S. f. (Ordre encyclopédique, Entendement, Raison, Philosophie ou Science, Science de la nature, Mathématiques, Mathématiques mixtes pures, Géométrie) est la science des propriétés de l'étendue, en tant qu'on la considère comme simplement étendue et figurée.

Ce mot est formé de deux mots grecs, ou , terre, et , mesure ; et cette étymologie semble nous indiquer ce qui a donné naissance à la Géométrie : imparfaite et obscure dans son origine comme toutes les autres sciences, elle a commencé par une espèce de tâtonnement, par des mesures et des opérations grossières, et s'est élevée peu-à-peu à ce degré d'exactitude et de sublimité où nous la voyons.




Histoire abrégée de la Géométrie. Il y a apparence que la Géométrie, comme la plupart des autres sciences, est née en Egypte, qui parait avoir été le berceau des connaissances humaines, ou, pour parler plus exactement, qui est de tous les pays que nous connaissons, celui où les Sciences paraissent avoir été le plus anciennement cultivées. Selon Hérodote et Strabon, les Egyptiens ne pouvant reconnaître les bornes de leurs héritages confondues par les inondations du Nil, inventèrent l'art de mesurer et de diviser les terres, afin de distinguer les leurs par la considération de la figure qu'elles avaient, et de la surface qu'elles pouvaient contenir. Telle fut, diton, la première aurore de la Géométrie. Josephe, historien zélé pour sa nation, en attribue l'invention aux Hébreux ; d'autres à Mercure. Que ces faits soient vrais ou non, il parait certain que quand les hommes ont commencé à posséder des terres, et à vivre sous des lois différentes, ils n'ont pas été longtemps sans faire sur le terrain quelques opérations pour le mesurer, tant en longueur qu'en surface, en entier ou par parties ; et voilà la Géométrie dans son origine.

De l'Egypte elle passa en Grèce, où on prétend que Thalès la porta. Il ne se contenta pas d'apprendre aux Grecs ce qu'il avait reçu des Egyptiens ; il ajouta à ce qu'il avait appris, et enrichit cette science de plusieurs propositions. Après lui vint Pythagore, qui cultiva aussi la Géométrie avec succès, et à qui on attribue la fameuse proposition du carré de l'hypothénuse. Voyez HYPOTHENUSE. On prétend qu'il fut si ravi de cette découverte, qu'il sacrifia de joie cent bœufs aux Muses. Il y a apparence, dit un auteur moderne, que c'étaient des bœufs de cire ou de pâte ; car Pythagore défendait de tuer les animaux, en conséquence de son système de la métempsycose, qui (pour un philosophe payen) n'était pas l'opinion du monde la plus absurde. Voyez METEMPSYCOSE. Mais il y a plus d'apparence encore que le fait n'est pas vrai ; ce qui dispense de l'expliquer. Après Pythagore, les philosophes et les écoles qu'ils formèrent, continuèrent à cultiver l'étude de la Géométrie. Plutarque nous apprend qu'Anaxagore de Clazomene s'occupa du problème de la quadrature du cercle dans la prison où il avait été renfermé, et qu'il composa même un ouvrage sur ce sujet. Cet Anaxagore avait été accusé d'impiété, pour avoir dit que les astres étaient matériels ; et il eut été condamné à mort, sans Periclès qui lui sauva la vie. On voit par cet exemple, s'il est permis de le dire en passant, que ce n'est pas d'aujourd'hui que les Philosophes sont persécutés pour avoir eu raison ; et que les prêtres grecs étaient aussi habiles que certains théologiens modernes, à ériger en articles de religion ce qui n'en était pas.

Platon qui donnait à Anaxagore de grands éloges sur son habileté en Géométrie, en méritait aussi beaucoup lui-même. On sait qu'il donna une solution très-simple du problème de la duplication du cube. Voyez DUPLICATION. On sait aussi que ce grand philosophe appelait Dieu l'éternel géomètre (idée vraiment juste et digne de l'être suprême), et qu'il regardait la Géométrie comme si nécessaire à l'étude de la Philosophie, qu'il avait écrit sur la porte de son école ces paroles mémorables, qu'aucun ignorant en Géométrie n'entre ici. Entre Anaxagore et Platon, on doit placer Hippocrate de Chio, qui mérite qu'on en fasse mention par sa fameuse quadrature de la lunule. Voyez LUNULE. Feu M. Cramer, professeur de Philosophie à Genève, nous a donné dans les mémoires de l'académie des Sciences de Prusse pour l'année 1748, une très-bonne dissertation sur ce géomètre : on y lit qu'Hippocrate dans un voyage qu'il fit à Athènes, ayant eu occasion d'écouter les philosophes, prit tant de goût pour la Géométrie, qu'il y fit des progrès admirables ; on ajoute que cette étude développa son talent, et qu'il avait pour tout le reste l'esprit lent et bouché ; ce qu'on raconte aussi de Clavius, bon géomètre du seizième siècle. Il n'y a rien d'étonnant à tout cela ; mais le comble de l'ineptie est d'en faire une règle. Voyez GEOMETRE.

