S. m. (Théologie et Morale, Droit naturelle) hommage que nous devons à Dieu parce qu'il est notre souverain maître. On distingue deux sortes de culte, l'un intérieur, et l'autre extérieur : l'intérieur est invariable, et de l'obligation la plus absolue ; l'extérieur n'est pas moins nécessaire dans la société civile, quoiqu'il dépende quelquefois des lieux et des temps.
Le culte intérieur réside dans l'âme ; la pente naturelle des hommes à implorer le secours d'un Etre suprême dans leurs calamités, l'amour et la vénération qui les saisissent en méditant sur les perfections divines, montrent que le culte intérieur est une suite des lumières de la raison, et découle d'un instinct de la nature. Il est fondé sur l'admiration qu'excite en nous l'idée de la grandeur de Dieu, sur le ressentiment de ses bienfaits, et sur l'aveu de sa souveraineté : le cœur pénétré de ses sentiments, les exprime par la plus vive reconnaissance et la plus profonde soumission. Voilà les offrandes et les sacrifices dignes de l'Etre suprême ; voilà le véritable culte qu'il demande et qu'il agrée : c'est aussi celui que voulait rétablir dans le monde J. C. quand la femme samaritaine l'interrogeant, si c'était sur la montagne de Sion ou sur celle de Séméron qu'il fallait adorer : le temps viendra, lui dit-il, que les vrais adorateurs adoreront en esprit et en vérité. C'est ainsi qu'avaient adoré ces premiers pères du genre humain qu'on appelle patriarches. Debout, assis, couchés, la tête découverte ou voilée, ils louaient Dieu, le bénissaient, lui protestaient leur attachement et leur fidélité ; la divinité était sans-cesse et en tous lieux présente à leur esprit, ils la croyaient par-tout : toute la surface de la terre était leur temple ; la voute céleste en était le lambris. Ce culte saint et dégagé des sens, ne subsista pas longtemps dans sa pureté ; on y joignit des cérémonies, et ce fut là l'époque de sa décadence. Je m'explique.
Les hommes justement convaincus que tout ce qu'ils possédaient appartenait au maître de l'univers, crurent devoir lui en consacrer une partie pour lui faire hommage du tout : de-là les sacrifices, les libations, et les offrandes. D'abord ces actes de religion se pratiquaient en plaine campagne, parce qu'il n'y avait encore ni villes, ni bourgades, ni bâtiments : dans la suite, l'inconstance de l'air et l'intempérie des saisons en fit naître l'exercice dans des cavernes, dans des antres, ou dans des huttes construites exprès ; de-là l'origine des temples. Chacun au commencement faisait lui-même à Dieu son oblation et son sacrifice ; ensuite on choisit des hommes qu'on destina singulièrement à cette fonction ; de-là l'origine des prêtres. Les prêtres une fois institués, étendirent à vue d'oeil l'appareil du culte extérieur ; de-là l'origine des cérémonies : ils inventèrent des jeux, des danses, que le peuple confondit avec la religion ; ce qui n'en était que l'ombre et l'écorce, en parut l'essentiel ; il n'y eut plus qu'un petit nombre de sages qui en conservassent l'esprit.
Cependant l'origine du culte extérieur était très-pure et très-innocente : les premiers hommes se flattaient par des cérémonies significatives de produire dans le cœur les sentiments qu'elles exprimaient : il en arriva tout autrement ; on prit les symboles pour la chose même ; on ne fit plus consister la religion que dans les sacrifices, les offrandes, les encensements, etc. et ce qui avait été établi pour exciter ou affermir la piété, servit à l'affoiblir et à l'éteindre. Comme les lumières de la raison ne dictaient rien de précis sur la manière d'honorer Dieu extérieurement, chaque peuple se fit un culte à sa guise : de ce partage naquit un affreux désordre, également contraire à la sainteté de la loi primitive et au bonheur de la société : les différentes sectes que forma la diversité du culte, conçurent les unes pour les autres du mépris, des animosités, et de la haine ; de-là les guerres de religion qui ont fait couler tant de sang.
Mais de ce qu'il y a d'étranges abus dans la pratique du culte extérieur, s'ensuit-il que le culte de cette espèce soit à rejeter ? Non sans-doute, parce qu'il est louable, utile, et très-avantageux ; parce que rien ne contribue plus efficacement au règne de la piété, que d'en avoir sous les yeux des exemples et des modèles. Or ces exemples et ces modèles ne peuvent être tracés que par des actes extérieurs de religion, et des démonstrations sensibles qui les présentent. Il est certain que l'abolition d'un culte extérieur nuirait directement au bien de la société humaine en général, et à celui de la société civîle en particulier, quand même le culte intérieur ne serait pas éteint. J'avoue que comme Dieu est suffisant à lui-même, tous nos hommages n'ajoutent rien à sa gloire ; cependant ils servent à nous mettre en état de nous mieux acquitter de nos autres devoirs, et de travailler ainsi à notre propre bonheur. En un mot, la nécessité des actes d'un culte extérieur, quoiqu'on en ait malheureusement abusé, est néanmoins fondée sur la nature même de l'homme et sur l'intérêt de la société. Cette société est faite de manière qu'il ne parait pas qu'une religion purement spirituelle y fût d'un grand usage, parce que tous les hommes ne sont pas également capables de connaître ce qu'ils doivent à Dieu, ni également soigneux de le pratiquer ; en sorte que la plupart d'entr'eux ont absolument besoin d'y être portés par les instructions et par l'exemple des autres. De simples discours seraient insuffisans pour les ignorants et pour le peuple, c'est-à-dire pour la plus grande partie du genre humain ; il faut des objets qui frappent les sens, qui réveillent l'attention ; il faut des signes et des marques représentatives perpétuellement renouvellées, sans quoi l'on oublierait aisément la Divinité.
Enfin on ne peut se dispenser des actes d'un culte extérieur, que dans de certains temps et dans certains cas rares ; par exemple, lorsqu'on s'exposerait en les exerçant à quelque grand mal, et lorsque d'ailleurs leur omission n'emporte aucune abnégation de la religion, ni aucun indice de mépris pour la Majesté divine. Si le sage est citoyen de toutes les républiques, il n'est pas le prêtre de tous les dieux ; il ne doit ni abjurer le culte de religion qu'il approuve dans l'âme, ni troubler celui des autres : si leur culte parait à ses yeux mêlé de pratiques superstitieuses et blâmables, il réprouve cet alliage impur, plaint l'ignorance de ceux qui l'adoptent, et tâche de les éclairer, sans oublier jamais que la persécution est un fruit du fanatisme et de la tyrannie, que la religion réprouve.
Au reste toutes les nations chrétiennes pratiquent soigneusement un culte extérieur de religion ; et suivant le génie de chacune, la pratique de ce culte s'exerce avec plus ou moins de pompe et de simplicité, avec des démonstrations de pénitence ou d'allégresse plus ou moins sensibles. Ce n'est pas ici le lieu d'examiner les divers cultes du Christianisme qui subsistent de nos jours, et d'en peser les avantages ou les défauts ; il nous suffira de dire que le plus raisonnable, le plus digne de l'homme, est celui qui en général est le plus éloigné de l'enthousiasme et de la superstition.
Le culte rendu au vrai Dieu seul, s'appelle latrie ; ce même culte transporté du Créateur aux créatures, s'appelle idolatrie. Voyez LATRIE et IDOLATRIE. Les Catholiques nomment culte d'hyperdulie celui qu'ils rendent à la Vierge, et dulie celui qu'ils rendent aux autres Saints. Voyez DULIE et HYPERDULIE. Art. de M(D.J.)