S. f. (Economie animale, Médecine) le corps humain est composé de deux sortes de parties, dont les unes sont celles qui contiennent, et les autres celles qui sont contenues : les unes sont essentiellement solides, ou absolument, ou respectivement ; les autres sont pour la plupart fluides, ou susceptibles de fluidité. Voyez à l'article FIBRE, la digression sur les solides et sur les fluides en général, considerés dans le sens des Physiologistes. Les solides sont sous la forme de canaux, de conduits, de vases ou réservoirs, et constituent ce qu'on entend par vaisseaux dans la structure des animaux. Les fluides sont ce qu'on appelle communément humeurs, en terme vulgairement usité et assez reçu parmi les Médecins, qui répond à ce que les Grecs entendaient par leur .
Ainsi tous les fluides, de quelque espèce qu'ils soient, ont des qualités propres au corps animal, c'est-à-dire qu'étant le produit des aliments et de la boisson, ils ont éprouvé de tels changements, qu'ils forment un composé d'une nature qui non-seulement n'existe nulle part hors le corps humain, mais encore est particulière à chaque individu ; en sorte que le sang, la bîle de Pierre, ne sont pas absolument composés de parties combinées de la même manière que le sang, la bîle de Paul : d'où il suit que chaque homme a son idiosyncrasie, sa constitution particulière, soit que ces fluides, sous forme de colonne continue, coulent dans les vaisseaux, et se distribuent sans interruption en rameaux proportionnés à leur capacité, soit qu'ils soient contenus dans des cellules qui ont de la communication entr'elles, de manière à pouvoir passer les unes dans les autres, ou qu'ils coulent dans des réservoirs particuliers, pour être retenus et renfermés pendant quelque temps dans leur cavité, jusqu'à ce qu'ils prennent un autre cours, ou pour circuler de nouveau, ou pour être portés hors du corps ; enfin ces différents fluides considérés tous ensemble, forment ce qu'on entend par la masse des humeurs.
Elles ont tout cela de commun, de n'être sensibles ordinairement que par leur masse, dont les parties intégrantes ne tombent pas naturellement sous les sens ; d'être composées d'un véhicule aqueux plus ou moins abondant, et de molécules de différent volume, mais qui sont figurées de manière qu'elles ne se touchent que par des surfaces très-peu étendues, en sorte qu'elles ont très-peu de force de cohésion entr'elles, et que la seule action de la vie dans les parties contenantes, suffit pour les tenir séparées les unes des autres, ou au moins leur laisser si peu de consistance, qu'elles en acquièrent une véritable fluidité, quoiqu'accidentelle seulement dans la plupart, qui empêche qu'elles ne forment de concrétions tant qu'elles sont rassemblées : d'où il suit cependant qu'elles ne tiennent cette fluidité que de l'action des parties contenantes, puisque toutes les humeurs, excepté celles qui abondent en véhicule, perdent cette qualité, dès que cette action cesse d'être suffisante pour cet effet, ou qu'elles n'y sont plus exposées. Voyez FLUIDITE, (Econ. anim.)
Les humeurs, telles qu'on vient d'en donner l'idée, ne sont donc pas d'une nature homogène dans leur composition : soit que l'on cherche à la connaître par le raisonnement mécanique, soit qu'on tâche de la découvrir en les observant par le moyen du microscope, on trouve qu'elles sont formées de deux sortes de parties en général, dont les unes sont fluides de leur nature, c'est-à-dire par les causes communes de leur liquidité. Voyez LIQUIDITE. Les autres sont visqueuses et disposées à perdre la fluidité qu'elles ne tiennent, comme il a été dit, que du mouvement, de l'agitation dans laquelle les met l'action des solides qui les contiennent ; d'où il suit qu'on ne doit pas les regarder comme des liquides proprement dits, mais seulement comme des fluides par accident : ainsi on conçoit, et on peut même l'observer, que plus elles ont de fluidité, plus on y voit en grand nombre de petites sphères ou globules de différent genre ; mais tout étant égal, de plus petits volumes plus ou moins polis, qui entrent dans leur composition, et que plus elles ont de consistance, plus les globules s'éloignent de la figure sphérique, et plus il s'y trouve de parties fibreuses mucilagineuses, mêlées avec ces globules, lesquelles sont susceptibles de s'unir entr'elles par un plus grand nombre de points qu'on ne l'observe par rapport à ceux-ci.
