S. m. (Usage de la Nature, Art, Blé, et Amidonnier) Nous allons expliquer la manière dont se fait l'amydon : nous en suivrons le détail dans toutes les circonstances ; et la définition de l'amydon, par laquelle nous finirons, sera le résultat des opérations que nous aurons exposées.

Ayez du blé ou des issues de blé, comme les recoupettes et les griots. Pour entendre ce que c'est que recoupettes et griots, il faut savoir que le blé moulu se blute, et que le bluteau le distribue en six portions ; savoir, la fleur de la farine, la grosse farine, les griots, les recoupettes, les recoupes, et le son. On donne le son aux chevaux ; on nourrit les vaches de recoupes ; on fait du pain de la grosse farine et de la fleur de farine, et l'on tire l'amydon des griots et des recoupettes. Les Amydonniers n'emploient le blé en nature que quand il est gâté. Il leur est défendu d'y consumer de bon blé ; défense assez superflue. La raison de plus de perfection dans l'ouvrage, ne détermine presque jamais les ouvriers à faire bien à gros frais, ce qu'ils peuvent faire mal ou moins bien à vil prix.



Toute l'attention des Amydonniers se réduit à choisir les issues des blés les plus gras. C'est de ces issues qu'ils font l'amydon fin, celui qu'on emploie en poudre à poudrer la tête, en dragées, et autres compositions qui entrent dans le corps humain. Le blé gâté est moulu et employé, comme on verra dans la suite, à la confection de l'amydon commun, celui qui sert aux Cartonniers, aux Relieurs, aux Afficheurs, etc. en un mot à tous les artisans qui dépensent beaucoup de colle.

Pourvoyez-vous donc de griots et de recoupettes, et même de blés gâtés : les Boulangers vous fourniront les griots et recoupettes, que vous pourrez employer sur le champ. Il faudra faire moudre les blés gâtés.

L'eau est le principal instrument d'un Amydonnier ; mais surtout celle qui doit servir de levain et produire la fermentation. Si vous vous proposez de faire l'amydon dans un lieu où il n'y ait point d'Amydonnier, et que vous ne puissiez emprunter du levain, et obtenir par cet emprunt ce que l'on appelle des eaux sures, vous pourrez vous en procurer de l'une des trois manières suivantes.

1°. Prenez deux livres du levain avec lequel le Boulanger fait lever sa pâte ; délayez ces deux livres de levain dans un seau d'eau chaude : au bout de deux jours l'eau sera sure. Remuez cette eau ; ajoutez un demi-seau d'eau chaude ; laissez reposer. Remuez encore et continuez la même manœuvre jusqu'à ce que vous ayez la quantité d'eau dont vous aurez besoin.

2°. Ou mettez dans un chauderon quatre pintes d'eau, quatre pintes d'eau-de-vie, deux livres d'alun de roche : faites bouillir le tout ensemble, et servez-vous-en comme je vous le dirai dans la suite.

3°. Ou suivez le procédé qui vous sera indiqué à la troisième manœuvre de l'Amydonnier.

Ayez des tonneaux connus sous le nom de demi-queues de Bourgogne, comme vous les voyez Planch. de l'Amydonn. b, c, d, e, f, g, etc. défoncez-les par un bout, et servez-vous-en de la manière suivante.

Mettez un seau d'eau sure empruntée d'un confrère, ou préparée comme nous l'avons dit ci-dessus, dans un de vos tonneaux ; peut-être faudra-t-il de cette eau moins d'un seau. La quantité du levain varie : il en faut moins en été, plus en hiver, et il faut prendre garde, surtout dans cette dernière saison, que le levain ne gele.

Mettez de l'eau pure sur ce levain jusqu'au bondon ; c'est ce que fait la fig. 1. de l'Amydonnier, qui est au puits. Achevez de remplir les tonneaux de matière, c'est-à-dire de recoupettes et de griots, moitié par moitié, ou de farine de blé gâté moulu gros. Cette première opération s'appelle mettre en trempe.