Euclide qui vivait environ cinquante ans après Platon, et qu'il ne faut pas confondre avec Euclide de Megare contemporain de ce philosophe, recueillit ce que ses prédécesseurs avaient trouvé sur les éléments de Géométrie ; il en composa l'ouvrage que nous avons de lui, et que bien des modernes regardent comme le meilleur en ce genre. Dans ces éléments il ne considère que les propriétés de la ligne droite et du cercle, et celles des surfaces et des solides rectilignes ou circulaires : ce n'est pas néanmoins que du temps d'Euclide il n'y eut d'autre courbe connue que le cercle ; les Géomètres s'étaient déjà aperçus qu'en coupant un cone de différentes manières, on formait des courbes différentes du cercle, qu'ils nommèrent sections coniques. Voyez CONIQUE et SECTION. Les différentes propriétés de ces courbes, que plusieurs mathématiciens découvrirent successivement, furent recueillies en huit livres par Apollonius de Perge, qui vivait environ 250 ans avant J. C. Voyez APOLLONIEN. Ce fut lui, à ce qu'on prétend, qui donna aux trois sections coniques les noms qu'elles portent, de parabole, d'ellipse, et d'hyperbole, et dont on peut voir les raisons à leurs articles. A-peu-près en même temps qu'Apollonius, florissait Archimède, dont nous avons de si beaux ouvrages sur la sphère et le cylindre, sur les conoïdes et les sphéroïdes, sur la quadrature du cercle qu'il trouva par une approximation très-simple et très-ingénieuse (Voyez QUADRATURE), et sur celle de la parabole qu'il détermina exactement. Nous avons aussi de lui un traité de la spirale, qui peut passer pour un chef-d'œuvre de sagacité et de pénétration. Les démonstrations qu'il donne dans cet ouvrage, quoique très-exactes, sont si difficiles à embrasser, qu'un savant mathématicien moderne, Bouillaud, avoue ne les avoir jamais bien entendues, et qu'un mathématicien de la plus grande force, notre illustre Viete, les a injustement soupçonnées de parallogisme, faute de les avoir bien comprises. Voyez la préface de l'analyse des infiniment petits de M. de l'Hôpital. Dans cette préface, qui est l'ouvrage de M. de Fontenelle, on a rapporté les deux passages de Bouillaud et de Viete, qui vérifient ce que nous avançons ici. On doit encore à Archimède d'autres écrits non moins admirables, qui ont rapport à la Mécanique plus qu'à la Géométrie, de aequiponderantibus, de insidentibus humido ; et quelques autres dont ce n'est pas ici le lieu de faire mention.

Nous ne parlons dans cette histoire que des Géomètres dont il nous reste des écrits que le temps a épargné ; car s'il fallait nommer tous ceux qui dans l'antiquité se sont distingués en Géométrie, la liste en serait trop longue ; il faudrait faire mention d'Eudoxe de Cnide, d'Archytas de Tarente, de Philolaus, d'Eratosthene, d'Aristarque de Samos, de Dinostrate si connu par sa quadratrice (Voyez QUADRATRICE), de Menechme son frère, disciple de Platon, des deux Aristées, l'ancien et le jeune, de Conon, de Thrasidée, de Nicotele, de Leon, de Theudius, d'Hermotime, de Nicomède, inventeur de la conchoïde (V. CONCHOÏDE), et un peu plus jeune qu'Archimède et qu'Apollonius, et de plusieurs autres.

Les Grecs continuèrent à cultiver la Philosophie, la Géométrie, et les Lettres, même après qu'ils eurent été subjugués par les Romains. La Géométrie et les Sciences en général, ne furent pas fort en honneur chez ce dernier peuple qui ne pensait qu'à subjuguer et à gouverner le monde, et qui ne commença guère à cultiver l'éloquence même que vers la fin de la république. On a Ve dans l'article ERUDITION avec quelle legereté Ciceron parle d'Archimède, qui pourtant ne lui était point inférieur ; peut-être même est-ce faire quelque tort à un génie aussi sublime qu'Archimède, de ne le placer qu'à côté d'un bel esprit, qui dans les matières philosophiques qu'il a traitées, n'a guère fait qu'exposer en longs et beaux discours, les chimères qu'avaient pensés les autres. On était si ignorant à Rome sur les Mathématiques, qu'on donnait en général le nom de mathématiciens, comme on le voit dans Tacite, à tous ceux qui se mêlaient de deviner, quoiqu'il y ait encore plus de distance des chimères de la Divination et de l'Astrologie judiciaire aux Mathématiques, que de la pierre philosophale à la Chimie. Ce même Tacite, un des plus grands esprits qui aient jamais écrit, nous donne par ses propres ouvrages une preuve de l'ignorance des Romains, dans les questions de Géométrie et d'Astronomie les plus élémentaires et les plus simples. Il dit dans la vie d'Agricola, en faisant la description de l'Angleterre, que vers l'extrémité septentrionale de cette ile, les grands jours d'été n'ont presque point de nuit ; et voici la raison qu'il en apporte : scilicet extrema et plana terrarum humili umbrâ non erigunt tenebras, infràque coelum et sydera nox cadit. Nous n'entreprendrons point avec les commentateurs de Tacite, de donner un sens à ce qui n'en a point ; nous nous contenterons d'avoir montré par cet exemple, que la manie d'étaler un faux savoir et de parler de ce qu'on n'entend pas, est fort ancienne. Un traducteur de Tacite dit que cet historien regarde la Terre dans ce passage comme une sphère dont la base est environnée d'eau, etc. Nous ne savons ce que c'est que la base d'une sphère.

