AIMANT
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- Écrit par : Paul-Jacques Malouin (M)
Les Arabes et les Portugais se servent de la même périphrase, que Sextus Empiricus a exprimée en un seul mot . Sophocle, dans une de ses pièces qui n'est pas venue jusqu'à nous, avait nommé l'aimant , pierre de Lydie. Hesychius nous a conservé ce mot aussi-bien que , qui en est une variation. Platon, dans le Timée, appelle l'aimant , pierre d'Héraclée, nom qui est un des plus usités parmi les Grecs.
Aristote a fait plus d'honneur que personne à l'aimant, en ne lui donnant point de nom ; il l'appelle , la pierre par excellence. Themipius s'exprime de même. Théophraste avec la plupart des anciens, a suivi l'appelation déjà établie de .
Pline, sur un passage mal entendu de ce philosophe, a cru que la pierre de touche, coticula, qui entre ses autres noms a celui de , avait de plus celui d', commun avec l'aimant : les Grecs et les Latins se sont aussi servis du mot tiré de , fer, d'où est venu le vieux nom François pierre ferrière. Enfin les Grecs ont diversifié le nom de en diverses façons : on trouve dans Tzetzès ; dans Achilles Tatius dans la plupart des auteurs ; dans quelques-uns, aussi-bien qu', par la permutation de en , familière aux Grecs dès les premiers temps ; et , qui n'est pas de tous ces noms le plus usité parmi eux, est presque le seul qui soit passé aux Latins.
Pour ce qui est de l'origine de cette dénomination de l'aimant, elle vient manifestement du lieu où l'aimant a d'abord été découvert. Il y avait dans l'Asie mineure deux villes appelées Magnetie : l'une auprès du Méandre, l'autre sous le mont Sypile. Cette dernière qui appartenait particulièrement à la Lydie, et qu'on appelait aussi Héraclée, selon le témoignage d'Aelius Dionysius dans Eustathe, était la vraie patrie de l'aimant. Le mont Sypîle était sans doute fécond en métaux, et en aimant par conséquent ; ainsi l'aimant appelé magnes du premier lieu de sa découverte, a conservé son ancien nom, comme il est arrivé à l'acier et au cuivre, qui portent le nom des lieux où ils ont été découverts : ce qu'il y a de singulier, c'est que le plus mauvais aimant des cinq espèces que rapporte Pline, était celui de la Magnésie d'Asie mineure, première patrie de l'aimant, comme le meilleur de tous était celui d'Aethiopie.
Marbodaeus dit, que l'aimant a été trouvé chez les Troglodytes, et que cette pierre vient aussi des Indes. Isidore de Seville dit, que les Indiens l'ont connu les premiers ; et après lui, la plupart des auteurs du moyen et bas âge appellent l'aimant lapis Indicus, donnant la patrie de l'espèce à tout le genre.
Les anciens n'ont guère connu de l'aimant que sa propriété d'attirer le fer ; c'était le sujet principal de leur admiration, comme l'on peut voir par ce beau passage de Pline : Quid lapidis rigore pigrius ? Ecce sensus manusque tribuit illi natura. Quid ferri duritie pugnacius ? Sed cedit et patitur mores : Trahitur namque à magnete lapide, domitrixque illa rerum omnium materia ad inane nescio quid currit, atque ut propiùs venit, assistit teneturque, et complexu hoeret. Plin. liv. XXXVI. cap. xvj.
Cependant il parait qu'ils ont connu quelque chose de sa vertu communicative ; Platon en donne un exemple dans l'Ion, où il décrit cette fameuse chaîne d'anneaux de fer suspendus les uns aux autres, et dont le premier tient à l'aimant. Lucrèce, Philon, Pline, Galien, Némesius, rapportent le même phénomène ; et Lucrèce fait de plus mention de la propagation de la vertu magnétique au-travers des corps les plus durs, comme il parait dans ces vers :
Exultare etiam Samothracia ferrea vidi,
Et ramenta simul ferri furere intus ahenis
In scaphiis, lapis hic magnes cum subditus esset.
Mais on ne voit par aucun passage de leurs écrits qu'ils aient rien connu de la vertu directive de l'aimant ; on ignore absolument dans quel temps on a fait cette découverte, et on ne sait pas même au juste quand est-ce qu'on l'a appliquée aux usages de la navigation.
Il y a toute apparence que le hasard a fait découvrir à quelqu'un que l'aimant mis sur l'eau dans un petit bateau, se dirigeait constamment nord et sud ; et qu'un morceau de fer aimanté avait la même propriété : qu'on mit ce fer aimanté sur un pivot afin qu'il put se mouvoir plus librement : qu'ensuite on imagina que cette découverte pourrait bien être utîle aux navigateurs pour connaître le midi et le septentrion lorsque le temps serait couvert, et qu'on ne verrait aucun astre ; enfin qu'on substitua la boussole ordinaire à l'aiguille aimantée pour remédier aux dérangements occasionnés par les secousses du vaisseau. Il parait au reste que cette découverte a été faite avant l'an 1180. Voyez l'article AIGUILLE, où l'on traite plus particulièrement de cette découverte.
I. DES POLES DE L'AIMANT, ET DE SA VERTU DIRECTIVE.
Chaque aimant a deux pôles dans lesquels réside la plus grande partie de sa vertu : on les reconnait en roulant une pierre d'aimant quelconque dans de la limaille de fer ; toutes les parties de cette limaille qui s'attachent à la pierre se dirigent vers l'un ou l'autre de ces pôles, et celles qui sont immédiatement dessus sont en ces points perpendiculairement hérissées sur la pierre : enfin la limaille est attirée avec plus de force et en plus grande abondance sur les pôles que par-tout ailleurs. Voici une autre manière de connaître les pôles ; on place un aimant sur un morceau de glace polie, sous laquelle on a mis une feuille de papier blanc : on répand de la limaille peu-à-peu sur cette glace autour de l'aimant, et on frappe doucement sur les bords de la glace pour diminuer le frottement qui empêcherait les molécules de limaille d'obéir aux écoulements magnétiques : aussi-tôt on aperçoit la limaille prendre un arrangement régulier, tel qu'on l'observe dans la figure, dans lequel la limaille se dirige en lignes courbes A E B, A E B, (Planc. Phys. fig. 58.) à mesure qu'elle est éloignée des pôles, et en lignes droites A A, B B, à mesure qu'elle s'en approche ; en sorte que les pôles sont les points où convergent toutes ces différentes lignes courbes et droites.
Maintenant on appelle axe de l'aimant, la ligne droite qui le traverse d'un pôle à l'autre ; et l'équateur de l'aimant est le plan perpendiculaire qui le partage par le milieu de son axe. Or cette propriété de l'aimant d'avoir des pôles est comme essentielle à tous les aimants ; car on aura beau casser un aimant en tant de morceaux que l'on voudra, les deux pôles se trouveront toujours dans chaque morceau. Cette polarité de l'aimant ne vient point, comme on l'a cru, de ce que les mines de l'aimant sont dirigées nord et sud ; car il est très-certain que ces mines affectent comme les autres toute sorte de direction, et nommément il y a dans le Devonshire une mine d'aimant, dont les veines sont dirigées de l'est à l'ouest, et dont les pôles se trouvent aussi dans cette direction : mais les pôles de l'aimant ne doivent point être regardés comme deux points si invariables qu'ils ne puissent changer de place : car M. Boyle dit, qu'on peut changer les pôles d'un petit morceau d'aimant en les appliquant contre les pôles plus vigoureux d'une autre pierre ; ce qui a été confirmé de nos jours par M. Gwarin Knight, qui peut changer à volonté les pôles d'un aimant naturel, par le moyen des barreaux de fer aimantés.
On a donné aux pôles de l'aimant les mêmes noms qu'aux pôles du monde, parce que l'aimant mis en liberté, a la propriété de diriger toujours ses pôles vers ceux de notre globe ; c'est-à-dire, qu'un aimant qui flotte librement sur une eau dormante, ou qui est mobîle sur son centre de gravité, ayant son axe parallèle à l'horizon, s'arrêtera constamment dans une situation telle, qu'un de ses pôles regarde toujours le nord, et l'autre le midi : et si on le dérange de cette situation, même en lui en donnant une directement contraire, il ne cessera de se mouvoir et d'osciller jusqu'à ce qu'il ait retrouvé sa première direction. On est convenu d'appeler pôle austral de l'aimant, celui qui se tourne vers le nord, et pôle boréal celui qui se dirige vers le sud. Le méridien magnétique est le plan perpendiculaire à l'aimant suivant la longueur de son axe, qui passe par conséquent par les pôles.
Lorsqu'après avoir bien reconnu les pôles et l'axe d'un aimant, on le laisse flotter librement sur un liège, le vaisseau dans lequel il flotte étant posé sur une méridienne exactement tracée, on s'apercevra que les pôles de l'aimant ne regardent pas précisément ceux du monde, mais qu'ils en déclinent plus ou moins à l'est ou à l'ouest, suivant les différents lieux de la terre où se fait cette observation. Cette déclinaison de l'aimant varie aussi chaque année, chaque mois, chaque jour, et même à chaque heure dans le même lieu. Voyez l'article AIGUILLE, où l'on en traite plus particulièrement.
