S. f. TERRE GLAISE, ARGILLE, (Histoire naturelle, Minéralogie et Agriculture) c'est une terre dont la couleur est ou blanche, ou jaune, ou brune, ou rougeâtre, ou grise, ou bleue, ou verdâtre ; elle est tenace, pesante, compacte, visqueuse ou grasse au toucher comme du savon ; ses parties sont très-fines et fort étroitement liées les unes aux autres : elle s'amollit dans l'eau, et a la propriété de prendre corps, et de se durcir considérablement dans le feu.
Lister compte vingt-deux espèces d'argilles ou de glaises en Angleterre ; Wallerius en compte dix espèces dans sa minéralogie, mais ces terres ne différent point essentiellement entr'elles ; elles ne varient que par la couleur, qui peut avoir un nombre infini de nuances, et par le plus ou moins de sable, de gravier, de terreau ou de humus, de craie, de marne, de parties ferrugineuses, et d'autres substances étrangères qu'elles peuvent contenir.
On a quelquefois voulu mettre de la différence entre l'argille et la glaise ; cette distinction était fondée sur ce que l'argille était, dit-on, mêlée d'un plus grand nombre de parties de sable et de terreau ; mais l'on sent que ce mélange purement accidentel ne suffit pas pour faire distinguer ces terres qui sont essentiellement les mêmes, et qui ont les mêmes propriétés, quoiqu'on les designe par deux noms différents. Cela posé, sans s'arrêter ici à faire un article séparé de la glaise, on aurait pu renvoyer à l'art. ARGILLE ; mais comme cet article n'est que l'exposé du système de M. de Buffon sur la formation de l'argille, et comme d'ailleurs on n'y est point entré dans le détail des principales propriétés de cette terre, on a cru que ce serait ici le lieu de suppléer à ce qui a été omis dans cet article.
Il y a longtemps que les Chimistes ont observé que l'argille ou glaise colorée contenait une portion plus ou moins considérable de fer ; ce qui prouve cette vérité, c'est la couleur rouge que prennent quelques-unes de ces terres, lorsqu'on les expose à l'action du feu ; mais rien ne sert mieux à constater la chose que la fameuse expérience de Becher qui a obtenu une portion de fer attirable par l'aimant, d'un mélange fait avec de la glaise et de l'huîle de lin : nous n'insisterons point sur cette expérience qui est suffisamment décrite à l'article FER, non plus que sur la dispute qui s'éleva à son sujet dans l'académie royale des Sciences de Paris. Voyez FER. C'est cette portion de fer contenue dans la glaise qui contribue à ses différentes couleurs. On peut dégager cette terre des parties ferrugineuses qu'elle contient en versant dessus de l'eau régale qui en fait l'extraction avec effervescence ; la partie terreuse reste blanche, parce que ce dissolvant lui a enlevé sa partie colorante, et est devenue jaune. L'eau-forte ne produit point toujours le même effet, parce que les parties martiales de cette terre sont quelquefois très fines et enveloppées de tant de parties visqueuses, que le dissolvant ne peut point agir sur elles. Voyez la Lithogéognosie de M. Pott, tom. I. pag. 99. et suiv.
