S. m. (Jurisprudence canonique) on appelle ainsi plusieurs compilations d'anciens canons ; tels sont le decret de Bouchard de Wormes, ceux d'Yves de Chartres ; et de Gratien : nous allons donner une idée de chacune de ces collections.

Bouchard évêque de Wormes, s'est rendu célèbre, non-seulement par le zèle avec lequel il remplissait tous les devoirs de l'épiscopat, mais encore par le recueil de canons qu'il composa vers l'an 1008, et qu'il nous a laissé. Plusieurs savants avec lesquels il était lié, l'aidèrent dans ce travail. Les anciens exemplaires de cet ouvrage ne portent aucun titre ; néanmoins divers passages de Sigebert, chronicon. circa annum 1008, et de scriptor. eccles. donnent lieu de croire qu'il eut celui de magnum decretorum volumen, comme faisant un volume plus considérable que la collection de Réginon et autres précédentes. Mais par la suite on se contenta de l'appeler decret, et c'est ce qui est pareillement arrivé aux compilations d'Yves de Chartres et de Gratien, quoique dans l'origine ces auteurs leur eussent donné d'autres titres.



A la tête de la collection de Bouchard, on trouve une énumération des principales sources où il a puisé. Ces sources sont le recueil des canons, vulgairement appelé le corps des canons ; les canons des apôtres, les conciles d'outremer, par lesquels il entend ceux qui ont été tenus en Grèce, en Afrique, et en Italie, les conciles d'Allemagne, des Gaules, et d'Espagne, les constitutions des souverains pontifes, les évangiles, et les écrits des apôtres, l'ancien testament, les écrits de S. Gregoire, de S. Jérome, de S. Augustin, de S. Ambraise, de S. Benait, de S. Basile, de S. Isidore, le pénitentiel romain, ceux de Théodore archevêque de Cantorbery, et de Bede prêtre, dit le vénérable. Bouchard divise son ouvrage en 20 livres. Il traite d'abord de l'autorité du pape, de l'ordination des évêques, de leurs devoirs, et de la manière de les juger. Il passe ensuite aux autres ordres du clergé, aux églises, à leurs biens temporels, et aux sacrements. Dans le sixième livre et les suivants, il traite des crimes et des pénitences qu'on doit imposer pour leurs expiations. Il entre à cet égard dans le plus grand détail : il explique la manière d'imposer et d'observer la pénitence, et les moyens de la racheter, lorsqu'on se trouve dans l'impossibilité de l'accomplir. Tout ceci compose la plus grande partie du decret de Bouchard, et conduit jusqu'au dix-septième livre. Dans le dix-huitième, il est parlé de la visite, de la pénitence, et de la réconciliation des malades. Le dix-neuvième, surnommé le correcteur, traite des mortifications corporelles, et des remèdes pour l'âme que le prêtre doit prescrire à chacun, soit clerc, soit laïc, pauvre ou riche, sain ou malade ; en un mot aux personnes de tout âge, et de l'un ou de l'autre sexe. Enfin dans le vingtième, qu'on appelle le livre des spéculations, il est question de la providence, de la prédestination, de l'avênement de l'antéchrist, de ses œuvres, de la résurrection, du jour du jugement, des peines de l'enfer, et de la béatitude éternelle.

Cette collection de Bouchard est extrêmement défectueuse. Premièrement, l'auteur n'a pas consulté les originaux des pièces dont il l'a composée, mais il s'est fié aux compilations antérieures ; de-là vient qu'ayant fait usage, surtout de celle de Reginon, connue sous le titre de disciplinis ecclesiasticis et religione christianâ, d'où il a tiré, suivant la remarque de M. Baluze, 670 articles, il en a copié toutes les fautes. Il lui est même arrivé d'en ajouter qui lui sont propres, parce qu'il n'a pas entendu son original, et c'est ce que nous allons rendre sensible. Le recueil de Reginon est partagé en deux livres ; chacun d'eux commence par divers chefs d'information, auxquels l'évêque doit avoir égard dans l'examen qu'il fait de la conduite des clercs et des laïcs de son diocèse. Ces différents chefs sont appuyés sur l'autorité des canons que Reginon a soin de rapporter. S'il se fonde sur plusieurs canons, après en avoir cité un, il ajoute souvent dans l'article qui suit ces paroles unde suprà, pour marquer qu'il s'agit en cet endroit du même chef d'information dont il était question à l'article précédent. Mais Bouchard s'est imaginé que par ces paroles, unde suprà, Reginon voulait indiquer la source d'où l'article était tiré, et qu'ainsi elle était la même pour lors que celle du précédent. Cela est cause que les inscriptions de ces articles sont souvent fausses : par exemple, Reginon, lib. II. cap. ccclxiij. cite un canon du concîle d'Ancyre, et dans l'article suivant il cite un autre canon avec l'inscription unde suprà. Bouchard rapportant ce dernier canon, lib. X. cap. j. l'attribue, dans l'idée dont nous venons de parler, au concîle d'Ancyre. C'est par une semblable erreur qu'au liv. II. chap. IIe et IIIe où il rapporte les articles 407 et 408 du liv. II. de Reginon, il les attribue au concîle de Rouen, parce qu'ils suivent immédiatement l'article 406 tiré de ce concile, et qu'ils sont accompagnés de la note unde suprà. En second lieu, on peut reprocher à Bouchard son affectation à ne point citer les lois civiles, surtout les capitulaires de nos rais, et en cela il n'a pas pris Reginon pour modèle. Ainsi ce qu'il emprunte réellement des capitulaires, il l'attribue aux conciles mêmes dont les capitulaires ont transcrit les canons, ou aux fausses decrétales qu'ils ont adoptées en plusieurs endroits. Bouchard Ve même jusqu'à citer à faux, plutôt que de paraitre donner quelque autorité aux lois des princes. Nous nous contenterons d'indiquer ici au lecteur le chapitre xxxvij. du liv. VII. où il rapporte un passage tiré de l'article 105 du premier livre des capitulaires, comme étant d'un concîle de Tolede, sans dire néanmoins de quel concîle de Tolede, quoique suivant la remarque des correcteurs romains au decret de Gratien sur le canon 34 de la cause 27, question 2, le passage ne se trouve dans aucun de ces conciles. Si on consulte M. Baluze dans ses notes sur Reginon, § 22, et dans celles sur les capitulaires, on trouvera beaucoup d'autres exemples de cette espèce. Il n'y a qu'une seule occasion où Bouchard cite les capitulaires de Charlemagne ; savoir au liv. II. chap. cclxxxj. et même il ne le fait que comme ayant été confirmés par les évêques assemblés à Aix-la-Chapelle. On ne peut rendre d'autre raison de cette conduite, sinon que dans la décadence de la race de Charlemagne, l'empire des François étant divisé en partie orientale et occidentale, et l'Allemagne s'étant soustraite à la domination de nos rois Carlovingiens, un Allemand rougissait de paraitre respecter les decrets des rois et des prélats de France. Enfin cette collection est parsemée de fausses decrétales ; mais en ceci Bouchard n'a fait que suivre le torrent de son siècle, pendant lequel l'autorité de ces decrétales s'établissait de plus en plus.

L'importance et la multiplicité de ces imperfections n'ont point empêché Sigebert, ch. cxlj. de scriptor. eccles. de prodiguer à cet ouvrage les éloges les plus outrés, comme si en effet Bouchard n'eut jamais employé que des monuments authentiques, et qu'il eut apporté à cet égard la plus scrupuleuse exactitude. Mais telle était l'ignorance de ces temps-là, qu'on recevait sans aucun examen tout ce qui était recueilli par des auteurs de quelque réputation. Il n'est donc pas étonnant si ceux qui ont fait après lui de nouveaux recueils de canons, ont négligé de remonter aux véritables sources, et ont par cette raison conservé les mêmes erreurs dans leurs compilations. Passons maintenant au decret d'Yves de Chartres.

