non payés.
Le fief est ouvert quand il y a mutation de vassal jusqu'à ce qu'il ait fait la foi et hommage, et payé les droits.
La mort civîle du vassal fait ouverture au fief, à moins que le vassal ne fût un homme vivant et mourant donné par des gens de main-morte ; parce que n'étant pas propriétaire du fief, il n'y a que sa mort naturelle qui puisse former une mutation.
Quand le vassal est absent, et qu'on n'a point de ses nouvelles, le fief n'est point ouvert, sinon après que l'absent aurait atteint l'âge de cent ans.
Toute sorte d'ouverture du fief ne donne pas lieu aux droits seigneuriaux, les mutations par vente ou autre contrat équipollant produisent des droits de quint, les successions et les donations en directe ne produisent aucuns droits ; toutes les autres mutations produisent communément un droit de relief. Voyez MUTATIONS, QUINT, RACHAT, RELIEF.
Tant que le fief est ouvert, le seigneur peut saisir féodalement ; pour prévenir cette saisie, ou pour en avoir main-levée lorsqu'elle est faite, il faut couvrir le fief, c'est-à-dire faire la foi et hommage, et payer les droits. Voyez FIEF COUVERT, OUVERTURE DE FIEF, SAISIE FEODALE. (A)
FIEF EX PACTO ET PROVIDENTIA, ou FIEF PROPRE, est celui dont la concession a été faite à un mâle purement et simplement, sans aucune clause qui exprime quel ordre de succéder sera observé entre les héritiers de l'investi, de manière que la succession à ce fief est réglée par les lois féodales qui n'admettent que les mâles descendus de l'investi et jamais les filles ; c'est pourquoi on l'appelle aussi fief masculin. Il est opposé au fief héréditaire que l'on ne peut recueillir sans être héritier du dernier possesseur, au lieu que le fief ex pacto ou proprement dit peut être recueilli en vertu du titre d'investiture, même en renonçant à la succession du dernier possesseur. Voyez Struvius, syntagm. jurispr. feud. cap. IVe n. 12. et ci-devant FIEF HEREDITAIRE. (A)
FIEF TENU EN PAIRIE, est celui dont les hommes ou les possesseurs sont tenus de juger ou d'être jugés à la semonce de leur seigneur, suivant les termes de Bouteiller dans sa somme rurale, liv. I. tit. IIIe pag. 13. Voyez l'art. 66. de la coutume de Ponthieu, et les mots CONJURE, HOMMES DE FIEFS, PAIRIE, PAIRS.
Il est parlé de ces fiefs dans l'article Xe de la coutume de S. Pol, où l'on voit qu'ils doivent dix livres de relief, et qu'ils sont différents des fiefs tenus à plein lige. Voyez FIEF TENU A PLEIN LIGE. (A)
FIEF DE PAISSE, feudum procurationis ; c'est un fief chargé tous les ans d'un ou de plusieurs repas envers une communauté ecclésiastique. Voyez Salvaing, traité de l'usage des fiefs, chap. lxxjv ; Ducange, gloss. verbo procuratio, et GISTE. (A).
FIEF PARAGER, dont il est parlé dans la coutume de Normandie art. 134. et 135. est la portion d'un fief qui est tenue en parage, c'est-à-dire avec pareil droit que sont tenues les autres portions du même fief. Voyez PARAGE. (A)
FIEF PATERNEL, ANCIEN ou PATRIMONIAL. Voyez ci-devant FIEF ANCIEN, et ci-après FIEF PATRIMONIAL. (A).
FIEF PATRIMONIAL, est celui qui est provenu au vassal par succession, donation ou legs de sa famille, à la différence des fiefs acquis pendant le mariage ou pendant le veuvage, qui dans certaines coutumes sont appelés fiefs d'acquêts, et se partagent différemment. Voyez la coutume de Hainault, chap. lxxvj. et ce qui est dit ci-devant au mot FIEF D'ACQUET. (A).
FIEF PERPETUEL, est celui qui est concédé au vassal pour en jouir à perpétuité lui et les siens et ses ayans cause, il est opposé au fief annal, au fief à vie ou autre fief temporaire ; présentement tous les fiefs sont perpétuels, suivant le droit commun. Voyez FIEF ANNAL, ANNUEL, A VIE, DE RENTE, TEMPORAIRE. (A).
