S. f. (Jurisprudence) signifie en général établissement de quelque chose. Ce terme s'applique en Droit à différents objets.
CONSTITUTION DE DOT, est un acte ou une clause d'un acte qui établit ce que les futurs époux apportent en dot. La dot peut être constituée, c'est-à-dire promise par les père et mère ou autres parents, ou même par un étranger ; les futurs conjoints peuvent aussi eux-mêmes se constituer en dot leurs biens ou une partie seulement. Dans les pays coutumiers où il n'y a point de paraphernaux, tout ce qu'une femme apporte en mariage forme sa dot ; mais dans les pays de droit il n'y a de biens dotaux, que ceux qui sont constitués nommément en dot ; les autres sont réputés paraphernaux. Voyez DOT et PARAPHERNAUX. (A)
CONSTITUTIONS ECCLESIASTIQUES, sont des lois faites pour le gouvernement de l'Eglise par ceux qui ont le pouvoir d'en faire.
Anciennement on ne donnait pas le nom de lois aux constitutions ecclésiastiques ; on les appelait communément règles : mais comme l'Eglise a ses prélats et ses censures, qui se prononcent contre ceux qui sont réfractaires à ces règles, on les a appelé constitutions ou lois ecclésiastiques, droit canonique ou ecclésiastique. Voyez CONCILES, DROIT CANONIQUE, LOIS ECCLESIASTIQUES, STATUTS SYNODAUX. (A).
CONSTITUTIONS GENERALES, sont des lois de l'Eglise qui obligent tous les fidèles, ou des lois de l'état qui obligent tous les sujets, à la différence des constitutions particulières qui n'obligent que certaines personnes. Cette distinction est du droit Romain aux institut. liv. I. tit. IIe §. 6.
Ainsi, entre les lois de l'Eglise, les conciles oecuméniques sont des constitutions générales ; au lieu que les conciles nationaux et provinciaux ne sont que des constitutions particulières pour les nations ou pour les provinces, dont le clergé a tenu ces conciles.
En fait de lois politiques, les constitutions générales sont les ordonnances, édits et déclarations, qui obligent tous les sujets du prince. C'est pourquoi elles sont publiées et enregistrées dans les cours supérieures et autres tribunaux, afin que la loi soit certaine et connue.
CONSTITUTIONS PARTICULIERES, sont des règlements particuliers qui ne se publient point, et qui ne concernent que certaines personnes, corps ou communautés et compagnies ; en sorte qu'elles n'ont point force de loi à l'égard des autres ; tels sont les lettres patentes et les brevets accordés à certaines personnes. Voyez LETTRES PATENTES, LOIS, RESCRITS, et ci-apr. CONSTITUTIONS DU PRINCE. (A)
CONSTITUTIONS DU PRINCE. On comprend sous ce nom tout ce qu'il plait au prince d'ordonner, soit par forme d'ordonnances, édits et déclarations, soit par lettres patentes ou autrement. C'est ainsi que chez les Romains tout ce que les rois et les empereurs jugeaient à propos d'ordonner, soit par lettres ou par édit, avait force de loi, et cela s'appelait constitutiones principum, comme il est dit dans les instit. tit. IIe §. 6. quod principi placuit legis habet vigorem.... quodcumque ergo imperator per epistolam constituit, vel cognoscens decrevit, vel edicto praecepit, legem esse constat haec : sunt quae constitutiones appelantur.
Ces constitutions sont ou générales ou particulières. Voyez ci-devant CONSTITUTIONS GENERALES, etc. (A)
CONSTITUTION DE PROCUREUR, est l'acte ou la clause d'un explait par lequel on déclare qu'un tel procureur occupera. Dans les justices où le ministère des procureurs est nécessaire, tout premier explait de demande doit contenir une constitution de procureur de la part du demandeur, suivant l'article 16. du tit. IIe de l'ordonnance de 1667.
Outre cette constitution de procureur qui est faite par la partie, il faut que le procureur qui est coté par l'explait se constitue ensuite lui-même pour sa partie, en se présentant et faisant signifier au défendeur ce que l'on appelle un acte d'occuper, lequel se signifie de procureur à procureur.
Il faut aussi que le défendeur constitue procureur, ce qui se fait de même par un acte d'occuper.
CONSTITUTION DE NOUVEAU PROCUREUR, est celle qui se fait quand le procureur d'une des parties est décédé. Si cette partie ne constitue pas un autre procureur, en ce cas la partie adverse peut l'assigner en constitution de nouveau dans le même tribunal où la contestation s'instruisait avec le procureur décédé. Cette demande doit être formée par un explait à personne ou domicile, et avec les mêmes formalités que les autres demandes principales.
Argent donné ou placé à CONSTITUTION. voyez ci-aprés CONSTITUTION DE RENTE et RENTE CONSTITUEE.
Prêt à CONSTITUTION, est un prêt d'argent dont le principal est aliéné, et pour lequel le débiteur constitue sur lui une rente au profit du prêteur. (A)
CONSTITUTION DE RENTE, signifie en général l'établissement d'une rente, soit de libéralité ou à prix d'argent. Celui qui donne une rente, la constitue sur soi et sur ses biens ; celui qui emprunte de l'argent à constitution de rente, constitue pareillement sur soi une rente que l'on appelle constituée à prix d'argent, ou simplement rente constituée, pour la distinguer des rentes foncières et de libéralité. Voyez RENTES CONSTITUEES. (A)
CONSTITUTION, (Histoire moderne) ce terme rélativement à l'empire d'Allemagne, a deux significations différentes. Sous la première on comprend les lois générales qui servent de règle à tout l'Empire, et que Melchior Goldaste a recueillies sous le titre de collectio constitutionum imperialium.
La seconde signification de ce terme regarde l'état du gouvernement de ce vaste corps, et c'est en ce sens que nous avons dessein d'en parler ici.
Sous la race de Charlemagne, fondateur ou restaurateur de ce nouvel Empire d'Occident, la constitution ou le gouvernement était héréditaire et absolu, et le titre d'empereur et d'empire regardait plutôt Rome et l'Italie, que la France et l'Allemagne. Après la mort de ce fondateur, et après celle de Louis-le-Debonnaire, les vastes états de ces deux princes furent partagés et divisés. Le titre d'empereur et l'Italie furent déférés l'an 840 à Lothaire fils ainé de Louis, et il eut pour successeur en 855 son fils ainé Louis II. Les autres eurent différents états, savoir, Lothaire le royaume de Lorraine, auquel il donna son nom, Lotharingia. Charles, IIIe. fils de Louis II. fut roi de Provence l'an 875. Charles-le-Chauve, quatrième fils de Louis-le-Debonnaire, qui était déjà roi de France, fut déclaré empereur, comme le plus proche du sang, étant oncle de Louis II. L'an 877 Charles eut pour successeur son fils Louis-le-Begue, qui mourut l'an 879. La couronne impériale passa ensuite sur la tête de Charles-le-Gros, depuis l'an 880 jusqu'à la fin de 887, que ce prince tomba dans une faiblesse d'esprit si étrange, que les grands de Germanie reconnurent pour souverain Arnoul fils naturel de Carloman, lequel était fils ainé de Louis I. roi de Germanie. Le titre d'empereur commença pour lors à se faire connaître en Allemagne, car il y avait des rois d'Italie, savoir Bérenger, Gui, Lambert, et Louis III. mais aucun d'eux ne fut généralement reconnu comme empereur. Vers la fin du mois de Mars 896, Arnoul reçut à Rome la couronne impériale : Louis son fils lui succéda, tant en qualité de roi de Germanie que d'empereur. A ce dernier prince, qui mourut au plutard au mois de Janvier 912, on voit finir en Allemagne la postérité masculine de Charlemagne, que je n'ai détaillée que pour montrer que l'empire était alors successif, et qu'il passait au plus proche du sang du dernier empereur. Sa volonté avait force de loi ; cependant ils avaient soin de consulter des personnes sages, éclairées et prudentes ; c'est ce qui fait encore admirer aujourd'hui les lois qui nous en restent sous le titre de capitulaires.
Conrad comte de Franconie, fut élu roi de Germanie l'an 912, sans prendre la qualité d'empereur, qui fut longtemps disputée, aussi-bien que la souveraineté d'Italie, par cinq différents princes ; savoir, Bérenger I., Rodolphe, Hugues I., Lothaire, et Bérenger II. jusqu'en 964.
Henri duc de Saxe, surnommé l'aiseleur, ne laissa pas de posséder le trône de Germanie, mais sans la qualité d'empereur, qu'il ne prit jamais dans aucune de ses lettres patentes ou de ses diplomes ; il s'y qualifie roi de Germanie, quelquefois roi de la France orientale, et même d'advocatus Romanorum, c'est-à-dire de protecteur et défenseur des Romains. Henri étant mort le 2 Juillet de l'an 936, Othon I. son fils ainé fut choisi pour roi en sa place ; mais il ne fut couronné empereur qu'au commencement de l'an 962. Depuis ce temps les Allemands ont toujours possédé le titre et la couronne impériale.
De l'empereur. Pour commencer par la constitution ou état de l'Empire, tel qu'il a été depuis Othon I. je dois remarquer que l'élection de l'empereur se faisait par tous les grands de l'Allemagne. Ces grands n'étaient autres que les premiers officiers des derniers empereurs et les gouverneurs des provinces, qui pratiquèrent en Allemagne ce qu'avaient fait en France les gouverneurs des provinces, qui s'attribuèrent à eux et à leur postérité leurs gouvernements ; mais reconnaissant toujours ou le roi de Germanie ou l'empereur comme suzerain, dont ils ne faisaient pas difficulté de se dire les premiers vassaux.