Yves de Chartres, né au diocèse de Beauvais d'une famille illustre, entra dans sa jeunesse dans l'abbaye du Bec, et y fit de tels progrès dans l'étude de la Théologie sous le célèbre Lanfranc, qu'il fut bientôt en état de l'enseigner. Guy évêque de Beauvais, ayant rassemblé des chanoines dans un monastère qu'il avait fait bâtir en l'honneur de S. Quentin, il mit Yves à leur tête : cet abbé renouvella avec zèle les pratiques austères de la vie canoniale, qui était tombée dans le relâchement. Dans la suite Urbain II. après avoir déposé Geoffroi évêque de Chartres, nomma Yves à sa place, et le sacra évêque : plusieurs prélats, surtout l'archevêque de Sens, s'opposèrent d'abord à cette entreprise du pape, et chassèrent Yves de son siège ; mais il y fut rétabli. Dans le temps qu'il gouvernait l'église de saint Quentin à Beauvais, et qu'il y enseignait la théologie, il composa, vers l'an 1110, son grand recueil des canons connu sous le nom de decret, quoiqu'il l'eut intitulé, Excerptiones ecclesiasticarum regularum. Ce titre était d'autant plus convenable, qu'on ne trouve dans ce recueil aucun decret d'Yves de Chartres, mais seulement des extraits tirés, soit des actes de divers conciles, soit des lettres des souverains pontifes, des écrits des SS. pères, ou bien enfin des ordonnances des princes chrétiens. La préface qu'il y a jointe, annonce dans quelle vue il a ramassé ces monuments : c'est, dit-il, afin que ceux qui sont hors d'état de se procurer tous ces écrits, puisent dans cette collection ce qui peut leur être utîle ; nous commençons, ajoute-t-il, par ce qui concerne la foi, comme étant la base de la religion chrétienne ; nous mettons ensuite sous différents titres ce qui regarde les sacrements, la morale, la discipline ; et de cette façon chacun trouvera facilement ce qu'il lui importe de connaître. Cette préface mérite d'être lue ; elle montre un grand fonds d'érudition dans son auteur, et fait sentir avec force combien il est nécessaire aux prélats d'être versés dans la discipline ecclésiastique. L'ouvrage est divisé en dix-sept parties, dont chacune renferme un nombre considérable d'articles : elles répondent aux 20 livres de Bouchard, et sont rangées à-peu-près dans le même ordre. La première partie traite du baptême et de la confirmation. La seconde, de l'eucharistie, du sacrifice de la messe, et des autres sacrements. La troisième, de l'Eglise et des choses qui lui appartiennent, et du respect qu'on doit avoir pour elles. La quatrième, des fêtes, des jeunes, des écritures canoniques, des coutumes, et de la célébration du concile. La cinquième, de la primatie de l'évêque de Rome, du droit des primats, des métropolitains, et des évêques. La sixième, de la vie, de l'ordination, et de la correction des clercs, et des cas où elle a lieu. La septième, de la tranquillité et de la retraite prescrites aux religieux et religieuses, et des peines que méritent ceux qui n'ont point gardé le vœu de continence. Dans la huitième, il est parlé des mariages légitimes, des vierges, et des veuves non voilées, de ceux qui les ravissent, des concubines. Dans la neuvième, des différentes espèces de fornication ; du degré dans lequel les fidèles peuvent se marier, ou doivent être séparés. Dans la dixième, des homicides volontaires ou involontaires. Dans la onzième, de la magie, des sorciers. Dans la douzième, du mensonge, du parjure, des accusateurs, des juges, des faux témoins. Dans chacune de ces parties, on voit aussi quelle est la pénitence qu'on impose à ceux qui sont dans l'un de ces différents cas. Les voleurs, les médisans, l'ivrognerie, les furieux, et les Juifs, font la matière de la treizième. La suivante traite de l'excommunication, des causes pour lesquelles on l'encourt, et de la procédure suivant laquelle elle doit être lancée. La quinzième, de la pénitence de ceux qui sont en santé ou malades, et comment elle peut être adoucie. La seizième, des devoirs et des causes des laïcs. Enfin la dernière contient les sentences des SS. PP. sur la foi, l'espérance, et la charité.

Yves a emprunté dans sa collection beaucoup de choses de Bouchard de Wormes ; souvent même il se contente de le copier mot à mot, et il ne l'abandonne totalement qu'en deux circonstances : 1° sur ce qui regarde l'hérésie de Berenger qui s'était élevée de son temps, et qu'il réfute en rapportant dans sa seconde partie beaucoup de passages des conciles et des SS. PP. pour confirmer le dogme catholique sur la présence réelle de J. C. dans le sacrement de l'eucharistie ; au lieu que Bouchard a gardé sur cette matière un profond silence : 2°. en ce que dans sa seizième partie, à l'occasion des causes des laïcs dont il parle, il cite souvent le code Théodosien, les pandectes, le code, les novelles, les instituts de Justinien, et les capitulaires de nos rois ; ce que Bouchard n'a point fait. Yves est même regardé comme le premier qui dans l'Occident ait joint le droit civil au droit canonique ; il a été imité en cela par les compilateurs qui l'ont suivi.

Nous avons un autre recueil de canons d'Yves de Chartres, divisé en huit livres, qui porte le nom de pannormie. Ce nom est composé des mots grecs et , ou à la place de ce dernier, du mot latin norma, et il indique que cette compilation renferme toutes les règles de la discipline ecclésiastique : quelques-uns doutent que cette collection soit d'Yves de Chartres, et ils se fondent, 1°. sur ce que la préface est la même que celle du decret, d'où ils concluent que l'un des deux ouvrages n'est point de cet auteur : 2°. sur ce qu'on y trouve des decrets des papes Calixte II. et Innocent II. qui n'ont cependant occupé le saint-siège que depuis la mort d'Yves de Chartres : 3°. sur ce que les livres de Justinien y sont cités. Or ces livres n'ont été recouvrés, suivant Jacques Godefroi in manuali juris, qu'en l'année 1136 dans les ruines de Melphi ville de la Pouille, lorsque l'empereur Lothaire II. chassa les Normands d'Italie, et Yves de Chartres est mort en 1115 : ainsi ils croient qu'il faut l'attribuer à un certain Hugues de Châlons-sur-Marne, ou à quelqu'autre écrivain qui aura fait un extrait du decret d'Yves. Ils alleguent le témoignage de Vincent de Beauvais, qui dit lib. XXV. Speculi historialis, cap. lxxxjv. que d'après le decret d'Yves de Chartres, Hugues a composé un petit livre portatif intitulé la somme des decrets d'Yves de Chartres. Mais M. Baluze, dans sa préface sur les dialogues d'Antoine Augustin, de emendatione Gratiani, rapporte qu'il a consulté un manuscrit très-ancien de l'abbaye de S. Victor de Paris, et deux autres manuscrits du monastère de S. Aubin d'Angers ; que cette collection y est appelée par-tout pannormie, et jamais somme des decrets d'Yves ; d'où il parait, dit-il, que le livre dont Vincent de Beauvais fait mention, est différent de celui-ci. Il présume même que le manuscrit de S. Victor est antérieur au temps d'Hugues de Châlons, et il juge ainsi sans-doute par le caractère de l'écriture : ajoutez à cela que, selon la remarque d'Antoine Augustin évêque de LÉrida, puis archevêque de Tarragone en Espagne, la pannormie ne peut être un extrait du decret d'Yves, puisque ces deux collections se ressemblent en très-peu de choses.

Quant aux objections précédentes, on répond à la première qui nait de la répétition de la préface, qu'elle n'est point dans plusieurs exemplaires de la pannormie ; voyez Antoine Augustin, lib. I. de emendat. Gratiani, cap. j. D'ailleurs l'auteur a pu se servir de la même préface pour deux ouvrages qui ont le même objet, quoique distribués et traités différemment. La seconde objection est détruite par le P. Mabillon : ce savant Bénédictin, dont on ne peut sans injustice soupçonner la bonne foi, assure avoir Ve deux manuscrits très-anciens de ce recueil, où le nom d'Yves de Chartres est écrit, et où les decrets des papes Calixte II. et Innocent II. ne sont point. En troisième lieu, si les livres de Justinien se trouvent cités dans ce recueil, cela prouve simplement qu'ils ont été connus en France avant la prise de Melphi, quoique ce sait-là l'époque où on ait commencé à les enseigner publiquement dans les écoles. Nous ne balançons donc point à reconnaître la pannormie pour être d'Yves de Chartres, mais on ignore si elle a précédé le decret ou non ; on est obligé de s'en tenir sur ce sujet à des conjectures bien legeres. Les uns disent qu'il est assez vraisemblable que la pannormie étant d'un moindre volume, et son auteur la voyant reçue favorablement, et entre les mains de ceux qui s'appliquaient à l'étude du droit canonique, il se soit dans la suite proposé un plus grand ouvrage, tel que le decret, pour y traiter les choses avec plus d'étendue. Les autres prétendent au contraire que par cela même que la pannormie est plus abrégée, il y a lieu de croire qu'elle a été faite depuis, et avec plus de soin. D'ailleurs elle a, dit-on, dans plusieurs exemplaires cette inscription, decreta parva Yvonis, qui semble avoir rapport à quelque ouvrage antérieur plus considérable, qu'on aura simplement appelé decreta. Quoi qu'il en sait, ces deux compilations d'Yves de Chartres sont recommandables, en ce qu'il y traite avec précision tout ce qui regarde la discipline ecclésiastique, et qu'il les a enrichies de décisions tirées du droit civil, comme nous l'avons déjà observé : de plus, elles sont d'un grand usage pour reformer Gratien : et Dumoulin, professeur en droit de Louvain, qui nous a donné en 1561 la première édition du decret d'Yves de Chartres, déclare s'en être utilement servi à cet égard. Mais Yves de Chartres est repréhensible d'avoir suivi les fausses decrétales, et de n'avoir pas consulté les véritables sources. Ce que nous venons de dire sur ces deux collections nous parait suffire, nous nous étendrons davantage sur celle de Gratien comme plus importante, et faisant partie du corps du droit canonique.

Gratien de Chiusi en Toscane, embrassa la règle de S. Benait dans le monastère de S. Félix de Bologne. Vers l'an 1151, sous le pontificat d'Eugène III. et le règne de Louis VII. dit le Jeune, il publia un nouveau recueil de canons, qu'il intitula la concorde des canons discordants, parce qu'il y rapporte plusieurs autorités qui semblent opposées, et qu'il se propose de concilier. Dans la suite il fut appelé simplement decret. La matière de ce recueil sont les textes de l'écriture, les canons des apôtres, ceux d'environ 105 conciles, savoir des neuf premiers conciles oecuméniques, en y comprenant celui de Trulle ou le QuiniSexte, et de 96 conciles particuliers ; les decrétales des papes, les extraits des SS. PP. comme de S. Ambraise, S. Jérôme, S. Augustin, S. Grégoire, Isidore de Seville, etc. les extraits tirés des auteurs ecclésiastiques, les livres pénitentiaux de Théodore, de Bede, et de Raban-Maur archevêque de Mayence ; le code Théodosien, les fragments des jurisconsultes Paul et Ulpien, les capitulaires de nos rais, l'histoire ecclésiastique, le livre appelé pontifical, les mémoires qui sont restés sur les souverains pontifes, le diurnal et l'ordre romain. A ces autorités il joint fréquemment ses propres raisonnements, dont la plupart tendent à la conciliation des canons : il met aussi à la tête de chaque distinction, cause, ou question, des espèces de préfaces qui annoncent en peu de mots la matière qu'il Ve traiter. Au reste l'énumération des sources qu'emploie Gratien, prouve qu'il était un des hommes les plus savants de son siècle, malgré le grand nombre de fautes qu'on lui reproche avec raison, comme nous le démontrerons incessamment.

