S. f. (Politique) sorte de gouvernement politique administré par un petit nombre de gens nobles et sages ; d', Mars, ou puissant, ou d', très-bon, très-fort ; et de , force, puissance, puissance des grands. Les auteurs qui ont écrit sur la politique préfèrent l'aristocratie à toutes les autres formes de gouvernement. La république de Venise et celle de Genèsesont gouvernées par des nobles à l'exclusion du peuple. Il me semble que l'aristocratie et l'oligarchie aient beaucoup de rapport ensemble ; cependant l'oligarchie n'est qu'un gouvernement aristocratique vicié, puisque dans l'oligarchie l'administration confiée à un petit nombre de personnes, se trouve comme concentrée dans une ou deux qui dominent sur toutes les autres. Voyez OLIGARCHIE. (G)
* Quant aux lois relatives à l'aristocratie, on peut consulter l'excellent ouvrage de M. de Montesquieu. Voici les principales.
1. Dans une aristocratie le corps des nobles donnant les suffrages, ces suffrages ne peuvent être trop secrets.
2. Le suffrage ne doit point se donner par sort ; on n'en aurait que les inconvéniens. En effet lorsque les distinctions qui élèvent quelques citoyens au-dessus des autres sont une fois établies, quand on serait choisi par le sort, on n'en serait pas moins odieux : ce n'est pas le magistrat, c'est le noble qu'on envie.
3. Quand les nobles sont en grand nombre, il faut un sénat qui règle les affaires que le corps des nobles ne saurait décider, et qui prépare celles dont il décide ; dans ce cas on peut dire que l'aristocratie est en quelque sorte dans le sénat, la démocratie dans le corps des nobles, et que le peuple n'est rien.
4. Ce sera une chose très-heureuse dans l'aristocratie, si par quelque voie indirecte on fait sortir le peuple de son anéantissement. Ainsi à Genèsela banque de S. Georges, qui est dirigée par le peuple, lui donne une certaine influence dans le gouvernement qui en fait toute la prospérité.
5. Les sénateurs ne doivent point avoir le droit de remplacer ceux qui manquent dans le sénat ; c'est à des censeurs à nommer les nouveaux sénateurs, si l'on ne veut perpétuer les abus.
6. La meilleure aristocratie est celle où la partie du peuple qui n'a point de part à la puissance est si petite et si pauvre, que la partie dominante n'a aucun intérêt à l'opprimer.
7. La plus imparfaite est celle où la partie du peuple qui obéit est dans l'esclavage civil de celle qui commande.
8. Si dans l'aristocratie le peuple est vertueux, on y jouira à-peu-près du bonheur du gouvernement populaire, et l'état deviendra puissant.
9. L'esprit de modération est ce qu'on appelle la vertu dans l'aristocratie ; il y tient la place de l'égalité dans l'état populaire.
10. La modestie et la simplicité des manières font la force des nobles aristocratiques.
11. Si les nobles avaient quelques prérogatives personnelles et particulières, distinctes de leur corps, l'aristocratie s'écarterait de sa nature et de son principe pour prendre ceux de la monarchie.
12. Il y a deux sources principales de désordres dans les états aristocratiques : l'inégalité excessive entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés, et l'inégalité entre ceux qui gouvernent.
13. Il y aura la première de ces inégalités, si les privilèges des principaux ne sont honorables que parce qu'ils sont honteux au peuple, et si la condition relative aux subsides est différente entre les citoyens.
14. Le commerce est la profession des gens égaux : les nobles ne doivent donc pas commercer dans une aristocratie.
15. Les lois doivent être telles que les nobles soient contraints de rendre justice au peuple.
16. Elles doivent mortifier en tout l'orgueil de la domination.
17. Il faut qu'il y ait, ou pour un temps ou pour toujours, une autorité qui fasse trembler les nobles.
18. Pauvreté extrême des nobles, richesses exorbitantes des nobles, pernicieuses dans l'aristocratie.
19. Il ne doit point y avoir de droit d'ainesse entre les nobles, afin que le partage des fortunes tienne toujours les membres de cet ordre dans une égalité approchée.
20. Il faut que les contestations qui surviennent entre les nobles ne puissent durer longtemps.
21. Les lois doivent tendre à abolir la distinction que la vanité met entre les familles nobles.
22. Si elles sont bonnes, elles feront plus sentir aux nobles les incommodités du commandement que ses avantages.
23. L'aristocratie se corrompra, quand le pouvoir des nobles devenant arbitraire, il n'y aura plus de vertu dans ceux qui gouvernent ni dans ceux qui sont gouvernés. Voyez l'Esprit des lais, p. 1. et suiv. 13. et suiv. 114. et suiv. où ces maximes sont appuyées d'exemples anciens et modernes, qui ne permettent guère d'en contester la vérité.