S. f. (arts et Sciences) terme général qui s'applique à tout ce qu'on trouve, qu'on invente, qu'on trouve d'utîle ou de curieux dans les Arts, les Sciences et les Métiers. Ce terme est assez synonyme à celui de découverte, quoique moins brillant ; mais on me permettra de les confondre ici, sans répéter les choses curieuses que le lecteur doit lire préalablement au mot DECOUVERTE.

Nous sommes redevables des inventions au temps, au pur hasard, à des conjonctures heureuses et imprévues, à un instinct mécanique, à la patience du travail, et à ses ressources.



Ce n'est point aux recherches de gens qu'on appelle dans le monde gens d'esprit ; ce n'est point à des philosophes spéculatifs, que nous devons les inventions utiles qu'on trouva dans le XIIIe et xiv. siècles. Elles furent le fruit de cet instinct de mécanique que la nature donne à certains hommes, indépendamment de la philosophie. L'invention de secourir la vue affoiblie des vieillards, par des lunettes qu'on nomme besicles, est de la fin du XIIIe siècle. On la doit, dit-on, à Alexandre Spina : les Vénitiens possédèrent dans le même siècle, le secret des miroirs de crystal. La fayence qui tenait lieu de porcelaine à l'Europe, fut trouvée à Faenza : les meules qui agissent par le secours du vent, sont à-peu-près du même temps. L'invention du papier fait avec du linge pilé et bouilli, est du commencement du xiv. siècle. Cortusius parle d'un certain Pax qui en établit à Padoue la première manufacture, plus d'un siècle avant l'invention de l'Imprimerie. C'est ainsi que les prémices des Arts ont été heureusement découverts, et souvent par des hommes ignorés.

Je dis les prémices, car il faut remarquer que tout ce que nous avons de plus curieux et de plus utîle dans les Arts n'a pas été trouvé dans l'état où nous le voyons à présent. Toutes ces choses ont été découvertes grossièrement, ou par parties, et ont été amenées insensiblement à une plus grande perfection. C'est ce qui parait du-moins des inventions dont nous venons de parler ; et c'est ce qu'on peut prouver de celles du verre, de la boussole, de l'Imprimerie, des horloges, des moulins, des télescopes, et de tant d'autres.

Je passe sous silence les découvertes dans les Sciences, qui ont pu être préparées par les travaux des siècles précédents ; ce sujet serait d'une trop longue recherche. Je ne parlerai pas davantage des découvertes prétendues modernes, qui ne sont que des opinions anciennes, présentées de nouveau sous des faces plus lumineuses. De telles discussions seraient d'ailleurs peu susceptibles de démonstrations ; je me contenterai d'observer, pour ne point sortir des Arts, qu'il a fallu une suite plus ou moins longue de temps pour perfectionner les inventions, qui dans les siècles grossiers, étaient originairement le produit du hasard, ou du génie mécanique.

Guttemberg n'imagina que les lettres mobiles sculptées en relief sur le bois et sur le métal. Ce fut Schoèffer, qui rectifiant cette invention, trouva le secret de jeter en fonte les caractères ; et l'on sait combien cet art a été perfectionné depuis Schoèffer.

Que ce soit Goya marinier, natif de Melfi, ou les Anglais, ou les Français, ou les Portugais, qui aient trouvé l'usage de la boussole dans le XIIe siècle ; cette découverte est dans le même cas que celle de l'Imprimerie. On ne sut d'abord qu'étendre l'aiguille aimantée sur du liege à la surface de l'eau ; ensuite on vint à la suspendre sur un pivot dans une boète qui était suspendue elle-même ; et finalement on l'a fixée à une rose de carton ou de talc, sur laquelle on a tracé un cercle divisé en 32 parties égales, pour marquer les 32 airs, avec un autre cercle concentrique, divisé en 360 degrés, et qui sert à mesurer les angles et les écarts de la boussole.

L'invention des moulins-à-vent (peut-être originaire d'Asie) n'a fait une fortune brillante, que quand la Géométrie a perfectionné cette machine, qui dépend entièrement de la théorie des mouvements composés.

Combien de siècles se sont écoulés pour perfectionner les horloges et les montres depuis Ctesibius, qui fit vraisemblablement la première horloge à rouage et qui fleurissait vers l'an 613 de Rome, jusqu'à la dernière pendule faite en Angleterre par Graham, ou en France par Julien le Roi ? Les Huygens, les Leibnitz, et tant d'autres, ne s'y sont-ils pas exercés ?

J'en pourrais dire presque autant des lunettes d'approche, depuis Métius, jusqu'à Dom Noë bénédictin.

Mais qui peut douter de la différence de la taille brute du diamant, trouvée par hasard depuis environ trois siècles par Louis de Berquen, et la beauté des formes faites en rose ou en brillant, que nos lapidaires exécutent aujourd'hui ? L'usage et la grande pratique les ont instruits des différentes tailles imaginables, tandis que leurs yeux et leurs mains leur servent de compas. C'est d'après la 47e proposition du premier livre d'Euclide, qu'ils sont parvenus à la belle proportion de tailler cette pierre précieuse en losanges, triangles, facettes, et biseaux, pour la brillanter, en lui donnant tout ensemble autant d'éclat que de jeu.