La glaise ou l'argille pure ne fait point d'effervescence sensible avec les acides ; quand cela arrive ; c'est une preuve certaine que cette terre est mélangée avec quelque substance alkaline ou calcaire, telle que la craie, la marne, etc. ou avec des parties ferrugineuses. C'est faute d'avoir eu égard à ces mélanges que plusieurs auteurs ont confondu avec la glaise d'autres terres dont les propriétés sont fort différentes ; cependant l'acide vitriolique aidé par l'action du feu dissout une portion de l'argille ou glaise, comme M. Hellot l'a prouvé dans les mémoires de l'académie des Sciences de Paris, année 1739. Cette dissolution d'une portion de la terre glaise ou argilleuse par l'acide vitriolique, fait un véritable alun ; cela avait déjà été soupçonné par M. Pott, mais cette vérité vient enfin d'être démontrée par M. Marggraf, qui prouve que l'argille ou glaise contient la terre nécessaire pour la formation de l'alun ; mais l'acide vitriolique ne dissout qu'une portion de cette terre : celle qui reste et sur laquelle le dissolvant n'a plus d'action, a perdu les propriétés de la glaise. Et M. Marggraf a fait des expériences qui prouvent qu'elle est de la nature des terres vitrifiables, telles que le sable et les caillous pilés, puisqu'elle fait du verre tout comme elles, lorsqu'on la fond avec du sel alkali ; d'où l'on peut conclure que l'argille ou glaise est composée de deux substances d'une nature toute différente. Voyez les mémoires de l'académie royale de Berlin, année 1754, pag. 32, 34, 63 et suiv.
Quelquefois la glaise est mêlée de mica ou de petites particules talqueuses, luisantes, qu'il est très-difficîle d'en séparer entièrement : on en sépare plus aisément le sable, c'est en la faisant dissoudre dans de l'eau, parce qu'alors les parties terreuses qui composent la glaise demeurent longtemps suspendues dans ce fluide, tandis que les particules de sable tombent très-promptement au fond.
Plus les argilles ou glaises sont blanches, plus elles sont dégagées de matières étrangères, et c'est alors qu'on y remarque sensiblement les propriétés qui les caractérisent. Les qualités extérieures auxquelles on peut reconnaître la glaise, sont sa tenacité qui fait qu'elle prend corps toute seule avec l'eau ; sa viscosité ou son onctuosité qui la fait paraitre comme savonneuse et grasse au toucher ; la finesse de ses parties qui fait qu'elle s'attache à la langue, et que quelquefois elle produit dans la bouche un effet semblable à celui du beurre qu'on y laisserait fondre : mais le caractère distinctif de l'argille ou glaise pure est de se durcir dans le feu au point de former une masse compacte et solide, dont l'acier peut tirer des étincelles comme il ferait d'un morceau d'agate ou de jaspe. C'est à cette marque surtout que l'on peut reconnaître la présence de cette terre, même lorsqu'elle est mêlée avec des substances ou terres d'une autre nature. La terre dont on fait les pipes est une vraie glaise ; on dit que les Chinois font une porcelaine d'une très-grande beauté avec une terre seule délayée dans de l'eau ; elle est très-blanche et douce au toucher comme du savon ; il y a en France et en beaucoup d'endroits de l'Europe des terres dont on pourrait tirer le même parti, si on voulait faire les expériences nécessaires pour en découvrir les propriétés. Voyez l'art. PORCELAINE.
La viscosité et la tenacité de la glaise sont dû.s à une matière onctueuse qui sert à lier ses parties. M. Pott a fait un grand nombre d'expériences pour découvrir la nature de ce gluten ou lien, sans jamais y trouver le moindre vestige ni de sel ni de matière inflammable, soit par la distillation, soit par la lixiviation ; sur quoi il refute Boyle qui prétend que les terres contiennent du phlogistique, et prouve que celui qu'on y découvre ne vient que de la petite portion de fer qui y est contenue. Becher a cru que le flegme ou la partie aqueuse qu'on obtient par la distillation de l'argille ou glaise, avait des vertus merveilleuses, soit dans la médecine, soit dans les travaux sur les métaux, soit pour la fertilisation des terres ; mais ces idées n'ont point encore été justifiées par l'expérience, non plus que les prétentions de quelques alchimistes qui regardent ce flegme comme l'esprit de la nature. S'il se trouve quelque chose de salin dans la glaise, elle en est redevable aux substances étrangères qui y sont jointes accidentellement. La calcination au feu et les acides concentrés, enlèvent entièrement le gluten ou la partie qui sert à lier cette terre, au point qu'elle n'est plus en état de prendre du corps et de se durcir dans le feu.