L'ouvrage de Gratien est divisé en trois parties. La première renferme cent et une distinctions ; il nomme ainsi les différentes sections de cette première partie et de la troisième, parce que c'est surtout dans ces deux parties qu'il s'efforce de concilier les canons qui paraissent se contredire, en distinguant les diverses circonstances des temps et des lieux, quoiqu'il ne néglige point cette méthode dans la seconde. Les vingt premières distinctions établissent d'abord l'origine, l'autorité, et les différentes espèces du droit, qu'il divise en droit divin et humain, ou naturel et positif ; en droit écrit et coutumier, en droit civil et ecclésiastique. Il indique ensuite les principales sources du droit ecclésiastique, sur lesquelles il s'étend depuis la distinction 15e jusqu'à la 20e : ces sources sont les canons des conciles, les decrétales des papes, et les sentences des SS. PP. De-là il passe aux personnes, et on peut soudiviser ce traité en deux parties, dont l'une qui tient depuis la 21e distinction jusqu'à la 92e, regarde l'ordination des clercs et des évêques ; et l'autre, qui commence à la 93e distinction et conduit jusqu'à la fin, parle de la hiérarchie et des différents degrés de juridiction.

La seconde partie du decret contient trente-six causes, ainsi nommées de ce qu'elles sont autant d'espèces et de cas particuliers, sur chacun desquels il élève plusieurs questions. Il les discute ordinairement en alléguant des canons pour et contre, et les termine par l'exposition de son sentiment. Cette partie roule entièrement sur les jugements ecclésiastiques ; il en distingue de deux sortes, les criminels et les civils. Il traite en premier lieu des jugements criminels comme plus importants, puisqu'ils ont pour fin la punition des délits, et passe ensuite aux jugements civils institués pour décider les contestations qui naissent entre les particuliers. Dans cette seconde partie, Gratien observe peu d'ordre, non-seulement il interrompt celui que d'abord il semble s'être prescrit, et s'éloigne de son objet, mais quelquefois même il le perd entièrement de vue : c'est-ce qui lui arrive à la question 3 de la cause 35e ; il avait commencé dans la cause 27e à parler du mariage, et avait destiné dix causes à cette matière qui est très-abondante ; mais à l'occasion d'un raisonnement qu'il fait avant le canon XII. quest. IIe cause 3, il quitte son sujet pour examiner s'il est permis aux pénitens de contracter mariage. Une pareille digression n'était peut-être pas tout à fait déplacée, à cause que suivant l'ancienne discipline, la pénitence publique était un des empêchements du mariage ; du moins on pouvait l'excuser, surtout Gratien reconnaissant au commencement de la question 3e qu'il s'était un peu écarté : mais dans cet endroit-là même il fait un autre écart bien plus considérable ; car à l'occasion de cette question 3e dont le sujet est, si on peut satisfaire à Dieu par la seule contrition intérieure sans aucune confession de bouche, il s'étend sur la pénitence d'une manière si prolixe, que les interpretes ont jugé à-propos de soudiviser ce traité en sept distinctions : ensuite à la question 4e il reprend le mariage, et continue d'en parler jusqu'à la cause 36e, où finit la seconde partie du decret.

La troisième partie est divisée en cinq distinctions, et est intitulée de la consécration. Dans la première il s'agit de la consécration des églises et des autels : dans la seconde, du sacrement de l'eucharistie : dans la troisième, des fêtes solennelles : dans la quatrième, du sacrement de baptême : et dans la dernière, du sacrement de la confirmation, de la célébration du service divin, de l'observation des jeunes, et enfin de la très-sainte Trinité. Cette troisième partie n'est point entremêlée des raisonnements de Gratien, si ce n'est au canon 50e de la distinction 1re, et aux canons 19 et 20 de la 4e : la raison qu'en donne l'auteur de la glose, est qu'il faut parler sobrement et avec retenue des sacrements ; un pareil motif dans Gratien eut été extrêmement sage, et méritait sans-doute nos éloges : mais nous croyons être en droit de les lui refuser à ce sujet, et c'est ce dont le lecteur jugera, lorsque dans la suite nous lui aurons rendu compte de la réflexion que fait cet auteur sur les canons de la distinction 1re de poenitentiâ.

L'observation que nous venons de faire sur la troisième partie du decret étant particulière à cette partie, il convient de joindre ici celles qui regardent toutes les trois également, excepté néanmoins que sur la manière de citer les canons, nous renvoyons à CITATIONS DU DROIT CANONIQUE. La première qui se présente est que Gratien n'a point mis à ses distinctions ou causes, des rubriques, c'est-à-dire des titres qui annoncent le sujet de chacune, comme on avait déjà fait dans les livres du droit civil, et comme les compilateurs des decrétales qui sont venus après lui, l'ont pratiqué ; mais les interpretes y ont suppléé dans Gratien, et ont pris soin de placer à la tête de chaque distinction ou question des sommaires de ce qui est traité dans le courant de la section. En second lieu, on trouve souvent dans le decret, des canons avec cette inscription, palea : les canonistes ne s'accordent pas entr'eux sur la signification de ce mot ; quelques-uns pensent qu'il est métaphorique, et sert à désigner que les canons ainsi appelés méritent peu d'attention, et doivent être séparés du reste comme la paille doit l'être du bon grain ; d'autres ont cru qu'il dérivait du mot grec , c'est-à-dire antiqua, comme si cette inscription indiquait que ces canons renferment des points de discipline entièrement abrogés par l'usage : plusieurs enfin le font descendre de l'adverbe grec, , en latin iterum, et veulent lui faire signifier que ces canons ne sont autre chose que des répétitions d'autres canons ; mais ces différentes étymologies sont toutes sans aucun fondement, puisqu'en effet ces canons contiennent souvent des choses importantes, qui ne se trouvent point être répétées ni contraires à l'usage moderne : ainsi nous préférons comme plus vraisemblable le sentiment de ceux qui croient que le mot palea est le nom propre de celui qui a fait ces additions, qu'il était un des disciples de Gratien, qu'on l'éleva par la suite à la dignité de cardinal. Antoine Augustin qui panche vers cette dernière opinion, lib. I. de emendatione Gratiani, dialog. II. in fine, nous dit que de son temps il y avait à Crémone une famille qui portait le nom de Palea. Il conjecture que Palea le disciple de Gratien et l'auteur des canons qui ont cette inscription, était de la même famille. Quoi qu'il en sait, les correcteurs romains dans leur avertissement, nous apprennent qu'il y a très-peu de ces canons dans trois exemplaires manuscrits de Gratien, fort anciens, qui paraissent écrits peu de temps après lui ; que dans un manuscrit très-corrigé ils sont en marge sans aucune note particulière, mais qu'on n'y trouve point tous ceux qui sont dans les exemplaires imprimés, et réciproquement qu'il y en a plusieurs dans celui-ci qui manquent dans les imprimés ; que dans un autre manuscrit dont le caractère est très-antique, tous les canons ainsi dénommés sont à la tête du volume, et d'une écriture plus récente ; que dans un autre exemplaire ils y sont tous, ou du moins la plupart, les uns avec l'inscription palea, et les autres sans rien qui les distingue. Ils concluent de ces diverses observations, que ces additions ne sont point toutes du même temps ; qu'elles ont d'abord été mises en marge ; que plusieurs sont peut-être de Gratien lui-même ; qu'ensuite par l'inattention des Libraires, les unes auront été omises, les autres insérées dans le texte, tantôt en les joignant aux canons précédents, tantôt en les en séparant. Antoine Augustin dans l'endroit cité ci-dessus, Ve plus loin ; il prétend qu'aucune de ces additions n'est de Gratien ; qu'elles ont toutes été mises après coup ; et que même pour la plus grande partie, elles n'étaient point insérées dans le décret du temps de Jean Semeca, surnommé le Teutonique, un des premiers interpretes de Gratien, attendu qu'on trouve peu de gloses parmi celles qu'il a écrites sur le decret qui aient rapport à ces canons.