FIEF PERSONNEL, est celui qui n'a été concédé que pour celui que le seigneur dominant en a investi et qui ne passe point à ses héritiers. Rasius parle de ces sortes de fiefs, part. III. de feudis : s'il parait que le fief personnel est le même que l'on appelle aussi fief d'habitation. Ibid. (A)
FIEF DE PIETE. Voyez ci-dev. FIEF DE DEVOTION.
FIEF PLAIN, ou comme on l'écrit communément, quoique par erreur fief plein ou plutôt plein fief ; c'est celui qui est mouvant d'un autre directement et sans moyen, à la différence de l'arrière fief qui ne relève que médiatement. Voyez les coutumes de Nivernais, tit. xxxvij. art. 9. et 18. Montargis, ch. j. art. 44. 45. 67. 68. Orléans, chap. 1. art. 47. 48. 67. 68. Chartres, 65. Dunais, 15. et 21. Bourbonnais, 373. 388. Auxerre, 52. 67. 72. Bar, 21. et 24. et au procès-verbal de la coutume de Berry ; Melun, 74. et 75. Clermont, 199. Troie., 45. 190. Laon, 260. Rheims, 222.
Plein-fief, en quelques pays, signifie un grand fief qui a justice annexée à la différence du menu fief qui n'est de pareille valeur et n'a aucune juridiction. Voyez le stîle du pays de Liège, chap. xxv. art. 21. et le ch. xxvj. (A).
FIEF DE PLEJURE, est celui qui oblige le vassal de se rendre plège et caution de son seigneur dans certains cas : il reste encore des vestiges de ces sortes de fiefs dans les coutumes de Normandie, art. 205. de Bretagne art. 87. et en Dauphiné, suivant la remarque de M. Salvaing, ch. lxxiij. (A).
FIEF PRESBYTERAL, était de deux sortes ; l'un était un fief possédé par un laïc, consistant en revenus ecclésiastiques, tenus en fief d'un curé ou autre prêtre ; l'autre sorte de fief presbytéral avait lieu, lorsque les seigneurs laïcs, qui avaient usurpé des chapelles, bénéfices, offrandes et revenus ecclésiastiques, les vendaient aux prêtres, à la charge de les tenir d'eux en fief ; mais comme il était indécent que des ecclésiastiques tinssent en fiefs leurs propres offrandes et leurs propres revenus de seigneurs, ces sortes de fiefs presbytéraux furent défendus par un concîle tenu à Bourges en 1031, can. 21. en ces termes : ut seculares viri ecclesiastica beneficia quos fevos presbyterales vocant, non habeant super presbyteros, etc. Voyez Belium, in episcopis pictavini, pag. 73. 85. et in comit. pag. 384. 407. et Gervasium, in obronico, col. 1387. art. 11. tom. III. hist. Francor. Voyez aussi l'Orbandalle, tom. II. pag. 7. au trait de la jurisd. de l'évêq. de Châlons ; M. de Marca, en son hist. de Bearn, pag. 219. Voyez ci-devant FIEF EPISCOPAL. (A).
FIEF PRIN, quasi feudum primum ; c'est le fief du seigneur supérieur : il est ainsi appelé dans la coutume de Bayonne. (A).
FIEF DE PROCURATION, feudum procurationis, était un fief chargé de quelques repas par chaque année envers le seigneur dominant et sa famille : cette dénomination vient du latin procurare, qui signifie se bien traiter, faire bonne chère. Voyez Poquet de Livonieres, traité des fiefs, chap. IIIe Voyez ci-devant FIEF DE PAISSE. (A).
FIEF DE PROFIT, sont ceux qui produisent des droits en cas de mutation des héritages qui en relèvent, au profit du seigneur dominant : ils sont opposés aux fiefs d'honneur, pour lesquels il n'est dû que la foi et hommage. Les fiefs de Dauphiné sont de danger et de profit. Voyez Salvaing, part. I. ch. IIe et IIIe et ci-devant FIEF D'HONNEUR. (A)
FIEF PROPRE, s'entend souvent de celui qui a fait souche dans une famille. Voyez FIEF ANCIEN.