Ensorte que la fluidité des humeurs doit être dans les unes relativement aux autres, en raison du plus ou du moins d'étendue dans les contacts des parties qui les composent, ainsi elle est différente à proportion qu'elles sont formées de parties hétérogènes plus ou moins fluides par elles-mêmes ; puisqu'on y observe en effet des parties bien différentes entr'elles, aèriennes, aqueuses, huileuses, mucilagineuses, selines, terreuses, qui différemment combinées, constituent conjointement, ou quelques-unes d'elles, la diversité des fluides du corps humain, en tant qu'elles ont un véhicule plus ou moins abondant, qui renferme des molécules de différente grosseur et de différente gravité specifique, figurées de manière à être plus ou moins susceptibles de cohésion, par conséquent de différente consistance.
Comme il résulte donc qu'il y a un grand nombre d'espèces de fluides ou d'humeurs dans le corps humain, à proportion des différentes combinaisons de leurs différentes parties, les Médecins tant anciens que modernes, les ont distinguées en plusieurs classes pour établir plus d'ordre dans la théorie de leur art, en tant qu'elle a pour objet de considérer leur origine, leur élaboration, leurs qualités, et les usages auxquels la nature les a destinées, soit par rapport à l'état de santé, soit par rapport à celui de maladie.
La distinction entre les humeurs était déjà connue dès le temps d'Hippocrate : après avoir établi trois principes particuliers du corps humain, savoir le solide, l'humide et les esprits, c'est-à-dire ce qui contient, ce qui est contenu, et ce qui donne le mouvement à l'un et à l'autre, il donne à entendre que par ce qui est contenu, il a en vue quatre sortes d'humeurs, ou de matières fluides qui se trouvent dans le corps, qui sont le sang, la pituite ou le flegme, la bîle jaune et l'humeur mélancholique, ou la bîle noire ; il attribuait ensuite à ces quatre sortes d'humeurs quatre qualités principales ; il prétendait que le sang est chaud et humide, la pituite froide et humide, la bîle chaude et seche, et la mélancholie froide et seche : il pensait ensuite que la combinaison de ces différentes qualités en formait d'autres, telles que l'amer, le doux, le salé, l'âcre, l'insipide, et une infinité d'autres matières qui ont diverses qualités, selon qu'elles sont abondantes ou qu'elles sont fortes ; ces différentes qualités selon lui, ne s'aperçoivent point, et ne font point de mal à qui que ce sait, tant que les humeurs sont mêlées également, et que par ce mélange elles se tempèrent l'une l'autre ; mais s'il arrive que les humeurs se séparent, qu'elles prédominent entr'elles, et qu'elles demeurent à part, alors leurs qualités deviennent sensibles et incommodes en même temps.
C'est de là que s'est formé le système des tempéraments et des intempéries qui correspondent à ces différentes humeurs et à leurs qualités dominantes, système qui nous a été pleinement développé dans les ouvrages de Galien, attendu qu'il avait des humeurs la même idée qui vient d'être tracée d'après la doctrine d'Hippocrate. Voyez QUALITE, GALENISME, TEMPERAMENT, INTEMPERIE.
Ce qui vient d'être dit de la manière de penser des anciens sur la nature des humeurs, suffit pour faire juger que la distinction qu'ils en faisaient en conséquence, ne pouvant être que systématique, il n'est point utîle d'entrer ici dans un plus grand détail à cet égard. On se bornera donc à exposer celle qui présente les idées les plus précises que l'on puisse se faire sur ce sujet, qui d'ailleurs étant susceptible d'être traité d'une manière fort arbitraire, ne peut jamais être d'une grande importance, parce que la connaissance qu'on acquiert par là, sert très-peu à celle qu'il est nécessaire d'avoir de chaque humeur en particulier.