Mais ce qu'il importe le plus de remarquer dans cette collection, ce sont les imperfections dont elle est remplie ; il suffira de les réduire ici à quelques chefs principaux, et d'en indiquer les causes. Premièrement Gratien a fait usage de la compilation d'Isidore et de plusieurs autres monuments supposés. Il nous a proposé comme la vraie discipline de l'Eglise, celle qui a pour base ces fausses decrétales et ces monuments apocryphes ; et parce qu'elle ne s'accorde pas avec la discipline établie sur les écrits de S. Léon, de S. Grégoire et des autres pères pendant l'espace de plus de huit siècles, il les a souvent altérés lorsqu'il les a cités, en y ajoutant, retranchant ou changeant quelque chose ; ou bien il a employé des moyens de conciliation absolument incompatibles, tant avec ces écrits qu'avec la discipline dont ils nous donnent l'idée. Il s'est pareillement servi sans aucun examen de tout ce qui pouvait contribuer à étendre la juridiction ecclésiastique, et à soustraire les clercs à la juridiction séculière. C'est dans cette vue qu'il mutîle des canons ou des lais, ou qu'il leur donne un sens contraire à celui qu'ils présentent. De plus, il a inséré dans son decret touchant l'ordre judiciaire ecclésiastique, beaucoup de choses empruntées du droit civil, et entièrement inconnues pendant les premiers siècles. Bien loin de rappeler à ce sujet les anciens canons et les écrits des SS. PP. il n'a cherché qu'à fomenter la cupidité des juges ecclésiastiques, en autorisant à la faveur des fausses decrétales, la coutume déjà introduite dans leurs tribunaux d'adopter toutes les formalités des lois civiles, et les abus pernicieux qui en résultent. Outre les altérations et les fausses interprétations dont nous venons de parler, il a mis souvent de fausses inscriptions à ses canons ; il attribue aux papes ceux qui appartiennent à des conciles ou à de simples évêques. C'est ainsi qu'il rapporte des canons comme étant du pape Martin tenant concile, qui sont ou de conciles orientaux, ou de Martin de Prague auteur d'une compilation. Il se trompe encore fréquemment sur les noms des personnes, des villes, des provinces et des conciles. Enfin il cite comme d'auteurs recommandables, tels que S. Grégoire, S. Ambraise, S. Augustin et S. Jérôme, des passages qui ne se trouvent nulle part. Ce serait néanmoins une imprudence de rejeter sans exception comme apocryphe ce que Gratien rapporte, par la raison qu'on ne trouve point le passage dans l'auteur ou le concîle qu'il cite. Gratien a pu sans-doute voir beaucoup de choses qui ont péri dans la suite par l'injure des temps, ou qui demeurent ensevelies dans les bibliothèques. Pour rendre sensible la possibilité de ce fait, nous nous contenterons d'un seul exemple. Le canon IVe caus. j. quest. 3. a pour inscription, ex concilio Urbani papae habito Arverniae : le P. Sirmond savant jésuite n'ayant pas trouvé ce canon parmi ceux de ce concîle qui ont été publiés, mais parmi les canons non imprimés d'un concîle que tint à Nimes Urbain II. à la fin du second siècle, il avertit, in antirrhetico secundo adversus Petrum Aurelium ; p. 97. que l'inscription de ce canon est fausse dans Gratien, et qu'on doit l'attribuer au concîle de Nimes. Mais ce reproche est mal fondé ; car les anciens manuscrits prouvent que ce canon a d'abord été fait au concîle de Clermont en Auvergne, tenu sous Urbain II. et ensuite renouvellé dans celui de Nimes. Voyez les notes de Gabriel Cossard, tome X. col. 530.

Les erreurs de Gratien proviennent en partie de ce qu'il n'a pas consulté les conciles mêmes, les mémoires sur les souverains pontifes, ni les écrits des saints pères, mais uniquement les compilateurs qui l'ont précedé, dont il a adopté toutes les fautes que leur ignorance, leur inattention, ou leur mauvaise foi leur ont fait commettre ; et en cela il est lui-même inexcusable : mais d'un autre côté on doit en imputer le plus grand nombre au siècle où il vivait. En effet, l'art de l'Imprimerie n'étant pas alors découvert, on ne connaissait les ouvrages des savants que par les manuscrits ; les copistes dont on était obligé de se servir pour les transcrire, étaient ordinairement des gens peu exacts et ignorants : les fautes qu'ils avaient faites se perpétuaient, lorsque sur un même ouvrage on n'avait pas plusieurs manuscrits, afin de les comparer ensemble, ou lorsqu'on négligeait de prendre cette peine. D'ailleurs, du temps de Gratien on recevait avec vénération des pièces supposées, entr'autres les fausses décrétales ; la discipline qu'elles renferment était généralement reconnue pour celle de l'Eglise, surtout dans l'université de Bologne. Avouons de plus, pour n'être pas injustes, qu'au milieu des fausses autorités qu'il allegue, ou de celles qu'il interprete mal, il rapporte des canons et des passages des saints pères, qui sont un miroir fidèle de l'ancienne discipline, ainsi en séparant le vrai d'avec le faux, son ouvrage est d'une grande utilité pour bien connaître cette discipline que l'Eglise a prescrite autrefois ; qu'elle a toujours souhaité et qu'elle souhaite encore de retenir, autant que les circonstances des temps et des lieux le permettent, ou de rétablir dans les points qui sont négligés. Elle a dans tous les temps exhorté les prélats de travailler à cette réforme, et a fait des efforts continuels pour remettre en vigueur la pratique des anciens usages.

Après le tableau que nous venons de tracer, et où nous avons rassemblé sous un point de vue facîle à saisir, les imperfections du recueil de Gratien, qui ne s'étonnera de la prodigieuse rapidité avec laquelle il parvint au plus haut degré de réputation ? cependant à peine vit-il le jour, que les jurisconsultes et les théologiens se réunirent à lui donner la préférence sur toutes les collections précédentes : on l'enseigna dans les écoles, on le cita dans les tribunaux, on en fit usage dans les nouveaux traités de jurisprudence et de théologie scolastique ; les compilations des decrétales qui lui succédèrent, en empruntèrent pareillement beaucoup de choses, ou y renvoyèrent, comme au code universel des canons. On s'embarrassa peu si Gratien était conforme aux originaux qu'il citait, si ces originaux étaient eux-mêmes authentiques et non supposés, ou du moins interpolés ; il parut suffisant de l'avoir pour garant de ce que l'on avançait. Nous voyons que dans le cap. 1. de capellis monachorum in prima collectione, on attribue au concîle de Clermont sous Urbain II. un decret qui ne se trouve dans aucun des conciles tenus sous ce pape, suivant la remarque des correcteurs romains ; au canon II. cause XVIe quest. 2. mais dans cet endroit Gratien avait rapporté ce canon comme appartenant à ce concîle ; et dans le cap. XIe extra de renuntiat. le pape Innocent III. objecte l'autorité du faux concîle de Constantinople tenu sous Photius contre Ignace ancien patriarche de ce siège, parce que Gratien avait cité le deuxième canon de ce conciliabule sous le nom du vrai concîle de Constantinople. C'est ainsi que l'autorité de Gratien en imposait ; et pour en concevoir la raison, il faut recourir aux circonstances. Premièrement, la méthode dont il se sert lui fut avantageuse ; avant lui les compilateurs s'étaient contentés de rapporter simplement les canons des conciles, les decrets des papes, et les passages tirés soit des saints pères, soit des autres auteurs : mais Gratien voyant qu'il regnait peu de conformité entre ces canons et ces passages, inventa pour les concilier de nouvelles interprétations, et c'est dans cette vue qu'il agite différentes questions pour et contre, et les résout ensuite. Or la scolastique qui traite les matières dans ce gout, avait pris naissance environ vers ce temps-là ; c'est pourquoi la méthode de Gratien dut plaire aux docteurs de son siécle. En second lieu, Gratien ayant emprunté beaucoup de choses des livres de Justinien retrouvés en 1137, et qu'on commençait de son temps d'enseigner publiquement dans les écoles de l'université de Bologne, les docteurs de cette université ne purent qu'accueillir favorablement un pareil ouvrage : or cette université étant la seule alors où florissait le droit romain, le concours des étudiants qui y venaient de toutes parts était prodigieux. Ils virent que sur le droit canonique, les professeurs se bornaient à expliquer et commenter le decret, et de-là ils eurent insensiblement pour ce recueil une grande estime. Lorsqu'après avoir fini leur cours d'études ils retournèrent dans leur patrie, ils y répandirent l'idée favorable qu'ils avaient prise du decret, et de cette manière il devint célèbre chez toutes les nations policées. Mais ce qui contribua le plus à son succès, ce fut l'usage que fit Gratien des fausses décrétales fabriquées par Isidore, à dessein d'augmenter la puissance du pape, et des autres pièces supposées, tendantes au même but, que celui-ci n'avait osé hasarder de son temps ; ainsi l'ouvrage de Gratien fut extrêmement agréable aux souverains pontifes et à leurs créatures : il n'est donc pas étonnant qu'ils se soient portés à le faire recevoir par-tout avec autant d'ardeur qu'ils en avaient eu auparavant pour la collection d'Isidore.

La célébrité même du decret fut ce qui excita dans la suite plusieurs savants à le revoir avec soin, pour en corriger les fautes. Il parut honteux que ce qui faisait le corps du droit canonique, demeurât ainsi défiguré. Vers le milieu du seizième siècle, MM. de Monchy et Leconte, l'un théologien, et l'autre professeur en droit, furent les premiers qui se livrèrent à ce pénible travail. Ils enrichirent cette collection de notes pleines d'érudition, dans lesquelles ils restituèrent les inscriptions des canons, et distinguèrent les vrais canons des apocryphes. M. Leconte avait joint une préface où il montrait évidemment que les lettres attribuées aux souverains pontifes qui ont précedé le pape Sirice, étaient supposées. Il confia son manuscrit à une personne, qui le fit imprimer à Anvers l'an 1570, mais entièrement mutilé et imparfait. Cette édition est défectueuse, en ce qu'on y a confondu les notes de MM. de Monchy et Leconte, quoiqu'elles soient très-différentes, et se combattent quelquefois. De plus, le censeur des livres s'imaginant que la préface portait atteinte à l'autorité légitime du pape, en retrancha beaucoup de morceaux ; il s'y prit néanmoins si mal-adroitement, qu'il nous reste des preuves certaines de sa supercherie. Cette préface de M. Leconte est rappelée dans quelques-unes de ses notes. Par exemple, sur le canon I. cause xxx. quest. 5. qui est tiré de la fausse decrétale du pape Evariste, M. Leconte fait cette remarque : tous les decrets qui portent le nom de ce pape, doivent être regardés comme supposés, ainsi que je l'ai fait voir dans ma préface. Nous avons d'ailleurs un long fragment de cette même préface à la tête du tome IV. des œuvres de Charles Dumoulin, édit. de Paris de 1681. On y retrouve le jugement que porte Mr. Leconte sur les fausses decrétales et les autres monuments apocryphes employés par Gratien. Un pareil jugement lui fait d'autant plus d'honneur, que le flambeau de la critique n'avait pas encore dissipé les ténèbres profondes de l'ignorance où l'on était plongé à cet égard.