Mais le terme de fief propre est aussi quelquefois opposé à fief impropre ; de manière que fief propre est celui qui a véritablement le caractère de fief qui est tenu noblement, et chargé seulement de la foi et hommage des droits de quint ou de relief, aux mutations qui y sont sujettes, à la différence du fief impropre ou improprement dit, tel que le fief roturier ou non noble. Voyez FIEF ex pacto et providentia, FIEF COTTIER, COUTUMIER, NON NOBLE, ROTURIER, RURAL. (A)
FIEFS PROPRIETAIRES, sont ceux que le vassal possède en propriété, et qui sont patrimoniaux, et passent à ses héritiers et ayans cause, à la différence des bénéfices qui n'étaient qu'à temps ou à vie.
Il y avait de ces fiefs dès le temps de la première race de nos rois ; mais ils ne devinrent communs que vers la fin de la seconde race et au commencement de la troisième. Voyez FIEFS PATRIMONIAUX. (A)
FIEF DE PROTECTION. On donna ce nom à des aleux ou francs-aleux, dont les possesseurs se voyant opprimés par des seigneurs puissants, mettaient leurs aleux sous la protection de quelques grands ; dans la suite ces fiefs de protection sont devenus des fiefs servants de ces grands, et par ce moyen arriere- fiefs de la couronne. Voyez les instit. féod. de Guyot, ch. j. n°. 8. (A)
FIEF EN QUART-DEGRE, voyez ci-après FIEF TENU EN QUART-DEGRE.
FIEF RECEVABLE et NON RENDABLE, est celui dans le château ou manoir duquel le vassal est obligé de recevoir son seigneur dominant, lorsque celui-ci juge à-propos d'y venir pour sa commodité, de manière néanmoins que le vassal n'est pas obligé de le céder entièrement ni d'en sortir. Voyez FIEF RENDABLE. (A)
FIEF EN REGALE ; quelques-uns ont ainsi appelé le fief royal ou de dignité, feudum magnum et quaternatum. Voyez FIEF DE DIGNITE et FIEF ROYAL ; le glossaire de Laurière, au mot fief en chef. (A)
FIEF RENDABLE, feudum reddibile, était celui que le vassal devait rendre à son seigneur pour s'en servir dans ses guerres. N. Aubret, dans ses mémoires manuscrits sur l'histoire de Dombes, dit que le fief rendable devait être rendu au seigneur supérieur en quelque état qu'il parut, soit avec peu ou beaucoup de troupes ; et en effet la coutume de Bar, art. 1. dit que la coutume est telle, que tous les fiefs tenus du duc de Bar, en son bailliage dudit Bar, sont fiefs de danger rendables à lui à grande et petite force, sous peine de commise. M. Ducange a traité fort au long des fiefs jurables et rendables dans sa trentième dissertation sur Joinville. Voyez aussi le for d'Aragon, fol. 130. v°. col. 1. et ci-devant FIEF JURABLE. (A)
FIEF DE RENTE, c'est lorsqu'une rente est assignée sur un fief avec retention de foi : il n'y a régulièrement que des rentes foncières non rachetables, que l'on puisse ainsi ériger en fief ; parce que suivant le droit présent des fiefs, le fief est de sa nature perpétuel, encore faut-il qu'il y ait retention expresse de foi, si ce n'est dans la coutume de Montargis, où la foi, dans ce cas, est censée retenue, ce qui parait répugner aux principes.
Une rente rachetable, suivant le bail à rente, ne peut être fief, parce que le débiteur est le maître de l'amortir, et qu'il ne doit pas dépendre du vassal d'éteindre et abolir le fief, ce qui arriverait néanmoins par le rachat.