La division des humeurs qui parait la plus naturelle, est donc celle qui est tirée de la différence de leur destination ; ainsi on peut d'abord les considérer, en tant qu'elles servent à la conservation de l'individu et à la propagation de l'espèce ; les unes sont formées et continuellement renouvellées depuis l'instant de la conception jusqu'à la mort, comme le sang et toutes les humeurs qui en dérivent, pour servir à la préparation du suc nourricier, et celles qui le forment ; les autres ne sont produites que lorsqu'elles sont nécessaires dans l'âge où elles peuvent être employées utilement, comme la liqueur séminale et le lait.
Les humeurs de la première classe sont de trois espèces différentes. On les distingue en alibiles ou nourricières, en recrémentitielles et excrémentitielles ; les nourricières sont celles qui sont susceptibles d'être changées en la propre substance de l'individu ; telle est la lymphe, lorsqu'elle a acquis son dernier degré d'élaboration nécessaire. Les humeurs recrémentitielles sont séparées du sang, pour servir à quelque fonction directement ou indirectement utîle à la conservation de l'individu, et sont ensuite reportées dans la masse des humeurs, d'où elles peuvent encore être tirées utilement jusqu'à ce qu'elles dégénèrent de leurs bonnes qualités par les effets de la chaleur animale : telles sont celles qui forment les sucs digestifs. Les humeurs excrémentitielles sont celles qui étant fournies à la masse du sang, ou ne sont pas susceptibles d'acquérir des qualités qui les rendent utiles à l'économie animale, ou qui ayant eu ces bonnes qualités, les ont ensuite perdues par leur disposition naturelle ou acquise, à dégénérer, à devenir nuisibles, si elles étaient plus longtemps retenues dans le corps animal ; en sorte qu'il est nécessaire à la conservation de l'état sain, qu'elles en soient totalement séparées par une excrétion convenable ; telles sont l'urine, la matière de la transpiration.
Les humeurs de la seconde classe sont recrémentitielles de leur nature, quoiqu'elles soient destinées à être portées hors de l'individu dans lequel elles ont été préparées ; mais elles n'en sont pas expulsées ou tirées à titre d'excrément, et seulement pour servir à des fonctions utiles et nécessaires dans d'autres individus ; ainsi la semence virîle sert à féconder la femme, et le lait à nourrir les enfants, qui sont une suite de cette fécondation.
Voilà tout ce qu'on peut dire pour donner une idée générale des humeurs, qu'il est plus intéressant de connaître chacune en particulier, relativement à leur composition, leurs qualités et leur destination spéciale, surtout à l'égard du sang, qui est comme l'assemblage des matériaux dont sont formées toutes les autres humeurs : ainsi voyez SANG, LYMPHE, SEROSITE, MUCOSITE, BILE, etc.
Il reste à dire quelque chose en général des vices des humeurs ; elles deviennent morbifiques lorsqu'elles dégénèrent tellement de l'état naturel, qu'elles procurent du désordre dans les fonctions.
Les mauvaises qualités que sont susceptibles de contracter les humeurs dans leur composition et dans leur consistance, sont les vices simples que l'on peut y concevoir indépendamment de ceux des parties qui les contiennent. Ainsi on peut se représenter avec les Pathologistes, la dégénération des humeurs, en tant qu'elles pechent par acrimonie muriatique ou aromatique, par acescence ou par alkalescence. Voyez ACRIMONIE, ACIDE, ALKALI. Ou en tant qu'elles n'ont pas une consistance convenable, proportionnée à l'âge, au tempérament, aux forces de l'individu, parce qu'elles pechent à cet égard par excès ou par défaut ; ce qui consiste dans l'épaississement ou la dissolution. Voyez SANG et ses vices, EPAISSISSEMENT, DISSOLUTION.
La dépravation générale des humeurs est connue assez communément sous le nom de cacochimie. Voyez CACOCHYMIE. Et pour un plus grand détail sur les vices dominans dans la masse des humeurs, consultez les œuvres medicales de Boerhaave, leurs commentaires, et le traité des fièvres continues de M. Quesnay.