Si les Romains cultivèrent peu la Géométrie dans les temps les plus florissants de la république, il n'est pas surprenant qu'ils l'aient encore moins cultivée dans la décadence de l'empire. Il n'en fut pas de même des Grecs ; ils eurent depuis l'ère chrétienne même, et assez longtemps après la translation de l'empire, des géomètres habiles. Ptolomée grand astronome et par conséquent grand géomètre, car on ne peut être l'un sans l'autre, vivait sous Marc-Aurele ; et on peut voir au mot ASTRONOMIE, les noms de plusieurs autres. Nous avons encore les ouvrages de Pappus d'Alexandrie, qui vivait du temps de Théodose ; Eutocius Ascalonite, qui vivait après lui vers l'an 540 de l'ère chrétienne, nous a donné un commentaire sur la mesure du cercle par Archimède. Proclus qui vivait sous l'empire d'Anastase aux cinquième et sixième siècles, démontra les théorèmes d'Euclide, et son commentaire sur cet auteur est parvenu jusqu'à nous. Ce Proclus est encore plus fameux par les miroirs (vrais ou supposés) dont il se servit, dit-on, pour bruler la flotte de Vitalien qui assiégeait Constantinople. Voyez ARDENT et MIROIR. Entre Eutocius et Pappus, il y a apparence qu'on doit placer Dioclès, connu par sa cissoïde (Voyez CISSOÏDE), mais dont on ne connait guère que le nom, car on ne sait pas précisément le temps où il a vécu.

L'ignorance profonde qui couvrit la surface de la Terre et surtout l'Occident, depuis la destruction de l'empire par les Barbares, nuisit à la Géométrie comme à toutes les autres connaissances : on ne trouve plus guère ni chez les Latins, ni même chez les Grecs, d'hommes versés dans cette partie ; il y en eut seulement quelques-uns qu'on appelait savants, parce qu'ils étaient moins ignorants que les autres, et quelques-uns de ceux-là, comme Gerbert, passèrent pour magiciens ; mais s'ils eurent quelque connaissance des découvertes de leurs prédécesseurs, ils n'y ajoutèrent rien, du-moins quant à la Géométrie ; nous ne connaissons aucun théorème important dont cette science leur soit redevable : c'était principalement par rapport à l'Astronomie qu'on étudiait alors le peu de Géométrie qu'on voulait savoir, et c'était principalement par rapport au calendrier et au comput ecclésiastique qu'on étudiait l'Astronomie ; ainsi l'étude de la Géométrie n'était pas poussée fort loin. On peut voir au mot ASTRONOMIE, les noms des principaux mathématiciens des siècles d'ignorance. Il en est un que nous ne devons pas oublier ; c'est Vitellion savant polonais du treizième siècle, dont nous avons un traité d'Optique très-estimable pour ce temps-là, et qui suppose des connaissances géométriques. Ce Vitellion nous rappelle l'arabe Alhazen, qui vivait environ un siècle avant lui, et qui cultivait aussi les Mathématiques avec succès. Les siècles d'ignorance chez les Chrétiens ont été les siècles de lumière et de savoir chez les Arabes ; cette nation a produit depuis le 9e. jusqu'au 14e siècle, des astronomes, des géomètres, des géographes, des chimistes, etc. Il y a apparence qu'on doit aux Arabes les premiers éléments de l'Algèbre : mais leurs ouvrages de Géométrie dont il est ici principalement question, ne sont point parvenus jusqu'à nous pour la plupart, ou sont encore manuscrits. C'est sur une traduction arabe d'Apollonius qu'a été faite en 1661 l'édition du cinquième, du sixième et du septième livre de cet auteur. Voyez APOLLONIEN. Cette traduction était d'un géomètre arabe nommé Abalphat, qui vivait à la fin du dixième siècle. Il n'y avait peut-être pas alors parmi les Chrétiens un seul géomètre qui fût en état d'entendre Apollonius ; il aurait fallu d'ailleurs pour le traduire savoir en même temps le grec et la Géométrie, ce qui n'est pas fort commun, même dans notre siècle.

A la renaissance des lettres, on se borna presque uniquement à traduire et à commenter les ouvrages de Géométrie des anciens ; et cette science fit d'ailleurs peu de progrès jusqu'à Descartes : ce grand homme publia en 1637 sa géométrie, et la commença par la solution d'un problème où Pappus dit que les anciens mathématiciens étaient restés. Mais ce qui est plus précieux encore que la solution de ce problème, c'est l'instrument dont il se servit pour y parvenir, et qui ouvrit la route à la solution d'une infinité d'autres questions plus difficiles. Nous voulons parler de l'application de l'Algèbre à la Géométrie ; application dont nous ferons sentir le mérite et l'usage dans la suite de cet article : c'était là le plus grand pas que la Géométrie eut fait depuis Archimède ; et c'est l'origine des progrès surprenans que cette science a faits dans la suite.