L'empereur Othon I. soutint le sceptre impérial avec une dignité qui lui a mérité le surnom de Grand : il ajouta au titre de Cesar celui de Romanorum imperator augustus, comme Fréderic Barberousse, élu en 1152, se fit nommer semper augustus. Après Othon-le-grand, l'empire languit pendant quelque temps : son fils Othon II. se vit méprisé, et Othon III. son petit-fils poussa l'amour de la justice jusqu'à la cruauté. Il y eut une révolution en 1105 ; et après la mort d'Henri IV. arrivée l'année suivante, on fit une constitution, par laquelle il fut réglé que les enfants des rais, quoique dignes, quoique capables de gouverner, ne pourraient pas cependant prétendre à l'empire par droit de succession, mais seulement par la voie d'une élection libre et volontaire : ce sont les termes de la constitution. Alors la succession commença insensiblement à s'abolir.
Quoique les grands, c'est-à-dire les évêques, la haute noblesse ou les grands vassaux, eussent la principale autorité dans l'élection de l'empereur ; cependant le peuple, c'est-à-dire les grandes villes, y avaient aussi quelque part, moins par leur voix, que par leur approbation, ce qui a duré jusqu'au milieu du XIIIe siècle. Alors les principaux princes, qui prirent vers ce temps le titre d'électeurs, s'attribuèrent l'élection du chef de l'Empire. Voyez à l'article EMPEREUR la manière dont se fait cette élection.
Elle se fait à Francfort sur le Mein, suivant la bulle d'or ; cependant il y a eu des empereurs élus à Ratisbonne. L'empereur Joseph fut élu roi des Romains en 1690 à Augsbourg, parce que l'Empire avait alors la guerre avec la France, et que les armées étaient trop près de Francfort pour hasarder d'y faire une aussi importante et si auguste cérémonie.
Autrefois lorsque les électeurs se rendaient au lieu désigné pour l'élection, leur cortege était limité par la bulle d'or ; mais aujourd'hui, lorsqu'ils s'y trouvent, ils y vont en telle et aussi grande compagnie qu'ils le jugent à-propos. L'assemblée d'élection qui devrait s'ouvrir au jour marqué par l'électeur de Mayence, est presque toujours différée sur divers prétextes, ou par conjonctures, ou par des affaires importantes au bien du corps germanique : c'est ainsi que l'élection de l'empereur Léopold fut différée pendant onze mois, jusqu'à ce qu'il eut atteint l'âge nécessaire pour son élection.
Etats de l'Empire : Collège des Electeurs. L'empereur étant déclaré chef, il doit y avoir un corps d'états à la tête duquel il sait. Ce corps est divisé en trois classes ou collèges ; savoir, celui des électeurs, celui des princes de l'Empire, et enfin le collège des villes impériales. Cette distinction fut établie à la diete de Francfort en 1580.
Le collège électoral a pour directeur l'électeur de Mayence, et se trouve composé de neuf électeurs. Il est difficîle de marquer en quel temps le titre d'électeur leur a été donné, et depuis quand ils ont le privilège d'élire l'empereur, à l'exclusion de tous les autres princes de l'empire. On a cru pendant plus de 250 ans, c'est-à-dire depuis l'an 1250 jusqu'en 1500, que le collège électoral avait été établi par le pape Grégoire V. et par l'empereur Othon III. c'est-à-dire sur la fin du Xe siècle. Les auteurs ne différaient alors qu'en ce que les uns donnaient la préférence au pape, et d'autres à l'empereur, selon que les écrivains étaient portés pour les uns ou pour les autres. Onuphrius Panvinius, célèbre Augustin italien du XVIe siècle, parait être le premier qui ait attaqué cette opinion par un traité qu'il a fait de l'élection de l'empereur, et son sentiment est aujourd'hui communément reçu. Sa raison était que personne n'a pu trouver jusqu'alors ni depuis, aucune constitution ni bulle qui porte cet établissement. Le premier qui en a parlé, est Martinus Polonus, qui écrivait au milieu du XIIIe siècle, temps où vivait Fréderic II. ainsi 250 ans après Othon III. et son témoignage, qui n'est appuyé d'aucunes preuves, ne suffit pas pour porter l'établissement des électeurs jusqu'au Xe siècle. On croit cependant que du temps de Fréderic II. les grands officiers de l'empire, ou plutôt des empereurs, s'attribuèrent peu-à-peu le droit d'élire leur souverain ; mais cette espèce d'usurpation n'eut un état fixe et constant que par la bulle d'or publiée par l'empereur Charles IV. Cette bulle qui avait fixé à sept le nombre des électeurs, leur avait accordé en même temps des charges d'honneur ; mais elle avait aussi attaché à certains états la dignité électorale, de sorte que quiconque les possède légitimement, devient en même temps électeur de l'empire.
Quoique la bulle d'or ne parle que de sept électeurs, cependant il s'en trouve aujourd'hui neuf. On sait que l'électeur palatin Fréderic V. ayant accepté en 1619 la couronne de Bohème, au préjudice de la maison d'Autriche, fut entièrement défait en 1620 à la bataille de Prague ; et qu'en conséquence Ferdinand II. le mit au ban de l'empire en 1623, et le priva de son électorat, qui fut accordé la même année à Maximilien duc de Bavière. Fréderic Palatin se vit contraint de se retirer en Hollande, où il mourut au mois de Novembre 1631. Mais au traité de Westphalie, qui termina en 1648 la fameuse guerre de trente années, Charles-Louis, fils de Fréderic V. fut rétabli dans la dignité électorale, sans néanmoins en priver le duc de Bavière, ce qui forma pour lors le nombre de huit électeurs.
Vers la fin du siècle dernier, l'empereur Léopold créa un neuvième électorat en faveur de la maison de Brunswick-Hanovre, qui lui était fort attachée. Cette maison est constamment l'une des plus anciennes et des plus illustres de l'empire d'Allemagne ; et Léopold, pour reconnaître par cette dignité l'affection de la branche d'Hanovre, créa en faveur du duc Ernest-Auguste un neuvième électorat le 19 Décembre 1692. Ce fut néanmoins avec le consentement extracollégial des électeurs de Mayence, de Bavière, de Saxe, et de Brandebourg ; mais comme cette affaire n'avait pas été discutée ni conclue collégialement par les électeurs, le nouvel électeur souffrit alors beaucoup de difficultés, même après l'investiture électorale que Sa Majesté impériale lui avait conférée à Vienne. Ces difficultés ne furent levées que depuis que la maison d'Autriche et les amis de celle d'Hanovre eurent trouvé moyen d'obtenir le consentement collégial des électeurs de Treves, de Cologne et Palatin : ainsi après une longue opposition, ils sont enfin convenus que le duc d'Hanovre jouirait du titre d'électeur ; et quoiqu'ils se fussent réservé la discussion définitive des conditions sous lesquelles le nouvel électeur devrait être mis dans la possession totale, et dans l'exercice de son titre, tout s'est terminé à l'avantage de la maison d'Hanovre. Cette dispute du neuvième électorat se trouve expliquée avec autant de lumières que d'exactitude, dans un écrit inséré dans les Lettres historiques de M. Dumont, au mois de Février 1698. Voyez à l'art. ELECTEUR ce qui constitue cette dignité en général ; mais il ne sera pas inutîle de connaître ce qui concerne chaque électeur en particulier.
Dans la décadence de la maison de Charlemagne, les grands officiers de ces premiers empereurs avaient des gouvernements, qu'ils rendirent successifs et héréditaires à leur postérité ; ainsi que firent les seigneurs français qui étaient auparavant ducs ou comtes bénéficiaires des grands fiefs de la couronne ; et qui se les attribuèrent en propre. Les seuls princes ecclésiastiques ne firent aucune usurpation : ils eurent leurs grands domaines de la libéralité de Charlemagne, de ses successeurs, et même des premiers rois de Germanie et des anciens empereurs Allemands.
Mayence et les deux autres électeurs ecclésiastiques possèdent les charges d'archi-chancelier, qui sont des charges de l'état, et ne sont pas regardés comme domestiques. Le premier est archi-chancelier de l'empire pour l'Allemagne. Cette dignité est purement élective, et dépend du chapitre composé de vingt-quatre chanoines, qu'on nomme capitulaires, parce qu'ils forment particulièrement le haut chapitre : les autres chanoines, au nombre de dix-huit, sont nommés domiciliaires ; et comme ils sont admis et qu'ils ont fait leurs preuves de seize quartiers, ils viennent à leur tour à être agrégés au nombre des capitulaires. Le revenu et l'étendue des états de ce prince sont assez limités. Il nomme ordinairement un vice-chancelier qui réside à Vienne, séjour actuel de l'empereur, et là il prend soin des affaires du corps germanique, qui se traitent à la cour impériale. La ville de Mayence, capitale de cet électorat, était autrefois une ville impériale ; mais elle fut privée de cet avantage en punition de l'assassinat d'Arnoul de Zellenoven son archevêque, qui fut commis par la bourgeoisie de cette ville l'an 1160. Henri II. de Wimberg est le premier archevêque de Mayence, qui fut déclaré électeur au temps de la publication de la bulle-d'or, et qui mourut en 1353. L'électeur de Mayence prend pour le temporel l'investiture de l'empereur comme un des grands vassaux de l'empire, à cause des fiefs qu'il a reçus de ses prédécesseurs. Il garde les archives et la matricule de l'empire ; il a inspection sur le conseil aulique, et sur la chambre impériale, et il est arbitre de la plupart des affaires publiques de l'Empire : c'est à lui, comme premier ministre, que les princes étrangers s'adressent pour les propositions qu'ils ont à faire au corps germanique, comme les princes de l'Empire lui portent leurs plaintes. Sa résidence ordinaire est Aschaffenbourg sur le Mein, au-dessus de Francfort, et rarement il demeure à Mayence.
L'électeur de Treves est archi-chancelier de l'Empire pour les Gaules. Les prétentions qu'ont eues autrefois les empereurs sur le royaume d'Arles, ont donné lieu à la création de cette charge ; mais elle est sans aucun exercice. Cet électeur, qui est le second du collège électoral, occupe le siège le plus ancien de toute l'Allemagne.