Les terres alkalines ou calcaires telles que la craie, la marne, etc. mêlées avec la glaise, entrent très-aisément en fusion, quoiqu'aucune de ces terres prise séparément ne se fonde point par elle-même, c'est-à-dire sans addition. M. Pott a employé dans cette expérience ainsi que dans les autres une argille pure ; car celle qui est bleue est mêlée de particules martiales qui lui servent de fondant, et la font entrer en fusion sans addition, au lieu que les argilles ou glaises pures ne peuvent être fondues par le feu le plus violent qui ne fait que les durcir considérablement, et au point de faire donner des étincelles lorsqu'on les frappe avec de l'acier.
La glaise pure ou argille mêlée avec différentes espèces de pierres gypseuses donne des produits différents, suivant que ces substances sont plus ou moins chargées de matières étrangères et colorantes ; cependant en général M. Pott a observé que lorsqu'on mêle la glaise et le gypse en parties égales, il en résulte à l'aide du feu une masse pierreuse si dure que l'acier en fait sortir des étincelles.
Le mélange de la glaise ou argille avec les pierres et les terres qu'on nomme vitrifiables, prend du corps et s'unit très-fortement ; c'est là-dessus qu'est fondé tout le travail de la poterie de terre, de la fayencerie, de la briquerie, etc. Aussi voit-on que les Potiers de terre mêlent du sable avec la glaise pour former tous leurs ouvrages, qu'ils exposent ensuite à l'action du feu. Toutes ces expériences, ainsi qu'un grand nombre d'autres, sont dû.s à M. Pott savant chimiste, de l'académie de Berlin, et se trouvent dans son ouvrage qui a pour titre Lithogéognosie, ou examen chimique des terres et des pierres, etc. tom. I. pag. 123 et suiv. 82 et suiv. et 140 de la traduction française.
Passons maintenant aux propriétés de la glaise, eu égard à l'Agriculture et à l'Economie rustique. Plus cette terre est tenace, compacte et pure, moins elle est propre à favoriser la végétation des plantes ; cela vient 1°. de ce que la glaise par la liaison étroite qui est entre ses parties, retient les eaux du ciel et ne leur fournit point de passage, ces eaux sont donc obligées d'y séjourner, et par-là les semences doivent se noyer ou se pourrir. 2°. Quand ces semences auraient pu être développées, les parties de la glaise sont si étroitement liées entr'elles, et se durcissent si fort à la surface de la terre par la chaleur du soleil, que cette terre n'aurait point cédé ou prêté aux faibles efforts qu'une plante ou racine peut faire pour s'étendre en tout sens ; de là vient la stérilité des terres purement glaiseuses : aussi un auteur anglais a-t-il appelé la terre glaise une marâtre maudite ; les arbres mêmes, et surtout les chênes, n'y croissent qu'avec peine et très-lentement, et il y a des glaises si stériles qu'il n'y croit pas le moindre brin d'herbe. Pour remédier à cette stérilité, on est obligé d'avoir recours à différents moyens, qui tous ont principalement pour but de diviser et d'atténuer ces terres, et de rompre la liaison trop étroite de leurs parties afin de les rendre plus pénétrables aux eaux, et pour que leur tenacité n'étouffe plus les plantes naissantes ; pour y parvenir, on laboure fortement ces terres à plusieurs reprises, on a soin de bien diviser les glebes ; après les avoir laissé exposées aux injures de l'air, on y mêle soit du fumier, soit du sable, du gravier, de la marne, de la craie, de la chaux vive, de la recoupe de pierre, des fragments de briques, etc. en un mot tout ce qu'on trouve plus à sa portée, et qui est plus propre à diviser la glaise, et à mettre de l'intervalle entre les parties qui la composent. On prétend qu'en Angleterre on se sert avec le plus grand succès du sable de la mer pour fertiliser les terrains glaiseux.