Pareillement, si l'on fait nager sur du mercure un aimant sphérique, après en avoir bien reconnu l'axe et les pôles, il se dirigera d'abord à-peu-près nord et sud : mais on remarquera aussi que son axe s'inclinera d'une manière constante ; en sorte que dans nos climats le pôle austral s'incline, et le pôle boréal s'éleve, et au contraire dans l'autre hémisphère. Cette inclinaison varie aussi dans tous les lieux de la terre et dans tous les temps de l'année, comme on peut le voir à l'article AIGUILLE, où l'on en parle plus amplement.
Les pôles de l'aimant sont, comme nous l'avons dit précédemment, des points variables que nous sommes quelquefois les maîtres de produire à volonté, et sans le secours d'aucun aimant ; comme nous verrons qu'il est facîle de le faire par les moyens que nous exposerons dans la suite : car lorsqu'on coupe doucement et sans effort un aimant par le milieu de son axe, chacune de ses parties a constamment deux pôles, et de vient un aimant complet : les parties qui étaient contiguès sous l'équateur avant la section, et qui n'étaient rien moins que des pôles, le sont devenues, et même pôles de différents noms ; en sorte que chacune de ces parties pouvait devenir également pôle boréal ou pôle austral, suivant que la section se serait faite plus près du pôle austral ou du pôle boréal du grand aimant : et la même chose arriverait à chacune de ces moitiés, si on les coupait par le milieu de la même manière. Voyez Planc. Physiq. fig. 66.
Mais si au lieu de couper l'aimant par le milieu de son axe A B, on le coupe suivant sa longueur, (Pl. Physiq. fig. 67.) on aura pareillement quatre pôles a a, b b, dont ceux du même nom seront dans chaque partie, du même côté qu'ils étaient avant la section, à la réserve qu'il sera formé dans chaque partie un nouvel axe a b, a b, parallèle au premier, et plus ou moins rentré au-dedans de la pierre, suivant qu'elle aura naturellement plus de force magnétique.
II. DE LA VERTU ATTRACTIVE DE L'AIMANT.
§. I. De l'attraction réciproque de deux aimants, et de la répulsion.
Le phénomène de l'attraction réciproque de deux aimants, d'un aimant et d'un morceau de fer, ou bien de deux fers aimantés, est celui de tous qui a le plus excité l'admiration des anciens philosophes, et qui a fait dire à quelques-uns que l'aimant était animé. En effet, qu'y a-t-il de plus singulier que de voir deux aimants se porter l'un vers l'autre comme par sympathie ; s'approcher avec vitesse comme par empressement ; s'unir par un côté déterminé au point de ne se laisser séparer que par une force considérable ; témoigner ensuite dans une autre situation, une haine réciproque qui les agite tant qu'ils sont en présence ; se fuir avec autant de vitesse qu'ils s'étaient recherchés, et n'être tranquilles que lorsqu'ils sont fort éloignés l'un de l'autre ? Ce sont cependant les circonstances du phénomène de l'attraction et de la répulsion de l'aimant, comme il est facîle de s'en convaincre par l'expérience suivante.
Prenez deux aimants a b, A B, (Pl. Phys. fig. 64.) mettez-les chacun dans une petite boite de sapin, pour qu'ils puissent aisément flotter sur une eau dormante et à l'abri des mouvements de l'air ; faites en sorte qu'ils ne soient pas plus éloignés l'un de l'autre que ne s'étend leur sphère d'activité : vous verrez qu'ils s'approcheront avec une vitesse accélérée, et qu'ils s'uniront enfin dans un point C qui sera le milieu de leur distance mutuelle, si les aimants sont égaux en force et en masse, et si les deux boites sont parfaitement semblables : marquez les points b, A, par lesquels ces aimants se sont unis, et éloignez-les l'un de l'autre de la même distance, ils s'approcheront avec la même vitesse, et s'uniront par les mêmes points : mais si vous changez l'un de ces aimants de situation, de manière qu'il présente à l'autre le point directement contraire à celui qui était attiré, ils se fuiront réciproquement avec une égale vitesse jusqu'à ce qu'ils soient hors de la sphère d'activité l'un de l'autre.
L'expérience fait connaître que ces deux aimants s'attirent par les pôles de différent nom ; c'est-à-dire, que le pôle boréal de l'un attire le pôle austral de l'autre, et le pôle boréal de celui-ci attire le pôle austral du premier : au contraire les deux pôles du nord se fuient aussi-bien que les deux pôles du sud ; en sorte que c'est une loi constante du magnétisme, que l'attraction mutuelle et réciproque se fait par les pôles de différent nom ; et la répulsion, par les pôles de même dénomination.
On a cherché à découvrir si la force qui fait approcher ou fuir ces deux aimants, agit sur eux seulement jusqu'à un terme déterminé ; si elle agit uniformément à toutes les distances en-deçà de ce terme : ou si elle était variable, dans quelle proportion elle croitrait ou décroitrait par rapport aux différentes distances : mais le résultat d'un grand nombre d'expériences a appris que la force d'un aimant s'étend tantôt plus loin, tantôt moins. Il y en a dont l'activité s'étend jusqu'à 14 pieds ; d'autres dont la vertu est insensible à 8 ou 9 pouces. La sphère d'activité d'un aimant donné, a elle-même une étendue variable ; elle est plus grande en certains jours que dans d'autres, sans qu'il paraisse que ni la chaleur, ni l'humidité, ni la secheresse de l'air aient part à cet effet.
D'autres expériences ont fait connaître que vers les termes de la sphère d'activité, la force magnétique agit d'abord d'une manière insensible ; qu'elle devient plus considérable à mesure que le corps attiré s'approche de l'aimant, et qu'elle est la plus grande de toutes dans le point de contact : mais la proportion de cette force dans les différentes distances, n'est pas la même dans les différents aimants ; ce qui fait qu'on ne saurait établir de règle générale.
Voici le résultat d'une expérience faite avec soin par M. du Tour.
Il a rempli d'eau un grand bassin M, (Pl. Physiq. fig. 63.) et il a fait nager par le moyen d'une fourchette une aiguille à coudre A B qu'il avait aimantée (qu'on peut par conséquent regarder comme un aimant, ainsi que nous le verrons par la suite) ; il a présenté une pierre d'aimant T à la distance de 13 pouces de cette aiguille, ce qui était à-peu-près le terme de sa sphère d'activité, et il a examiné le rapport des vitesses de l'aiguille à différentes distances. Voici le résultat de son observation.
L'aiguille a employé à parcourir
Ce qu'on a observé de la répulsion, est en quelque sorte semblable aux circonstances du phénomène de l'attraction ; c'est-à-dire, que la sphère de répulsion varie dans les différents aimants, aussi-bien que la force répulsive dans les différentes distances. Plusieurs auteurs ont cru que la force répulsive ne s'étend dans aucun aimant aussi loin que la force attractive, et qu'elle n'est nulle part aussi forte que la vertu attractive, pas même dans le point de contact, où elle est la plus grande. La force attractive des pôles de différents noms de deux aimants était, par une observation de M. Musschenbroeck, de 340 grains dans le point de contact, tandis que la force répulsive des pôles de même nom de ces deux aimants n'était que de 44 grains dans le point de contact de ces deux pôles.
Ces auteurs joignent à ces observations une autre, qui n'est pas moins singulière : c'est qu'on trouve des aimants (& la même chose arrive à des corps aimantés) dont les pôles de même nom se repoussent tant qu'ils sont à une distance moyenne des termes de leur sphère d'activité, et s'attirent au contraire dans le point de contact ; d'autres se repoussent avec plus de vivacité vers le milieu de leur sphère d'activité qu'aux environs du point de contact, où il semble que la répulsion diminue. Néanmoins M. Mitchell prétend avoir observé par le moyen des aimants artificiels, que les deux pôles attirent et repoussent également aux mêmes distances, et dans toute sorte de direction ; que l'erreur de ceux qui ont cru la répulsion plus faible que l'attraction, vient de ce que l'on affoiblit toujours les aimants et les corps magnétiques, en les approchant par les pôles de même nom, au lieu qu'on augmente leur vertu lorsqu'on les approche par les pôles de différente dénomination ; que cette augmentation ou diminution de force occasionnée par la proximité de deux aimants, devient insensible à mesure qu'on les éloigne : c'est pourquoi l'on voit qu'à une grande distance l'attraction et la répulsion approchent de plus en plus de l'égalité ; et réciproquement s'éloignent de l'égalité à mesure que la distance réciproque des deux aimants diminue, et qu'ils agissent l'un sur l'autre ; en sorte que si un aimant est assez fort et assez près pour endommager considérablement un aimant faible qui l'approche par les pôles de même nom, il arrivera que le pôle de celui-ci sera détruit et changé en un pôle d'une dénomination différente, au moyen de quoi la répulsion sera convertie en attraction. Plusieurs expériences au reste font croire à M. Mitchell que l'attraction et la répulsion croissent et décroissent en raison inverse des carrés des distances respectives des deux pôles.