Le chapitre de Treves suit la même coutume que celui de Mayence, de n'admettre jamais de princes dans son corps, et fort rarement des comtes : ces bénéfices sont réservés pour les gentilshommes qui peuvent faire leurs preuves de seize quartiers. Dans les assemblées de l'Empire, l'électeur de Treves est le premier qui dit son avis ; il est assis au milieu de la salle vis-à-vis l'empereur. Tous les fiefs qui relèvent de son archevêché lui sont reversibles en cas de mort des feudataires sans héritiers mâles. Outre Treves, il a encore Coblentz et Hermanstein ; la première, sur la rive occidentale du Rhin, au confluent de la Moselle dans ce grand fleuve ; et la seconde, vis-à-vis de la première, sur la rive orientale du même fleuve : ces deux places servent de résidence ordinaire à cet électeur, lequel dans les guerres que l'empereur a quelquefois avec la France, conserve la neutralité autant qu'il peut. Baudouin, comte de Luxembourg et frère de l'empereur Henri VII. parait avoir été le premier des archevêques de Treves qui fut fait électeur de l'Empire. Il fut mis sur ce siège en 1308, et mourut au mois de Janvier 1354.
L'archevêque de Cologne, quoique le troisième et dernier des électeurs ecclésiastiques, est cependant l'un des plus puissants d'entr'eux : il porte le titre d'électeur de Cologne, ville située sur le Rhin, mais qui est impériale, qui ne dépend nullement de son archevêque ; sa résidence ordinaire est à Bonne, place ordinairement forte, quelques lieues au-dessus de Cologne, et sur le même fleuve. Son chapitre, composé de princes et de comtes, sans qu'on y reçoive ni barons ni simples gentilshommes, est composé de soixante chanoines, dont les vingt-quatre premiers sont capitulaires, et concourent seuls à l'élection de leur archevêque. Cet électeur est archi-chancelier de l'Empire, pour ce qui regarde les états d'Italie ; mais comme l'Empire ne possède plus rien dans ce continent, cet électeur n'est pas plus employé dans sa charge d'archi-chancelier, que celui de Treves. Cependant le feu électeur Joseph Clément de Bavière ne laissa pas de réclamer ses droits au commencement de la guerre de 1701, au sujet de la succession d'Espagne ; comme l'empereur Léopold porta ses armes en Italie, l'électeur demanda son rétablissement en sa charge, puisque l'on attaquait des provinces dont il était reconnu comme premier ministre. Il le fit par un manifeste ; mais n'ayant pas des forces suffisantes, il ne fut point écouté. Depuis l'apostasie de Gebhard Truchsès de Waldebourg, arrivée en 1583, les princes ecclésiastiques de la maison de Bavière sont en possession de cet électorat, auquel souvent on a joint sur la même tête plusieurs autres évêchés de conséquence, tels qu'Osnabruck, Hildesheim, Munster, Paderborn ; parce que ces prélatures étant fort ambitionnées par les princes protestants, on est obligé d'y nommer un prince d'une maison puissante, en état de se soutenir, soit par lui-même, soit par les princes de son nom. En comptant l'archevêque Ernest duc de Bavière, qui fut élu aussitôt après l'apostasie de Truchsès, il y a eu cinq électeurs de cette illustre maison, et le premier archevêque de cette ville décoré du titre électoral, fut vraisemblablement Wabrame, comte de Juliers, qui mourut en 1349.
Le premier des électeurs séculiers est le roi de Bohème. Dans les premiers temps, ce royaume avait seulement le titre de duché ; et le premier duc que l'on connaisse, est, dit-on, Czechus qui vivait l'an 325 ; ce qui est assez incertain : d'autres, qui donnent dans un sentiment plus vraisemblable, mettent pour premier duc en 722 Primislas, qui fit bâtir la ville de Prague, et mourut en 745. Le premier roi de cet état fut reconnu à ce titre l'an 1086 : c'était Uladislas, mort en 1092. Après bien des révolutions, ce royaume entra dans la maison d'Autriche par le mariage de Ferdinand I. frère de Charles-Quint avec la princesse Anne, sœur du roi Louis qui périt à la bataille de Mohatz en 1526 : par cette alliance, la branche allemande de la maison d'Autriche eut un électorat, et ce royaume y subsiste encore aujourd'hui. Le duché de Silésie est maintenant séparé de la Bohème ; il en faisait la partie la plus considérable et la plus riche : il est possédé par le roi de Prusse électeur de Brandebourg. Le comté de Lusace qui est un fief de la Bohème, appartient presque tout à l'électeur de Saxe roi de Pologne, à l'exception de quelques cantons qui sont au roi de Prusse : aussi il n'y a plus de grand fief de ce royaume que le marquisat de Moravie, qui est resté à l'héritière de la maison d'Autriche. Autrefois le roi de Bohème n'avait voix et séance parmi les électeurs, que quand il s'agissait de choisir un empereur : mais en 1708, on fit un decret ou constitution impériale, qui donne à ce roi droit de séance et de suffrage dans le collège électoral, et cet acte de la diete est appelé réadmission ; en conséquence, son ambassadeur a droit d'assister à toutes les délibérations de l'Empire.
La maison électorale de Saxe est incontestablement l'une des plus anciennes et des plus illustres de l'Allemagne, où elle a été connue même avant le Xe siècle : elle ne fut néanmoins investie du duché électoral de Saxe qu'en 1423, en la personne de Frédéric le Belliqueux ; il ne jouit que cinq ans de cette grande dignité, et mourut au mois de Juin 1428. Mais il y eut en 1547, une révolution considérable : Jean Frédéric surnommé le Magnanime, s'étant déclaré pour les nouvelles opinions de Luther, fut attaqué, battu, et fait prisonnier par l'empereur Charles-Quint, qui le mit au ban de l'Empire, et le dépouilla de la dignité électorale, aussi bien que du duché de Saxe. Le prince Maurice de Saxe, cousin de Jean Frédéric, en fut revêtu la même année ; il mourut en 1553 sans postérité, et laissa ses états au prince Auguste son frère : et c'est de ce dernier que descend la maison de Saxe, qui subsiste depuis longtemps avec beaucoup de dignité dans l'Empire, et de considération dans toute l'Europe. La religion dominante de cet électorat est la protestante ou luthérienne. Cependant l'électeur Frédéric Auguste ayant été élu roi de Pologne en 1697, embrassa la religion catholique, et le roi régnant aujourd'hui, son fils et son successeur, fit son abjuration à Rome dans le cours de ses voyages, et il la déclara publiquement en 1717. Son zèle pour la religion Catholique ne le porte à aucune aigreur contre les protestants, persuadé comme il l'est, que la douceur dont son âme est pénétrée, convertit, touche, et persuade beaucoup plus les hommes, que toutes les rigueurs que l'on pourrait employer. Ce prince a de grands privilèges ; outre que pendant la vacance du siège impérial, il est l'un des vicaires de l'Empire, dignité dont nous parlerons bientôt ; la justice se rend chez lui en dernier ressort, sans appel à la chambre aulique qui réside auprès de l'empereur, ni à la chambre impériale de Wetzlar. Les états qu'il possède comme électeur, sont la haute-Saxe, la Misnie qu'il tient de ses premiers ayeux, et la haute et basse-Lusace que ses ancêtres ont acquis des princes de la maison d'Autriche, comme rois de Bohème. La ville de Dresde située sur l'Elbe, est le lieu de sa résidence ordinaire.
La branche cadette de la maison Palatine ou de Bavière, nommée communément dans l'Empire Guillelmine, ne possède l'électorat que depuis l'an 1623, après que Frédéric électeur Palatin, eut accepté en 1619 la couronne de Bohème. Cette maison est incontestablement l'une des plus anciennes de l'Empire. Et feu M. l'abbé du Bos, dans le manifeste qu'il fit paraitre au commencement de la guerre d'Espagne, en faveur et sous le nom de Maximilien Emanuel, Ve jusqu'à dire : " qu'on trouverait dans l'histoire que la maison de Bavière était déjà une des plus illustres d'Allemagne, quand celle d'Habsbourg n'était pas encore fort célèbre ". Cette illustre maison, branche de la Palatine, était très-connue vers le milieu de l'onzième siècle, lorsqu'Othon, comte de Schyren et de Vittesspach, fut fait comte Palatin de Bavière. Le bas Palatinat lui vint ensuite. Il ne faut pas croire cependant qu'Othon de Schyren ne remonte point à des temps beaucoup plus éloignés. Les historiens de Bavière ont développé toute la dignité et l'illustration de cette maison par la généalogie qu'ils en ont publiée : l'on y voit qu'elle a produit des rais, aussi bien que des empereurs ; et c'est de Louis de Bavière, élevé à la dignité impériale en 1314, et mort en 1347, que descend la branche des ducs de Bavière. Quoiqu'elle ne possède la dignité électorale que depuis 1623, cette dignité lui fut confirmée avec le haut-Palatinat, au traité de Westphalie en 1648 : cependant elle était ou devait être électorale longtemps auparavant, cette illustre dignité appartenant alternativement à la branche Rodolphine, qui est l'ainée, et à la Guillelmine qui est la seconde : telle était la convention faite à Pavie entre l'empereur Louis de Bavière, et Adolphe fils de Rodolphe et frère de Louis. Mais Charles IV. ennemi déclaré de Louis de Bavière, dont il fut quelques années le compétiteur avant que d'en être le successeur, priva par la bulle d'or la branche de Bavière de l'électorat, pour l'attribuer à la seule branche Palatine ; et par-là il ôta l'alternative. Le traité de Westphalie n'a pas laissé de confirmer la maison de Bavière dans l'électorat : quoiqu'on y rendit cette dignité à la maison Palatine, il y a cependant une difficulté qui n'est pas encore entièrement terminée. Pendant la vacance du siège impérial, l'électeur Palatin était vicaire de l'Empire dans les principautés qui suivent le droit de Souabe et de Franconie ; celui de Bavière comme subrogé aux droits du Palatin, prétendit aussi être vicaire de l'Empire : mais il y a eu de nos jours quelque sorte de convention entre les deux électeurs ; en attendant une résolution définitive.