On vit bientôt succéder d'autres corrections, tant à Rome qu'en Espagne, à celle qu'avaient faite MM. de Monchy et Leconte. Les papes Pie IV. et Pie V. avaient d'abord conçu ce dessein, et choisi pour l'exécuter quelques personnes habiles ; mais les recherches qu'entrainait après elle une révision exacte, étaient si considérables, que du temps de ces souverains pontifes on ne put rien achever. A la mort de Pie V. on éleva sur le saint siège Hugues Buoncompagno, qui prit à son avênement le nom de Grégoire XIII. Il était de Bologne, et y avait professé le droit canonique. Etant ensuite parvenu au cardinalat, il fut un de ceux qu'on chargea de corriger le decret. Ce fut sous son pontificat qu'on mit la dernière main à cette grande entreprise. Dans le temps qu'on s'y appliquait à Rome, Antoine Augustin travaillait de son côté en Espagne, et écrivait sur ce sujet deux livres de dialogues. Il était à la fin de son ouvrage quand on lui apporta l'édition de Rome, ce qui lui fit composer des additions qu'il plaça à la suite de chaque dialogue, et on y retrouve les corrections romaines. Ces deux livres de dialogues ont été réimprimés par les soins de M. Baluze, qui y a joint des notes, tant sur Antoine Augustin que sur Gratien. Elles servent surtout à indiquer les différentes leçons des plus anciens exemplaires de Gratien, soit imprimés, soit manuscrits.

Pour parvenir au but qu'on se proposait à Rome, de purger le recueil de Gratien de toutes les fautes dont il était rempli, on fouilla dans la bibliothèque du Vatican, dans celle du monastère de S. Dominique, et dans plusieurs autres. On invita les savants de tous les pays à faire la même chose, et à envoyer à Rome leurs découvertes. Ces précautions ne furent point inutiles ; on réussit en grande partie à remettre chaque chose dans le vrai rang qu'elle devait occuper dans cette collection ; c'est-à-dire qu'on distingua avec assez d'exactitude ce qui appartenait aux conciles généraux, aux papes, aux conciles provinciaux et aux saints pères. L'avertissement au lecteur qui est à la tête du decret, annonce le plan qu'on a suivi dans la révision qu'on en a faite, soit pour restituer les véritables inscriptions des canons, soit pour corriger le texte même. A l'égard de la restitution des inscriptions, si l'erreur était évidente, et si quelques exemplaires de Gratien s'accordaient avec la véritable inscription et la citation faite par les autres compilateurs, on ne balançait pas dans ce cas d'ôter la fausse inscription, et de substituer la vraie à sa place. Si le canon, quoique de l'auteur cité par Gratien, se trouvait pareillement dans un autre auteur (car souvent les mêmes sentences se rencontrent dans plusieurs auteurs), alors on retenait la citation de Gratien, et on se contentait d'indiquer l'endroit où l'on trouvait le même canon dans un autre auteur ; et comme quelquefois il arrive qu'une partie du canon soit de l'auteur cité, et l'autre n'en soit pas, ou du moins que les paroles en soient fort changées, on a eu soin de prévenir le lecteur sur toutes ces choses ; et de plus on a noté en marge les endroits où se trouvait ce même canon dans les autres compilateurs, surtout dans ceux qui ont beaucoup servi à réformer Gratien.

Quant à la correction du texte, voici la méthode qu'on a observée. 1°. On n'a point changé les commencements des canons ; mais lorsqu'ils différaient de l'original, on a mis à la marge ou dans une note la vraie leçon. La précaution de retenir les commencements des canons était nécessaire, parce que jusqu'au temps de M. Leconte, qui le premier a distingué les canons par chiffres, on les citait par les premiers mots ; en sorte que sans cette précaution on aurait eu peine à trouver dans les compilateurs plus anciens, les endroits de Gratien rapportés par M. Leconte. 2°. On a eu cet égard pour la glose, qu'on n'a point changé le texte, toutes les fois que le changement pouvait empêcher de sentir ce que la glose avait voulu dire ; mais on a indiqué seulement la faute à la marge ou en note. Si le changement du texte ne produisait pas cet inconvénient, on se déterminait pour lors suivant l'intention que Gratien paraissait avoir eue. S'il semblait avoir voulu rapporter les propres termes des auteurs qu'il citait, on les corrigeait d'après l'original ; quelquefois même, si cela était très-utîle ; on ajoutait quelques mots, mais si la leçon vulgaire paraissait la meilleure, on la conservait, et on mettait en marge le texte original. Si l'intention de Gratien n'était pas de rapporter les mêmes paroles, mais seulement un sommaire qu'il eut fait lui-même, ou Yves de Chartres, ou quelqu'autre compilateur, alors on corrigeait, ou on n'ajoutait presque rien, à moins qu'il ne parut très-utîle de restituer la leçon de l'endroit d'où Gratien avait tiré ce qu'il rapportait. Enfin on a répété très-souvent cette note, qu'on a rapporté les termes de l'original, afin que cela n'échappe point au lecteur, et qu'il puisse s'épargner la peine d'aller consulter les originaux. Tel est le plan auquel les correcteurs romains se sont conformés exactement, et dont on a la preuve dans le texte des notes, et dans les différences qui se rencontrent entre le decret corrigé et celui qui ne l'est pas.

On présume aisément que la correction du decret de Gratien fut agréable aux savants ; mais ils trouvèrent qu'on avait péché dans la forme en plusieurs points. Ils auraient surtout désiré qu'on n'eut pas altéré les anciennes et vulgaires leçons de Gratien, et qu'on se fût contenté d'indiquer les variantes, en laissant au lecteur la faculté de juger par lui-même laquelle de ces leçons était la plus vraie. Cette variété de leçons aurait quelquefois servi, soit à éclaircir l'obscurité d'un canon, soit à lever les doutes qu'il présente, soit à découvrir l'origine de la leçon employée par des auteurs plus anciens. On crut encore qu'il n'était pas convenable que les correcteurs romains eussent pris sur eux de changer l'inscription de Gratien, quoiqu'elle se trouvât quelquefois constamment la même dans tous les exemplaires, soit imprimés soit manuscrits. En effet, il est arrivé de-là qu'on a souvent fait dire à Gratien autre chose que ce qu'il avait en vue ; le canon IIIe de la distinction 54e. en fournit une preuve. Dans toutes les anciennes éditions il y a cette inscription, ex concilio Moguntiensi, si ce n'est que MM. de Monchy et Leconte au lieu de Moguntiensi mettent Guntinensi, et ils remarquent à la marge que ce canon est tiré du canon 8e. du premier concîle de Carthage. Les correcteurs romains voyant que cette observation était juste, ont effacé l'inscription qui se trouve dans toutes les éditions, et ont substitué celle-ci, ex concilio Carthaginensi primo, ce qui ne devait être mis qu'en marge, comme avaient fait MM. de Monchy et Leconte. A la vérité dans la note qui est au-dessous, ils font mention de l'ancienne inscription, et indiquent la source d'où la correction est tirée, mais ils n'ont pas toujours eu pareille attention dans toutes les occasions : prenons pour exemple le canon 34. de la distinction 50. qui a cette inscription dans toutes les anciennes éditions, Rabanus archiepiscopus scribit ad Heribaldum. Les correcteurs romains ont ajouté, lib. poenitentiali, cap. 1°. sans faire aucune mention que c'était une addition de leur part. Or cette inscription non-seulement n'est point celle de Gratien, mais elle est fausse en elle-même, tandis que l'inscription de Gratien était la vraie. Il n'y a aucun livre pénitenciel de Raban qui soit adressé à Héribalde ; mais nous avons une lettre de lui à ce même Héribalde, où l'on trouve ce canon au chap. Xe et non au premier. Voyez là-dessus M. Baluze, tant dans ses notes sur ce canon, que dans sa préface sur cette lettre de Raban. De même l'inscription du canon IVe de la distinction 68. suivant la correction romaine, est : de his ita scribit Leo primus ad episcopos Germaniae et Galliae. Cette inscription est non-seulement contraire à celle de toutes les éditions de Gratien, elle est encore manifestement fausse. Il est certain par la teneur de la lettre, qu'on ne peut l'attribuer à S. Léon comme l'observe M. Baluze dans ses notes sur ce canon, et comme le prouve très-solidement le P. Quesnel dans sa onzième dissertation, qui est jointe aux œuvres de S. Léon, où il avertit qu'elle est selon les apparences de Léon III. et conséquemment que l'inscription de Gratien qui la donne simplement à Léon, sans marquer si c'est au premier ou au troisième, peut être vraie. Ces exemples font voir qu'on se plaint avec raison de ce qu'on a ôté les inscriptions de Gratien pour en substituer d'autres ; mais on se plaint encore plus amèrement de ce qu'on n'a point laissé le texte même du canon, tel que Gratien l'avait rapporté. C'est ainsi que dans le canon III. cause VIIIe quest. 1. après ces mots, judicio episcoporum, les correcteurs romains ont effacé, de leur aveu, celles-ci qui suivaient, et electione clericorum, qu'on trouvait dans tous les exemplaires de Gratien, même manuscrits. Ils justifient cette licence en disant que ces paroles ne sont ni dans la source originale, ni dans les autres compilateurs. Mais n'eut-il pas été plus à-propos de conserver le texte en entier, et d'avertir seulement dans les notes que cette addition ne se trouvait nulle part ? Peut-être Gratien avait-il Ve quelqu'exemplaire du concîle d'Antioche d'où est tiré ce canon III. qui contenait cette addition. Quelquefois ils ont changé le texte, en avertissant en général qu'il y a quelque chose de changé, sans dire en quoi consiste ce changement, comme dans le can. VII. cause xxxjv. quest. 1. Enfin ils ont fait des additions sans faire mention d'aucune correction, comme au canon IV. de la distinction xxij. dans lequel, après ces paroles, de Constantinopolitanâ ecclesiâ quod dicunt, quis eam dubitet sedi apostolicae esse subjectam, on lit celles-ci, quod et D. piissimus imperator, et frater noster Eusebius ejusdem civitatis episcopus, assiduè profitentur. Or cette phrase n'est, ni dans les anciennes éditions de Gratien, ni dans les manuscrits, ni dans l'édition de MM. de Monchy et Leconte ; d'où il est évident qu'elle a été ajoutée par les correcteurs romains, quoiqu'ils ne l'insinuent en aucune manière. Il s'ensuit de ces divers changements d'inscriptions et de textes, que c'est moins l'ouvrage de Gratien que nous avons, que celui des correcteurs romains. Il s'ensuit encore que beaucoup d'autres passages cités d'après Gratien par d'autres auteurs, ne se trouvent plus aujourd'hui dans sa collection. En un mot, il est hors de doute que les fautes mêmes des auteurs ne servent souvent qu'à éclaircir la vérité, surtout celles d'un auteur qui, pendant plusieurs siècles, a été regardé dans les écoles, dans les tribunaux, et par tous les théologiens et canonistes, comme un recueil complet de droit ecclésiastique. Concluons donc que quoique le decret corrigé soit plus conforme en plusieurs endroits aux textes des conciles, des pères, et des autres auteurs où Gratien a puisé, cependant si on veut consulter la collection de Gratien, telle qu'elle a été donnée par lui, reçue et citée par les anciens théologiens et canonistes, il faut alors recourir aux éditions qui ont précedé celle de Rome.