HUMEURS ANIMALES, (Chimie) Voyez SUBSTANCES ANIMALES.
* HUMEUR, (Morale) On donne ce nom aux différents états de l'âme, qui paraissent plus l'effet du tempérament, que de la raison et de la situation.
On dit des hommes qu'ils agissent par humeur, quand les motifs de leurs actions ne naissent pas de la nature des choses : on donne le nom d'humeur à un chagrin momentané, dont la cause morale est inconnue. Quand les nerfs et le physique ne s'en mêlent pas, ce chagrin a sa source dans un amour-propre, délicat, trop humilié du mauvais succès d'une prétention déçue ou du sentiment d'une faute commise. L'humeur est quelquefois le chagrin de l'ennui. Courir chez un malheureux pour le soulager ou pour le consoler, se livrer à une occupation utile, faire une action qui doive plaire à l'ami qu'on estime, s'avouer à soi-même la faute qu'on a faite ; voilà les meilleurs remèdes qu'on ait trouvé jusqu'à présent contre l'humeur.
HUMEUR, bonne, (Morale) La bonne-humeur est une espèce d'épanouissement de l'âme contente, produit par le bon état du corps et de l'esprit.
Cette heureuse disposition, dirai-je, ce beau don de la nature, a quelque chose de plus calme que la joie ; c'est une sorte de gaieté plus douce, plus égale, plus uniforme, et plus constante ; celui qui la possede, est le même intérieurement, soit qu'il se trouve tout seul ou en compagnie ; il goute, il savoure les biens que le hazard lui présente, et ne s'abat point sous le poids du chagrin dans les malheurs qu'il éprouve.
Si nous considérons cet homme avec les autres, sa bonne-humeur passe dans l'âme de ceux qui l'approchent ; sa présence inspire un plaisir secret à tous ceux qui en jouissent, sans même qu'ils s'en doutent, ou qu'ils en devinent la cause. Ils se portent machinalement à prendre du goût ou de l'amitié, pour celui dont ils reçoivent de si bénignes influences.
Quand j'envisage physiquement la bonne-humeur, je trouve qu'elle contribue beaucoup à la santé, chez les vieillards, qui ont peu d'infirmités ; j'en ai Ve plusieurs qui conservaient toujours ce caractère de bonne-humeur, qu'ils avaient montré dans leur belle saison ; j'ai Ve même, assez souvent, régner la bonne-humeur dans des personnes dont la santé était fort délicate, parce que ces personnes jouissaient du calme de l'esprit, et de la sérénité de l'âme. Il n'y a guère que deux choses qui puissent détruire la bonne humeur, le sentiment du crime, et les douleurs violentes ; mais encore si l'âme d'une personne douée naturellement de bonne-humeur, éprouve de l'angoisse dans les maux corporels, cette angoisse finit avec le mal, et la bonne-humeur reprend bientôt ses droits.
Je voudrais, s'il était possible, munir les mortels contre les malignes influences de leur tempérament, les engager à écarter les réflexions sinistres qui les rongent, et à peser sur celles qui peuvent leur donner du contentement. Il y en a plusieurs, prises de la morale et de la raison, très-propres à produire dans notre âme cette gaieté douce, cette bonne-humeur, qui nous rend agréables à nous-mêmes, aux autres, et à l'auteur de la nature ; jamais la Providence n'a eu dessein que le cœur de l'homme s'enveloppât dans la tristesse, les craintes, les agitations, et les soucis pleins d'amertumes. L'univers est un théâtre dont nous devons tirer des ressources de plaisirs et d'amusements, tandis que le philosophe y trouve encore mille objets dignes de son admiration. (D.J.)
HUMEUR, terme de Mégissier : faire prendre de l'humeur aux peaux, est un terme qui signifie tirer de la rivière les peaux de mouton qu'on veut passer en mégie, les mettre dans une cuve seche, et les y laisser s'humecter, afin de les préparer à recevoir une façon qui se nomme ouvrir les peaux. Voyez MEGIE.