On doit à Descartes non-seulement l'application de l'Algèbre à la Géométrie, mais les premiers essais de l'application de la Géométrie à la Physique, qui a été poussée si loin dans ces derniers temps. Ces essais qui se voient principalement dans sa dioptrique, et dans quelques endroits de ses météores, faisaient dire à ce philosophe que toute sa physique n'était autre chose que Géométrie : elle n'en aurait valu que mieux si elle eut eu en effet cet avantage ; mais malheureusement la physique de Descartes consistait plus en hypothèses qu'en calculs ; et l'Analyse a renversé depuis la plupart de ces hypothèses. Ainsi la Géométrie qui doit tant à Descartes, est ce qui a nui le plus à sa physique. Mais ce grand homme n'en a pas moins la gloire d'avoir appliqué le premier avec quelque succès la Géométrie à la science de la nature ; comme il a le mérite d'avoir pensé le premier qu'il y avait des lois du mouvement, quoiqu'il se soit trompé sur ces lais. Voyez COMMUNICATION DU MOUVEMENT.

Tandis que Descartes ouvrait dans la Géométrie une carrière nouvelle, d'autres mathématiciens s'y frayaient aussi des routes à d'autres égards, et préparaient, quoique faiblement, cette Géométrie de l'infini, qui à l'aide de l'Analyse, devait faire dans la suite de si grands progrès. En 1635, deux ans avant la publication de la Géométrie de Descartes, Bonaventure Cavalérius, religieux italien de l'ordre des Jésuates, qui ne subsiste plus, avait donné sa géométrie des indivisibles : dans cet ouvrage, il considère les plans comme formés par des suites infinies de lignes, qu'il appelle quantités indivisibles, et les solides par des suites infinies de plans ; et par ce moyen, il parvient à trouver la surface de certaines figures et la solidité de certains corps. Comme l'infini employé à la manière de Cavalérius était alors nouveau en Géométrie, et que ce religieux craignait des contradicteurs, il tâcha d'adoucir ce terme par celui d'indéfini, qui au fond ne signifiait en cette occasion que la même chose. Malgré cette espèce de palliatif, il trouva beaucoup d'adversaires, mais il eut aussi des partisans ; ceux-ci en adoptant l'idée de Cavalérius la rendirent plus exacte, et substituèrent aux lignes qui composaient les plans de Cavalérius, des parallélogrammes infiniment petits ; aux plans indivisibles de Cavalérius, des solides d'une épaisseur infiniment petite : ils considérèrent les courbes comme des polygones d'une infinité de côtés, et parvinrent par ce moyen à trouver la surface de certains espaces curvilignes, la rectification de certaines courbes, la mesure de certains solides, les centres de gravité des uns et des autres : Grégoire de Saint-Vincent, et surtout Pascal, se distinguèrent l'un et l'autre en ce genre ; le premier, dans son traité intitulé, quadratura circuli et hyperbolae, 1647. où il mêla à quelques parallogismes de très-beaux théorèmes ; et le second, par son traité de la roulette ou cycloïde (V. CYCLOÏDE), qui parait avoir demandé les plus grands efforts d'esprit ; car on n'avait point encore trouvé le moyen de rendre la Géométrie de l'infini beaucoup plus facîle en y appliquant le calcul.

Cependant le moment de cette heureuse découverte approchait ; Fermat imagina le premier la méthode des tangentes par les différences ; Barrow la perfectionna en imaginant son petit triangle différentiel, et en se servant du calcul analytique, pour découvrir le rapport des petits côtés de ce triangle, et par ce moyen la sous-tangente des courbes. Voyez DIFFERENTIEL.

D'un autre côté on fit réflexion que les plans ou solides infiniment petits, dont les surfaces ou les solides pouvaient être supposés formés, croissaient ou décroissaient dans chaque surface ou solide, suivant différentes lois ; et qu'ainsi la recherche de la mesure de ces surfaces ou de ces solides se réduisait à connaître la somme d'une série ou suite infinie de quantités croissantes ou décroissantes. On s'appliqua donc à la recherche de la somme des suites ; c'est ce qu'on appela l'arithmétique des infinis ; on parvint à en sommer plusieurs, et on appliqua aux figures géométriques les résultats de cette méthode. Wallis, Mercator, Brouncker, Jacques Grégori, Huygens, et quelques autres se signalèrent en ce genre ; ils firent plus ; ils réduisirent certains espaces et certains arcs de courbes en séries convergentes, c'est-à-dire dont les termes allaient toujours en diminuant ; et par-là ils donnèrent le moyen de trouver la valeur de ces espaces et de ces arcs, sinon exactement, au moins par approximation : car on approchait d'autant plus de la vraie valeur, qu'on prenait un plus grand nombre de termes de la suite ou série infinie qui l'exprimait. Voyez SUITE, SERIE, APPROXIMATION, etc.

Tous les matériaux du calcul différentiel étaient prêts ; il ne restait plus que le dernier pas à faire. M. Leibnitz publia le premier en 1684 les règles de ce calcul, que M. Newton avait déjà trouvées de son côté : nous avons discuté au mot DIFFERENTIEL, la question si Leibnitz peut être regardé comme inventeur. Les illustres frères Bernoulli trouvèrent les démonstrations des règles données par Leibnitz ; et Jean Bernoulli y ajouta quelques années après, la méthode de différentier les quantités exponentielles. Voyez EXPONENTIEL.