Les rentes constituées à prix d'argent, ne peuvent pareillement former des fiefs, si ce n'est dans les coutumes où le créancier est nanti, et se fait recevoir en foi pour la rente ; telles sont celles qu'en Normandie on appelle rentes hypothèques ; en Picardie, rentes nanties sur le fief du débiteur ; et que dans la très-ancienne coutume de Paris, on appelait rentes par assignat, lesquelles emportaient aliénation du fonds au prorata de la rente. Ces rentes, dit-on, peuvent être tenues en fief ; le créancier se fait recevoir en foi, comme cela se pratique suivant la coutume de Cambrai, tit. j. art. 30. et 38. Berri, tit. des fiefs, art. 5. Ribemont, 79. Orléans, art. 5. Ces sortes de rentes forment un fief conditionnel, tant que la rente subsistera : fief qui est distinct et séparé de celui du vassal qui s'est chargé de la rente. Voyez Dumoulin sur Paris, §. 13. hodiè 20. gl. 5. n°. 58. et §. 28. n°. 11. et seq. Guyot, instit. féod. et ci-devant FIEF CONDITIONNEL, et ci-après FIEF DE REVENUE. (A)
FIEF DE REPRISE, était lorsque le possesseur d'un héritage allodial et noble le remettait à un seigneur, non pas simplement pour se mettre sous sa protection, moyennant une somme convenue et quelques autres fonds de terre que ce seigneur lui donnait ; par le même acte le possesseur de l'aleu reprenait en fief cet aleu du seigneur acquéreur, à la charge de la foi et hommage. M. Brusselles, tom. I. pag. 126. en rapporte plusieurs exemples, tirés des cartulaires de Champagne, entr'autres un acte du mois de Janvier 1220, vieux style.
Cet aleu devenait par ce moyen fief servant de ce haut seigneur, et arriere- fief de la couronne. Voyez Salvaing, des fiefs, ch. xljv.
Il ne faut pas confondre ces fiefs de reprise avec ce que l'on appelle en Bourgogne reprise de fief, qui est quand le nouveau vassal fait l'hommage ; il reprend son fief des mains du seigneur. (A)
FIEF RESTRAINT ou ABREGE, voyez ci-devant FIEF ABREGE.
FIEF DE RETOUR, c'était lorsque le prince donnait quelque terre, château ou seigneurie en fief à quelqu'un et à ses descendants mâles, à l'exclusion des femelles, à condition qu'à défaut de mâles, ce fief ferait retour, c'est-à-dire reviendrait de plein droit au prince, ce qui ne se pratiquait guère qu'aux fiefs de haute dignité, comme duchés, comtés et marquisats.
Ceux qui étaient mieux conseillés, pour éviter ce retour, faisaient insérer dans l'inféodation cette clause-ci, et liberis suis sive successoribus in infinitum quibuscumque utriusque sexus, comme il fut fait en l'érection du comté du Pont-de-Vaux ; ou bien ils se faisaient quitter du droit de retour par un contrat particulier pour récompense de service, ou moyennant quelque finance, ainsi qu'il fut fait en l'érection de la terre de Mirebel en marquisat.
Depuis que les fiefs sont devenus patrimoniaux et héréditaires, on ne connait plus guère de fiefs de retour, si ce n'est les apanages, lesquels à défaut d'hoirs mâles, sont reversibles à la couronne ; car les duchés pairies dans le même cas, ne sont plus reversibles, le titre de duché-pairie est seulement éteint. Voyez APANAGE, DUCHE et PAIRIE, et l'hist. de Bresse, par Guichenon, chap. XIIe des fiefs (A)
FIEF DE RETRAITE participait de la nature du fief-lige ; mais il y avait cela de particulier, que le prince qui faisait une semblable inféodation ou concession, se réservait la liberté et le pouvoir, en cas de guerre ou de nécessité, de se servir du château qu'il avait donné en fief, lequel le vassal était tenu de lui rendre à sa première demande ; c'est pourquoi, dans les anciens titres, ce fief s'appelait feudum reddibile. Le sire de Thoire et de Villars inféoda sous cette condition la seigneurie de Mirigna en Bugei à Pierre de Chatard damoiseau ; cela se pratiqua aussi au comté de Bourgogne par Jean dit le Sage, comte de Bourgogne et seigneur de Salins, lequel donna à Jean son second fils, surnommé de Châlons, son château de Montgesson en Comté, in feudum ligium et casamentum jurabîle et reddibîle ; et quand le feudataire ne voulait point s'assujettir à cela, on en faisait une réserve expresse, comme on voit dans l'hommage que le dauphin de Viennais fit à l'archevêque de Lyon au mois de Janvier 1230, des châteaux d'Annonai et d'Argental : il est dit que le dauphin a pris ces terres in feudum francum sine redditione. Histoire de Bresse par Guichenon, ch. XIIe des fiefs. (A)