Tous ces effets d'attraction et de répulsion réciproques de deux aimants, n'éprouvent aucun obstacle de la part des corps solides, ni des fluides. L'attraction et la répulsion de deux aimants était également forte, soit qu'il y eut une masse de plomb de 100 livres d'épaisseur entre deux, soit qu'il n'y eut que de l'air libre. M. Boyle a éprouvé que la vertu magnétique pénétroit au-travers du verre scellé hermétiquement, qu'on sait être un corps des plus impénétrables par aucune sorte d'écoulement particulier : le fer seul parait intercepter la matière magnétique ; car une plaque de fer battu interposée entre deux aimants, affoiblit considérablement leurs forces attractives et répulsives.
De même ni le vent, ni la flamme, ni le courant des eaux n'interrompent les effets d'attraction et de répulsion de deux aimants ; ces actions sont aussi vives dans l'air commun, que dans l'air raréfié ou condensé dans la machine pneumatique. Planche Physiq. fig. 32. et 35.
§. 2. De l'attraction réciproque de l'aimant et du fer.
L'aimant attire le fer avec encore plus de vigueur qu'il n'attire un autre aimant : qu'on mette sur un liège A, Pl. phys. fig. 62. un morceau de fer cubique B qui n'ait jamais été aimanté, et que le tout flotte sur l'eau, et qu'on lui présente un aimant C par quelque pôle que ce sait, le fer s'en approchera avec vivacité ; et réciproquement si on met l'aimant sur le liège et qu'on lui présente le morceau de fer, il s'approchera de celui-ci avec la même vitesse ; en sorte qu'il parait que l'action de l'aimant sur le fer, et de celui-ci sur l'aimant, est égale et réciproque.
Cette attraction de l'aimant sur le fer s'étend jusque sur tous les corps qui contiennent des particules de ce métal, et le nombre en est très-grand dans la nature : il attire des particules de toutes les espèces de terres, de sables, de pierres ; des sels et des résidences de toutes les fontaines ; des cendres et des suies de toutes sortes de bois et de tourbes, des charbons, des huiles et des graisses de toute espèce ; du miel, de la cire, du castor, et une infinité d'autres matières. En un mot l'aimant est la pierre de touche par le moyen de laquelle on démêle jusqu'aux plus petites parties ferrugineuses que renferme un corps.
A la vérité pour découvrir que ces corps renferment du fer, il est souvent nécessaire d'employer le moyen de la calcination pour soumettre ce métal à l'action de l'aimant : mais cette préparation n'est employée que pour les corps qui ne tiennent pas le fer sous une forme métallique, ou lorsque ses particules sont confondues d'une manière particulière avec d'autres métaux : dans ce cas le fer obéit souvent à l'action d'un aimant très-foible, tandis qu'il se refuse à celle d'un aimant fort. Ainsi on a Ve à Petersbourg un alliage de fer et d'étain qu'un faible aimant attirait, et sur lequel un excellent aimant n'avait aucune action.
Aucuns corps solides ou fluides n'empêchent en rien l'action mutuelle du fer et de l'aimant, si ce n'est le fer lui-même, comme nous l'avons remarqué précédemment. La chaleur excessive du fer ne diminue pas non plus ces effets ; car on a appliqué le pôle boréal d'un aimant sur un clou à latte tout rouge, qui a été vivement attiré, et qui est resté suspendu : mais on a remarqué aussi que la chaleur excessive de l'aimant diminue sa vertu, du moins pour un temps : on a fait rougir l'aimant qui avait servi dans l'expérience précédente ; et quand il a été bien rougi, on a appliqué son pôle boréal sur un autre clou à latte semblable, qui a été attiré faiblement, quoiqu'il soit resté suspendu : néanmoins au bout de deux ou trois jours la pierre attirait le clou aussi vivement qu'avant d'avoir été au feu. La plus grande force attractive d'un aimant est aux environs de ses pôles : il y a des aimants qui peuvent lever des clous assez considérables par leurs pôles, et qui ne sauraient lever les plus petites parties de limaille par leur équateur. Cependant si on fait en sorte que différentes parties de l'équateur deviennent des pôles, comme nous avons dit qu'il arrive en coupant l'aimant en plusieurs parties, la force attractive sera très-sensible dans ces nouveaux pôles, de manière que la somme des poids que pourra lever un gros aimant ainsi coupé par parties, excédera de beaucoup ce que ce morceau pouvait soulever lorsqu'il était entier.
§. 3. De l'armure de l'aimant.
La force attractive d'un aimant nouvellement sorti de la mine, ne consiste qu'à lui faire lever de petits clous ou d'autres morceaux de fer d'une pesanteur peu considérable ; c'est pourquoi on est obligé de l'armer pour augmenter sa force : d'ailleurs l'armure réunit, dirige et condense toute sa vertu vers les pôles, et fait que ses émanations sont toutes dirigées vers la masse qu'on met sous ses pôles.
Il est essentiel, avant que d'armer un aimant, de bien reconnaître la situation de ses pôles ; car l'armure lui deviendrait inutîle si elle était placée par-tout ailleurs que sur ces parties. Afin donc de reconnaître exactement les pôles d'un aimant, on le mettra sur un carton blanc lissé, et on répandra par-dessus de la limaille de fer qui ne soit point rouillée, ce qui se fera plus uniformément par le moyen d'un tamis : on frappera doucement sur le carton, et on verra bien-tôt se former autour de l'aimant un arrangement symétrique de la limaille qui se dirigera en lignes courbes E E (Pl. phys. fig. 58.) vers l'équateur, en suivant les lignes droites A B vers les pôles qui seront dans les deux parties de l'aimant où tendront toutes ces lignes droites : mais on les déterminera encore plus précisément en plaçant dessus une aiguille fort fine et très-courte ; car elle se tiendra perpendiculairement élevée à l'endroit de chaque pôle, et elle sera toujours oblique sur tout autre point.
Lorsqu'on a bien déterminé où sont les pôles de l'aimant, il faut le scier de manière qu'il soit bien plan et bien poli à l'endroit de ces pôles. De toutes les figures que l'on peut lui donner, la plus avantageuse sera celle où l'axe aura la plus grande longueur, sans cependant trop diminuer les autres dimensions.
Maintenant pour déterminer les proportions de l'armure, il faut commencer par connaître la force de l'aimant qu'on veut armer ; car plus cette force est grande, plus il faut donner d'épaisseur aux pièces qui composent l'armure. Pour cet effet on aura de petits barreaux d'acier bien polis et un peu plats, qu'on appliquera sur un des pôles de l'aimant : on présentera à ce barreau d'acier immédiatement au-dessous du pôle un petit anneau de fer auquel sera attaché le bassin d'une balance, et l'on éprouvera quelle est la plus grande quantité de poids que l'aimant pourra supporter, sans que l'anneau auquel tient le plan de la balance se sépare du barreau d'acier : on fera successivement la même expérience avec plusieurs barreaux semblables, mais de différentes épaisseurs, et on découvrira facilement par le moyen de celui qui soulevera le plus grand poids, quelle épaisseur il faudra donner aux boutons de l'armure.
Lorsqu'on aura déterminé cette épaisseur, on choisira des morceaux d'acier bien fins et non trempés, qu'on taillera de cette manière. A B (fig. 59.) est une des jambes de l'armure, dont la hauteur et la largeur doivent être égales respectivement à l'épaisseur et à la largeur de l'aimant : B E D est un bouton de la même pièce d'acier, dont le plan S B D est perpendiculaire à A B : sa largeur à l'endroit où il touche le plan A B, doit être des deux tiers de G G, largeur de la plaque A B ; et l'épaisseur du bouton S E doit avoir la même dimension : enfin la longueur B D, qui est la quantité dont le bouton sera avancé au-dessous de la pierre, sera des deux tiers de D S ou de S E. Il est nécessaire que ce bouton devienne plus mince, et aille en s'arrondissant par-dessous depuis S et D jusqu'en E, de manière que sa largeur en E soit d'un tiers ou d'un quart de la largeur S D. Il est encore fort important de faire attention à l'épaisseur de la jambe A B ; car si on la fait trop épaisse ou trop mince, l'armure en aura moins de force : or c'est ce qu'on ne saurait bien déterminer qu'en tâtonnant ; c'est pourquoi il y faudra procéder comme on a fait pour déterminer l'épaisseur du bouton. On observe en général que l'extrémité supérieure C C doit être arrondie, et un peu moins élevée que l'aimant, et que l'épaisseur de la plaque doit être moindre vers C C que vers G G. On appliquera donc ces deux plaques avec leurs boutons sur les pôles respectifs de l'aimant, de manière que ces deux pièces touchent l'aimant dans le plus de points qu'il sera possible ; et on les contiendra avec un bandage de cuivre bien serré, auquel on ajustera le suspensoir X, fig. 60.
Maintenant pour réunir la force attractive des deux pôles, il faut avoir une traverse d'acier D A C B bien souple et non trempée, dont la longueur excède d'une ou deux lignes les boutons de l'armure, et dont l'épaisseur soit à-peu-près d'une ligne : il doit y avoir un trou avec un crochet L, afin qu'on puisse suspendre les poids que l'aimant pourra lever.