Les statuts disent que les recoupes et recoupettes seront mises en trempe ou en levain pendant l'espace de trois semaines dans des eaux pures, nettes et claires. Mais on ne les y laisse en été que pendant dix jours, et pendant quinze en hiver : ce terme est plus court ou plus long, suivant la force du levain. Il n'y a guère que l'expérience qui puisse instruire là-dessus. La matière est en trempe dans les tonneaux e, f, etc. qu'on voit pleins.

Après que les matières auront été suffisamment en trempe ou en levain, elles seront précipitées, et il leur surnagera une eau qu'on appelle eau grasse. Cette eau grasse n'est autre chose que les huiles des matières que la fermentation a envoyées à la surface. On jette cette eau. Après que vous aurez jeté cette eau, ayez des sas de toîle de crin de 18 pouces de diamètre sur 18 pouces de hauteur ; prenez-en un ; posez-le sur un tonneau bien rincé, comme vous voyez au tonneau b ; puisez trois seaux de matière en trempe ; versez-les sur le sas, et lavez-les avec six seaux d'eau claire, en procédant de la manière suivante. Versez d'abord sur les trois seaux de matière en trempe mise dans le sas, deux seaux d'eau claire ; remuez le tout avec vos bras, comme vous voyez faire à la fig. 2. Quand ces deux seaux d'eau claire seront passés, versez deux autres seaux sur le reste de matière contenue dans le sas ; remuez de rechef. Quand ces deux seaux seront passés, versez les deux derniers seaux sur le second restant, et remuez pour la troisième fais. Cette seconde opération s'appelle laver le son. Il est enjoint par les statuts aux maîtres Amydonniers de bien laver ou séparer les sons, et de veiller à ce que leurs sas soient bons, et leurs eaux bien pures et bien nettes.

Vuidez dans un tonneau ce qui restera dans le sas ; lavez bien ces résidus avec de l'eau claire, c'est ce que fait la fig. 3. et ces résidus lavés serviront de nourriture aux bestiaux. Continuez de passer de la matière en trempe sur le même tonneau, jusqu'à ce qu'il soit plein.

Le lendemain de cette seconde opération (les statuts disent trois jours après) jetez l'eau qui a passé à-travers le sas avec la matière en trempe : cette eau se nomme eau sure. C'est le levain naturel des Amydonniers ; celui que je vous conseillais d'emprunter d'eux, si vous en avez à votre portée. Il faut mettre de cette eau, quand on s'en sert pour mettre en trempe, un seau sur chaque tonneau de matière en été ; trois et quelquefois quatre seaux en hiver. Voilà le troisième levain dont j'avais promis de parler.

Enlevez cette eau sure avec une sebille de bois, jusqu'à ce que le blanc déposé au fond de chaque tonneau paraisse ; remplissez ensuite vos tonneaux de nouvelle eau, en quantité suffisante pour pouvoir avec une pelle de bois, battre, broyer et démêler l'amydon : c'est ce que peut faire aussi la fig. 3. ensuite remplissez vos tonneaux d'eau claire. Cette troisième manœuvre s'appelle rafraichir l'amydon. On voit que les Amydonniers qui rafraichissent le lendemain du lavage des sons, ne suivent pas bien exactement leurs statuts.

Deux jours après le rafraichissement, jetez l'eau qui a servi à rafraichir jusqu'à ce que le premier blanc paraisse. Ce premier blanc se nomme par les Artistes ou gros ou noir, suivant les différents endroits où l'amydon se fabrique : ce gros ou noir s'enlève de dessus l'amydon ou second blanc qui en est couvert. On ne le perd pas ; il fait le plus gros gain des Amydonniers, qui en engraissent des cochons. Quand le gros ou noir est enlevé, on jette un seau d'eau claire sur le résidu de crasse que le gros ou noir laisse sur le second blanc, ou sur l'amydon qu'il couvrait. On rince bien la surface de cet amydon avec ce seau d'eau ; on a un tonneau vide tout prêt à recevoir les rinçures : on les y met ; elles y déposent ; et ce dépôt des rinçures s'appelle amydon commun. Les Amydonniers nomment cette quatrième opération rincer.