Ces deux branches ont produit de grands hommes, soit dans plusieurs rois de Suède, soit en quelques électeurs de la branche Rodolphine, qui a été revêtue de l'électorat Palatin ; soit dans la branche Guillelmine, qui a donné le célèbre Louis de Bavière, qui a soutenu avec tant de courage la dignité impériale contre tous ses ennemis. Et de nos jours nous avons eu ce prince si respectable, Maximilien Emanuel, qui s'est distingué par son inviolable fidélité pour la France. L'empereur Léopold dont il était gendre, le regrettait, et ne pouvait oublier qu'il avait sacrifié dans les guerres de Hongrie plus de trente millions de florins de l'Empire, que l'électeur Ferdinand Marie son père avait amassés dans les neutralités qu'il sut conserver dans toutes les guerres de son temps. Léopold pour le détacher des intérêts de Louis XIV. et de Philippe V. lui offrit le royaume des deux Siciles (c'est ce que j'appris étant à sa cour) ; mais ce fut inutilement, Maximilien ne connaissait qu'un parti, c'était celui de l'honneur ; il n'était point capable de manquer ainsi à des engagements pris avec autant de réflexions. A peine Léopold fut mort, que l'empereur Joseph son plus cruel ennemi, le mit au ban de l'Empire dans le conseil aulique, contre toutes les lois impériales. Les Etats-Généraux de Hollande, toujours remplis d'équité et d'estime pour un si grand prince, le firent assurer que jamais la paix ne se ferait qu'il ne fût entièrement rétabli ; et je fus chargé de lui en porter la parole. Ce qui fut effectué en 1714.
Malgré l'ancienneté et l'illustration de la maison de Brandebourg, qui date dès le IXe siècle, elle n'est parvenue au point de grandeur où nous la voyons aujourd'hui, que par degrés et peu à peu. Outre la dignité électorale qui est entrée dans cette maison en 1417, avec la Marche, c'est-à-dire avec le marquisat de Brandebourg, elle possède de plus grands domaines qu'aucun autre prince de l'Empire ; savoir la Prusse, érigée en royaume l'année 1701 ; le duché de Clèves ; les principautés de Magdebourg, d'Alberstad, et de Minden, avec les comtés de Ravensperg et de la Marck ; et en dernier lieu le comté d'Embden, et le duché de Silésie, à l'exception de quelques petits cantons.
La justice est rendue dans ses états, suivant les diverses coutumes de chaque province, et les appelations en sont relevées au conseil souverain de l'électeur, dont on ne saurait appeler ni au conseil aulique, ni à la chambre impériale. La situation des divers états de ce prince, en rend les provinces si éloignées les unes des autres, qu'il est obligé à d'extrêmes ménagements dans les alliances et les traités qu'il fait avec les différentes puissances. L'électeur est de la religion P. R. cependant il y a dans ses états beaucoup de Catholiques, qui y sont protégés plus que dans les autres états protestants, et les luthériens y sont tolérés par ce prince. Outre les diverses branches de la maison électorale de Brandebourg, qui sont celles de Bareith et d'Anspach, cet électeur a encore trois frères, dont l'ainé a plusieurs princes. Berlin, qui est rempli d'un grand nombre de réfugiés Français, est le séjour ordinaire de l'électeur.
La maison électorale Palatine, malgré son rétablissement en 1648, n'a pas laissé de perdre son rang, et de n'être plus aujourd'hui que dans le huitième. Nous avons marqué ci-dessus sa parenté avec la maison électorale de Bavière. Ce que nous pouvons dire aujourd'hui, est que cet électeur est catholique, mais presque tout son électorat suit la religion P. R. comme il est des princes de Sultzbach, il vient d'un rameau de la maison Palatine ainée de celle de Bavière. On sait qu'après Venceslas qui fut déposé, Robert comte Palatin fut mis sur le trône impérial, l'an 1400 ; et que la branche de Deux-Ponts, cadette de celle de Sultzbach, a donné trois rois et une reine à la Suède. Son pays est le bas-Palatinat.
Nous avons déjà marqué les difficultés qu'a essuyé le duc d'Hanovre, pour devenir tranquille possesseur de la dignité électorale, qui lui était justement dû., si l'on a égard à l'ancienneté et à l'illustration de cette maison. Si l'empereur Léopold a témoigné sa reconnaissance aux ducs d'Hanovre en les établissant électeurs, on peut dire aussi qu'ils usent d'un sage retour à l'égard de la maison d'Autriche, dont ils soutiennent et défendent les prétentions comme les leurs propres ; ce qu'on ne saurait assez estimer dans des princes.
Cette maison, qui se retira d'Italie en Allemagne dans le Xe siècle, vient de l'ancienne maison d'Est ; elle ne tarda guère à se distinguer dans l'Empire, où elle a possédé le duché de Saxe, et même le trône impérial, l'an 1208, dans la personne d'Othon IV. et la branche de Brunswick-Hanovre, qui est la cadette, a fait une plus éclatante fortune que la branche ainée, qui est celle de Brunswick-Wolfembutel, laquelle cependant est à la tête des princes de l'Empire. Depuis 1714, Georges I. deuxième électeur d'Hanovre, est monté sur le trône d'Angleterre ; et l'an 1727, Georges II. son fils lui a succédé ; et ses états ont été extrêmement augmentés par l'achat de plusieurs principautés, que Georges I. a eu soin d'acquérir du roi de Danemark, qui les avait conquises sur le roi Charles XII. Ainsi on le peut regarder aujourd'hui comme un des plus puissants princes de l'Empire.
Outre la dignité électorale, et les divers états possédés par ces princes, ils ont encore des titres, c'est-à-dire des charges héréditaires, qu'on nomme aujourd'hui charges de l'Empire ; mais anciennement elles étaient, surtout celles des électeurs séculiers, attachées aux anciens empereurs comme domestiques, dont ils font les fonctions au festin du couronnement de l'empereur. Et pour peu qu'on ait lu nos histoires, on sait que la qualité de domestiques des anciens empereurs était un titre très-honorable, et ne s'accordait qu'aux plus grands seigneurs. C'est ce qui leur procurait les grands gouvernements qu'ils ont eus, tant en France qu'en Allemagne, et qu'ils se sont enfin attribués à eux et à leur postérité.
Les trois électeurs ecclésiastiques sont archi-chanceliers de l'Empire : savoir, celui de Mayence en Allemagne ; celui de Treves dans les Gaules, c'est-à-dire dans le royaume d'Arles, ce qui comprend seulement cette partie de la Gaule qui était du royaume de Bourgogne, et qui fut jointe à l'Allemagne dans l'onzième siècle. Enfin, l'électeur de Cologne est archi-chancelier pour l'Italie. Le premier de ces trois a conservé les fonctions de cette charge, mais les deux autres n'en ont que le titre, titre même qui est sans aucun exercice.
Le roi de Bohème est archi-échanson, et dans les cérémonies il donne à boire à l'empereur la première fais. L'électeur de Bavière est archi-maître-d'hôtel, et dans les fonctions publiques il porte la pomme impériale, comme au festin de l'élection il sert le premier plat sur la table du nouvel empereur ; Saxe, comme archi-maréchal, porte l'épée nue devant l'empereur.
Celui de Brandebourg, comme archi-chambelland, présente de l'eau à l'empereur, et porte le sceptre impérial dans les cérémonies. Le comte Palatin du Rhin en qualité d'archi-thrésorier jette des pièces d'or et d'argent au peuple, quand on conduit l'empereur après son couronnement ; et le duc d'Hanovre est archi-porte-enseigne. On voit que tous ces offices, à l'exception des trois premiers et du dernier, tiennent quelque chose de l'ancienne domesticité des seigneurs qui étaient auprès des empereurs de la race de Charlemagne, et des premiers d'entre les Allemants. C'est pour cela qu'aux repas de cérémonies ces officiers ne mangent point avec l'empereur, mais sur des tables rangées des deux côtés de la salle du festin, et qui sont d'un degré moins élevées que celles où mange le chef de l'Empire. Mais la dignité de ces grands officiers étant augmentée avec le temps, on en a fait des charges de l'état ; ce qui est aussi arrivé en France, où les suprêmes dignités de connétable, de maréchaux, de grand-maîtres, de grand-écuyers, et plusieurs autres, sont passées de la fonction d'offices domestiques, à celle de charges de la couronne.
J'ai qualifié toutes ces charges des électeurs du titre d'archi-chancelier, archi-échanson, etc. parce que c'est le terme dont on se sert dans l'Empire pour les distinguer des mêmes charges, qui sont aussi en titre d'offices chez tous les électeurs, et même chez tous les princes de l'Empire, qui ont chacun leur grand-chancelier, leur grand-échanson, leur grand-maître, qui exercent auprès de leurs souverains les mêmes fonctions que les électeurs auprès de l'empereur : et lorsque les princes ne sauraient assister aux cérémonies impériales, ils sont remplacés par un substitut qui les représente ; c'est ainsi que l'électeur de Mayence nomme lui-même son vice-chancelier, qu'il met et change suivant sa volonté ; mais les autres sont représentés par des lieutenans qui sont en titre d'offices. Ainsi le roi de Bohème a pour lieutenant le comte de Limbourg, l'électeur de Bavière le comte de Valbourg, celui de Saxe le comte de Pappenheim ; Brandebourg a le comte de Hohenzollern, et le Palatin est représenté par le comte de Suitzendorf. Tous ces lieutenans font auprès de l'empereur, dans les grandes cérémonies, ce que feraient les princes dont ils sont comme les substituts.