C'est à la propriété que la glaise a de retenir les eaux et de ne point leur donner passage, que sont dû.s la plupart des sources et des fontaines que nous voyons sortir de la terre. Les eaux du ciel lorsqu'elles sont tombées sur la terre, se filtrent au travers des couches de sable, de gravier, et même des pierres qui la composent, et continuent à passer jusqu'à-ce qu'elles se trouvent arrêtées par des couches de glaise ; alors elles s'y amassent, et vont s'écouler par la route la plus commode qui leur est présentée. C'est cette même propriété de la glaise qui fait qu'on s'en sert pour garnir le fond des bassins, canaux et réservoirs dans lesquels on veut retenir les eaux ; quand on la destine à cet usage, on a soin de la bien diviser et hacher en tout sens avec des beches et d'autres instruments tranchans, de peur qu'il ne s'y trouve quelque plante ou racine qui, en se pourrissant par la suite, ne fournisse aux eaux qui cherchent à s'échapper, un passage qui, quoique petit dans son origine, ne tarderait pas à devenir bien-tôt très-considérable.
Il faut aussi rapporter l'expérience qui se trouve dans l'histoire de l'académie des sciences de Paris, année 1739, pag. 1. Il y est dit que l'argille des Potiers lavée, exposée à l'air, et imbibée d'eau de fontaine, a acquis au bout de quelques années la dureté d'un caillou ; on prétend que l'on a observé la même chose en Amérique sur la terre glaise qui se trouve le long des bords de la mer ; M. Pott attribue ce phénomène à l'écume grasse de la mer.
La glaise se trouve ordinairement par lits ou par couches qui varient pour l'épaisseur et pour les autres dimensions ; ces couches sont assez souvent remplies de pyrites et de marcassites : cette terre ne se rencontre pas seulement à la surface, mais même à une très-grande profondeur. La terre grasse appelée besteg par les mineurs allemands, qui sert d'enveloppe à un grand nombre de filons métalliques, et qui suivant leur langage contribue à les nourrir, est une vraie glaise chargée de beaucoup de substances étrangères et minérales.
La glaise pure, lorsqu'elle est seche, a une grande disposition à imbiber les matières huileuses et grasses ; cette propriété fait qu'on s'en sert pour faire les pierres à enlever les taches des habits, qu'on nomme pierres à détacher.
Les terres bolaires dont l'usage est si connu dans la Médecine, ne sont que des terres glaiseuses ou des argilles très-fines, comme on s'en aperçoit en ce qu'elles s'attachent à la langue, et fondent comme du beurre dans la bouche ; elles sont quelquefois colorées par une portion plus ou moins grande de fer qu'elles contiennent. On a pu déjà voir dans cet article que les acides n'agissent point sur les terres argilleuses ou glaises ; si ces dissolvants ne peuvent les dissoudre, il n'y a guère lieu de croire que ceux qui se trouvent dans l'estomac produisent cet effet ; ne pourrait-on pas conclure de là qu'il y a beaucoup d'abus dans l'usage des terres bolaires et terres sigillées, qui ne sont que de vraies glaises mêlées quelquefois de parties ferrugineuses ? Si ces terres ne se dissolvent point dans les premières voies, elles ne peuvent que fatiguer l'estomac sans passer dans l'économie animale ; s'il s'y en dissout une partie, c'est une preuve que la terre bolaire était mêlée d'une portion de terre absorbante ou calcaire ; et alors il vaudrait mieux employer des absorbans purs, et dont on fût assuré, tels que la craie lavée, les yeux d'écrevisses, etc. Si c'est à la partie martiale qu'on attribue les vertus des terres bolaires, il serait beaucoup plus simple d'employer des remèdes martiaux dont la Chimie pharmaceutique fournit un si grand nombre. (-)
GLAISE
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- Écrit par : Paul-Henri-Thiry, baron de Holbach (—)
- Catégorie : Minéralogie & Agriculture
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