Lorsqu'on aura ainsi armé l'aimant, il sera facîle de s'apercevoir que sa vertu attractive sera considérablement augmentée ; car tel aimant qui ne saurait porter plus d'une demi-once lorsqu'il est nud, lève sans peine un poids de dix livres lorsqu'il est armé : cependant ses émanations ne s'étendent pas plus loin lorsqu'il est armé que lorsqu'il est nud, comme il parait par son action sur une aiguille aimantée mobîle sur son pivot ; et si l'on applique sur les pieds de l'armure la traverse qui sert à soutenir les poids qu'on fait soulever à l'aimant, la distance à laquelle il agira sur l'aiguille sera beaucoup moindre, la vertu magnétique se détournant pour la plus grande partie dans la traverse.
Lorsqu'on présente à un aimant armé un morceau de gros fil de fer A B (fig. 61.) assez pesant pour que le bouton de l'armure duquel on l'approche ne puisse pas le supporter, on le fera attirer aussi-tôt si on ajoute la traverse G dans la situation que la figure le représente ; et si on ôte cette pièce lorsque le fil de fer A B sera ainsi fortement attiré, il tombera aussi-tôt, et cessera d'être soutenu.
On a mis sur un des boutons de l'armure une petite plaque d'acier poli de dix à onze lignes de long, de sept lignes de large, et d'une ligne d'épaisseur. Cette plaque T (fig. 61. n°. 2.) portait un petit crochet auquel était suspendu le plateau d'une balance ; à l'autre pied de l'armure était placée la traverse G, de façon que la traverse et la plaque se touchaient : on a ensuite mis des poids dans le plateau S, jusqu'à ce que l'aimant ait cessé de soutenir la plaque T, et on a trouvé qu'il fallait dix-huit onces : ayant ensuite ôté la traverse, et laissé la plaque toute seule appliquée contre l'aimant, un poids de deux onces dans la balance a suffi pour séparer la plaque ; ce qui prouve que la proximité de la traverse a augmenté de seize onces la vertu attractive du pôle auquel la plaque était appliquée.
Quoique l'attraction d'un aimant armé paraisse considérable, il arrive cependant que des causes assez faibles en détruisent l'effet en un instant : par exemple, lorsqu'on soutient un morceau de fer oblong F (fig. 68.) sous le pôle d'un excellent aimant M, et qu'on présente à l'extrémité inférieure de ce morceau de fer le pôle de différent nom d'un autre aimant N, plus faible ; celui-ci enlevera le fer au plus fort. On jugera bien mieux du succès de cette expérience, si elle est faite sur une glace polie et horizontale. La même chose arrive aussi à une boule d'acier qu'on touche avec un aimant faible, dans le point diamétralement opposé au pôle de l'aimant vigoureux sous lequel elle est suspendue.
Pareillement si on met la pointe d'une aiguille S (fig. 69.) sous un des pôles de l'aimant, en sorte qu'elle soit pendante par sa tête, et qu'on présente à cette tête une barre de fer quelconque F par son extrémité supérieure, l'aiguille quittera aussi-tôt l'aimant pour s'attacher à la barre : cependant si l'aiguille tient par sa tête au pôle de l'aimant, alors ni la barre de fer, ni un aimant faible, ne la détacheront : il semblerait d'abord que l'aiguille s'attacherait à celui des deux qu'elle toucherait en plus de points, mais des expériences faites à dessein ont prouvé le contraire.
Une autre circonstance assez légère fait encore qu'un aimant armé et vigoureux parait n'avoir plus de force : c'est la trop grande longueur du fer qu'on veut soulever par un des pôles. Il serait facîle de faire lever à de certains aimants un morceau cubique de fer pesant une livre : mais le même aimant ne pourrait pas soutenir un fil de fer d'un pied de longueur ; en sorte qu'augmenter la longueur du corps suspendu, est un moyen de diminuer l'effet de la vertu attractive des pôles de l'aimant. C'est par cette raison que lorsqu'on présente le pôle d'un bon aimant sur un tas d'aiguilles, de petits clous ou d'anneaux, l'aimant en attire seulement sept ou huit au bout les uns des autres ; et il est facîle de remarquer que l'attraction du premier clou au second est beaucoup plus forte que celle du second au troisième, et ainsi de suite ; de manière que l'attraction du pénultième au dernier est extrêmement faible. Voyez fig. 34.
III. DE LA COMMUNICATION DE LA VERTU MAGNETIQUE.
L'aimant peut communiquer au fer les qualités directives et attractives ; et l'on doit considérer celui qui les a reçues de cette manière comme un véritable aimant, qui peut lui-même aussi les communiquer à d'autre fer. Un aimant vigoureux donnera aussi de la vertu à un aimant faible, et rendra pour toujours les effets de celui-ci aussi sensibles et aussi vifs que ceux d'un bon aimant.
En général il suffit de toucher, ou même seulement d'approcher le pôle d'une bonne pierre du corps à qui l'on veut communiquer la vertu magnétique, et aussi-tôt celui-ci se trouve aimanté. A la vérité le fer qui n'aura reçu de vertu que par un instant de contact avec l'aimant, la perdra presque aussi-tôt qu'il en sera séparé : mais on rendra sa vertu plus durable, en le laissant plus longtemps auprès de l'aimant, ou bien en le faisant rougir avant que de l'approcher de la pierre, et le laissant refroidir dans cette situation : dans ce cas, la partie qu'on présentera au pôle boréal de l'aimant, deviendra un pôle austral, et deviendrait pareillement pôle boréal si on l'approchait du pôle austral de l'aimant.
Mais comme ces moyens simples ne procurent pas une grande vertu, on en emploie ordinairement d'autres plus efficaces.
Premièrement on a découvert que le fer frotté sur un des pôles de l'aimant, acquiert beaucoup plus de vertu que sur toute autre partie de la pierre, et que la vertu que ce pôle communique au fer est bien plus considérable lorsqu'il est armé, que lorsqu'il est nud. 2°. Plus on passe lentement le fer, et plus on le presse contre le pôle de l'aimant, plus il reçoit de vertu magnétique. 3°. Il est plus avantageux d'aimanter le fer sur un seul pôle de l'aimant, que successivement sur les deux pôles ; parce que le fer reçoit de chaque pôle la vertu magnétique dans des directions contraires, et dont les effets se détruisent. 4°. On aimante beaucoup mieux un morceau de fer en le passant uniformément et dans la même direction sur le pôle de l'aimant suivant sa longueur, qu'en le frottant simplement par son milieu ; et on remarque que l'extrémité qui touche le pôle la dernière, conserve le plus de force. 5°. Un morceau d'acier poli, ou bien un morceau de fer acéré, reçoivent plus de vertu magnétique, qu'un morceau de fer simple et de même figure ; et toutes choses d'ailleurs égales, on aimante plus fortement un morceau de fer long, mince et pointu, qu'un autre d'une forme toute différente : ainsi une lame de sabre, d'épée ou de couteau, reçoivent beaucoup plus de vertu, qu'un carreau d'acier de même masse, qui n'a d'autres pointes que ses angles. En général, un morceau de fer ou d'acier passé sur le pôle d'un aimant, comme nous avons dit, ne reçoit, ou plutôt ne conserve jamais qu'une vertu magnétique déterminée ; et il parait que cette quantité de vertu magnétique est déterminée par la longueur, la largeur et l'épaisseur du morceau de fer ou d'acier qu'on aimante. 6°. Puisque le fer ne reçoit de vertu magnétique que suivant sa longueur, il est important, lorsqu'on veut lui communiquer beaucoup de vertu magnétique, que cette longueur soit un peu considérable : c'est pourquoi une lame d'épée reçoit plus de vertu qu'une lame de couteau, passée sur la même pierre. Il y a cependant de certaines proportions d'épaisseur et de longueur, hors desquelles le fer reçoit moins de vertu magnétique ; en voici un exemple : on a aimanté six lames de fer de 4 pouces de long, et d'environ 1/100 de pouce d'épaisseur ; leur largeur respective était de 1, 2, 3, 4, 5 et 6 lignes ; on les a passées chacune trois fois et de la même manière sur le pôle d'un excellent aimant, et on a éprouvé les différents poids qu'elles pourraient soulever. La première, qui était la plus petite, leva
Voici maintenant la preuve que la force magnétique qu'un morceau de fer peut recevoir d'un aimant, dépend aussi de la proportion de sa longueur : on a pris une lame de fer de 1/100 de pouce d'épaisseur, de 5 lignes de large, et de 13 1/4 pouces de long : on l'a passée trois fois sur le pôle d'un aimant, et elle a porté 25 grains : on l'a réduite à la longueur de 10 pouces, et on l'a aimantée trois autres fois ; elle a porté 33 grains : réduite à neuf pouces, elle a porté 19 grains : à 8 pouces, 17 grains : à 4 pouces, 1 1/2 grain : d'où l'on voit que la longueur doit être déterminée à 10 pouces ou entre 10 et 13 1/4, pour qu'avec la largeur et l'épaisseur donnée, cette barre puisse acquérir le plus de vertu magnétique.