L'électeur de Saxe et le comte Palatin étaient autrefois les deux seuls vicaires de l'Empire pendant l'inter-règne ; mais ce dernier ayant été mis au ban impérial et dépouillé de sa dignité électorale, l'empereur Ferdinand II. en revêtit le duc de Bavière en 1623 : et dans le traité de Munster, en 1648, il fut arrêté " que la dignité électorale que les princes Palatins avaient ci-devant possedée, demeurerait au seigneur Maximilien comte palatin, duc de Bavière, et à ses enfants ". En conséquence l'électeur de Bavière prétendit que le vicariat de l'Empire lui appartenait à l'exclusion du comte Palatin. D'un autre côté l'électeur Palatin nouvellement rétabli, soutint que le vicariat ne dépendait point de la dignité électorale, mais de celle de comte Palatin du Rhin, suivant l'ancien usage et la bulle d'or, chapitre Ve où il est marqué expressément que le comte Palatin du Rhin est vicaire de l'empire à cause de sa principauté et du privilège du comte Palatin. Ce prince en vertu du vicariat a pouvoir d'administrer la justice, de nommer aux bénéfices ecclésiastiques, de recevoir les revenus de l'Empire, d'investir des fiefs, et de se faire prêter la foi et hommage de la part et au nom du saint Empire. Ces foi et hommages cependant doivent être renouvellés au roi des Romains dès qu'il aura été élu : mais les fiefs des princes, et ceux qui se donnent ordinairement avec l'étendard, sont spécialement réservés à l'empereur seul ou au roi des Romains ; et s'il vient à vaquer des fiefs, le comte Palatin comme vicaire de l'Empire ne saurait les aliéner pendant le temps de son administration. Telle est la loi de l'Empire réglé par la bulle d'or, et le duc de Saxe jouit du même droit dans l'étendue de son vicariat ; car leurs départements sont totalement séparés. Celui du Palatin s'étend le long du Rhin, et dans les provinces qui suivent le droit de Suabe ou de Franconie ; mais le pouvoir du duc de Saxe n'a lieu que dans les endroits, territoires, et principautés où le droit saxon est observé.
Cependant le vicariat palatin a déjà souffert plusieurs difficultés ; d'abord après la mort de l'empereur Ferdinand III, arrivée en 1657, l'électeur de Bavière disputa le vicariat au Palatin. Ce dernier s'opposa aux prétentions de son compétiteur ; il y eut beaucoup d'écrits publiés de part et d'autre, et tout se trouva partagé dans l'Empire : mais dans l'élection de l'empereur François de Lorraine il y eut une espèce de partage, et chacun des deux électeurs usa de son droit dans une certaine étendue de pays, jusqu'à ce que la diete de l'empire prononçât sur ce différend lorsqu'il serait porté à son tribunal.
Des Princes de l'Empire. Après les électeurs vient le collège des princes de l'Empire, plus étendu pour le nombre, mais moins puissant que le collège électoral, lequel avec l'empereur est à la tête du corps germanique. Ainsi que les électeurs, ils sont divisés en deux classes ; savoir, en ecclésiastiques et en séculiers.
Les premiers sont aujourd'hui l'archevêque de Saltzbourg, le plus distingué après les trois archevêques électeurs de l'Empire. Son revenu est très-considérable. Il a trente-six chambellans, lesquels, comme ceux des électeurs, portent la clé d'or à leur côté. Il est primat de Germanie, et son chapitre est composé de vingt-quatre chanoines capitulaires, qui ont droit d'élire leur archevêque, comme ils ont droit d'être élus. Il y a aussi des chanoines domiciliaires qui deviennent capitulaires à leur tour suivant leur ancienneté. L'archevêque de Saltzbourg a un privilège particulier, que n'ont aucuns des autres archevêques de l'Empire ; il nomme seul aux évêchés de Lavautz dans la basse Carinthie, et de Chiemsée petite ville du cercle de Bavière. Aussi ces deux évêques ne sont pas princes de l'Empire.
Bamberg siège ensuite au banc des princes ecclésiastiques, comme premier évêque de l'Empire ; il en est un des plus puissants, et ne reconnait que le pape pour supérieur au spirituel. Son chapitre est composé de vingt chanoines capitulaires, qui ont droit d'élire et d'être élus. Ce prélat est souverain dans ses états ; il a pour vassaux de quelques portions de leurs pays les quatre électeurs, de Bohème, de Saxe, de Bavière, et de Brandebourg.
Wirtzbourg a un évêque qui prend le titre de duc de Franconie, quoique cette province dépende de plusieurs princes séculiers. Lorsqu'il célèbre la messe pontificale, son grand-maréchal y assiste avec son épée sur l'épaule ; de-là est venu le proverbe en Allemagne, Herbipolis sola pugnat ense et stolâ. Vingt-quatre chanoines capitulaires composent son chapitre ; et pour y être admis il faut non-seulement faire preuve de noblesse ; mais encore souffrir une cérémonie ridicule, qui est de passer entre deux rangées de chanoines, et de recevoir sur les épaules, à nud, des coups de verges de la main de leurs confrères. On prétend que cet usage a été introduit pour empêcher les princes, les comtes, et les barons d'aspirer à entrer dans ce chapitre.
L'évêché de Worms est un des moins considérables pour le revenu ; sa situation sur le Rhin ne le rend pas pour cela plus considérable, non plus que celui de Spire, qui est un peu au-dessus, situé sur le même fleuve, et au moindre mouvement de guerre ces deux états sont ordinairement ou ruinés ou abandonnés, parce qu'ils n'ont point assez de forces pour se pouvoir soutenir par eux-mêmes.
L'évêque d'Augsbourg, quoiqu'au milieu de l'Empire, n'a point à craindre les mêmes inconvénients : mais son pouvoir, tant au spirituel qu'au temporel, est extrêmement borné, puisqu'il ne lui est permis de rester dans sa ville épiscopale, qu'autant que son chapitre y consent. D'ailleurs Augsbourg est une ville libre et impériale, qui ne relève que de l'Empire et de l'empereur. L'évêque de Constance, sur un lac du même nom, n'est pas plus puissant ; il ne laisse pas néanmoins d'avoir sous lui 1800 paroisses, et a été fondé par nos rois de la première race. La ville de Constance, autrefois impériale, ayant refusé l'interim en 1548, fut mise au ban de l'Empire, et la maison d'Autriche se l'attribua pour lors, et en jouit encore aujourd'hui.
L'évêque de Paderborn fut établi par Charlemagne, qui en fit édifier l'église l'an 777. Cet évêché est presque environné de princes protestants, qui ambitionneraient fort de s'en rendre maîtres ; c'est ce qui oblige son chapitre de choisir toujours un prince puissant, en état de les soutenir et de les rendre indépendants de leurs ennemis. Pour en être reçu chanoine il faut avoir étudié dans une université de France ou d'Italie, et y avoir demeuré un an et six semaines sans découcher de la ville. Paderborn était autrefois libre et impériale ; mais ayant voulu faire quelque mouvement dans le XVIe siècle en faveur des protestants, elle fut mise au ban de l'Empire, et soumise à son évêque.
Hildesheim, dont l'évêché n'est pas moins ambitionné par les protestants que celui de Paderborn, doit sa fondation à Louis le Débonnaire, qui le transféra dans cette ville l'an 814 ; car Charlemagne l'avait auparavant établi dans le bourg d'Eltze. Quoique la plupart des habitants soient protestants, ils ne laissent pas de reconnaître l'évêque pour leur souverain aussi-bien que le font les Catholiques. C'est peut-être la seule église qui ait des chorevêques ; et lorsqu'un chanoine a fait sa résidence pendant trois mois, il peut être absent pendant six ans, savoir deux ans pour voyager, deux autres par dévotion, et enfin deux années pour raison de ses études.
Ratisbonne, ville située sur le Danube, est une des plus anciennes de l'Allemagne : son évêque établi vers l'an 740, est prince de l'Empire, et ne relève que du saint-siege pour le spirituel ; mais il n'est pas maître dans sa ville, qui est libre et impériale dès la fin du XIIe siècle. Elle sert aujourd'hui de lieu d'assemblée pour les dietes de l'Empire, et c'est ce qui la rend si considérable. Les Catholiques y possédent la cathédrale et plus de vingt autres églises ; mais ils y ont si peu de crédit, qu'ils sont exclus non-seulement de la magistrature, mais même du droit de bourgeoisie.
Osnabruk, beaucoup moins ancienne, doit sa fondation à Charlemagne en 776, et elle en conserve précieusement les titres. Son évêque est souverain d'un pays riche et abondant, qui s'étend dans la Westphalie. Les luthériens ont quatre chanoines qui entrent au chapitre de cette église, et l'évêque est alternativement catholique et protestant ; mais ce dernier doit être choisi dans la maison de Brunswick Lunebourg. Alors l'archevêque de Cologne, comme métropolitain, a soin de pourvoir au spirituel, et le pape y nomme un vicaire apostolique.
L'évêché et principauté de Munster est une des plus considérables de l'Empire ; son évêque fut établi l'an 794 à la sollicitation de Charlemagne, qui le dota de grands biens. Mais comme Munster n'était pas encore bâtie, la fondation se fit à Mimingerode ; et au commencement du IXe siècle, le second évêque nommé Herman fit bâtir un monastère, et c'est du nom de monasterium que la ville qui se forma pour lors prit son nom. Cet évêque n'est devenu prince de l'Empire qu'en 1246. L'empereur Fréderic II, qui nommait à cet évêché, y renonça et remit au chapitre le droit d'élire son évêque. C'est dans cette ville que fut conclu, en 1648, le fameux traité par lequel le roi d'Espagne reconnait les états généraux des Provinces Unies, comme des souverains, libres et indépendants. C'est une obligation des plus essentielles que la Hollande doit à la France, par laquelle les états avaient toujours été soutenus et secourus depuis le commencement de la révolution.
Les évêchés d'Aichstet et de Strasbourg sont moins étendus, et fournissent beaucoup moins aux charges de l'empire. Le premier, situé entre le haut Palatinat et la Bavière, doit son établissement à S. Boniface archevêque de Mayence, qui le fonda l'an 748. La dignité de prince de l'Empire, avec séance à la diete, fut conservée à l'évêque de Strasbourg par l'Empereur Charles VI, quoique la plus grande partie du territoire de ce prélat soit aujourd'hui sous la domination de la France : mais il en a conservé beaucoup au-delà du Rhin sur les terres de l'Empire, où s'étend sa juridiction tant spirituelle que temporelle.