Lorsque la révision du decret fut finie à Rome, Grégoire XIII. donna une bulle qui en fait l'éloge, et où il ordonne à tous les fidèles de s'en tenir aux corrections qui ont été faites, sans y rien ajouter, changer ou diminuer. Mais les éloges du souverain pontife n'empêchent pas qu'il ne soit resté dans le decret beaucoup de fautes qui ont échappé à la vigilance des correcteurs romains, et de pièces supposées qu'ils ont adoptées ; et c'est ce dont Bellarmin lui-même convient, de script. eccl. in Gratian. En effet qui ne sait que le decret est parsemé de fausses decrétales fabriquées par Isidore, sans qu'il ait essuyé à cet égard la censure des correcteurs romains ? Ils y renvoyent même souvent, comme à des sources pures ; et bien loin de regarder ces decrétales comme supposées, ils ont omis de dessein prémédité les notes de M. Leconte, qui les rejetait pour la plupart. Que dirons-nous des canons que Gratien rapporte sous le nom du concîle d'Elvire, et sur lesquels les correcteurs romains ne forment aucun doute, quoique le savant Ferdinand Mendoza, lib. 1. de confirm. conc. Eliberit. cap. VIe fasse voir évidemment qu'ils sont supposés, et que plusieurs d'entr'eux sont des canons de divers conciles confondus en un seul ? Qui ignore que dans ces derniers siècles nous avons eu des éditions corrigées de plusieurs saints pères, où l'on rejette comme fausses beaucoup de choses que Gratien a rapportées sous le nom de ces pères, et que les correcteurs romains ont cru leur appartenir. Cela étant ainsi, on ne doit point, d'après la correction romaine, admettre comme pur et conforme aux sources originales, tout ce dont Gratien a fait usage, ni les changements et les notes que les correcteurs ont faits. Il faut convenir en même temps que depuis cette correction, celle de M. Leconte n'est point inutile, 1°. parce qu'il a rejeté plusieurs canons dont tout le monde reconnait aujourd'hui la fausseté, quoique les correcteurs romains les aient retenus : 2°. parce qu'il a mis en marge bien des choses d'après l'original pour suppléer aux fragments de Gratien, lesquelles ont été omises par les correcteurs : 3°. parce que les mêmes correcteurs ont quelquefois suppléé d'après l'original aux canons rapportés par Gratien, sans faire aucune distinction du supplément et du texte de Gratien ; en sorte qu'on ne peut savoir précisément ce que Gratien a dit. Mais lorsque M. Leconte supplée quelque chose d'après les sources ou d'ailleurs, soit pour éclaircir ou rendre le texte complet, il distingue le supplément du reste du texte, par un caractère différent. La liberté néanmoins qu'il prend de suppléer, quoiqu'avec cette précaution, lui est reprochée par Antoine Augustin, parce que, dit-il, la chose est dangereuse, les libraires étant sujets à se tromper dans ces occasions, et à confondre ce qui est ajouté avec ce qui est vraiment du texte. Nous avons Ve en quoi consistent les diverses corrections du decret, il nous reste à examiner quelle est l'autorité de cette collection.

Il n'est pas douteux que le recueil de Gratien n'a reçu de son auteur aucune autorité publique, puisqu'il était un simple particulier, et que la législation est un des attributs de la souveraine puissance. On ne peut croire pareillement que le sceau de cette autorité publique ait été donné au decret, parce qu'on l'enseigne dans les écoles ; autrement la pannormie aurait été dans ce cas, puisqu'avant Gratien on l'expliquait dans plusieurs universités ; et c'est néanmoins ce qui n'a été avancé par qui que ce sait. Plusieurs écrivains ont prétendu que le decret avait été approuvé par Eugène III, sous le pontificat duquel Gratien vivait : mais ils ne se fondent que sur le seul témoignage de Tritheme, qui en cela parait très-suspect ; puisque S. Antonin archevêque de Florence, dans sa somme historique ; Platina, de vitis pontificum, et les autres auteurs qui sont entrés, sur l'histoire des papes, dans les plus grands détails, n'en font aucune mention. Aussi voyons-nous qu'Antoine Augustin dans sa préface sur les canons pénitenciaux, n'hésite point à dire que ce qui est rapporté par Gratien, n'a pas une plus grande autorité qu'il n'en avait auparavant. C'est ce que confirme une dissertation de la faculté de Théologie de Paris, écrite en 1227, et qu'on trouve à la fin du maître des sentences. Le but de cette dissertation est de prouver que ce que disent S. Thomas, le maître des sentences, et Gratien, ne doit pas toujours être regardé comme vrai ; qu'ils sont sujets à l'erreur ; qu'il leur est arrivé d'y tomber, et on en cite des exemples. S'il était permis d'avoir quelque doute sur l'autorité du decret de Gratien, il ne pourrait naître que de la bulle de Grégoire XIII. dont nous avons parlé ci-dessus ; par laquelle il ordonne que toutes les corrections qu'on y a faites soient scrupuleusement conservées avec défenses d'y rien ajouter, changer ou retrancher. Mais si l'on y fait attention, cette bulle n'accorde réellement aucune autorité publique à la collection, elle défend seulement à tout particulier d'entreprendre de son autorité privée de retoucher à un ouvrage qui a été revu par autorité publique. Si l'on entendait autrement les termes de cette bulle, comme ils regardent indistinctement tout le decret de Gratien, il s'ensuivrait que non-seulement ce que Gratien cite sous le nom de canons, d'après les conciles, les lettres des papes, les écrits des SS. pères, et autres monuments, devrait avoir cette autorité, mais encore ses opinions particulières et ses raisonnements ; ce qui serait absurde, et ce que personne n'a osé soutenir. En effet, lorsque Gratien dans la dist. 1. de poenitentiâ, après avoir discuté pour et contre, s'il est nécessaire de se confesser au prêtre, ou s'il suffit de se confesser à Dieu, pour obtenir la remission des pechés mortels dans le sacrement de pénitence, conclud à la fin du canon 89, après avoir cité de part et d'autre une infinité de passages, qu'il laisse au lecteur la faculté de choisir celle de ces deux opinions qu'il croit être la plus convenable, mais que toutes deux ont leurs partisans gens sages et très-religieux : dira-t-on que ce jugement de Gratien, qui flotte entre ces deux opinions, a été approuvé par l'Eglise ? ne dira-t-on pas au contraire avec les correcteurs romains, qu'on doit être persuadé de la nécessité de se confesser au prêtre, ainsi que le prescrit le concîle de Trente après les autres conciles ? Il résulte de tout ceci, que le recueil de Gratien n'a aucune autorité publique, ni par lui-même, ni par aucune approbation expresse des souverains pontifes ; que ce qui y est rapporté n'a d'autre autorité que celle qu'il a dans l'origine, c'est-à-dire, que les canons des conciles généraux ou particuliers, les decrétales des papes, les écrits des SS. pères qu'on y trouve, ne tirent aucune force de la collection où ils sont rassemblés, mais ne conservent que le degré d'autorité qu'ils avaient déjà par eux-mêmes ; que les raisonnements inserés par Gratien dans cette collection, n'ont d'autre poids que celui que leur donne la vérité, et qu'on ne doit tirer aucune conséquence des rubriques ajoutées par les docteurs, qui sont venus après lui, aux différentes sections de cet ouvrage.