Lorsqu'une lame de fer ou d'acier, d'une certaine largeur et épaisseur, se trouve trop courte, pour recevoir beaucoup de vertu magnétique par communication, on peut y suppléer en l'attachant sur un autre morceau de fer plus long, à-peu-près de même largeur et épaisseur, en sorte que le tout soit à-peu-près aussi long qu'il est nécessaire, pour qu'une barre qui aurait ces mêmes dimensions put acquérir le plus de vertu magnétique qu'il est possible en la passant sur le pôle de l'aimant : alors en séparant la petite barre de la grande, on trouvera sa vertu magnétique considérablement augmentée. C'est ainsi qu'on a trouvé moyen d'augmenter considérablement la vertu magnétique d'un bout de lame de sabre d'un pied de long, en l'appliquant sur un autre qui avait 2 pieds 7 pouces et 8 lignes de longueur, et en les aimantant dans cette situation : alors la petite lame qui ne pouvait porter, étant aimantée toute seule, que 4 onces 2 gros 36 grains, souleva après avoir été séparée de la grande, 7 onces 3 gros 36 grains.
Il faut cependant observer que deux lames, ainsi unies l'une à l'autre, ne reçoivent pas autant de vertu magnétique, qu'une seule lame de même longueur et d'égale dimension. Car on a coupé en deux parties bien égales une lame de fer médiocrement mince, et on a partagé une des moitiés en plusieurs morceaux rectangulaires : on a rapproché les parties sciées les unes des autres, afin qu'elles pussent faire à-peu-près la longueur qu'elles avaient auparavant, et on les a fixées dans cette situation : on a placé à côté la moitié de la lame qui n'a point été coupée, et on les a aimantées toutes deux également : la partie qui était restée entière a eu beaucoup plus de vertu magnétique que l'autre, et la partie coupée en recevait d'autant moins, que ses fragments étaient moins contigus les uns aux autres.
Indépendamment de ces méthodes de communiquer au fer la vertu magnétique par le moyen de l'aimant, il y en a d'autres dont nous parlerons ci-après en traitant du magnétisme artificiel : mais nous ne saurions nous dispenser à présent de faire savoir qu'il y a des moyens de donner au fer une vertu magnétique très-considérable, et même d'augmenter celle des aimants faibles au point de les rendre très-vigoureux. M. Knight, du collège de la Magdelaine à Oxford, est l'auteur de cette découverte, qu'il n'a pas encore rendue publique : voici des exemples de la grande vertu magnétique qu'il a communiquée à des barreaux d'acier, qu'on ne pouvait pas leur procurer en les aimantant sur les meilleurs aimants à la manière ordinaire : 1°. un petit barreau d'acier à huit pans, de trois pouces 7/10 de long, et du poids d'environ une demi-once, a levé par un de ses bouts environ onze onces sans être armé : 2°. un autre barreau d'acier parallèlepipede de 59/10 de pouce de long, de 4/10 de pouce de large, et de 2/10 d'épaisseur, pesant deux onces huit grains 1/2, a levé vingt onces par une de ses extrémités sans être armé : 3°. un autre barreau de la même forme et de quatre pouces de long, armé d'acier comme un aimant, l'armure contenue avec un bandage d'argent, le tout pesant une once quatorze grains, a levé par le pied de son armure quatre livres : 4°. un barreau d'acier parallèlepipede de quatre pouces de long, d'un pouce 2/10 de large, et de 4/10 de pouce d'épaisseur, armé par ses extrémités avec un bandage de cuivre pour maintenir l'armure, le tout pesant quatorze onces un scrupule, a levé par un des pieds de l'armure quatorze livres deux onces et demie.
Il a fait aussi un aimant artificiel avec douze barreaux d'acier armés à la manière ordinaire, lequel a levé par un des pieds de l'armure 23 livres deux onces et demie. Ces 12 barreaux avaient chacun un peu plus de 4 pouces de long, 3/10 de pouce de large, et 16/100 d'épaisseur ; chacune de ces lames pesait environ 25 scrupules ; et elles étaient placées l'une sur l'autre, en sorte qu'elles formaient un parallèlepipede d'environ deux pouces de haut : toutes ces lames étaient bien serrées avec des liens de cuivre, et portaient une armure d'acier à l'ordinaire ; le tout pesait 20 onces.
La méthode de communiquer une grande vertu magnétique, particulière à M. Knight, n'est pas bornée au fer et à l'acier : il sait aussi aimanter un aimant faible au point de le rendre excellent : il en a présenté un à la Société Royale de Londres, qui pesait tout armé sept scrupules 14 grains, et qui pouvait à peine lever deux onces ; l'ayant aimanté diverses fais, suivant sa méthode, il souleva jusqu'à 13 onces. Il aimante si fort un aimant faible, qu'il fait évanouir la vertu de ses pôles, et leur en substitue ensuite d'autres plus vigoureux et directement contraires, en sorte qu'il met le pôle boréal où était naturellement le pôle austral, et ainsi de l'autre pôle : pareillement il place les pôles d'un aimant où était auparavant l'équateur, et l'équateur où étaient les pôles : dans un aimant cylindrique il met un pôle boréal tout-au-tour de la circonférence du cercle qui fait une des bases, et le pôle austral au centre de ce même cercle, tandis que toute la circonférence de l'autre base est un pôle austral, et le centre est un pôle boréal. Il place à sa volonté les pôles d'un aimant en quel endroit on peut le désirer ; par exemple, il rend pôle boréal le milieu d'une pierre, et les deux extrémités sont pôle austral. Enfin dans un aimant parallèlepipede il place les pôles aux deux extrémités, de telle sorte que la moitié supérieure de la surface est pôle austral, et la moitié inférieure pôle boréal : la moitié supérieure de l'autre extrémité est pôle boréal ; et l'inférieure, pôle austral.
Il est vraisemblable que M. Knight réussit à produire tous ces effets par quelque moyen analogue à celui qui a été révélé au public par M. Mitchell, c'est-à-dire par le secours des aimants artificiels faits avec des barreaux d'acier trempés et polis, aimantés d'une façon particulière, qu'il nomme la double touche. Il est très-certain qu'on peut donner à des barreaux d'acier d'une figure convenable, et trempés fort dur, une quantité de vertu magnétique très-considérable. L'acier trempé a cet avantage sur le fer et sur l'acier doux, qu'il retient beaucoup plus de vertu magnétique, quoiqu'il ait plus de peine à s'en imbiber, et qu'on est le maître de placer les pôles à telle distance qu'on voudra l'un de l'autre, et dans les endroits qu'on jugera les plus convenables. Nous exposerons tout-à-l'heure à l'article de l'aimant artificiel la manière d'aimanter par le moyen de la double touche.
La communication de la vertu magnétique n'épuise en aucune manière sensible l'aimant dont on emprunte la vertu. Quel que soit le nombre de morceaux de fer qu'on aimante avec une même pierre, on ne diminue rien de sa force ; quoique cependant on ait Ve des aimants qui ont donné au fer plus de vertu pour lever des poids, qu'ils n'en avaient eux-mêmes, sans que pour cela leur force ait paru diminuer.
Le fer ne s'enrichit pas non plus aux dépens de l'aimant, quelque vertu qu'il acquierre ; car on a pesé exactement une lame d'acier polie, et un aimant armé ; et après avoir marqué le poids de chacun séparément, on a aimanté la lame : après l'opération, on a trouvé le poids de ces deux corps exactement le même, quoiqu'on se soit servi d'une balance très-exacte.
Au reste, ce ne sont pas les aimants qui lèvent les plus grands poids, qui communiquent le plus de vertu : l'expérience a appris que des aimants très-petits et très-foibles pour porter du fer, communiquent cependant beaucoup de vertu magnétique : il est vrai qu'il y a des espèces de fer qui ne reçoivent presque point de vertu d'un bon aimant, tandis qu'une autre espèce de fer en reçoit une très-considérable. Mais cette vérité ne parait pas d'une manière plus évidente que dans les aimants artificiels, qui communiquent pour la plupart beaucoup de vertu, et qui néanmoins lèvent ordinairement peu de fer.
Aimant artificiel.
Lorsqu'un morceau de fer ou d'acier est aimanté, il peut communiquer de la vertu magnétique à d'autre fer, et à de l'aimant même (s'il est assez fort) : alors il ne diffère en rien de l'aimant, quant aux effets ; c'est pourquoi on le nomme aimant artificiel. Entre les méthodes de faire des aimants artificiels, voici celle qui a été proposée comme la meilleure.
On choisira plusieurs lames de fleuret bien trempées, polies et bien calibrées, en sorte qu'elles soient égales en longueur, largeur et épaisseur : elles auront environ six pouces de long, cinq lignes de largeur, et une ligne d'épaisseur ; et si on veut augmenter leur longueur, on augmentera en même raison leurs autres dimensions. On aimantera bien chaque lame séparément sur le pôle d'un excellent aimant bien armé : on préparera une armure ABCD, (fig. 36.) qui puisse les contenir toutes appliquées les unes sur les autres, et qui les serre et les embrasse par les boutons C et D posés vers leurs extrémités. L'épaisseur des jambages A et B, aussi-bien que celle des boutons C et D, doit être d'autant plus grande, qu'il y a un plus grand nombre de barres assemblées : lors donc qu'on aura disposé toutes ces barres les unes sur les autres entre les deux jambages de manière que les pôles de même nom soient tous du même côté, on les assujettira dans cette situation par le moyen des vis O, O, P, P, et l'aimant artificiel sera fait.