Ainsi les hommes heureusement nés, qui ont eu une parfaire connaissance de la mécanique, ont profité des esquisses grossières des premières inventions, et les ont portées peu-à-peu par leur sagacité au degré de perfection où nous les voyons aujourd'hui.

Quoique le temps enfante les présents qu'il nous fait, l'industrie peut hâter, si j'ose parler ainsi, le terme de son accouchement. Combien de siècles se sont écoulés, pendant lesquels les hommes ont marché sur la soie, avant que d'en connaître l'usage, et en composer leur parure ? La nature a sans doute dans ses magasins des trésors d'un aussi grand prix, qu'elle nous réserve au moment que nous l'attendrons le moins ; soyons toujours à portée d'en profiter.

Souvent une invention jette de grandes lumières sur celle qui la précède, et quelques lueurs sur celle qui doit la suivre. Je ne dis pas que l'invention soit toujours féconde en elle-même : les grands fleuves ne se forment pas toujours les uns des autres ; mais les inventions qui n'ont point d'analogie ensemble, ne sont pas pour cela stériles, parce qu'elles multiplient les secours, et se reproduisent sous mille moyens qui abregent les travaux de l'homme.

Mais il n'est rien de plus flatteur que l'invention, ou la perfection des Arts, qui tendent au bonheur du genre humain. De telles inventions ont cet avantage sur les entreprises de la politique, qu'elles font le bien commun, sans nuire à personne. Les plus belles conquêtes ne sont arrosées que de sueurs, de larmes, et de sang. L'inventeur d'un secret utîle à la vie, tel que serait celui de la dissolution de la pierre dans la vessie, n'aurait point à redouter les remords inséparables d'une gloire mêlangée de crimes et de malheurs. Par l'invention de la boussole et de l'Imprimerie, le monde s'est étendu, embelli, et éclairé. Qu'on parcoure l'histoire : les premières apothéoses ont été faites pour les inventeurs : la terre les adora comme ses dieux visibles.

Il ne faut point s'étonner après cela, qu'ils soient sensibles à l'honneur de leurs découvertes ; c'est la dernière chose dont l'homme puisse se dépouiller. Thalès, après avoir trouvé en quelle raison est le diamètre du soleil au cercle décrit par cet astre autour de la terre, en fit part à un particulier, qui lui offrit pour récompense, tout ce qu'il exigerait. Thalès lui demanda seulement de lui conserver l'honneur de sa découverte. Ce sage de la Grèce pauvre, et comblé d'années, fut insensible à l'argent, au gain, à tout autre avantage, hormis à l'injustice qui pourrait s'emparer de la gloire qu'il méritait.

Au reste, tous ceux qui par leur pénétration, leurs travaux, leurs talents, et leurs études, sauront joindre recherches à observations, théorie profonde à expériences, enrichiront sans-cesse les inventions, les découvertes déjà faites, et auront la gloire d'en préparer de nouvelles.

L'Encyclopédie, s'il m'est permis de répéter ici les paroles des éditeurs de cet ouvrage, (Avert. du tom. III.) " l'Encyclopédie fera l'histoire des richesses de notre siécle en ce genre ; elle la fera et à ce siècle qui l'ignore, et aux siècles à venir qu'elle mettra sur la voie, pour aller plus loin. Les découvertes dans les Arts n'auront plus à craindre de se perdre dans l'oubli ; les faits seront dévoilés au philosophe, et la refléxion pourra simplifier et éclairer une pratique aveugle ".

Mais pour le succès de cette entreprise, il est nécessaire que le gouvernement éclairé daigne lui accorder une protection puissante et soutenue, contre les injustices, les persécutions, et les calomnies de ses ennemis. (D.J.)

INVENTION, (Rhétorique) c'est la recherche et le choix des pensées, des raisons, dont l'orateur doit se servir, des lieux qu'il doit traiter. L'invention est le premier des devoirs de l'orateur : Ciceron qui la regardait de cet oeil, avait composé quatre livres sur ce sujet, dont il ne nous reste que deux, et peut-être les moins intéressants.

Quoiqu'il en sait, les maîtres de l'art conviennent que l'invention ne consiste pas à trouver facilement les pensées qui peuvent entrer dans un discours. Cette facilité manque à peu de personnes, pour peu qu'on ait l'esprit cultivé par la lecture, et l'on peche beaucoup plus souvent par excès, que par défaut d'abondance. Mais l'invention proprement dite, consiste à choisir entre les pensées qui se présentent, celles qui sont les plus convenables au sujet que l'on traite, les plus nobles, et les plus solides, à retrancher celles qui sont fausses ou frivoles, ou triviales ; à considérer le temps, le lieu où l'on parle ; ce qu'on se doit à soi-même, et ce qu'on doit à ceux qui nous écoutent. (D.J.)