M. Newton n'a pas moins contribué au progrès de la Géométrie pure par deux autres ouvrages ; l'un est son traité de quadraturâ curvarum, où il enseigne la manière de quarrer les courbes par le calcul intégral, qui est l'inverse du différentiel ; ou de réduire la quadrature des courbes, lorsque cela est possible, à celle d'autres courbes plus simples, principalement du cercle et de l'hyperbole : le second ouvrage est son enumeratio linearum tertii ordinis, où appliquant heureusement le calcul aux courbes dont l'équation est du 3e degré, il divise ces courbes en genres et espèces, et en fait l'énumération. Voyez COURBE.

Mais ces écrits, quelque admirables qu'ils soient, ne sont rien, pour ainsi dire, en comparaison de l'immortel ouvrage du même auteur, intitulé, Philosophiae naturalis principia mathematica, qu'on peut regarder comme l'application la plus étendue, la plus admirable, et la plus heureuse qui ait jamais été faite de la Géométrie à la Physique : ce livre est aujourd'hui trop connu pour que nous entrions dans un plus grand détail ; il a été l'époque d'une révolution dans la Physique : il a fait de cette science une science nouvelle, toute fondée sur l'observation, l'expérience, et le calcul. Voyez NEWTONIANISME, GRAVITATION, ATTRACTION, etc. Nous ne parlons point de l'optique du même auteur, ouvrage non moins digne d'éloges, mais qui n'appartient point à cet article, ni de quelques autres écrits géométriques moins considérables, mais tous de la première force, tous brillans de sagacité et d'invention ; comme son analysis per aequationes numero terminorum infinitas ; son analysis per aequationum series, fluxiones et differentias ; sa méthode des fluxions ; sa méthode différentielle, etc. Quand on considère ces monuments immortels du génie de leur auteur, et quand on songe que ce grand homme avait fait à vingt-quatre ans ses principales découvertes, on est presque tenté de souscrire à ce que dit Pope, que la sagacité de Newton étonna les intelligences célestes, et qu'ils le regardèrent comme un être moyen entre l'homme et elles : on est du-moins bien fondé à s'écrier, homo homini quid praestat ! qu'il y a de distance entre un homme et un autre !

L'édifice élevé par Newton à cette hauteur immense, n'était pourtant pas encore achevé ; le calcul intégral a été depuis extrêmement augmenté par MM. Bernoulli, Cotes, Maclaurin, etc. et par les mathématiciens qui sont venus après eux. Voyez INTEGRAL. On a fait des applications encore plus subtiles, et si on l'ose dire, plus difficiles, plus heureuses et plus exactes de la Géométrie à la Physique. On a beaucoup ajouté à ce que Newton avait commencé sur le système du monde : c'est surtout quant à cette partie qu'on a corrigé et perfectionné son grand ouvrage des Principes mathématiques. La plupart des mathématiciens qui ont contribué à enrichir ainsi la Géométrie par leurs découvertes, et à l'appliquer à la Physique et à l'Astronomie, étant aujourd'hui vivants, et nous-même ayant peut-être eu quelque part à ces travaux, nous laisserons à la postérité le soin de rendre à chacun la justice qu'il mérite : et nous terminerons ici cette petite histoire de la Géométrie ; ceux qui voudront s'en instruire plus à fond, pourront consulter les divers auteurs qui ont écrit sur ce sujet. Parmi ces auteurs il en est qui ne sont pas toujours exacts, entr'autres Wallis, que sa partialité en faveur des Anglais, doit faire lire avec précaution, voyez ALGEBRE. Mais nous croyons qu'on trouvera tout ce qu'on peut désirer sur ce sujet dans l'histoire des Mathématiques que prépare M. de Montucla, de l'académie royale des Sciences et des Belles-Lettres de Prusse, déjà connu par son histoire de la quadrature du cercle, publiée en 1754, et que nous avons citée au mot DUPLICATION.

L'histoire abrégée que nous venons de donner est plus que suffisante dans un ouvrage tel que le nôtre, où nous devons principalement nous attacher à faire connaître les inventeurs, non les inventeurs en détail à qui la Géométrie doit quelques propositions particulières et isolées, mais les esprits vraiment créateurs, les inventeurs en grand qui ont ouvert des routes, perfectionné l'instrument des découvertes, et imaginé des méthodes. Au reste en finissant cette histoire, nous ne pouvons nous dispenser de remarquer à l'honneur de notre nation, que si la Géométrie nouvelle est principalement dû. aux Anglais et aux Allemands, c'est aux François qu'on est redevable des deux grandes idées qui ont conduit à la trouver. On doit à Descartes l'application de l'Algèbre à la Géométrie, sur laquelle le calcul différentiel est fondé ; et à Fermat, la première application du calcul aux quantités différentielles, pour trouver les tangentes : la Géométrie nouvelle n'est que cette dernière méthode généralisée. Si on ajoute à cela ce que les François actuellement vivants ont fait en Géométrie, on conviendra peut-être que cette science ne doit pas moins à notre nation qu'aux autres.

Objet de la Géométrie. Nous prierons d'abord le lecteur de se rappeler ce que nous avons dit sur ce sujet dans le Discours prélimin. Nous commençons par considérer les corps avec toutes leurs propriétés sensibles ; nous faisons ensuite peu-à-peu et par l'esprit la séparation et l'abstraction de ces différentes propriétés ; et nous en venons à considérer les corps comme des portions d'étendue pénétrables, divisibles, et figurées. Ainsi le corps géométrique n'est proprement qu'une portion d'étendue terminée en tout sens. Nous considérons d'abord et comme d'une vue générale, cette portion d'étendue quant à ses trois dimensions ; mais ensuite, pour en déterminer plus facilement les propriétés, nous y considérons d'abord une seule dimension, c'est-à-dire la longueur, puis deux dimensions, c'est-à-dire la surface, enfin les trois dimensions ensemble, c'est-à-dire la solidité : ainsi les propriétés des lignes, celles des surfaces et celles des solides sont l'objet et la division naturelle de la Géométrie.