Quoique l'évêché de Liege soit enclavé dans les Pays-Bas, il ne laisse pas d'être un des princes les plus puissants du cercle de Westphalie. Sa fondation, qui se fit à Tongres, est du commencement du IVe siècle ; mais il fut transféré à Liege l'an 709, et les rois de France en ont toujours été les protecteurs.
Quoique l'évêque soit souverain dans la ville, on ne laisse pas néanmoins de remarquer qu'il n'y a pas moins de caractère républicain que de marques de souveraineté, et c'est ce qui en a causé autrefois les révolutions.
Les évêchés de Frisinghe et de Passau, dans le cercle de Bavière, sont peu considérables ; mais ils ont toujours rang et séance parmi les princes ecclésiastiques, aussi-bien que Basle en Suisse, et Coire chez les Grisons, Trente sur les frontières d'Italie, et Brixen qui avoisine la Carinthie et le Frioul, qui donnent à leurs évêques la qualité et la séance de princes de l'Empire ; et ils sont souverains dans leurs villes épiscopales, et sous la protection de la maison d'Autriche : de laquelle néanmoins ils ne relèvent pas.
Lubeck, son évêque quoique luthérien a toujours conservé la voix et séance à la diete comme prince ecclésiastique. La maison d'Holstein s'est comme attribuée cette prélature, et l'élection du chapitre n'est à proprement parler qu'une simple cérémonie. La ville fut déclarée libre et impériale en 1181, ce qui fut renouvellé et confirmé en 1227. Ainsi l'évêque n'a aucun droit temporel sur la ville, quoiqu'il ait toujours conservé sa juridiction spirituelle : dans les séances de la diete il siège sur un banc particulier, séparé des autres évêques.
Avant les révolutions de religion, arrivées en Allemagne dans les premières années du XVIe siècle, il y avait encore beaucoup d'autres princes ecclésiastiques qui avaient voix et séance dans les dietes de l'Empire ; mais ils sont aujourd'hui sécularisés et convertis en principautés purement temporelles, possédées par divers électeurs et autres princes de l'Empire : telles sont Magdebourg autrefois archevêché et primat de Germanie, Bremen aussi archevêché ; les évêchés sont Halberstadt, Verden ou Ferden, Mersbourg, Nawmbourg, Meissen, Havelberg, Brandebourg, Lebus, Ratzebourg, Swrem, et Camin.
Besançon et Cambrai, quoique qualifiés toujours de princes de l'Empire, n'ont plus ni voix ni séance aux états, non plus que les archevêchés et évêchés de Bohème, Silésie, Moravie, Hongrie, et Autriche, qui même dans les anciens temps ne l'avaient pas.
Il faut compter parmi les princes ecclésiastiques le grand-maître de l'ordre teutonique, qui a voix et séance avant tous les évêques. Il était autrefois établi dans la Prusse ducale, qui est aujourd'hui royaume. Albert, de la maison de Brandebourg, s'empara de cette principauté dans les premiers années du seizième siècle, et s'y établit l'an 1525 en titre de duc, après y avoir introduit les nouvelles opinions de Luther, et en avoir reçu l'investiture de la Pologne. Cette grande maitrise a souffert dans l'Empire beaucoup de révolutions, aussi-bien que l'état du grand prieur de Malthe, qui siège aussi, comme prince, dans les dietes impériales.
Les abbés viennent ensuite, dont le premier est celui de Fulde, qui est le primat et le chef des abbés : prince, et comme archi-chancelier de l'impératrice, il a cru autrefois pouvoir disputer la préséance aux électeurs séculiers, mais ç'a toujours été inutilement. D'ailleurs quoique son pays, ou pour mieux dire ses états, aient été ruinés pendant les longues guerres de l'Empire, il est encore demeuré très-riche avec de grandes prérogatives : on peut dire même qu'il est le plus riche de tous les abbés de l'Europe, et peut entretenir beaucoup de troupes. Son abbaye doit sa fondation à S. Boniface évêque de Mayence, qui l'établit l'an 744. La ville est assez belle, et toute la principauté assez bien cultivée.
Il s'en faut beaucoup qu'il soit égalé par les autres abbés de l'Empire, tant pour les richesses que pour la dignité et les prérogatives. Tels sont ceux de Kempten dans la Suabe, d'Elwangen dans le même cercle, sécularisé en 1460 ; de Murbach en Alsace, du grand-prieur de Malte, de Bergstolsgade enclavée dans le diocèse de Saltzbourg, de Weissembourg, de Prum unie à l'archevêché de Treves, de Stavelo unie à Malmedy dans l'évêché de Liege : Corwey ou la nouvelle Corbie dans le cercle de Westphalie, fut fondée l'an 822 et 823 par S. Adelard abbé de Corbie en France. Les autres prélats qui sont immédiats n'ont qu'une voix unis ensemble, aussi-bien que les abbesses, qui sont réprésentées par leurs députés.
Les princes séculiers n'ont séance qu'après les ecclésiastiques : ce sont principalement ceux de Bavière et Palatins des différentes branches, de Saxe, de Brandebourg, de Brunswick, sans parler de beaucoup d'autres princes qui alternent pour le suffrage ; de ce nombre sont Meckelbourg, Wirtemberg, Hesse, et Baden.
Les comtes immédiats de l'Empire sont divisés en quatre classes ; savoir ceux de Veteravie, de Suabe, de Franconie, et de Westphalie, et chacune de ces classes a une seule voix. Cependant tous ces comtes réunis vont environ à cent dix.
Les villes impériales forment un troisième collège dans les dietes de l'Empire, et se divisent en deux bancs ; savoir, le banc du Rhin, qui en a vingt, et celui de Suabe, qui en a trente-six. Mais il ne faut pas croire que toutes aient le même crédit. A l'exception de Cologne, de Lubeck, de Francfort, et de Hambourg dans le banc du Rhin, la plupart des autres n'ont pour toute richesse qu'une apparence de liberté. Mais il y en a d'aussi importantes dans le banc de Suabe ; savoir, Ratisbonne, Augsbourg, Nuremberg, Ulm, et quelques autres. Le plus grand nombre qui vient ensuite, se contente de jouir de sa liberté. Tout le corps de ces villes a été jadis si considérable dans l'Empire, que l'on y a quelquefois appréhendé qu'elles n'y causassent une révolution générale : mais leur abaissement procuré par les différentes guerres, a fait évanouir cette crainte. Elles n'ont que deux voix dans les dietes ; savoir, le banc du Rhin une, et celui de Suabe la sienne particulière. Il y a néanmoins une observation importante sur la voix de ces villes : lorsque les deux colléges des électeurs et des princes sont d'accord, le collège des villes est obligé d'obéir et de consentir aux décisions de ces deux colléges, sans rien consulter entr'elles.
Des cercles de l'Empire. Outre les dietes ou assemblées générales, il s'en tient encore de particulières dans les cercles : ces cercles sont des espèces de généralités ou de grandes provinces, dans lesquelles les princes, les prélats, les comtes, et les villes impériales qui les composent, s'assemblent pour régler leurs affaires communes. Ils doivent leur établissement à l'empereur Maximilien I. qui d'abord l'an 1500 en établit six, qui sont ceux de Franconie, de Bavière, de Suabe, du Rhin, de Westphalie, et de basse Saxe. En 1512 il y ajouta ceux d'Autriche, de Bourgogne, du bas Rhin, et de haute Saxe. Charles-quint son petit-fils confirma cette division à la diete de Nuremberg en 1522 ; et depuis ce temps-là elle a toujours été en usage et subsiste toujours ; il n'y a que le cercle de Bourgogne qui est indépendant de l'Empire, et qui ne contribue plus à ses charges, en conséquence du traité de Munster en 1648.
Chaque cercle a ses directeurs et un colonel. Les premiers convoquent l'assemblée des états de leur cercle, pour y régler de concert les affaires publiques. Le colonel commande les gens de guerre, et a soin de l'artillerie et des munitions nécessaires pour la servir. Les états de chaque cercle doivent contribuer aux besoins de l'Empire, dont ils sont membres : c'est le sujet de la taxe qui leur est imposée pour l'entretien des troupes et pour les nécessités publiques, à raison de tant de cavaliers et de fantassins, ou d'une somme d'argent par mois.
Le cercle d'Autriche, que la seule dignité de la maison d'Autriche fait ordinairement mettre le premier, comprend les pays héréditaires de cette maison, avec les duchés de Stirie, Carinthie, et Carniole : on y joint le Comté de Tirol et la Suabe autrichienne, quoique séparés de ces premières provinces. Les princes ecclésiastiques de ce cercle sont les évêques de Trente et de Brixen. Les princes séculiers sont l'archiduc d'Autriche qui en est le seul directeur ; les autres sont les comtes d'Aversberg, de Dietrichstein, et de Piccolomini : on y joint même les quatre villes forestières qui sont en Suisse, mais qui appartiennent à la maison d'Autriche.
Le cercle de Bavière, dont le duc de Bavière et l'archevêque de Saltzbourg sont directeurs, est situé entre la Boheme, la Franconie, la Suabe, le Tirol, et l'Autriche. Outre l'archevêque de Saltzbourg, les autres princes ecclésiastiques sont les évêques de Freysingue, de Ratisbonne, et de Passau, avec le prevôt de Berchtolsgade, les abbayes de Waldsachsen, de Keysershein, de S. Emmeran, de Nides, et d'Obermunster. Les princes séculiers sont les ducs de Bavière et de Neubourg, le prince de Sulzbach ; les comtes d'Ortembourg et de Sternstein, d'Eggemberg et de Lobkowitz. Ratisbonne est la seule ville impériale de ce cercle.
Le cercle de Suabe, pays fertîle et abondant, comprend pour princes ecclésiastiques les évêques de Constance et d'Augsbourg, aussi-bien que les abbayes de Kempten, d'Elwangen, de Lindau, de Buchaw, et plusieurs autres moins considérables au nombre de vingt-une, en y comprenant la commanderie teutonique d'Altschausen. Les princes séculiers sont le duc de Wirtemberg, les marquis de Bade-Baden et Bade-Dourlach, avec les principautés et comtés de Hohenzollern, et de Furstenberg, aussi-bien que douze autres comtés moins importants. Les principales villes impériales sont Augsbourg, Ulin, Heilbron, et un assez grand nombre bien moins considérables. Les directeurs de ce cercle sont l'évêque de Constance et le duc de Wirtemberg.