On se contente quelquefois d'unir ensemble plusieurs lames de fleuret aimantées chacune séparément, et auxquelles on conserve toute leur longueur ; on les tient assujetties par des cercles de cuivre en prenant garde que toutes leurs extrémités soient bien dans le même plan ; c'est sur cette extrémité qu'on passe les lames d'acier et les aiguilles qu'on veut aimanter, et ces sortes d'aimants artificiels sont préférables à beaucoup d'aimants naturels. Ces aimants artificiels seront d'autant meilleurs, qu'ils seront construits d'excellent acier bien trempé et bien poli, qu'ils auront été passés sur le pôle d'un aimant naturel ou artificiel bien vigoureux, qu'ils auront plus de longueur, enfin qu'ils seront rassemblés en plus grand nombre.
Il faut avouer cependant que malgré toutes ces précautions, faute d'un aimant assez fort, on ne saurait communiquer aux barres d'acier qui composent l'aimant artificiel, toute la vertu magnétique qu'elles sont capables de recevoir et de contenir ; car il faut observer qu'un morceau d'acier donné est capable d'une quantité de vertu magnétique déterminée, au-delà de laquelle il n'en saurait plus acquérir ou tout au moins conserver. Il serait donc très-avantageux qu'on put donner facilement aux lames d'acier toute la quantité de magnétisme qu'elles peuvent recevoir ; c'est précisément en quoi consiste l'avantage de la méthode de M. Mitchell, appelée la double touche ; méthode par laquelle il rend les aimants artificiels bien supérieurs à ceux qu'on peut faire par les méthodes précédentes, et plus forts même que les meilleurs aimants naturels : voici en quoi consiste cette méthode.
On prendra douze barres d'acier plat, égales, longues de six pouces, et larges de six lignes, et d'une épaisseur telle qu'elles ne pesent qu'environ une once trois quarts. Après les avoir bien limées et ajustées, on les fera rougir à un feu modéré (car un trop grand feu, ou un trop faible, ne conviendrait pas si bien), et on les trempera. On fera auprès d'une de leurs extrémités une marque avec un ciseau ou un poinçon, afin qu'on puisse reconnaître le pôle qui doit se tourner vers le nord, et qu'on nomme pôle austral.
Toutes ces barres étant ainsi préparées, on en disposera six sur une table dans une même ligne droite, suivant la direction du méridien magnétique à-peu-près, et on les assujettira de manière que toutes les extrémités marquées d'un coup de ciseau soient tournées vers le nord, et touchent l'extrémité de la barre voisine qui n'est pas marquée : ensuite on prendra une bonne pierre d'aimant armée, et on placera ses deux pôles sur une des barres, en sorte que son pôle du nord soit tourné vers le bout marqué de la barre qui doit devenir pôle austral, et que le pôle austral de l'aimant soit tourné vers l'extrémité de la barre qui n'est pas marquée, et qui doit devenir un pôle boréal. On glissera l'aimant de côté et d'autre d'une extrémité à l'autre de la ligne formée par ces six barres, et on répetera la même opération trois ou quatre fais, prenant bien garde de les toucher toutes : ensuite ramenant l'aimant sur une des barres du milieu, on ôtera les deux barres qui sont aux extrémités, et on les placera dans le milieu de la ligne dans la même situation qu'elles étaient, après quoi on passera encore la pierre trois ou quatre fois dessus, mais sans aller cette fais-ci jusqu'au bout de la ligne ; parce que les barres qui sont actuellement aux extrémités, et qui étaient auparavant dans le milieu, ont déjà plus de vertu qu'elles n'en pourraient recevoir aux extrémités de la ligne où elles sont à présent, et même elles en perdraient une partie si on les repassait encore ; et c'est justement parce que les barres qui sont aux extrémités ne reçoivent pas autant de vertu que celles qui sont au milieu, que l'on conseille de les remettre au milieu pour les repasser.
Après qu'on aura exécuté toutes ces opérations, il sera bon de retourner toutes les barres sens dessus-dessous, et de les retoucher de l'autre côté, excepté celles des extrémités qu'on ne retouchera point, par les raisons qu'on vient de dire, mais qu'on ramenera dans le milieu pour les retoucher après les autres. Ayant ainsi communiqué un peu de magnétisme aux six barres d'acier, on disposera les six autres sur une table, de la même manière que les précédentes. On peut voir dans la figure 72. la disposition de trois de ces barres A B, et les marques du poinçon et du ciseau qui sont sur leurs extrémités qui sont à main droite, et où doit être leur pôle austral. C D et E F représentent les six autres barres déjà aimantées, comme nous venons de le dire, dont il y en a trois dans l'assemblage C D, et trois en E F ; elles se touchent toutes par le haut : mais elles sont éloignées par le bas de la dixième partie d'un pouce ou un peu plus, quoique d'abord, quand elles n'ont qu'une faible vertu, on puisse les approcher un peu plus près pourvu qu'elles ne se touchent point, ce qu'elles ne doivent jamais faire.
Pour les empêcher de se toucher, on pourra mettre entre-deux un petit morceau de bois ou de toute autre matière, pourvu que ce ne soit pas du fer.
Les trois aimants C D (car on peut déjà les nommer ainsi, quoique leur vertu soit encore très-foible) ont tous trois leur pôle austral en-bas et du côté des extrémités des barres qui ne sont pas marquées, c'est-à-dire celles qui doivent devenir pôle boréal ; et les trois aimants E F ont leur pôle boréal en-bas tourné vers les extrémités des barres qui sont marquées. Quand on les aura ainsi disposés tous six, on les coulera trois ou quatre fois d'un bout à l'autre de la ligne en allant et revenant ; ensuite on ramenera les barres des extrémités dans le milieu pour les repasser comme nous avons dit ci-dessus, et on les retournera toutes pour faire la même chose sur l'autre plat.
Si les six premières barres C D, E F, ont été aimantées par un aimant assez vigoureux, ces six dernières seront déjà aimantées plus fortement que les premières ; c'est pourquoi on remettra les six premières dans une ligne droite sur une table comme auparavant, et on les repassera de même avec les dernières, jusqu'à ce qu'elles soient devenues encore plus fortes ; alors on s'en servira pour aimanter de la même manière la seconde demi-douzaine, et on répetera cette opération jusqu'à ce que ces barres ne paraissent plus acquérir de vertu par ces touches réitérées.
Chacune de ces six barres, lorsqu'elle a été bien trempée et aimantée de la manière que nous venons d'exposer, pourra lever par un de ses pôles un morceau de fer d'une livre ou plus (pourvu qu'il soit d'une forme convenable) ; et six de ces barres une fois bien aimantées et employées de la manière que nous venons d'enseigner, aimantent tout à fait six barres nouvelles en les passant seulement trois ou quatre fois d'un bout à l'autre, excepté celles des extrémités qu'il faut toujours repasser après les avoir ramenées dans le milieu.
Dans toutes ces opérations on est souvent obligé de desunir ou de rassembler les barreaux de fer qui composent les deux paquets C D, E F, aussi-bien que les six qui forment la ligne A B. Or comme deux aimants qui ont les pôles de même nom du même côté, s'affoiblissent toujours réciproquement lorsqu'ils se touchent, il est absolument nécessaire (& on doit y prendre garde bien soigneusement dans toutes les occasions) de n'en jamais placer deux à la fois du même côté C D ou E F : mais on les mettra un à un de chaque côté, en les faisant toucher dans toute leur longueur, ou bien en mettant leurs extrémités inférieures sur la ligne des barres qu'on veut aimanter, tandis qu'ils se touchent par les extrémités supérieures ; et on observera la même chose en les retirant, c'est-à-dire un à un de chaque côté. Il sera plus court de les assembler tous six en un faisceau en les prenant un à un à la fois de chaque côté ; et les transportant sur la ligne des barres, on les partagera en deux faisceaux, comme nous avons enseigné : mais on prendra bien garde de les séparer par le bas avant qu'ils soient sur la barre ; car dès le moment ils s'affoibliraient. Au reste, s'ils venaient à s'affoiblir par cet accident, on pourrait les aimanter en les repassant avec les six autres, de la manière que nous avons enseignée.