C'est par une simple abstraction de l'esprit, qu'on considère les lignes comme sans largeur, et les surfaces comme sans profondeur : la Géométrie envisage donc les corps dans un état d'abstraction où ils ne sont pas réellement ; les vérités qu'elle découvre et qu'elle démontre sur les corps, sont donc des vérités de pure abstraction, des vérités hypothétiques ; mais ces vérités n'en sont pas moins utiles. Dans la nature, par exemple, il n'y a point de cercle parfait ; mais plus un cercle approchera de l'être, plus il approchera d'avoir exactement et rigoureusement les propriétés du cercle parfait que la Géométrie démontre ; et il peut en approcher assez exactement pour avoir toutes ces propriétés, sinon en rigueur, au-moins à un degré suffisant pour notre usage.

On connait en Géométrie plusieurs courbes qui s'approchent continuellement d'une ligne droite sans jamais la rencontrer, mais qui étant tracées sur le papier, se confondent sensiblement avec cette ligne droite au bout d'un assez petit espace, voyez ASYMPTOTE ; il en est de même des vérités géométriques. Elles sont en quelque manière la limite, &, si on peut parler ainsi, l'asymptote des vérités physiques, le terme dont celles-ci peuvent approcher aussi près qu'on veut, sans jamais y arriver exactement. Mais si les théorèmes mathématiques n'ont pas exactement lieu dans la nature, ces théorèmes servent du-moins à trouver avec une précision suffisante pour la pratique, la distance inaccessible d'un lieu à un autre, la mesure d'une surface donnée, le taisé d'un solide ; à calculer le mouvement et la distance des astres ; à prédire les phénomènes célestes. Pour démontrer des vérités en toute rigueur, lorsqu'il est question de la figure des corps, on est obligé de considérer ces corps dans un état de perfection abstraite qu'ils n'ont pas réellement : en effet, si on ne s'assujettit pas, par exemple, à regarder le cercle comme parfait, il faudra autant de théorèmes différents sur le cercle, qu'on imaginera de figures différentes plus ou moins approchantes du cercle parfait ; et ces figures elles-mêmes pourront être encore absolument hypothétiques et n'avoir point de modèle existant dans la nature. Les lignes qu'on considére en Géométrie, ne sont ni parfaitement droites ni parfaitement courbes, les surfaces ne sont ni parfaitement planes ni parfaitement curvilignes : mais plus elles approcheront de l'être, plus elles approcheront d'avoir les propriétés qu'on démontre des lignes exactement droites ou courbes, des surfaces exactement planes ou curvilignes. Ces réflexions suffiront, ce me semble, pour répondre à deux espèces de censeurs de la Géométrie : les uns, ce sont les Sceptiques, accusent les théorèmes mathématiques de fausseté, comme supposant ce qui n'existe pas réellement, des lignes sans largeur, des surfaces sans profondeur ; les autres, ce sont les physiciens ignorants en Mathématique, regardent les vérités de Géométrie comme fondées sur des hypothèses inutiles, et comme des jeux d'esprit qui n'ont point d'application.

Division de la Géométrie. On peut diviser la Géométrie de différentes manières :

1°. En élémentaire et en transcendante. La Géométrie élémentaire ne considère que les propriétés des lignes droites, des lignes circulaires, des figures et des solides les plus simples, c'est-à-dire des figures rectilignes ou circulaires, et des solides terminés par ces figures. Le cercle est la seule figure curviligne dont on parle dans les éléments de Géométrie ; la simplicité de sa description, la facilité avec laquelle les propriétés du cercle s'en déduisent, et la nécessité de se servir du cercle pour différentes opérations très-simples, comme pour élever une perpendiculaire, pour mesurer un angle, etc. toutes ces raisons ont déterminé à faire entrer le cercle et le cercle seul dans les éléments de Géométrie. Cependant quelques courbes, comme la parabole, ont une équation plus simple que celle du cercle ; d'autres, comme l'hyperbole équilatère, ont une équation aussi simple, V. ÉQUATION et COURBE : mais leur description est beaucoup moins facîle que celle du cercle, et leurs propriétés moins aisées à déduire. On peut rapporter aussi à la Géométrie élémentaire la solution des problèmes du second degré par la ligne droite et par le cercle. Voyez CONSTRUCTION, COURBE, UATIONTION.

La Géométrie transcendante est proprement celle qui a pour objet toutes les courbes différentes du cercle, comme les sections coniques et les courbes d'un genre plus élevé. Voyez COURBE.