Le rincer étant fait, on trouve au fond de chaque tonneau quatre pouces d'épaisseur ou environ d'amydon. Cette quantité varie selon la bonté des recoupettes et des griots qu'on a employés. Il est évident que les blés gâtés qu'on emploie en amydon, doivent donner davantage, tout étant employé : mais l'amydon qu'on en tire est toujours commun, et n'a jamais la blancheur de celui qui est fait de recoupettes et de griots de bon blé. On prend l'amydon qui est dans un tonneau, on le verse dans un autre ; c'est-à-dire, pour parler précisément, que de deux tonneaux d'amydon on n'en fait qu'un, où par conséquent il se doit trouver neuf à dix pouces d'amydon de recoupettes et de griots. Cette cinquième opération s'appelle passer les blancs.

Lorsque les blancs sont passés d'un tonneau sur un autre, on verse dessus une quantité suffisante d'eau claire pour les battre, broyer et délayer ; ce qui s'exécute avec une pelle de bois. Cette opération est la sixième, et s'appelle démêler les blancs.

Les blancs démêlés, on pose un tamis de soie, dont la figure est ovale, sur un tonneau rincé et propre ; on fait passer à-travers ce tamis les blancs qu'on vient de démêler : on continue ce travail sur un même tonneau, jusqu'à ce qu'il soit plein. Les statuts enjoignent de se servir d'eau bien claire pour passer les blancs.

Deux jours après que les blancs ont été démêlés et passés, on jette l'eau qui est dans les tonneaux, et qui a traversé le tamis de soie, jusqu'à ce qu'on soit au blanc. Il reste sur le blanc une eau de même couleur qui le couvre ; versez cette eau dans un grand pot de terre ; jetez ensuite un seau d'eau claire sur l'amydon même ; rincez sa surface avec cette eau ; ajoutez cette rinçure à l'eau blanche : cette rinçure déposera ; le dépôt sera encore de l'amydon commun.

Après que l'amydon aura été bien rincé, levez-le du fond des tonneaux ; mettez-le dans des paniers d'osier, arrondis par les coins et garnis en-dedans de toiles qui ne sont point attachées aux paniers. Ces paniers ont un pied de large, dix-huit pouces de long, sur dix pouces de haut. Cette opération s'appelle lever les blancs.

Le lendemain du jour qu'on aura levé les blancs, vous ferez monter les paniers remplis d'amydon dans le grenier au haut de la maison ; c'est ce que fait la fig. 4. L'aire du plancher de ce grenier doit être de plâtre bien blanc et bien propre. On renversera les paniers o o sens-dessus-dessous sur l'aire de plâtre ; la toîle n'étant point attachée aux paniers suivra l'amydon. On ôtera cette toîle de dessus le bloc d'amydon qui restera nud, comme on le voit en n m. On mettra ce bloc n m sur le côté ; on le rompra avec les mains, sans instruments, en quatre parties ; chaque quartier en quatre morceaux ; c'est-à-dire que chaque panier donnera seize morceaux, ou environ soixante livres d'amydon. On laisse l'amydon sur le plancher de plâtre jusqu'à ce qu'il ait tiré l'eau qui se pouvait trouver dans l'amydon. L'opération précédente est la huitième, et s'appelle rompre l'amydon. On voit autour du bloc n m de l'amydon rompu.