Après avoir rempli les divers objets que nous nous étions proposés pour donner une idée exacte du decret de Gratien, nous croyons ne pouvoir mieux terminer cet article, pour ceux qui cherchent à s'instruire dans Gratien de l'ancienne discipline, qu'en leur indiquant les meilleurs auteurs qu'on puisse consulter sur cette collection. Nous les réduisons à trois : savoir Antoine Augustin, de emendatione Gratiani, avec les notes de M. Baluze : Vanespen, nouvelle édition de Louvain 1753, qui non-seulement a fait sur le decret de Gratien un commentaire abrégé très-bon ; mais encore des remarques fort utiles sur les canons des anciens conciles, tels que les 1ers. conciles oecuméniques, ceux d'Ancyre, de Néocésarée, de Gangres, d'Afrique, etc. dont beaucoup de canons sont rapportés dans Gratien ; voyez le troisième volume de Vanespen : enfin M. Dartis qui a commenté assez au long tout le decret, est le troisième auteur que nous indiquons, en avertissant néanmoins qu'il est inférieur aux deux premiers. Cet article est de M. BOUCHAUD, docteur agrégé de la faculté de droit.

DECRET. (Jurisprudence) ce terme est quelquefois pris pour la loi faite par le prince : quelquefois il signifie ce qui est ordonné par le juge, et singulièrement certaines contraintes décernées contre les accusés, ou la vente qui se fait par justice des immeubles saisis réellement ; enfin ce terme se prend aussi pour les délibérations de certains corps. (A)

DECRET D'AJOURNEMENT PERSONNEL, est un jugement rendu en matière criminelle contre l'accusé, qui le condamne à comparaitre en personne devant le juge, pour être oui et interrogé sur les faits résultants des charges et informations et autres sur lesquels le ministère public voudra le faire interroger, et pour répondre à ses conclusions.

On ordonne le decret d'ajournement personnel, lorsque les charges ne sont pas assez graves pour decreter de prise de corps, et qu'elles sont trop fortes pour decreter simplement d'assigné pour être oui. On convertit aussi le decret d'assigné pour être oui en decret d'ajournement personnel, lorsque l'accusé ne compare pas.

Le decret d'ajournement personnel n'est communément ordonné, qu'après avoir oui les conclusions du procureur du roi ou du procureur fiscal, si c'est dans une justice seigneuriale ; cependant le juge peut aussi decréter d'office, lorsqu'en voyant un procès il trouve qu'il y a lieu à decréter quelqu'un. Ce decret porte que l'accusé sera ajourné à comparoir en personne un tel jour ; le délai en est réglé suivant la distance des lieux comme en matière civile.

Ce decret emporte de plein droit interdiction contre l'accusé de toutes les fonctions publiques qu'il peut avoir.

Les procès-verbaux des juges inférieurs ne peuvent être decretés que d'ajournement personnel, jusqu'à ce que leurs assistants aient été repetés ; et les procès-verbaux des sergens et huissiers, même des cours supérieures, ne peuvent être decrétés, sinon en cas de rébellion, et d'ajournement personnel seulement ; mais quand ils ont été repetés et leurs records, le juge peut decréter de prise-de-corps s'il y échet.

La déclaration du roi du mois de Décembre 1680, défend à toutes les cours d'accorder des arrêts de défenses d'exécuter les decrets d'ajournement personnel qu'après avoir Ve les informations, lorsqu'ils seront émanés des juges ecclésiastiques ou des juges royaux ordinaires pour fausseté, malversation d'officiers en l'exercice de leurs charges, ou lorsqu'il y aura d'autres co-accusés decrétés de prise-de-corps.

Il est aussi ordonné par la même déclaration, que les accusés qui demanderont des défenses attacheront à leur requête la copie du decret qui leur a été signifié ; que tous juges seront tenus d'exprimer dans les decrets d'ajournement personnel le titre de l'accusation, à peine d'interdiction, et que toutes les requêtes soient communiquées au procureur général de la cour où elles sont pendantes.

Il dépend de la prudence du juge, d'accorder ou de refuser les défenses requises.

La peine de celui qui ne compare pas sur l'ajournement personnel, est que l'on convertit le decret en prise-de-corps. Voyez l'ordonn. de 1670, tit. Xe (A)

DECRET D'AJOURNEMENT SIMPLE, c'est le nom que l'on donnait autrefois au decret que nous appelons présentement d'assigné pour être oui. (A)

DECRET D'ASSIGNE POUR ETRE OUI, est un jugement rendu en matière criminelle, par lequel le juge ordonne que l'accusé sera assigné pour être oui par sa bouche sur les faits résultants des charges et informations, et pour répondre aux conclusions que le procureur du roi voudra prendre contre lui.

On ordonne ce decret lorsque les charges sont legeres, ou que l'accusé est une personne de considération ou officier public, afin de ne lui point faire perdre trop légèrement son état par un decret de prise-de-corps ou un ajournement personnel qui emporterait interdiction ; car c'est le seul point en quoi le decret d'assigné pour être oui diffère de l'ajournement personnel.

Si l'accusé ne compare pas, le decret d'assigné pour être oui doit être converti en ajournement personnel.

Celui contre lequel il y a seulement un decret d'assigné pour être oui, ne peut être arrêté prisonnier s'il ne survient de nouvelles charges, ou que par délibération secrète (si c'est dans une cour souveraine), il ait été arrêté, ce qui ne peut être ordonné par aucun autre juge. Voyez l'ordonn. de 1670, tit. Xe (A)

DECRETS DES CONCILES, sont toutes les décisions des conciles, soit généraux, nationaux, ou provinciaux : le concîle prononce ordinairement en ces termes, decrevit sancta synodus ; c'est pourquoi ces décisions sont appelées decrets. On comprend sous ce nom toutes les décisions, tant celles qui regardent le dogme et la foi, que celles qui regardent la discipline ecclésiastique : on donne cependant plus volontiers le nom de canon à ce qui concerne le dogme et la foi, et le nom de decrets aux règlements qui ne touchent que la discipline. Les decrets des conciles, même oecuméniques, qui concernent la discipline, n'ont point force de loi dans le royaume, qu'ils n'aient été acceptés par le roi et par les prélats, et publiés de l'autorité du roi. En les acceptant, le roi et les prélats peuvent y mettre telles modifications qui leur paraissent nécessaires pour le bien de l'Eglise et la conservation des droits du royaume. C'est en conséquence de ce principe, que le concîle général de Basle fit présenter ses decrets sur la discipline au roi Charles VII. et aux évêques de l'église gallicane, pour les prier de les recevoir et de les accepter.

Le Concîle de Trente n'a point été reçu en France, quoique les papes aient fait proposer plusieurs fois de le recevoir sans préjudice des droits du roi et des libertés de l'église gallicane. Il ne laisse pas d'y être observé pour les canons qui regardent la foi et le dogme, mais il ne l'est pas pour les decrets qui regardent la discipline. Il a été reçu dans les états du roi d'Espagne, mais avec des modifications. Les decrets des conciles nationaux et provinciaux doivent aussi être présentés au roi pour avoir la permission de les publier ; autrement ils n'ont point force de loi dans le royaume, parce que le roi en qualité de protecteur de l'église gallicane, a le droit de veiller à ce que les règles ecclésiastiques que l'on veut établir, ne contiennent rien de contraire aux droits de sa couronne, ni aux libertés de l'église gallicane dont il est le défenseur. Voyez M. d'Hericourt, en ses lois ecclésiast. part. I. chap. XIVe et ce qui a été dit au mot CONCILE. (A)

DECRET DANS LES BULLES, est une clause par laquelle le pape ordonne quelque chose au sujet du bénéfice qu'il confère, ou pour mieux dire c'est une loi qu'il impose au bénéficier. Voyez BULLE. (A)

DECRET FORCE, est la saisie réelle et adjudication par decret d'un immeuble qui se poursuit en justice à la requête d'un créancier qui n'agit point de concert avec la partie saisie, à la différence du decret volontaire où le poursuivant ne fait que prêter son nom à la partie saisie. Voyez SAISIE REELLE et VENTE PAR DECRET. (A)

DECRETS (faculté des), est le nom que l'on donne quelquefois à la faculté de droit ; consultissima facultas decreti : le terme decret est pris en cet endroit pour le droit en général, ou peut-être singulièrement pour les saints decrets ou droit canon, qui était autrefois le seul que cette faculté enseignait.

DECRETS DES FACULTES, sont des délibérations et décisions formées dans l'assemblée d'une faculté, pour régler quelque point de sa discipline.

DECRET IRRITANT : on appelle ainsi la disposition d'une loi ou d'un jugement qui déclare nul de plein droit, tout ce qui pourrait être fait au contraire de ce qu'elle ordonne par une précédente disposition ; par exemple, le concordat fait entre Léon X. et François I, après avoir expliqué le droit des gradués, leur accorde le decret irritant en ces termes : Si quis vero cujuscumque status.... contra praedictum ordinem.... de dignitatibus.... officiis seu.... beneficiis... aliter quam praedicto modo disposuerit, dispositiones ipsae sint ipso jure nullae, etc. (A)

DECRET DU JUGE, s'entend quelquefois de tout ce qui est ordonné par le juge, soit en matière civîle ou criminelle. (A)

DECRET EN MATIERE CRIMINELLE, est de trois sortes ; savoir, d'assigné pour être oui, d'ajournement personnel, et de prise-de-corps. Voyez DECRET D'ASSIGNE POUR ETRE OUI, etc. (A)

DECRET DU PRINCE, se dit quelquefois pour tout ce que le prince ordonne. (A)

DECRET DE PRISE-DE-CORPS, est un jugement rendu en matière criminelle, qui ordonne qu'un accusé sera pris et apprehendé au corps, si faire se peut, et constitué prisonnier, pour être oui et interrogé sur les faits résultants des charges et informations et autres sur lesquels le procureur du roi voudra le faire ouir ; sinon qu'après la perquisition de sa personne, il sera assigné à comparoir à quinzaine et par un seul cri public, à la huitaine ensuivant. Le decret porte aussi que les biens de l'accusé seront saisis et annotés ; au lieu que les jugements rendus en matière civile, qui condamnent un débiteur, et par corps, à payer ou rendre quelque chose, ordonnent seulement que faute d'y satisfaire, il sera constitué prisonnier et detenu dans les prisons jusqu'à ce qu'il ait satisfait.