FIEF REVANCHABLE, EGALABLE, ECHEANT, et LEVANT, est ainsi appelé, parce que tous ceux qui le possèdent en général, et chacun d'eux en particulier, sont de la même condition, et également astraints aux mêmes devoirs et prestations envers leur seigneur. D'Argentré, sur l'art. 277. de l'ancienne coutume de Bretagne, en parlant de ces fiefs, leur donne ces qualifications. (A)
FIEF DE REVENUE, est celui qui est sans terres et sans titre d'office, qui ne consiste qu'en une rente ou pension, tenue à la charge de l'hommage, et assignée sur la chambre ou trésor du roi, ou sur le fisc de quelque autre seigneur : c'est de cette espèce de fief que parle Bracton, liv. IV. tract. 3. cap. IXe §. 6. feodum est id quod quis tenet ex quâcumque causâ sibi et heredibus suis, sive tenementum, sive sit reditus : ita quod reditus non accipiatur sub nomine ejus quod venit ex camerâ alicujus. Voyez Loyseau, traité des offices, liv. II. ch. IIe n°. 57. Voyez ci-devant FIEF CONDITIONNEL, FIEF DE RENTE. (A)
FIEF RIERRE, est la même chose qu'arriere-fief ; il est ainsi nommé dans l'ancienne assiette de Bourgogne, et en la dernière coutume du duché. Voyez ci-devant ARRIERE-FIEF. (A)
FIEF ROTURIER, feudum ignobile, est celui qui n'a ni justice, ni censive, ni fief mouvant de lui.
En Artais on nomme fief roturier celui qui n'a ni justice ni seigneurie, c'est-à-dire qui est sans mouvance. Ce fief roturier ne peut pas devenir noble, c'est-à-dire acquérir des mouvances par le bail à cens ou à rente seigneuriale du gros domaine du fief, sans le consentement du seigneur dominant ; mais si le seigneur ou ses officiers y ont une fois consenti, les baux à cens ou à rentes seigneuriales subsistent, et de roturier que le fief était auparavant, il devient fief noble ; de sorte qu'en Artais il est permis aux seigneurs de donner la justice et la seigneurie au fief roturier. Voyez Maillart, sur l'art. 17. de la coutume d'Artais.
Le fief roturier de Bretagne n'est pas proprement le fief, c'est la terre du fief donnée à cens, ou à rente, ou autre devoir roturier ; il est ainsi nommé fief roturier, parce que la terre du fief est possédée par un roturier, ou du moins roturièrement ; car le devoir retenu est toujours noble dans la main de celui qui le perçait, et il se partage comme noble. Voyez Guyot, instit. féod. ch. j. n°. 5.
On entend aussi quelquefois par fief roturier, celui qui était chargé de payer des tailles, des corvées, et autres services de vilain, c'est pourquoi on l'appelait aussi fief vilain. Voyez FIEF COTTIER, FIEF NOBLE, FIEF NON-NOBLE, FIEF RURAL, et l'ancienne coutume de Normandie, chap. liij. à la fin. (A)
FIEF ROYAL, est celui qui a été concédé par le roi avec titre de dignité, comme sont les principautés, duchés, marquisats, comtés, baronies : ces sortes de fiefs donnent tous le titre de chevalier à celui qui en possède un de cette espèce. Voyez Loyseau, en son traité des offices ; Cowel, lib. II. instit. tit. IIe §. 7. (A)
FIEF RURAL, dans quelques coutumes est la même chose que fief non noble ; il en est parlé dans la coutume de Nivernais, tit. IVe art. 27. 28. 29. et dans celle d'Acqs, tit. IIe Dans ces coutumes le fief noble est celui auquel il y a justice ou maison fort notable, édifice, motte, fossés, ou autres semblables signes de noblesse et d'ancienneté ; tous autres fiefs sont réputés ruraux et non nobles. (A)
FIEF DE SERGENTERIE, c'est un office de sergent tenu en fief, comme il y en a dans plusieurs provinces, et même au châtelet de Paris. Voyez HUISSIERS-FIEFFES et SERGENTERIE-FIEFFEE. (A)
FIEF SERVANT, est celui qui relève d'un autre fief qu'on appelle fief dominant, lequel est lui-même fief servant à l'égard du fief suzerain ; il est ainsi appelé à cause des services et devoirs qu'il doit au seigneur dominant.