Le cercle de Franconie n'a pas moins de quarante lieues d'étendue, soit en longueur soit en largeur. Dans les premiers temps il fut habité par les Francs ou Français, et c'est ce que sous la première et seconde race de nos rois on appelait la France orientale. Pepin et Charlemagne donnèrent à l'évêque de Wirtzbourg tout ce qu'ils possédaient dans la Franconie. Ce pays eut des ducs qui furent rois de Germanie après l'extinction de la maison de Charlemagne. Les princes et états de ce cercle sont les évêques de Bamberg, Wirtzbourg, et Aichstet, avec le grand-maître de l'ordre teutonique. Les états séculiers sont les marquis de Culembach et d'Onspach, aussi-bien que les comtes de Henneberg, de Schwartzenberg, et sept ou huit autres moins considérables. La ville de Nuremberg est la plus riche et la plus importante de celles qui sont impériales. Ce cercle a pour directeurs l'évêque de Bamberg et le marquis de Culembach, qui est de la maison de Brandebourg.
Le cercle de haute-Saxe n'a qu'un seul directeur, qui est l'électeur de ce nom, et n'a point de villes impériales. Ses princes sont aujourd'hui tous séculiers ; savoir les électeurs de Saxe et de Brandebourg, avec les princes possesseurs des évêchés sécularisés de Mersbourg et de Nawmbourg, tous deux unis aujourd'hui au duché de Saxe. Il s'y trouve aussi quelques abbayes, dont plusieurs sont restées en titre, quoiqu'on y ait embrassé la communion luthérienne. Presque tous les princes de la maison de Saxe ont leurs états dans ce cercle, aussi-bien que le duché de Poméranie qui appartient au Brandebourg. On y trouve de même la principauté d'Anhalt.
Le cercle de basse-Saxe occupé autrefois par les premiers Saxons, est un des plus étendus de l'Empire. Il a peu de principaux ecclésiastiques, il a les évêchés d'Hildesheim et de Lubeck ; ce dernier est Luthérien. Avant les révolutions de religion on y trouvait les archevêchés de Magdebourg et de Bremen, qui ont été convertis en duchés par le traité de Westphalie en 1648. D'ailleurs il y a des princes séculiers fort puissants ; tels sont le duché et électorat d'Hanovre, les duchés de Brunswick, Lunebourg, Meckelbourg, Holstein, Magdebourg, et Saxe-Lawembourg. Ce dernier est possédé par l'électeur d'Hanovre. Ses villes impériales sont Lubeck, Bremen, et Hambourg ; les autres sont peu de chose. Sa direction est alternativement sous le duc électeur d'Hanovre comme duc de Bremen, et sous l'électeur de Brandebourg en qualité de duc de Magdebourg, avec l'ainé des ducs de Brunswick et de Lunebourg.
Le cercle de Westphalie est assez considérable, très-fertile, et l'un des plus puissants de l'Empire. Il a pour directeurs les ducs de Juliers et de Clèves, qui le sont alternativement aussi-bien que l'évêque de Munster. Les princes ecclésiastiques de ce cercle sont les évêques de Paderborn, de Liège, d'Osnabrug, et de Munster ; avec les abbés de Stablo, de Corwey, de Saint-Cornelis, Munster, et deux autres moins puissants. Les princes séculiers sont les ducs de Juliers et de Berg, qui est à présent l'électeur Palatin. Le duc de Clèves est l'électeur de Brandebourg, en qualité de comte de la Marck, et même prince d'Oostfrise et prince de Minden, évêché sécularisé par la paix de Westphalie : mais la principauté de Ferden appartient au duc d'Hanovre, qui l'acheta en 1712 du roi de Danemark. A l'exception des états de la maison de Nassau et du comté de Revensberg qui est à l'électeur de Brandebourg, les autres états sont bien moins considérables. Les villes impériales sont celles de Cologne, d'Aix-la-Chapelle, et de Dortmund.
Le cercle électoral ou du bas Rhin a ces deux noms ; l'un parce qu'il comprend quatre électorats, et le second parce qu'il est dans la partie inférieure du Rhin. Il est plus considérable par les électeurs qu'il contient, que par les autres princes ou états qui le composent. Ces électeurs sont ceux de Mayence, de Treves, de Cologne, et Palatin. Mayence et Palatin en sont les directeurs ; et dans les autres états de ce cercle, les comtés de Nassaw-Beilstein, du Bas-Isembourg, et d'Aremberg, sont les plus distingués.
Le cercle du haut Rhin était anciennement plus étendu qu'il ne l'est aujourd'hui. Les directeurs de ce cercle sont l'évêque de Wormes, et l'électeur Palatin comme duc de Simmeren. Les autres princes ecclésiastiques sont les évêques de Strasbourg, pour les états qu'ils possèdent au-delà du Rhin, celui de Spire et de Bâle ; avec les abbayes de Fulde, de Prum, et le grand-prieur de l'ordre de Malte en Allemagne. Les principaux princes séculiers sont le Palatin du Rhin, le duc des Deux-Ponts, le landgrave de Hesse, le prince d'Hirschfeld, les comtes de Hanaw, de Nassaw-Wisbaden, et quelques autres fort distingués par rapport à leur naissance, mais moins puissants que ces premiers. Les villes impériales sont Wormes, Spire, Francfort sur le Mein, place très-considérable de toutes manières, soit par ses richesses, soit par son commerce : mais celles de Wetzlar, de Gelnhausen, et de Friedberg, le sont beaucoup moins.
Enfin il y avait le cercle de Bourgogne, qui comprenait la Franche-Comté et les Pays-bas : mais aujourd'hui tous ces états sont indépendants de l'Empire, et n'entrent plus aux dietes, et par conséquent ne forment aucun cercle.
Des lois de l'Empire. Les lois de l'Empire d'Allemagne se divisent en deux classes, savoir en lois qui regardent les états du corps germanique en général, et en lois qui regardent les affaires des particuliers.
La première des lois générales de l'Empire est la bulle d'or, ainsi nommée à cause du sceau d'or dont elle est scellée. C'est un édit ou constitution que l'empereur Charles IV. de la maison de Luxembourg publia en 1356, du consentement de l'Empire, pour l'utilité du corps germanique. L'acte authentique et original qui est en latin, fut déposé dans les archives de la ville de Francfort sur le Mein. Cet empereur y a renfermé les droits, charges et prérogatives des électeurs : son intention était, lorsqu'il fit cette loi si respectable, de jeter les fondements inébranlables des électeurs, et de conserver en même temps la dignité impériale purement et librement élective à perpétuité. Cependant depuis quelques siècles il semble qu'on ait voulu attenter à cette liberté. Il est vrai que quelques Allemands assurent que c'est plus pour l'avantage de l'Empire que de l'auguste maison d'Autriche, qui a soutenu plus que les autres la dignité du corps germanique. Charles IV. qui s'était montré si zélé pour le maintien de cette loi, fut lui-même le premier à y contrevenir, parce qu'il s'agissait de l'intérêt particulier de sa famille : Il engagea les électeurs à lui faire succéder son fils Wenceslas qui n'avait que dix ans, et il leur promit à chacun cent mille ducats pour leur suffrage. Tout le monde sait que depuis Albert II. prince de la maison d'Autriche, on a élu jusqu'à ces derniers temps tous les empereurs de la même famille : on a même donné aux empereurs vivants une espèce de coadjuteur et successeur nécessaire sous le titre de roi des Romains, contre la défense expresse de la bulle d'or, quoiqu'on ne l'ait fait cependant en cette occasion et en quelques autres, que du consentement du corps germanique.
La deuxième de ces lois sont les capitulations impériales. Elles ne sont pas anciennes : elles tirent leur origine de la juste appréhension où s'est trouvé l'Empire de se voir asservi à un prince trop puissant. Cette loi doit ou son établissement ou son renouvellement au temps de l'empereur Charles-quint, en 1520. J'ai dit que ce pouvait être un renouvellement d'une loi plus ancienne. On sait que l'an 860 il se fit une fameuse convention à Coblentz, par laquelle Louis le Germanique promit de ne rien décerner dans les matières importantes qui regardaient les états ecclésiastiques et séculiers, sans le conseil et le consentement des premiers membres de ce vaste corps ; et ce fut à l'imitation de cette première loi qu'on a formé depuis environ 250 ans les capitulations impériales. La grande puissance de Charles-quint y donna lieu. Cette loi est un contrat écrit que les électeurs font avec celui qu'ils veulent mettre sur le trône impérial ; et il s'oblige par serment à l'observation de tous les articles de ce contrat sous un nouvel empereur. On les change quelquefois selon les temps et les circonstances ; on en retranche ou on y ajoute ce qui convient aux conjonctures. Le chef que le corps germanique a choisi sous ces conditions, est toujours responsable de leur observation ; et le corps germanique a toujours le droit, ou de l'obliger à les observer, ou de le déclarer déchu de l'empire s'il vient à y manquer.
Une troisième loi est celle de la paix publique. L'idée que les princes et seigneurs allemands ont toujours eue de leur liberté et de leur indépendance, était cause des différends qui s'élevaient quelquefois entr'eux, et qui souvent ne se terminaient qu'à main armée ; ce qui arrivait souvent ou dans les temps de trouble ou dans les interrègnes, et ne pouvait tourner qu'au détriment de l'Empire. Aussi dès le XIIe siècle les états de l'Empire convinrent avec l'empereur d'empêcher ces voies de fait, et de terminer le tout dans les dietes ou dans les assemblées du corps germanique ; et l'on décida en conséquence de faire administrer aux divers particuliers la justice selon le droit et l'équité. Les ordonnances émanées en vertu de cet accord sont connues sous le nom de paix prophane, civile, ou publique ; et l'on a puni en effet, ou par le ban impérial, ou par des amendes pécuniaires, ceux qui avaient la témérité d'y contrevenir. Cette convention si nécessaire fut renouvellée par Maximilien I. dans la diete de Wormes, l'an 1495, et confirmée depuis à Augsbourg l'an 1500 ; et depuis ce temps-là il est rare que les membres de l'Empire y aient manqué.