Il faut user des mêmes précautions pour conserver ces barreaux aimantés. C'est pourquoi on aura une boite convenable dans laquelle on fera ajuster deux pièces de fer d'environ un pouce de longueur (qui est à-peu-près l'épaisseur de six barres d'acier) perpendiculairement l'une vis-à-vis de l'autre, et à la distance de six pouces de dehors en-dehors ; ces pièces de fer seront d'environ un quart de pouce carré et bien polies sur les côtés ; on placera à côté d'elles, et tout joignant, les douze barres d'acier, six d'un côté et six de l'autre ; les six d'un côté avec leur pôle du nord vers un bout de la boite, et les six de l'autre avec leur pôle du sud vers ce même bout. Il faut bien prendre garde de ne les jamais mettre ni retirer toutes à la fois d'un côté ou de l'autre, car on les désaimanterait : mais on en mettra à la fois une de chaque côté, de manière que leur effort se contre-balance continuellement ; c'est une observation qu'on doit toujours faire, de n'en laisser jamais deux ou plusieurs ensemble avec leur pôle de même nom du même côté, sans quoi elles ne manqueraient pas de perdre leur vertu.
La vertu magnétique que l'on communique à un morceau de fer ou d'acier, y réside tant que ces corps ne sont pas exposés à aucune action violente qui puisse la dissiper : il y a néanmoins des circonstances assez legeres qui peuvent détruire en très-peu de temps le magnétisme du fer le mieux aimanté. Nous allons rapporter ici les principales.
Premièrement, lorsqu'on a aimanté un morceau de fer sur un aimant vigoureux, si on vient à le passer sur le pôle semblable d'un aimant plus faible, il perd beaucoup de sa vertu, et n'en conserve qu'autant que lui en aurait pu donner l'aimant faible sur lequel on l'a passé en dernier lieu. 2°. Lorsqu'on passe une lame de fer ou d'acier sur le même pôle de l'aimant sur lequel on l'a déjà aimantée, mais dans une direction contraire à la première, la vertu magnétique de la lame se dissipe aussi-tôt, et ne se rétablira qu'en continuant de passer la lame sur le même pôle dans le dernier sens : mais les pôles seront changés à chaque extrémité, et on aura bien de la peine à lui communiquer autant de vertu magnétique qu'elle en avait d'abord.
3°. Il est essentiel de bien toucher les pôles de l'aimant avec le morceau de fer qu'on veut aimanter, et de ne pas se contenter de l'en approcher à une petite distance, non-seulement parce que c'est le meilleur moyen de lui communiquer beaucoup de vertu magnétique ; mais parce que la matière magnétique se distribue dans le fer suivant une seule et même direction. Voici une expérience qui prouve la nécessité du contact du fer et de l'armure de l'aimant, pour que la communication soit parfaite : si on passe une aiguille de boussole d'un pôle à l'autre de l'aimant, en lui faisant toucher successivement les deux boutons de l'armure, elle acquerra la vertu magnétique, et se dirigera nord et sud, comme l'on sait. Mais si après avoir examiné sa direction, on la repasse une seconde fois sur l'aimant dans le même sens qu'on l'avait fait d'abord, avec cette seule différence, qu'au lieu de toucher les boutons de l'armure, on ne fasse que l'en approcher, même le plus près qu'il est possible ; sa vertu magnétique s'affoiblira d'abord, et elle en acquerra une autre, mais avec une vertu directive précisément contraire à la première. Et si on continue à l'aimanter dans le même sens, en recommençant à toucher les boutons de l'armure ; cette seconde vertu magnétique se détruira, et elle en reprendra une autre avec sa première direction ; et on détruira de cette manière son magnétisme et sa direction autant de fois que l'on voudra.
4°. Pour bien conserver la vertu magnétique que l'on a communiquée à un morceau de fer, il faut le garantir de toute percussion violente ; car toute percussion vive et irrégulière détruit le magnétisme : on a aimanté une lame d'acier sur un excellent aimant, et après avoir reconnu sa vertu attractive, qui était très-forte, on l'a battue pendant quelque temps sur une enclume ; elle a bien-tôt perdu toute sa vertu, à cela près, qu'elle pouvait bien lever quelques parcelles de limaille, comme fait tout le fer battu, mais elle n'a jamais pu enlever la plus petite aiguille : la même chose serait arrivée en la jetant plusieurs fois sur un quarreau de marbre.
5°. L'action du feu détruit aussi en grande partie la vertu magnétique que l'on a communiquée : après avoir bien aimanté une lame de fer, on la fait rougir dans le feu de forge jusqu'au blanc ; lorsqu'on l'a présentée toute chaude à de la limaille de fer, elle n'en a point attiré : mais elle a repris le magnétisme en se refroidissant. Cependant lorsqu'on a aimanté une lame de fer actuellement rouge, elle a attiré de la limaille de fer, et cette attraction a éte plus vive après que la lame a été refroidie.
6°. L'action de plier ou de tordre un morceau de fer aimanté lui fait aussi perdre sa vertu magnétique : on a aimanté un morceau de fil de fer de manière qu'il se dirigeait avec vivacité, suivant le méridien magnétique ; ensuite on l'a courbé pour en former un anneau, et on a trouvé qu'il n'avait plus de direction sous cette forme : on l'a redressé dans son premier état : mais toutes ces violences lui avaient enlevé la vertu magnétique, en sorte qu'il ne se dirigeait plus. On a conjecturé que les deux pôles avaient agi l'un sur l'autre dans le point de contact, et s'étaient détruits mutuellement ; on a donc aimanté de nouveau le même fil de fer et plusieurs autres semblables, et on en a fait des anneaux imparfaits. On a remarqué qu'ils avaient aussi perdu leur vertu magnétique sous cette nouvelle forme, et qu'ils ne la recouvraient que quand on les avait redressés. Cette expérience réussit toujours quand le fil de fer est bien et dû.ent courbé, et surtout si on lui fait faire plusieurs tours en spirale sur un cylindre ; car si la moindre de ses parties n'est pas courbée avec violence, elle conservera son magnétisme : la même chose arrivera à un fil de fer aimanté qu'on plie d'abord en deux, et dont on tortille les deux moitiés l'une sur l'autre ; en sorte qu'il parait que le magnétisme est détruit par la violence qu'on fait souffrir au fer dans tous ces cas, et par le dérangement qu'on cause dans ses parties, comme il est facîle de s'en convaincre par le moyen du microscope.
Voici une expérience qui confirme cette vérité, et qui fait voir que le dérangement causé dans les parties du fer détruit le magnétisme. On a mis de la limaille de fer dans un tuyau de verre bien sec, et on l'a pressée avec soin ; on l'a aimantée doucement avec une bonne pierre armée, et le tube a attiré des parcelles de limaille répandues sur une table : mais si-tôt qu'on a eu secoué le tube, et changé la situation respective des particules de limaille, la vertu magnétique s'est évanouie.
Du fer aimanté sans avoir jamais touché à l'aimant.
Il n'est pas toujours besoin d'une pierre d'aimant, ou d'un aimant artificiel, pour communiquer la vertu magnétique au fer et à l'acier : ces corps s'aimantent quelquefois naturellement ; on les aimante quelquefois par différents moyens, sans qu'il soit nécessaire d'emprunter le secours d'aucun aimant.
Premièrement, un morceau de fer quelconque de figure oblongue, qui demeure pendant quelque temps dans une position verticale, devient un aimant d'autant plus parfait, qu'il a resté plus longtemps dans cette position : c'est ainsi que les croix des clochers de Chartres, de Delft, de Marseille, etc. sont devenues des aimants si parfaits, qu'elles ont presque perdu leur qualité métallique, et qu'elles attirent et exercent tous les effets des meilleurs aimants : d'ailleurs la vertu magnétique qu'elles ont ainsi contractée à la longue, est demeurée fixe et constante, et se manifeste dans toute sorte de situation. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à fixer verticalement sur un liège C un morceau de fer a b (figure 54.) qui ait resté longtemps dans la position verticale, et faire nager le tout sur l'eau ; si on approche de l'extrémité supérieure a de ce morceau de fer, le pôle boréal B d'une pierre d'aimant, le fer sera attiré, mais il sera repoussé si on lui présente l'autre pôle A de la pierre : de même si on approche le pôle A de l'extrémité inférieure b du fer, celui-ci sera attiré, et repoussé si on en approche le pôle B de l'aimant.
En second lieu, les pelles et les pincettes, les barres de fer des fenêtres, et généralement toutes les pièces de fer qui restent longtemps dans une situation perpendiculaire à l'horizon, acquièrent une vertu magnétique plus ou moins permanente, suivant le temps qu'elles ont demeuré en cet état ; et la partie supérieure de ces barres devient toujours un pôle austral, tandis que le bas est un pôle boréal.
3°. Il y a de certaines circonstances dans lesquelles le tonnerre communique au fer une grande vertu magnétique : il tomba un jour dans une chambre dans laquelle il y avait une caisse remplie de couteaux et de fourchettes d'acier destinés à aller sur mer ; le tonnerre entra par l'angle méridional de la chambre justement où était la caisse ; plusieurs couteaux et fourchettes furent fondus et brisés ; d'autres qui demeurèrent entiers, furent très-vigoureusement aimantés, et devinrent capables de lever de gros clous et des anneaux de fer ; et cette vertu magnétique leur fut si fortement imprimée, qu'elle ne se dissipa pas en les faisant rougir.
