S. m. (Médecine) est une espèce de fluxion catarrheuse qui a son siège dans la membrane pituitaire ; c'est la maladie qu'on appelle vulgairement rhume de cerveau.

Le mot enchifrenement vient vraisemblablement, selon le dictionnaire de Trévoux, de sifern, qui signifie rhume en langage celtique ou bas breton ; et de sifern a été formé sifernet, enrhumer. Les Grecs appellent cette maladie corysa, et les Latins gravedo.

L'enchifrenement est un véritable catarrhe qui ne diffère de celui qui affecte la gorge et la poitrine, que par la différence de la partie affectée, qui d'une même cause prochaine produit cependant des symptômes différents.



Cette cause consiste dans l'engorgement des vaisseaux et des glandes, qui servent à séparer du sang la mucosité des narines ; elle est donc semblable à celle qui établit le catarrhe dans quelque partie que ce soit ; puisqu'il dépend toujours de l'obstruction des organes, par le moyen desquels se fait la secrétion de l'humeur muqueuse, destinée à défendre des impressions de l'air ou des aliments toutes les voies par lesquelles ils passent. Voyez MUCOSITE.

Tout ce qui peut relâcher le tissu de la membrane pituitaire et les couloirs de la mucosité qui entrent dans sa composition, en sorte qu'il s'y en porte une plus grande quantité ; ou ce qui peut au contraire resserrer ce tissu, et conséquemment ces mêmes couloirs ; de manière que le cours de cette humeur ne soit pas libre ; qu'elle soit forcée à séjourner plus longtemps dans ses follicules ; qu'elle s'y épaississe plus qu'il n'est nécessaire pour l'usage auquel elle est destinée ; qu'il ne puisse d'abord sortir de ces conduits, que la partie la plus fluide, pendant que la grossière reste : tout ce qui peut produire ces effets donne lieu à l'enchifrenement. Ainsi on peut dire avec les anciens, qu'il peut être produit par intempérie froide et par intempérie chaude, non pas du cerveau, comme ils le pensaient, mais de toutes les parties molles de la cavité des narines, des sinus frontaux, des cellules de l'os ethmoïde, etc.

Les causes éloignées sont toutes celles qui peuvent produire le catarrhe en général, telles que l'insolation, l'air ambiant, chaud ou froid, sec ou humide, qui produisent subitement, selon leur différente manière d'agir, quelqu'un des effets ci-dessus mentionnés ; la plethore, la mauvaise digestion, les crudités d'estomac, la trop grande boisson de vin, ou autres liqueurs spiritueuses, le trop grand exercice des parties supérieures pour ceux qui n'y sont pas accoutumés, la lotion de la tête, la diminution de la transpiration en général, et la constipation, disposent beaucoup au catarrhe des narines : tout cela concourt avec l'âge, le tempérament, l'habitude, la saison, la constitution de l'air, et le régime différent.

Cette maladie, lorsqu'elle est causée par la constriction de la membrane pituitaire, s'annonce par un sentiment de chaleur dans l'intérieur du nez et dans toutes les cavités, ou la plupart qui y ont communication, accompagnée de demangeaisons et de fréquents éternuements. Les narines qui dans l'état de santé ne laissent pas échapper une goutte d'humeur aqueuse sous forme sensible dans un air tempéré, commencent à fournir la matière d'un écoulement d'une humeur claire, âcre, salée, en quoi consiste proprement le corysa ; elle excorie quelquefois et fait enfler les bords du nez et les parties voisines qui en sont humectées ; le visage devient rouge ; si l'on porte la main au front ou à la tête, on trouve ces parties plus chaudes qu'à l'ordinaire ; on y sent aussi une légère douleur gravative, ou au moins une pesanteur inquiétante, les oreilles bourdonnent ; la soif, l'inappétence, le dégoût même, se joignent ordinairement à tous ces symptômes ; la fièvre survient aussi quelquefois, et ne diminue pas ce mal. Il arrive ensuite, souvent dès le second jour, qu'il se fait une copieuse évacuation de mucosité épaisse, qui se ramasse dans les cavités des narines ; et excite à se moucher continuellement par sentiment de plénitude ou d'irritation qu'elle y cause. Les enchifrenés sont obligés de tenir la bouche ouverte, surtout pendant le sommeil, soit à cause de la tuméfaction des membranes qui tapissent l'intérieur des narines vers leurs issues externes et internes, soit à cause de la matière visqueuse qui se trouve au passage de l'air, et le ferme ; d'où s'ensuit que la transpiration ne se faisant que par la bouche, celle-ci se desseche, ce qui contribue beaucoup à exciter la soif : c'est aussi par la même raison que le ton de la voix est changé, et que le malade parle du nez ; c'est-à-dire que l'air modifié pour la voix qui devrait passer librement par les narines, pour la prononciation de certaines lettres, trouvant le passage embarrassé frappe l'intérieur du nez sans en sortir, et y produit conséquemment un son différent. On a aussi l'odorat émoussé dans cette maladie, parce que les corpuscules propres à exercer l'organe de ce sens, ne peuvent pas pénétrer la couche de mucosité trop tenace et trop épaisse, dont il est enduit.