Cette Géométrie s'occupe aussi de la solution des problèmes du troisième et du quatrième degré et des degrés supérieurs. Les premiers se résolvent, comme l'on sait, par le moyen de deux sections coniques, ou plus simplement et en général par le moyen d'un cercle et d'une parabole ; les autres se résolvent par des lignes du troisième ordre et au-delà. Voyez COURBE, et les art. déjà cités. La partie de la Géométrie transcendante qui applique le calcul différentiel et intégral à la recherche des propriétés des courbes, est celle qu'on appelle plus proprement Géométrie transcendante, et qu'on pourrait nommer avec quelques auteurs modernes, Géométrie sublime, pour la distinguer non-seulement de la Géométrie élémentaire, mais de la Géométrie des courbes qui n'emploie pas les calculs différentiel et intégral, et qui se borne ou à la synthèse des anciens, ou à la simple application de l'analyse ordinaire. Par-là on aurait trois divisions de la Géométrie ; Géométrie élémentaire ou des lignes droites et du cercle ; Géométrie transcendante ou des courbes ; et Géométrie sublime ou des nouveaux calculs.

2°. On divise aussi la Géométrie en ancienne et moderne. On entend par Géométrie ancienne, ou celle qui n'emploie point le calcul analytique, ou celle qui emploie le calcul analytique ordinaire, sans se servir des calculs différentiel et intégral ; et par Géométrie moderne, on entend ou celle qui emploie l'analyse de Descartes dans la recherche des propriétés des courbes, ou celle qui se sert des nouveaux calculs. Ainsi la Géométrie, entant qu'elle se borne à l'analyse seule de Descartes, est ancienne ou moderne, suivant les rapports sous lesquels on la considère ; moderne par rapport à celle d'Apollonius et d'Archimède, qui n'employaient point le calcul ; ancienne, par rapport à la Géométrie que nous avons nommée sublime, que Leibnitz et Newton nous ont apprise, et que leurs successeurs ont perfectionnée.

Des éléments de Géométrie. On a donné au mot ÉLEMENS DES SCIENCES, des principes qui s'appliquent naturellement aux éléments de Géométrie : on y a même traité des questions qui ont un rapport particulier à ces éléments ; par exemple, si on doit suivre dans les éléments d'une science l'ordre des inventeurs ; si on y doit préférer la facilité à la rigueur exacte, etc. c'est pourquoi nous renvoyons à l'article ÉLEMENS. Nous observons seulement que dans la liste d'éléments de Géométrie donnée par M. de la Chapelle, on a oublié ceux de M. Camus, de l'académie des Sciences, composés pour l'usage des ingénieurs, et qui méritent qu'on en fasse une mention honorable ; ainsi que la Géométrie de l'officier, de M. le Blond, un de nos collègues, et les éléments de Géométrie du même auteur. Ajoutons ici quelques réflexions qui pourront n'être pas inutiles, sur la manière de traiter les éléments de Géométrie.

Nous observerons d'abord, et ceci est une remarque peu importante, mais utile, que la division ordinaire de la Géométrie élémentaire en Longimétrie, Planimétrie, et Stéreométrie, n'est point exacte, à parler à la rigueur, puisqu'on y mesure non-seulement des lignes droites, des plans, et des solides, mais aussi des lignes circulaires et des surfaces sphériques : mais nous ne pouvons qu'approuver la division naturelle de la Géométrie élémentaire en géométrie des lignes droites et des lignes circulaires, géométrie des surfaces, géométrie des solides.

On peut voir au mot COURBE, ce que nous pensons sur la meilleure définition possible de la ligne droite et de la ligne courbe. Quoique la ligne droite soit plus simple que la circulaire, cependant il est à-propos de traiter de l'une et de l'autre, ensemble et non séparément, dans des éléments de Géométrie ; parce que les propriétés de la ligne circulaire sont d'une utilité infinie pour démontrer d'une manière simple et facîle ce qui regarde les lignes droites comparées entr'elles quant à leur position. La mesure d'un angle est un arc de cercle décrit du sommet de l'angle comme rayon. On a Ve au mot DEGRE, pp. 761 et 762 du IV. vol. pourquoi le cercle est la mesure naturelle des angles. Cela vient de l'uniformité des parties et de la courbure du cercle ; et quand on dit que la mesure d'un angle est un arc de cercle décrit du sommet, cela signifie seulement que si deux angles sont égaux, les arcs décrits de leur sommet et du même rayon seront égaux : de même, quand on dit qu'un angle est double d'un autre, cela signifie seulement que l'arc décrit du sommet de l'un est double de l'arc décrit du sommet de l'autre : car l'angle n'étant, suivant sa définition, qu'une ouverture simple, et non pas une étendue, on ne peut pas dire proprement et abstraction faite de toute considération d'étendue, qu'un angle soit double d'un autre ; parce que cela ne se peut dire que d'une quantité comparée à une autre quantité homogène, et que l'ouverture de deux lignes n'ayant point de parties, n'est pas proprement une quantité. Quand on dit de même qu'un angle à la circonférence du cercle a pour mesure la moitié de l'arc compris entre ses côtés, cela signifie que cet angle est égal à un angle dont le sommet serait au centre, et qui renfermerait la moitié de cet arc ; et ainsi du reste.

Ces petites observations ne seront pas inutiles pour donner aux commençans des notions distinctes sur la mesure des angles, et pour leur faire sentir, ainsi que nous l'avons dit au mot ÉLEMENS, quel est le véritable sens qu'on doit donner à certaines façons de parler abrégées dont on se sert dans chaque science, et que les inventeurs ont imaginées pour éviter les circonlocutions.