Le fief servant, quant aux profits, est régi par la coutume du lieu où il est assis ; et quant à l'honneur du service, par la coutume du lieu du fief dominant. Voyez Coquille, tom. II. quest. 267. et Bouvot, troisième partie, au mot charge de fief. Voyez ci-devant FIEF DOMINANT et FOI et HOMMAGE. (A)
FIEF SERVI, est celui dont le possesseur a acquitté les droits et devoirs qui étaient dû. au seigneur dominant. Quand le fief est ouvert, il n'est pas servi ; ou bien on dit que le seigneur n'est pas servi de son fief. Voyez FIEF OUVERT. (A)
FIEF SIMPLE, est celui qui n'a aucun titre de dignité. Voyez ci-devant FIEF DE DIGNITE.
Le terme de fief simple est aussi opposé à fief lige. Voyez ci-devant FIEF LIGE.
En quelques pays, comme en Dauphiné, on entendait par fief simple, celui qui était sine mero et mixto imperio, c'est-à-dire qui n'avait ni la haute ni la moyenne justice, mais seulement la justice foncière, qui n'attribuait au seigneur d'un tel fief d'autre droit que celui de connaître des différends mus pour raison des fonds qui en relevaient. Cette juridiction était fort limitée, car tous les hommes liges du dauphin pouvaient appeler à sa cour des jugements rendus par d'autres seigneurs, quand il ne voulaient pas y acquiescer. Il y a même un article du statut delphinal, qui restreint encore davantage la juridiction attachée à ces fiefs simples, ne leur attribuant la connaissance des causes dont on a parlé, qu'au cas exprimé par ces paroles, quod querelantes de et super ipsis rebus velint ad eos recurrere. Voyez l'hist. de Dauphiné, par Valbonay, discours IIe p. 5. (A)
FIEF A SIMPLE HOMMAGE LIGE, est un fief lige qui est simplement chargé de l'hommage, sans aucun autre droit ni devoir seigneurial. Voyez la coutume de Cambrai, tit. j. art. 46. 47. 49. 50. 51. (A)
FIEF DE SODOYER DANS LES ASSISES DE JERUSALEM, est dit pour fief de solde, feudum soldata, seu stipendium. C'était lorsqu'on donnait à un noble à titre de fief, une certaine provision alimentaire et annuelle, qui n'était pas néanmoins assignée sur la chambre ou trésor, ni sur les impositions publiques : ce fief était viager. Voyez Razius, part. XII. de feudis, §. 32. (A)
FIEF DE SOLDE, voyez ci-devant FIEF DE SODOYER.
FIEF SOLIDE ou ENTIER, solidum, dans les constitutions de Catalogne, est la même chose que fief lige. Voyez FIEF ENTIER, FIEF LIGE. (A)
FIEF SUBALTERNE, subfeudum, retrofeudum, est celui qui est d'un ordre inférieur aux fief émanés directement du souverain : c'est la même chose qu'arriere-fief. Voyez ARRIERE-FIEF. (A)
FIEF SUPERIEUR, est celui dont un autre relève médiatement ou immédiatement. Voyez ci-dev. FIEF DOMINANT, FIEF INFERIEUR, FIEF SERVANT, FIEF SUZERAIN au mot SUZERAIN. (A)
FIEF TAILLE, talliatum, en termes de Pratique, est un héritage concédé à titre de fief, avec de certaines limitations et conditions, car le terme talliare signifie fixer une certaine quantité, limiter. Cela arriverait, par exemple, si le fief n'était donné que pour le possesseur actuel, et ses enfants nés et à naître en légitime mariage ; tellement que le vassal venant à mourir sans enfants, le fief retournerait au seigneur dominant.
