S. m. (Divination) image ou figure qu'on porte pendue au cou ou sur soi, comme un préservatif contre les maladies et les enchantements. Les Grecs appelaient ces sortes de préservatifs , , , , . Les Latins leur donnaient les noms de probra, servatoria, amolimenta, quia mala amoliri dicebantur, parce qu'on prétendait qu'ils avaient la vertu d'écarter les maux ; et amoleta, d'où nous avons fait amulete. Les Romains les appelaient aussi phylacteria, phylactères, et étaient dans cette persuasion, que les athletes qui en portaient, ou remportaient la victoire sur leurs antagonistes, ou empêchaient l'effet des charmes que ceux-ci pouvaient porter sur eux. Rustici didicerunt luxuriam, dit l'ancien scholiaste de Juvénal, et palestris uti et phylacteriis, ut athletae, ad vincendum ; nam et niceteria phylacteria sunt quae ob victoriam fiebant, et de collo pendentia gestabantur.
Les Juifs attribuaient aussi les mêmes vertus à ces phylactères ou bandes de parchemin qu'ils affectaient de porter, par une fausse interprétation du précepte qui leur ordonnait d'avoir continuellement la loi de Dieu devant les yeux, c'est-à-dire de la méditer et de la pratiquer.
Les Latins les nommaient encore praesiscini, c'est-à-dire préservatifs contre la fascination ; et ceux qu'ils pendaient à cet effet au cou des enfants, étaient d'ambre ou de corail, et représentaient des figures obscènes et autres. Voyez Planche VI. d'Antiq. fig. 8. 9. Les Chrétiens n'ont pas été exempts de ces superstitions, puisque S. Jean Chrysostôme reproche à ceux de son temps de se servir de charmes, de ligatures, et de porter sur eux des pièces d'or qui représentaient Alexandre le grand, et qu'on regardait comme des préservatifs. Quid verò diceret aliquis de his qui carminibus et ligaturis utuntur, et de circumligantibus aurea Alexandri Macedonis numismata capiti vel pedibus ? Homil. 25. ad pop. Antioch. Ces pratiques avaient été condamnées par Constantin et par différents conciles, entr'autres par celui de Tours, tenu sous Charlemagne ; et ce prince les défend aussi dans ses capitulaires, liv. VI. ch. lxxij.
Delrio rapporte que dans cette armée de Reistres qui sous le règne d'Henri III. passa en France, commandée par le baron de Dhona, et fut défaite par le duc de Guise à Vimori et à Auneau, presque tous les soldats qui restèrent sur le champ de bataille portaient des amuletes, comme on le reconnut en les dépouillant après la victoire. Le peuple a encore foi à certaines branches de corail ou autres végétaux qu'on pend au cou des enfants, et qu'on regarde comme des préservatifs contre la colique ou d'autres maux. Delrio, liv. I. chap. IVe quest. 4. pag. 53. et suivantes.
Les Arabes, aussi-bien que les Turcs, ont beaucoup de foi aux talismants et aux amuletes. Les Nègres les appellent des gris-gris : ces derniers sont des passages de l'Alcoran, écrits en petits caractères sur du papier ou du parchemin. Quelquefois au lieu de ces passages, les Mahométans portent de certaines pierres auxquelles ils attribuent de grandes vertus. Les dervis leur vendent fort cher ces sortes d'amuletes, et les dupent en leur promettant des merveilles qui n'arrivent point ; et quoique l'expérience eut dû détromper ceux qui les achetent, ils s'imaginent toujours que ce n'est pas la vertu qui a manqué, mais qu'eux-mêmes ont manqué à quelque pratique ou circonstance qui a empêché la vertu des amuletes. Ils ne se contentent pas d'en porter sur eux, ils en attachent encore au cou de leurs chevaux, après les avoir renfermés dans de petites bourses de cuir : ils prétendent que cela les garantit de l'effet des yeux malins et envieux. Les Provençaux appellent ces amuletes cervelami, et par-là on voit qu'ils sont dans la même erreur, soit qu'ils aient apporté cette superstition de l'Orient où ils trafiquent, soit qu'ils l'aient tirée des Espagnols, qui l'ont eux-mêmes reçue des Mores ou Arabes, qui ont été maîtres de leur pays pendant quelques siècles. Le chevalier d'Arvieux, de qui nous empruntons ceci, dit que les chevaux arabes dont quelques émirs lui firent présent dans ses voyages, avaient au cou de ces amuletes, dont on lui vantait fort la vertu, et qu'on lui recommandait de ne point ôter à ses chevaux, à moins qu'il ne voulut bientôt les voir périr. Voyez TALISMAN. Mém. du chevalier d'Arvieux, tome III. page 247.
Le concîle de Laodicée défend aux ecclésiastiques de porter de ces amuletes ou phylactères, sous peine de dégradation. S. Chrysostôme et S. Jérôme ont montré aussi beaucoup de zèle contre cette pratique. Hoc. apud nos, dit ce dernier, superstitiosae mulierculae, in parvulis evangeliis et in crucis ligno, et istiusmodi rebus, quae habent quidem zelum Dei, non juxta scientiam, usque hodie factitant. Voyez Kirch. Oedip. Aegypt.
Les amuletes ont à-présent bien perdu de leur crédit ; cependant le fameux M. Boyle les allegue comme des preuves qui constatent par le grand nombre d'émanations qui passent de ces médicaments dans le corps humain, combien ce dernier est poreux et facilement pénétrable. Il ajoute qu'il est persuadé que quelques-uns de ces médicaments ne sont pas sans effet ; parce que lui-même ayant été sujet à un saignement de nez, après bien des remèdes tentés inutilement, n'en trouva pas de plus efficace que de la poudre de crane humain appliquée sur la peau, autant qu'il faut seulement pour qu'elle s'y échauffe.
Zwelfer à ce sujet-là apprit une circonstance très-particulière du premier médecin de Moravie, qui ayant préparé quelques trochisques de crapauds, de la manière que le prescrit Vanhelmont, trouva que non-seulement portés en guise d'amulete ils le préservaient, lui, ses amis et ses domestiques, de la peste, mais même qu'appliqués sur le mal de ceux qui étaient déjà pestiférés, ils les soulageaient considérablement, et en guérissaient quelques-uns.
Le même M. Boyle fait voir combien les émanations qui sortent même des amuletes froids, sont capables de pénétrer dans les pores des animaux vivants, en supposant quelqu'analogie entre les pores de la peau et la figure des corpuscules. Bellini a fait tout ce qu'il a pu pour démontrer la possibilité de cette introduction des corpuscules des amuletes dans le corps humain, dans ses dernières propositions de febribus. M. Wainwright et autres l'ont démontré aussi. Voyez EMANATION, PORE, PEAU, PESTE, etc.
On trouve des livres d'anciens médecins qui contiennent plusieurs descriptions de ces remèdes, qui sont encore pratiqués aujourd'hui par des empiriques, des femmes, ou d'autres personnes crédules et superstitieuses. (G)