S. f. (Jurisprudence) du latin vestire, signifie tradition, mise en possession. Ce terme se prend quelquefois pour le droit d'investir, quelquefois pour l'action même d'investir, quelquefois enfin pour l'instrument ou acte qui fait mention de cette investiture. Il se prend aussi pour la possession même, comme on le voit en plusieurs endroits de la loi des Lombards.

En matière féodale, le terme d'investiture se prend quelquefois pour le titre primitif de concession du fief, et plus souvent encore pour la réception en foi et hommage.



Anciennement les investitures et mises en possession ne se faisaient pas simplement de bouche, ni même par écrit ; on y ajoutait certains signes extérieurs ou symboles, pour exprimer la translation qui se faisait de la propriété ou possession d'une personne à une autre.

Ces symboles étaient fixés par les lois ou par l'usage, et l'on employait à cet effet les mêmes choses chez presque toutes les nations ; on se servait ordinairement des choses qui avaient le plus de rapport avec celle dont on voulait faire la tradition. Ainsi pour l'investiture d'un champ, on donnait un morceau de terre ou de gazon taillé en rond, large environ de quatre doigts ; si c'était un pré on y ajoutait de l'herbe, ou plutôt on coupait un gazon ; si c'était une terre, on y fichait une branche d'arbre haute de quatre doigts, le tout pour faire entendre que ce n'était pas seulement le fond et le sol dont on se dépouillait, mais que l'on cédait aussi la superficie, c'est-à-dire tout ce qui était sur le fonds, comme les bâtiments, les bois, les arbres, les vignes, les plantes, moissons, etc.

L'investiture se faisait aussi per festucam seu per baculum et virgam, c'est-à-dire par la tradition d'un petit bâton appelé festuca.

On employait encore pour symbole de tradition un couteau ou une épée per cultellum, vel per gladium. C'était pour désigner la puissance que l'on transmettait au nouveau propriétaire de changer, détruire, couper, renverser, et faire généralement dans son fond tout ce qu'il jugerait à propos.

On se servait enfin quelquefois encore d'autres choses en signe d'investiture, comme d'un anneau que l'on mettait au doigt, d'une pièce de monnaie, d'une pierre, et de diverses autres choses.

Les souverains donnaient l'investiture d'une province per vexillum, c'est-à-dire en remettant une bannière.

On gardait avec soin ces signes d'investitures, et souvent on les annexait à l'acte d'investiture, comme quand c'était une pièce de monnaie ou de petits morceaux de bois, un couteau, etc. et afin que ces sortes de pièces symboliques ne pussent pas servir à d'autres qui s'en empareraient, on les rendait inutiles en les coupant ou cassant par le milieu. Voyez le Glossaire de Ducange, au mot investitura, où l'on trouve près de 80 manières différentes de donner l'investiture. (A)

INVESTITURE DES FIEFS, est la concession primitive du fief ou acte d'inféodation ; c'est aussi la réception du nouveau vassal en foi et hommage, par le moyen de laquelle le vassal est saisi et investi de son fief.

L'investiture du vassal empêche le seigneur d'user du retrait féodal ; elle sert aussi à faire courir l'année du retrait lignager. Voyez le traité des fiefs de Billecoq, liv. II. chap. XVIIe et aux mots FOI et HOMMAGE. (A)

INVESTITURE DES BENEFICES, est un acte par lequel on déclare et on confirme le droit résultant de la collation d'un bénéfice, faite par le collateur en faveur d'un nouveau titulaire.

Quelques auteurs confondent l'institution et la mise en possession réelle d'un bénéfice avec l'investiture, quoique ordinairement ce soient des choses différentes.

L'institution donne la propriété et le véritable droit au bénéfice, ce que l'on appelle jus in re ; par l'investiture on déclare et on confirme le droit de collation, et par la mise en possession on donne l'administration et jouissance des fruits.

L'investiture est quelquefois prise pour collation, quand celui qui investit, a en même temps le pouvoir de conférer ; elle peut aussi être prise pour la mise en possession réelle, lorsque celui qui met en possession réelle, a aussi le droit de conférer ; mais en général l'investiture est différente et de l'institution et de la mise en possession réelle, ainsi qu'on l'a d'abord expliqué.

La forme de l'investiture était differente selon la dignité des bénéfices ; le chanoine était investi par le livre, l'abbé par le bâton pastoral, et l'évêque par le bâton et l'anneau.