La quatrième loi est connue sous le nom de paix religieuse. C'est une suite des mouvements et des révolutions de religion arrivées dans les premières années du XVIe siècle. Cette convention se fit à Passau en 1552, et depuis elle fut confirmée à Augsbourg en 1555. L'empereur et les membres de l'Empire, catholiques et protestants, s'obligèrent alors à ne faire aucune violence aux princes et états qui auraient embrassé les nouvelles opinions de Luther, ou qui persisteraient dans l'ancienne et véritable religion : ils se promirent que leur union ne pourrait être troublée par la diversité de communion. Charles-quint fut soupçonné dans ces premiers troubles de vouloir saisir cette occasion pour ses intérêts propres, et pour asservir les états et rendre l'Empire héréditaire dans sa maison : et peut-être y aurait-il réussi sans le roi de France Henri II. dont les princes de l'Empire implorèrent le secours, et sans la valeur du prince Maurice électeur de Saxe. Les deux partis las de la guerre, firent en 1552 le traité de paix, par lequel l'empereur, outre la liberté du landgrave de Hesse qu'il avait arrêté prisonnier contre la foi publique, accorda beaucoup de choses aux Luthériens, nommés protestants pour avoir protesté contre le recès de l'Empire de la diete de Spire. On voulait par ce recès obliger tous les membres du corps germanique à se conformer à l'ancienne doctrine de l'Eglise catholique ; et cette transaction de Passau en 1552 fut affermie et confirmée à Augsbourg l'an 1555. Et c'est ce double traité qui est devenu si célèbre sous le nom de paix religieuse, qu'on a étendu aux prétendus réformés ou Calvinistes par la paix de Westphalie, en 1648. Et comme la France avait concouru dans cette occasion à maintenir la liberté des princes de l'Empire, ils crurent devoir céder au roi Henri II. et à ses successeurs les trois évêchés de Metz, Toul et Verdun, pour être toujours en état de se voir secourus par nos rois dans les temps de trouble ; ce qui depuis a été confirmé par la paix de Westphalie et par les autres traités.
Ce traité est la cinquième loi de l'Empire ; et vint après cette longue guerre nommée la guerre de trente années, commencée par le grand Gustave roi de Suède en 1618, et qui ne fut terminée qu'en 1648, longtemps après la mort de ce prince. Elle fut traitée en même temps à Munster et à Osnabruck, et c'est ce qu'on appelle la paix de Westphalie, où l'on rétablit la liberté chancelante du corps germanique, lequel depuis Charles-quint et Ferdinand I. son frère, ne laissait pas d'avoir souffert beaucoup d'atteintes, par les infractions qu'on avait faites aux lois antérieures. La liberté germanique a depuis été confirmée de nouveau par les traités de Nimegue, de Riswick, de Rastadt et Baden, et enfin par le dernier traité d'Aix-la-Chapelle en 1748, où la France a toujours eu soin de stipuler l'entier affermissement des princes et états de l'Empire.
Enfin les dernières lois sont les recès de l'Empire, c'est-à-dire les constitutions et les decrets dont les princes et états du corps germanique sont convenus dans les dietes générales, du consentement de l'empereur, sans la ratification duquel aucunes lais, résolues même par les trois colléges, n'ont la force de lois publiques.
Nous n'avons ici parlé que des dernières lois impériales : ce n'est pas qu'il n'y en ait de très-anciennes recueillies par Lindenbroge, aussi-bien que dans nos capitulaires, et par Goldaste ; mais elles servent moins pour le droit public de l'Empire, que pour l'histoire de ce vaste corps. Celles qui sont d'usage ont été données par une infinité d'écrivains, qui les ont expliquées, commentées, et comparées les unes avec les autres ; c'est un travail et une étude suivie de les connaître toutes. Voyez DROIT GERMANIQUE.
Par rapport aux lois qui regardent les particuliers, elles sont la plupart émanées des coutumes des provinces, des cercles de l'Empire, ou même des princes qui ont droit d'en faire pour leurs sujets, et pour terminer les différends qui s'élèvent entr'eux. Les difficultés sont ordinairement décidées en première instance par les juges établis dans les villes principales de chaque cercle, état, comté, ou principauté ; et les appelations s'en relèvent à la chambre impériale de Wetzlar, autrefois établie à Spire, ou bien elles sont réglées par le conseil aulique qui réside prés de l'empereur. Il y a néanmoins des princes de l'Empire dont les jugements sont sans appel à ces deux tribunaux : tels sont les électeurs de Saxe et de Brandebourg. Mais on s'est toujours plaint qu'on ne voyait jamais finir les affaires ni régler les contestations, dès qu'elles étaient portées à la chambre impériale ou au conseil aulique, où d'ailleurs les dépenses sont excessives.
Peines imposées aux membres de l'Empire. Mais dès qu'il s'agit des difficultés qui naissent entre les princes et états de l'Empire, elles ne peuvent être réglées que par la diete générale de ce vaste corps ; autrement c'est une infraction faite aux lois fondamentales de l'état. C'est pourquoi l'empereur ne saurait de son autorité punir un membre de l'Empire, le condamner au ban de l'Empire, c'est-à-dire au bannissement ou à la proscription, ni priver un prince de ses états. Il faut que le corps de l'Empire, sur la connaissance et la conviction du crime, prononce son jugement. En effet, le ban impérial étant une peine qui passe aux enfants, en ce qu'ils ne succedent point aux biens de leur père, il est juste et même nécessaire que cette proscription se fasse avec l'approbation de tous les états.
Il y a deux exemples notables de ce ban : le premier fut celui de Jean Fréderic électeur de Saxe, proscrit par l'empereur Charles-quint, et dont les états passèrent au prince Maurice de Saxe cousin de Jean Fréderic, mais d'une branche puinée. A sa mort arrivée sans laisser d'enfants mâles, en 1553, son électorat passa à son frère Auguste, qui mourut en 1586 ; et c'est de lui que descend la maison de Saxe qui possède aujourd'hui toutes les terres et les dignités de la branche ainée.
La seconde proscription fut celle de Fréderic V. électeur Palatin, qui mourut dépouillé de ses états en 1631 : mais son fils Charles Louis fut rétabli en 1648, avec le titre de huitième électeur. Ceux de Saxe et de Brandebourg ne laissèrent pas de se plaindre du ban publié et exécuté contre l'électeur Palatin : c'est ce qui obligea les électeurs d'insérer dans la capitulation de Léopold et dans les suivantes, que l'empereur ne pourra mettre personne au ban de l'Empire, même en cas de notoriété, sans le conseil et le consentement des électeurs.
Lorsqu'il s'agit de mettre un prince ecclésiastique au ban de l'Empire, il faut que les deux puissances y concourent ; c'est-à-dire le saint-siège ou le pape, et la puissance temporelle, c'est-à-dire l'empereur avec le consentement des électeurs.
Une autre peine, mais qui n'est soutenue d'aucune loi positive, est la déposition de l'empereur. C'est néanmoins ce qui est arrivé plus d'une fais. Adolfe de Nassau fut déposé en 1298 par les électeurs, pour avoir négligé ce que ses prédécesseurs avaient religieusement observé dans l'administration de l'Empire, ou même pour avoir méprisé les avis des électeurs ; pour avoir engagé une guerre injuste et préjudiciable au bien commun du corps germanique, enfin pour avoir fomenté des divisions entre plusieurs états de l'Empire.
Le deuxième exemple est celui de Wenceslas fils de l'empereur Charles IV. qui fut déposé vingt-deux ans après son élection, pour avoir démembré l'Empire par la vente qu'il fit du Milanais aux Viscomti, et même de plusieurs autres états d'Italie ; enfin pour avoir massacré de sa propre main ou fait massacrer plusieurs ecclésiastiques : ces excès engagèrent les électeurs à le déclarer indigne de l'Empire, dont il fut privé, et l'on élut en sa place Robert comte Palatin, l'an 1400 ; Wenceslas ne mourut qu'en 1418, dans le royaume de Boheme où il s'était retiré, et dont il était roi. (a)
CONSTITUTIONS APOSTOLIQUES, sont un recueil de règlements attribués aux apôtres, qu'on suppose avoir été fait par S. Clement, dont elles portent le nom.
Elles sont divisées en huit livres, qui contiennent un grand nombre de préceptes touchant les devoirs des Chrétiens, et particulièrement touchant les cérémonies et la discipline de l'Eglise.
La plupart des savants conviennent qu'elles sont supposées, et constatent par des preuves assez palpables, qu'elles sont bien postérieures au temps des apôtres, et n'ont commencé à paraitre que dans le quatrième ou cinquième siècle, et que par conséquent S. Clément n'en est pas l'auteur.
M. Wisthon n'a pas craint de se déclarer contre ce sentiment universel, et a employé beaucoup de raisonnements et d'érudition pour établir que les constitutions apostoliques sont un ouvrage sacré, dicté par les apôtres dans leurs assemblées, écrit sous leur dictée par S. Clément ; et il les regarde et veut les faire regarder comme un supplément au nouveau Testament, ou plutôt comme un plan ou un exposé de la foi chrétienne et du gouvernement de l'Eglise. Voyez son essai sur les constitutions apostoliques, et sa préface historique, où il décrit toutes les démarches qu'il a faites pour parvenir à cette prétendue découverte.
Une raison très-forte contre le sentiment de M. Wisthon, c'est que ces constitutions qu'il attribue aux apôtres, sentent en quelques endroits l'arianisme, sans parler des anachronismes et des opinions singulières sur plusieurs points de la religion, qu'on y rencontre presqu'à chaque page. (G).
CONSTITUTION, (Médecine) voyez TEMPERAMENT.