Le fief taillé parait différent du fief restreint et abrégé, lequel est ordinairement sujet à certaines charges censuelles. Voyez ci-devant FIEF ABREGE. (A)
FIEF TEMPORAIRE, est celui dont la concession n'est pas faite à perpétuité, mais seulement pour un certain temps fini ou indéfini : tels étaient autrefois les fiefs concédés à vie ou pour un certain nombre de générations. On peut mettre aussi dans cette même classe les aliénations et engagements du domaine du roi et des droits domaniaux, lesquelles, quoique faites comme toutes les concessions ordinaires de fief, à la charge de la foi et hommage, ne forment qu'un fief temporaire, tant qu'il plaira au roi de le laisser subsister, c'est-à-dire jusqu'au rachat que le roi en fera. Tels sont aussi les fiefs de rentes créées sur des fiefs, et pour lesquelles le créancier se fait recevoir en foi. Ce sont des fiefs créés conditionnellement, tant que la rente subsistera, tant que le vassal ne remboursera pas, et qui s'éteignent totalement par le remboursement. Ces fiefs temporaires ne sont même pas de vrais fiefs ; le vrai fief, la véritable seigneurie demeure toujours au roi, nonobstant l'engagement, à tel titre qu'il soit fait : car à parler exactement, l'engagiste n'a pas le fief, lorsque le roi exerce le rachat ; ces fiefs s'évanouissent, tous les droits qu'avait l'engagiste sont effacés ; ses héritiers ne peuvent retenir aucune des prérogatives de leur auteur, quelque longue qu'ait été sa possession, par ce que ces engagements ou ces rentes n'étaient que des fiefs conditionnels, créés pour avoir lieu tant que le roi ne racheterait pas. Le droit de ces fiefs conditionnels est moindre en cela que celui des vrais fiefs temporaires qui avait un temps limité, pendant lequel on ne pouvait évincer le vassal. Voyez Dumolin, §. 13. hodiè 20. gl. 5. n. 58. et §. 28. n. 13. Guyot en son traité des fiefs, tom. II. ch. 9. du relief ; et tom. V. tr. de l'engagement du domaine ; et en ses observations sur les droits honorifiques, ch. Ve p. 187. (A)
FIEF TENU A PLEIN LIGE, parait être celui qui doit le service de fief lige en plein, à la différence des fiefs demi-lige, dont il a été parlé ci-devant, qui ne doivent que la moitié de ce service. Il est fait mention de ces fiefs tenus à plein lige, dans la coutume de Saint-Pol, art. 10 où l'on voit qu'ils doivent 60 sous parisis de relief, 30 sous parisis de chambellage, et pareille aide, quand le cas y échet. Ces fiefs sont différents des fiefs tenus en pairie. (A)
FIEF TENU EN QUART DEGRE DU ROI, est celui qui a été concédé par un arriere-vassal du roi ; de manière qu'entre le roi et le possesseur de ce fief il se trouve trois seigneurs, c'est-à-dire trois degrés de seigneuries : c'est pourquoi on compte que ce fief forme un quatrième degré par rapport au roi, qui est le premier seigneur.
Philippe-le-Long, par son ordonnance de l'an 1320, ayant taxé le premier les roturiers pour les fiefs qu'ils possédaient, exempta de cette taxe les roturiers qui possédaient des fiefs tenus en quart degré de lui. Ils ne payaient encore aucune finance pour ces fiefs du temps de Bouteiller, qui vivait en 1402, suivant que le remarque cet auteur dans sa somme rurale, liv. II. tit. j. p. 648. Voyez le glossaire de Laurière, au mot fief de danger et au mot francs-fiefs, aux notes. (A)
FIEFS TERRIAUX ou TERRIENS, sont ceux qui consistent en fonds de terre ; ils sont opposés aux fiefs de revenue, qui ne consistent qu'en rentes ou pension. Voyez FIEF DE REVENUE. (A)
FIEF EN TIERCE-FOI, ou TOMBE EN TIERCE-FOI. Dans les coutumes d'Anjou et Maine ; les roturiers partagent également les fiefs, jusqu'à ce qu'ils soient tombés en tierce-foi. Par exemple, un roturier acquiert un fief, il fait la foi ; son fils lui succede, il fait aussi la foi ; les petits-fils lui succedent, voilà le fief tombé en tierce-foi : et alors il se partage noblement, quoiqu'entre roturiers. Voyez la coutume d'Anjou, art. 255. et 256. Maine, 274. et 275. (A)
FIEF VASSALIQUE, est celui qui est sujet au service ordinaire de vassal. Voyez le glossaire de Ducange, au mot feudum vassaliticum. (A)
FIEFS qui se gouvernent suivant la coutume DU VEXIN FRANÇOIS, sont ceux qui, par le titre d'inféodation, se règlent pour les profits des fiefs dû. aux mutations, suivant les usages du Vexin français : ce ne sont pas seulement ceux situés dans le Vexin, mais tous ceux qui doivent en suivre les usages ; car il n'y a point de coutume particulière pour le Vexin ; et ce que l'on entend ici par le terme de coutume, n'est qu'un usage, suivant lequel il n'est jamais dû de quint ni requint pour les fiefs qui se régissent par cette coutume du Vexin ; mais aussi il est dû relief à toute mutation.