L'origine des investitures ecclésiastiques est la même que celle de l'investiture pour les fiefs. Sous Pepin et Charlemagne l'Eglise ayant commencé à posséder beaucoup de fiefs, dont ces princes l'avaient enrichie, tant en France qu'en Allemagne, les évêques et les abbés se trouvèrent engagés par-là à prêter entre les mains du prince la foi et hommage des fiefs qu'ils tenaient de lui, et d'en recevoir l'investiture par la crosse et l'anneau, sans que les princes aient jamais prétendu, par cette cérémonie, conférer la puissance spirituelle aux évêques ni aux abbés.

On prétend que, dans un concîle tenu à Rome en 774, le pape Adrien donna à Charlemagne le droit d'élire les papes, et il ordonna que tous les archevêques et évêques de ses états recevraient l'investiture de sa main, avant que d'être consacrés ; mais quoique Leon VIII. ait renouvellé cette prétendue constitution en faveur d'Othon I. elle est visiblement supposée, parce que ni Eginard qui a fait la vie de Charlemagne, ni aucun autre auteur contemporain n'ont parlé de cette concession.

Quoi qu'il en soit de ce decret, il est certain que nos rois et les empereurs donnaient l'investiture des évêchés, abbayes, par la crosse et l'anneau. Les rois d'Angleterre jouissaient aussi de ce droit.

Ce fut en 1078 que commença la fameuse querelle des investitures pour les évêchés et abbayes ; un concîle de Rome défendit à tout clerc de les recevoir de la main d'un prince, ou de tout autre laïc.

Grégoire VII. fut le premier qui défendit les investitures ; il fut suivi par Victor III et Urbain II ; ce dernier alla même jusqu'à défendre le serment de fidélité des évêques.

Henri IVe du nom était alors empereur, et soutenait les investitures ; Grégoire VII appelait cela les hérésies henriciennes.

Cette question excita beaucoup de troubles, surtout en Allemagne et en Angleterre ; Henri IV. fut excommunié par trois papes successivement ; cela produisit plusieurs schismes et des guerres continuelles ; pendant cinquante-six ans que dura ce démêlé fameux sous six papes différents, il y eut à cette occasion soixante batailles sous Henri IV. et soixante-huit autres sous Henri V. son successeur ; il y périt plus de deux millions d'hommes. Caliste II engagea Henri V. à renoncer aux investitures, ce qu'il fit en 1122.

Lothaire le Saxon entreprit en 1132 de les faire revivre, mais S. Bernard l'en dissuada.

Au commencement de cette querelle, ce ne fut pas seulement la cérémonie extérieure du bâton et de l'anneau, qui excita de la difficulté ; on attaqua toutes les investitures des bénéfices en général, de quelque manière qu'elles fussent faites par les laïcs. M. de Voltaire, en son histoire universelle, dit qu'il fut décidé dans un concîle à Rome, que les rois ne donneraient plus aux bénéficiers canoniquement élus, les investitures par un bâton recourbé, mais par une baguette. Il parait rapporter ce concîle à l'année 1120 ; on ne voit point cependant qu'il y en ait eu à Rome cette année. Ce fut dans une assemblée tenue à Vorms en 1122, que se fit l'accommodement ; l'empereur renonça à donner les investitures par la crosse et l'anneau, et le pape lui permit d'accorder l'investiture des regales, c'est-à-dire, des biens temporels par le sceptre.

A l'égard de la France, nos rois n'eurent presque aucuns démêlés avec les papes touchant les investitures ; ils en ont joui paisiblement même sous Grégoire VII. qui craignit de s'attirer trop d'ennemis à la fais, s'il se brouillait avec la France pour ce sujet ; sous les papes suivants ils se départirent de l'investiture par le bâton pastoral et l'anneau, et se contentèrent de la donner par écrit ou de vive voix ; au moyen de quoi les successeurs de Gregoire VII. qui paraissaient ne s'attacher qu'à cette cérémonie extérieure, ont laissé nos rois jouir paisiblement du serment de fidélité, qui a succédé aux investitures, et des droits de joyeux-avenement et de regale.

Par le concordat passé entre Leon X et François I, le roi est maintenu dans le droit de nommer aux évêchés, abbayes et autres bénéfices de nomination royale.

Voyez le gloss. de Ducange au mot INVESTITURE, où il rapporte plusieurs manières différentes de donner l'investiture ecclésiastique, per librum, per capellum, per candelabrum, per grana incessi, et autres semblables.

Voyez Covarruvias, Cujas, Guymier, l'histoire de l'origine des dixmes, le traité de la capacité des ecclésiastiques de Duperray. (A)