L'enchifrenement produit par le relâchement des parties susceptibles d'être affectées dans cette maladie, est presque accompagné des mêmes symptômes, excepté qu'on n'y sent pas autant de chaleur ; que l'humeur du corysa et la mucosité viciée ne sont pas si âcres, si irritantes ; qu'il n'y a pas de douleur de tête, mais beaucoup de pesanteur, avec disposition pressante au sommeil : la fièvre qui survient dans ce cas est ordinairement salutaire, hâte l'excrétion de l'humeur peccante, et rend plus prompt le dégorgement des vaisseaux pituitaires.

Les vents froids et secs produisent souvent l'enchifrenement de la première espèce ; et celui de la seconde est souvent l'effet des vents chauds, humides, pluvieux. L'automne est la saison de l'année où cette maladie est plus commune, à cause des grands et fréquents changements qui surviennent dans la température de l'air ; ce qui dispose en général à toutes sortes de fluxions catarrheuses ; celle des narines est presque toujours l'effet d'une cause externe. Cette maladie se guérit souvent par la seule opération de la nature, sans aucun secours de l'art ; et elle se termine en peu de temps, surtout dans les jeunes gens d'un bon tempérament, pourvu qu'on n'aigrisse pas le mal par le mauvais régime et par le défaut de ménagement : elle est plus rebelle dans les vieillards et dans les personnes d'un tempérament froid et humide ; elle peut quelquefois produire un osène ou un polype, lorsqu'elle dure longtemps, ou qu'elle revient souvent.

Si l'enchifrenement est de nature à exiger des remèdes, ils doivent être prescrits différemment selon la différente cause qui l'a produit. Si la chaleur et l'acrimonie des humeurs sont dominantes, il faut prescrire une diete rafraichissante, adoucissante ; recommander la boisson abondante d'eau de ris, de poulet, d'infusion de pavot rouge ; faire user de juleps hypnotiques.

Si la fièvre est de la partie avec douleur de tête, on peut avoir recours à la saignée ; les lavements et même quelques legers purgatifs peuvent aussi être employés avec succès dans ce cas. La vapeur du vinaigre dans lequel on a fait bouillir quelques plantes résolutives, comme la fleur de sureau reçue par le nez, pendant quelques minutes, à plusieurs reprises, ne peuvent que produire de bons effets.

Pour l'enchifrenement qui dépend d'un relâchement des vaisseaux muqueux, joint au tempérament froid et humide, il convient d'employer des remèdes plus actifs, des purgatifs plus forts, des atténuans, des apophlegmatiques, des masticatoires, des errhins, des sternutatoires, des suffumigations faites avec des parfums de différente espèce. Il est très-rare qu'il y ait indication de placer la saignée dans l'enchifrenement dont il s'agit. Il convient d'employer des confortatifs, des corroborants pris intérieurement, la diete seche et analeptique, des sachets de plantes aromatiques appliqués sur la tête rasée, quelquefois les vesicatoires appliqués derrière les oreilles à la nuque. Voyez CATARRHE, CORYSE, FLUXION, RHUME. (d)