La coutume de Paris qui fait mention de ces fiefs, art. 3, ne dit pas quels sont ceux de son territoire qui se gouvernent suivant cet usage du Vexin français : il parait, suivant ce que dit l'auteur du grand coutumier, que ce sont les fiefs du pays de Gonest (voyez liv. II. ch. xxxij. p. 312.) mais, encore une fais, cela dépend des titres et des aveux.
Brodeau sur l'art. 3. de la coutume de Paris, n. 14. à la fin, cite une ordonnance du mois de Mai de l'an 1235 faite à Saint-Germain en Laye, du consentement du roi S. Louis, pour les chevaliers du Vexin français, touchant les droits de relief, qui porte que le seigneur féodal aura la moitié des fruits pour une année tant des terres labourables que des vignes ; pour les étangs qu'il percevra la cinquième partie du revenu qu'ils rendent en cinq années ; et que pour les bois et forêts il aura le revenu d'une année, en estimant ce qu'ils peuvent rendre durant sept années : et il rapporte une ordonnance intitulée vulcassinum gallicum tirée du registre 26. du trésor de la chambre des comptes, fol. 291. et 344. qui est conforme à ce qui vient d'être dit. Voyez aussi l'article 158. de la coutume de Senlis, et le glossaire de Laurière, au mot fiefs qui se gouvernent suivant la coutume du Vexin français. (A)
FIEF A VIE, est celui qui n'est concédé que pour la vie de celui qui en est investi. Dans l'origine tous les fiefs n'étaient qu'à vie, ils devinrent ensuite héréditaires. Il y a aussi des fiefs temporaires différents des fiefs à vie. Voyez ci-devant FIEF TEMPORAIRE. (A).
FIEF VIF, est celui qui produit des droits au seigneur, en cas de mutation ; il est opposé au fief mort, ou héritage tenu à rente seche.
Fief vif se dit aussi quelquefois pour rente foncière, comme dans la coutume d'Aqcs, tit. VIIIe art. 2. 6. 8. 11. et 19. On entend aussi quelquefois par-là que le possesseur de ce fief est obligé d'y entretenir un feu vif, c'est-à-dire d'y faire une continuelle résidence. (A).
FIEF VILAIN, est celui qui, outre la foi et hommage, est encore chargé par chacun an de quelque redevance en argent, grain, volaille, ou autre espèce.
Il est ainsi appelé, parce que ces redevances dû.s outre la foi et hommage, sont par leur nature service de vilain ou roturier. Voyez FIEF COTTIER, FIEF NOBLE, FIEF NON-NOBLE, FIEF ROTURIER, FIEF RURAL. (A)
FIEF VOLANT, est celui dont les mouvances sont éparses en différents endroits ; il est opposé au fief continu, qui a un territoire circonscrit et limité. Voyez FIEF EN L'AIR. (A).
FIEF VRAI, est dit en certaines occasions pour fief actuellement existant ; il est opposé au fief futur, qui ne doit se réaliser que dans un temps à venir.
Cette distinction se trouve marquée dans le droit féodal des Saxons, cap. xxjx. §. 12. (A)
FIEF
- Détails
- Écrit par : Antoine-Gaspard Boucher d'Argis (A)
- Catégorie : Droit politique
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