4°. La même barre de fer peut acquérir sans toucher à l'aimant des pôles magnétiques, fixes ou variables, qu'on découvrira facilement par le moyen d'une aiguille aimantée en cette sorte. On approche d'une aiguille aimantée, bien mobîle sur son pivot, une barre de fer qui n'ait jamais touché à l'aimant, ni resté longtemps dans une position verticale ; on soutient cette barre de fer bien horizontalement, et l'aiguille reste immobîle quelle que soit l'extrémité de la barre qu'on lui présente ; si-tôt qu'on présente la barre dans une situation verticale, aussi-tôt son extrémité supérieure attire vivement (dans cet hémisphère septentrional de la terre) l'extrémité boréale de l'aiguille, et la partie inférieure de la barre, attire le sud de l'aiguille (figure 55.) : mais si on renverse la barre, en sorte que sa partie supérieure soit celle même qui était en-bas dans le cas précédent, le nord de l'aiguille sera toujours attiré constamment par l'extrémité supérieure de la barre, et le sud par l'extrémité inférieure ; d'où il est évident que la position verticale détermine les pôles d'une barre de fer ; savoir, le bord supérieur est toujours (dans notre hémisphere) un pôle austral, et l'inférieur un pôle boréal : et comme l'on peut mettre chaque extrémité de la barre en-haut ou en-bas, il est clair que les pôles qu'elle acquiert par cette méthode sont variables. On donne à une barre de fer des pôles fixes en cette sorte : on la fait rougir, et on la laisse refroidir en la tenant dans le plan du méridien : alors l'extrémité qui regarde le nord, devient un pôle boréal constant ; et celle qui se refroidit au sud, devient un pôle austral aussi constant. Mais pour que cette expérience réussisse, il doit y avoir une certaine proportion entre la grosseur de la barre et sa longueur : par exemple, une barre de 1/5 de pouce de diamètre doit avoir au moins 30 pouces pour acquérir des pôles fixes par cette méthode ; et une barre de 30 pouces de long, doit n'avoir que 1/5 de pouce de diamètre ; car si elle était plus épaisse, elle n'aurait que des pôles variables.
5°. On a Ve précédemment qu'une percussion forte et prompte dans un morceau de fer aimanté, est capable de détruire sa vertu magnétique ; une semblable percussion dans un morceau de fer qui n'a jamais touché à l'aimant, est capable de lui donner des pôles. On a mis sur une grosse enclume, et dans le plan du méridien, une barre de fer doux, longue et mince, et on a frappé avec un marteau sur l'extrémité qui était tournée du côté du nord : aussi-tôt elle est devenue pôle boréal : on a frappé pareillement l'autre extrémité, laquelle est devenue pôle austral : il faut toujours observer dans ces sortes d'expériences, que la longueur de la barre soit proportionnée à son épaisseur, sans quoi elles ne réussissent point. Cet effet, au reste, que l'on produit avec un marteau, arrive aussi en limant ou en sciant la barre par une de ses extrémités.
6°. Les outils d'acier qui servent à couper ou à percer le fer, s'aimantent par le travail, surtout en s'échauffant ; en sorte qu'il y en a qui peuvent soulever des petits clous de fer. Ces outils n'ont presque point de force au sortir de la trempe : mais lorsqu'après avoir été recuits, on les lime et on les use, ils acquièrent alors beaucoup de vertu qui diminue néanmoins quand ils se refroidissent. Les morceaux d'acier qui se terminent en pointe s'aimantent beaucoup plus fortement que ceux qui se terminent en une langue large et plate : ainsi un poinçon d'acier attire plus par sa pointe qu'un ciseau ou qu'un couteau ordinaire : plus les poinçons sont longs, plus ils acquièrent de vertu ; en sorte qu'un poinçon long d'un pouce et de 9 lignes de diamètre, attire beaucoup moins qu'un foret de 3 à 4 pouces et d'une ligne 1/2 de diamètre.
On a remarqué que la vertu attractive de tous les corps aimantés de cette manière était beaucoup plus forte lorsqu'on en éprouvait l'effet sur une enclume ou sur quelqu'autre grosse pièce de fer ; en sorte que selon toutes les apparences, les petits clous devenus des aimants artificiels par le contact de l'enclume, présentaient aux poinçons leurs pôles de différents noms, ce qui rendait l'attraction plus forte que lorsqu'ils étaient sur tout autre corps, où ils n'avaient plus de vertu polaire.
7°. On aimante encore très-bien un morceau de fer doux et flexible, et toujours d'une longueur proportionnée à son épaisseur, en le rompant par l'une ou l'autre de ses extrémités à force de le plier de côté et d'autre. C'est ainsi qu'on a aimanté un morceau de fil de fer très-flexible, long de deux pieds et demi, et de la grosseur du petit doigt ; on l'a serré dans un étau à cinq pouces de son extrémité ; et après l'avoir plié de côté et d'autre, on l'a cassé ; chacun de ses bouts a attiré par la cassure un petit clou de broquette : on a remis dans l'étau le bout le plus long, et on l'a serré à un demi-pouce de la cassure, et on l'a plié et replié plusieurs fois sans le rompre, et on a trouvé sa vertu attractive considérablement augmentée à l'endroit de la cassure : on l'a plié ainsi à huit différentes reprises jusqu'au milieu, et il a pu lever quatre broquettes : mais lorsqu'on a continué de le plier au-delà du milieu vers l'autre extrémité, sa vertu a diminué à l'endroit de la cassure, et il a attiré au contraire par le bout opposé, jusqu'à ce qu'ayant été plié plusieurs fois jusqu'à cette dernière extrémité, il a soulevé quatre broquettes par celle-ci, tandis qu'il pouvait à peine soulever quelques particules de limaille par l'extrémité où il avait été rompu.
Si on plie un morceau de fer dans son milieu, il n'acquerra presque pas de vertu magnétique : si on le plie à des distances égales du milieu, chacune de ses extrémités sera aimantée, mais plus faiblement que si on ne l'avait plié que d'un côté.
8°. Enfin, M. Marcel, de la Société royale de Londres, a trouvé un moyen de communiquer la vertu magnétique à des morceaux d'acier, qui est encore indépendant de la pierre d'aimant.
Ce moyen consiste à mettre ces pièces d'acier sur une enclume bien polie, et à les frotter suivant leur longueur, et toujours dans le même sens, avec une grosse barre de fer verticale, dont l'extrémité inférieure est arrondie et bien polie ; en répétant ce frottement un grand nombre de fois sur toutes les faces de la pièce d'acier qu'on veut aimanter, elle acquiert autant de vertu magnétique que si elle eut été touchée par le meilleur aimant ; c'est ainsi qu'il a aimanté des aiguilles de boussole, des lames d'acier destinées à faire des aimants artificiels, et des couteaux qui pouvaient porter une once trois quarts.
Dans les morceaux d'acier qu'on aimante de cette manière, l'extrémité par où commence le frottement se dirige toujours vers le nord ; et celle par où le frottement finit se dirige vers le sud, quelle que soit la situation de l'acier sur l'enclume.
Cette expérience réussit, au reste, beaucoup mieux lorsque le morceau de fer ou d'acier qu'on veut aimanter par cette méthode, est dans la direction du méridien magnétique, un peu inclinée vers le nord, et surtout entre deux grosses barres de fer assez longues pour contenir et contre-balancer l'effort des écoulements magnétiques qu'on imprime au morceau d'acier.
Cet article nous a été donné tout entier par M. Lemonnier, Médecin, des Académies royales des Sciences de Paris et de Berlin, qui a fait avec beaucoup de succès une étude particulière de l'aimant. Sur la cause des propriétés de l'aimant, voyez MAGNETISME.
AIMANT, (Matière médicale) On ne fait aucun usage en Médecine de la pierre d'aimant pour l'intérieur du corps, quoique Galien, dans le livre des vertus des remèdes simples, y reconnaisse les mêmes vertus que dans la pierre hématite ; et que dans le livre de la Médecine simple, il vante sa vertu purgative, et surtout pour les humeurs aqueuses dans l'hydropisie ; et que Dioscoride l'ait aussi proposée jusqu'au poids de trois oboles, pour évacuer les humeurs épaisses des mélancholiques.
Quelques-uns croient qu'il y a dans l'aimant une vertu destructive ; d'autres le nient : mais je croirais qu'il faudrait plutôt attribuer cette mauvaise qualité à une autre espèce d'aimant qui a la couleur de l'argent, et qui me parait être une espèce de litarge naturelle, qu'à l'aimant qui attire le fer.
L'aimant employé extérieurement desseche, resserre et affermit ; il entre dans la composition de l'emplâtre appelé main de Dieu, dans l'emplâtre noir, l'emplâtre divin, et l'emplâtre styptique de Charas. Geoffroy.
Schroder dit que l'aimant est astringent, qu'il arrête les hémorrhagies ; calciné, il chasse les humeurs grossières et atrabilaires : mais on s'en sert rarement. (N)
AIMANT ARSENICAL, magnes arsenicalis, (Chimie) c'est une préparation d'antimoine avec du soufre et de l'arsénic blanc qu'on met ensemble dans une phiole, et dont on fait la fusion au feu de sable. Les Alchimistes prétendent ouvrir parfaitement l'or par le moyen de cette composition, qui est d'un beau rouge de rubis, après la fusion. (M)