On ordonne le decret de prise-de-corps dans plusieurs cas, savoir :

1°. Lorsque l'accusé n'a pas comparu sur l'ajournement personnel à lui donné.

2°. Sur la seule notorieté publique pour un crime de duel.

3°. Contre les vagabonds et gens sans aveu sur la plainte du procureur d'office, ou sur celle des maîtres contre leurs domestiques.

4°. Lorsque l'accusé est pris en flagrant délit, ou arrêté à la clameur publique ; auquel cas après qu'il a été conduit dans les prisons, le juge ordonne qu'il sera arrêté et écroué, et l'écroue lui est signifié parlant à sa personne.

5°. Hors les cas dont on vient de parler, on n'ordonne le decret de prise-de-corps que sur le Ve des charges et informations : on en peut ordonner contre toutes sortes de personnes, lorsqu'elles paraissent coupables de quelque crime grave et qui merite peine afflictive ou au moins infamante.

Le juge peut, si le cas le requiert, decréter de prise-de-corps des quidams non connus, sous la désignation de leur habit et autres marques, et même sur l'indication qui en sera faite par certaines personnes.

Quand l'accusé est domicilié, on ne décerne pas facilement le decret de prise-de-corps, surtout si c'est contre un officier public, afin de ne pas compromettre trop légèrement l'état d'un homme qui peut se trouver innocent ; il faut que le titre d'accusation soit grave ou qu'il y ait soupçon de fuite.

Les decrets, même de prise-de-corps, s'exécutent nonobstant toutes appelations, même comme de juge incompétent ou récusé, et toutes autres, sans demander permission ni pareatis.

Les lieutenans généraux des provinces et villes, les baillis et sénéchaux, les maires et échevins, les prevôt de maréchaux, vice-baillis, vice-sénéchaux, leurs lieutenans et archers, sont tenus de prêter main-forte à l'exécution des decrets et autres ordonnances de justice.

Les accusés qui sont arrêtés, doivent être incessamment conduits dans les prisons publiques, soit royales ou seigneuriales, sans pouvoir être detenus dans des maisons particulières, si ce n'est pendant leur conduite et en cas de péril d'enlevement, dont il doit être fait mention dans le procès-verbal de capture de conduite.

Les procureurs du roi des justices royales doivent envoyer aux procureurs généraux, chacun dans leur ressort, au mois de Janvier et de Juillet de chaque année, un état signé par les lieutenans criminels et par eux, des écroues et recommandations faites pendant les six mois précédents dans les prisons de leurs siéges, et qui n'ont point été suivies de jugement définitif, contenant la date des decrets, écroues, et recommandations, le nom, surnom, qualité, et demeure des accusés, et sommairement le titre d'accusation et l'état de la procédure : les procureurs fiscaux des justices seigneuriales sont obligés de faire la même chose à l'égard des procureurs du roi des sièges royaux où ces justices ressortissent.

Aucun prisonnier pour crime ne peut être élargi que par ordonnance du juge, et après avoir Ve les informations, l'interrogatoire, les conclusions du ministère public, et les réponses de la partie civîle s'il y en a une, ou les sommations qui lui ont été faites de fournir ses réponses.

Les accusés ne peuvent pas non plus être élargis après le jugement, s'il porte condamnation de peine afflictive, ou que le ministère public en appele, quand les parties civiles y consentiraient, et que les amendes, aumônes, et réparations auraient été consignées. Voyez l'ordonn. de 1670, tit. 10. (A)

DECRET RABATTU, c'est lorsque la partie saisie qui a été évincée par une adjudication par decret ; est rentrée dans son bien en payant les causes de saisie réelle. Le rabattement de decret n'est usité qu'au parlement de Toulouse ; il doit être exercé dans les six ans. Voyez RABATTEMENT DE DECRET. (A)

DECRETS (saints) ; on entend sous ce nom les canons des conciles. Voyez CANON et CONCILE. (A)

DECRET DE SORBONNE, est une décision de la faculté de Théologie de Paris, dont les assemblées se font en la maison de Sorbonne, sur quelque matière de Théologie. (A)

DECRET DE TUTELE, c'est le jugement qui décerne la tutele. Voyez le traité des minorités, ch. VIIe n°. 36. (A)

DECRET VOLONTAIRE, est une poursuite de saisie réelle et adjudication par decret, qu'un acquéreur par contrat volontaire fait faire sur lui, ou sur son vendeur, pour purger les hypothèques, droits réels, ou servitudes, que quelqu'un pourrait prétendre sur le bien par lui acquis.

Lorsque l'acquéreur craint de n'avoir pas ses sûretés, il stipule ordinairement qu'il pourra faire un decret volontaire, et qu'il ne sera tenu de payer le prix de son acquisition qu'après que le decret aura été scellé sans aucune opposition subsistante.

Pour parvenir à ce decret volontaire, on passe une obligation en brevet d'une somme exigible au profit d'un tiers, qui en donne à l'instant une contre-lettre ; et en vertu de cette obligation, celui qui en parait créancier fait saisir réellement le bien dont il s'agit, et en poursuit la vente par decret.

Les formalités de ce decret sont les mêmes que celles du decret forcé, si ce n'est que quand le decret volontaire se poursuit sur l'acquéreur, on doit marquer dans la procédure quel est le vendeur, afin que ses créanciers soient avertis de former leur opposition.

L'adjudication par decret volontaire ne fait par rapport au vendeur et à l'acquéreur qu'un même titre, qui ne leur donne pas plus de droit qu'ils en avaient en vertu du contrat : ainsi quand l'adjudication est faite à un prix plus haut que celui du contrat, le vendeur ne peut pas pour cela exiger plus que le prix porté par le contrat ; mais les créanciers opposans peuvent obliger l'adjudicataire de payer le prix suivant l'adjudication, parce que le contrat ne fait point leur loi.

Si l'acquéreur a payé quelques créanciers délégués ou non par le contrat, et qu'ils ne soient pas privilégiés, ou les plus anciens, il est obligé de payer une seconde fois les mêmes sommes aux créanciers opposans s'il y en a ; et si le decret volontaire devient forcé, ce qui arrive lorsqu'il y a des oppositions subsistantes au decret, qui ne sont point converties en saisies et arrêts sur le prix, en ce cas l'acquéreur doit lui-même former opposition au decret, pour être colloqué en son rang pour les sommes qu'il a payées.

Quand toutes les oppositions à fin de conserver sont converties en saisies et arrêts sur le prix, l'adjudicataire n'est point obligé de consigner, et il n'est dû aucun droit au receveur des consignations.

L'adjudication par decret volontaire ne produit point non plus de nouveaux droits aux profit du seigneur ; mais si le prix de l'adjudication est plus fort que le prix porté par le contrat, il est au choix du seigneur de prendre ses droits sur le pied du contrat ou de l'adjudication.

Le vendeur qui est lésé d'outre moitié, peut revenir dans les dix ans du contrat, nonobstant qu'il y ait eu un decret volontaire.

Un juge qui fait une acquisition dans son ressort, peut aussi se rendre adjudicataire par decret volontaire dans son siège : ce qu'il ne pourrait pas faire si le decret était forcé.

On créa en 1708 des commissaires-conservateurs généraux des decrets volontaires et des contrôleurs de ces commissaires : mais ces officiers furent supprimés en 1718, et les droits que l'on payait pour les decrets volontaires réduits à moitié.

Les appropriements qui sont en usage dans la coutume de Bretagne, ont quelque rapport avec les decrets volontaires. Voyez APPROPRIEMENT et BANNIES ; voyez aussi ABANDONNEMENT DE BIENS et DIRECTION, et les auteurs qui ont traité de la matière des decrets et criées. (A)

DECRET DE L'UNIVERSITE, est une délibération et décision d'une université sur quelque point de doctrine ou de sa discipline. Voyez UNIVERSITE. (A)

DECRETS IMPERIAUX, (Histoire moderne) en latin recessus imperii ; c'est le résultat des délibérations d'une diete impériale. Voyez DIETE.

A la fin de chaque diete, avant que de la rompre, on en recueille toutes les décisions qu'on met en un cahier ; et cette collection s'appelle recessus imperii, parce qu'elle se fait au moment que la diete Ve se séparer. Voyez EMPIRE.

On ne publie ordinairement ces decrets que quand la diete est prête à se séparer, pour éviter les contradictions et les plaintes de ceux qui ne se trouvent pas contens de ce qui a été résolu. Heiss. histoire de l'empire.

L'article concernant des levées de troupes contre les Turcs, faisait autrefois la plus grande partie du recessus ; quand il n'en a plus été question, disent quelques auteurs, on ne savait qu'y mettre, ni comment le dresser.

Les désordres de la chambre impériale de Spire furent si excessifs, qu'on se vit contraint en 1654 de faire des règlements pour y remédier, et ces règlements furent insérés dans le recessus imperii. Voyez CHAMBRE. Chambers. (G)