Quand on s'aperçoit que l'amydon rompu est suffisamment séché, et qu'il est resté assez de temps sur le plancher de plâtre du grenier pour pouvoir être manié, on le met aux essuis ; c'est la neuvième opération : elle consiste à l'exposer proprement à l'air sur des planches situées horizontalement aux fenêtres des Amydonniers. C'est ce que fait la fig. 5. et ce qu'on voit en i, i, i, &c.

Lorsque l'amydon vous aura paru suffisamment ressuyé sur les planches, vous prendrez les morceaux, vous les ratisserez de tout côté ; ces ratissures passeront dans l'amydon commun ; vous écraserez les morceaux ratissés, et vous les porterez dans l'étuve, le répandant à la hauteur de trois pouces d'épaisseur, sur des claies couvertes de toile. C'est ce que font les fig. 6 et 7. Vous aurez soin de retourner l'amydon soir et matin : sans cette précaution, sans ce remuage dans l'étuve, de très-beau blanc qu'il est, il deviendrait verd. Cette opération est la dernière, et s'appelle mettre l'amydon à l'étuve.

Les Amydonniers qui n'ont point d'étuves, se servent du dessus des fours des Boulangers ; ils les louent.

L'amydon au sortir de l'étuve est sec et vénal.

Qu'est-ce donc que l'amydon ? c'est un sédiment de blé gâté, ou de griots et recoupettes de bon blé, dont on fait une espèce de pâte blanche et friable, et qu'on prépare en suivant le procédé que nous venons d'expliquer.

Le gros amydon qu'on vend aux Confiseurs, aux Chandeliers, aux Teinturiers du grand-teint, aux Blanchisseurs de gase, etc. doit rester quarante-huit heures aux fours des Amydonniers ; et au sortir du four, huit jours aux essuis : ce sont les statuts.

L'Amydonnier ne pourra acheter des blés gâtés sans la permission accordée au marchand par le magistrat de les vendre.

L'amydon qui en proviendra sera fabriqué avec la même précaution que l'amydon fin.

L'amydon commun et fin ne sera vendu par les Amydonniers qu'en grain, sans qu'il leur soit permis, sous quelque prétexte que ce sait, de le réduire en poudre.

L'amydon sert à faire de la colle, de l'empois blanc ou bleu, etc. le meilleur est blanc, doux, tendre et friable. On dit que son nom latin amylum est dérivé de sine mola factum : parce que les anciens ne faisaient point moudre le grain dont ils faisaient l'amydon. On suit encore cette méthode dans quelques endroits de l'Allemagne ; on le fait crever et on l'écrase.

Outre l'amydon de froment, il y en a encore deux autres : l'un se fait avec la racine de l'arum (voyez ARUM ou pié-de-veau, &c.), et l'autre avec la pomme de terre et la truffe rouge. Ce fut le sieur de Vaudreuil qui l'inventa le premier, et qui obtint en 1716 le privilège exclusif, pour lui et pour sa famille, de le fabriquer pendant vingt ans. L'Académie jugea en 1739, que l'amydon de pommes de terre et de truffes rouges, proposé par le sieur de Ghise, faisait un empois plus épais que celui de l'amydon ordinaire, mais que l'émail ne s'y mêlait pas aussi-bien ; cependant qu'il serait bon d'en permettre l'usage, parce qu'il n'était point fait de grains, qu'il faut épargner dans les années de disette. Voyez EMPOIS.

L'AMYDON est d'usage en Médecine ; il contient de l'huîle et du sel essentiel ; il est pectoral ; il épaissit et adoucit les sérosités acres de la poitrine, arrête les crachements de sang. On le dit propre aux maladies des yeux ; on l'emploie cuit avec du lait pour la diarrhée ; on fait grand cas de sa décoction prise en lavement dans la diarrhée ; et lorsque les selles sont sanglantes et les intestins fort relâchés, on fait cette décoction plus épaisse, et on y met sur quatre onces une once d'eau-de-vie : mais ce remède est suspect, lorsque le feu et la douleur de l'inflammation se joignent aux selles sanguinolentes, etc. (N)