La proposition très-simple sur la mesure des angles par un arc décrit de leur sommet, étant jointe au principe de la superposition, peut servir, si je ne me trompe, à démontrer toutes les propositions qui ont rapport à la Géométrie élémentaire des lignes. Le principe de la superposition n'est point, comme le disent quelques géomètres modernes, un principe mécanique et grossier ; c'est un principe rigoureux, clair, simple, et tiré de la vraie nature de la chose. Quand on veut démontrer, par exemple, que deux triangles qui ont des bases égales et les angles à la base égaux, sont égaux en tout, on emploie le principe de superposition avec succès : de l'égalité supposée des bases et des angles, on conclut avec raison que ces bases et ces angles appliqués les uns sur les autres, coïncideront ; ensuite de la coïncidence de ces parties, on conclut évidemment et par une conséquence nécessaire, la coïncidence du reste, et par conséquent l'égalité et la similitude parfaite des deux triangles : ainsi le principe de la superposition ne consiste pas à appliquer grossièrement une figure sur une autre, pour en conclure l'égalité des deux, comme un ouvrier applique son pied sur une longueur pour la mesurer : mais ce principe consiste à imaginer une figure transportée sur une autre, et à conclure, 1°. de l'égalité supposée des parties données, la coïncidence de ces parties ; 2°. de cette coïncidence, la coïncidence du reste, et par conséquent l'égalité totale et la similitude parfaite des deux figures. On peut, par la même raison, employer le principe de la superposition à prouver que deux figures ne sont pas les mêmes. Au reste, par superposition j'entens ici non-seulement l'application d'une figure sur une autre, mais celle d'une partie, d'une figure sur une autre partie de la même figure, à dessein de les comparer entr'elles ; et cette dernière manière d'employer le principe de la superposition, est d'un usage infini et très-simple dans les éléments de Géométrie. Voyez CONGRUENCE.

Après avoir traité de la géométrie des lignes considérées par rapport à leur position, je crois qu'on doit traiter de la géométrie des lignes considérées quant au rapport qu'elles peuvent avoir entr'elles. Elle est toute fondée sur ce théorème qu'une ligne parallèle à la base d'un triangle en coupe les côtés proportionnellement. Pour cela il suffit de montrer que si cette parallèle passe par le point de milieu d'un des côtés, elle passera par le point de milieu de l'autre ; car on fera voir ensuite aisément que les parties coupées sont toujours proportionnelles, quand la partie coupée sera commensurable à la ligne entière ; et quand elle ne le sera pas, on démontrera la même proposition par la réduction à l'absurde, en faisant voir que le rapport ne peut être ni plus grand, ni plus petit, et qu'ainsi il est égal. Nous disons par la réduction à l'absurde, car on ne peut démontrer que de cette manière, et non d'une manière directe, la plupart des propositions qui regardent les incommensurables. L'idée de l'infini entre au-moins implicitement dans la notion de ces sortes de quantités ; et comme nous n'avons qu'une idée négative de l'infini, c'est-à-dire que nous ne le concevons que par la négation du fini, on ne peut démontrer directement et à priori tout ce qui concerne l'infini mathématique. Voyez DEMONSTRATION, INFINI, COMMENSURABLEABLE. Nous ne faisons qu'indiquer ce genre de démonstration ; mais il y en a tant d'exemples dans les ouvrages de Géométrie, que les mathématiciens tant-sait-peu exercés nous comprendront aisément. Pour éviter la difficulté des incommensurables, on démontre ordinairement la proposition dont il s'agit, en supposant que deux triangles de même hauteur sont entr'eux comme leurs bases. Mais cette dernière proposition elle-même, pour être démontrée en rigueur, suppose qu'on ait parlé des incommensurables. D'ailleurs elle suppose la mesure des triangles, et par conséquent la géométrie des surfaces, qui est d'un ordre supérieur à la géométrie des lignes. C'est donc s'écarter de la généalogie naturelle des idées, que de s'y prendre ainsi. On dira peut-être que la considération des incommensurables rendra la géométrie élémentaire plus difficile, cela se peut ; mais ils entrent nécessairement dans cette géométrie ; il faut y venir tôt ou tard, et le plutôt est le mieux, d'autant plus que la théorie des proportions des lignes amène naturellement cette considération : Toute la théorie des incommensurables ne demande qu'une seule proposition, qui concerne les limites des quantités ; savoir que les grandeurs qui sont la limite d'une même grandeur, ou les grandeurs qui ont une même limite, sont égales entr'elles (voyez LIMITE, EXHAUSTION, et DIFFERENTIEL) ; principe d'un usage universel en Géométrie, et qui par conséquent doit entrer dans les éléments de cette science, et s'y trouver presque dès l'entrée.

La géométrie des surfaces se réduit à leur mesure ; et cette mesure est fondée sur un seul principe, celui de la mesure du parallélogramme rectangle qu'on sait être le produit de sa hauteur par sa base. Nous avons expliqué à la fin du mot EQUATION ce que cela signifie, et la manière dont cette proposition doit être énoncée dans des éléments, pour ne laisser dans l'esprit aucun nuage. De la mesure du parallélogramme rectangle se tire celle des autres parallélogrammes, celle des triangles qui en sont la moitié, comme le principe de la superposition peut le faire voir ; enfin celle de toutes les figures planes rectilignes, qui peuvent être regardées comme composées de triangles. A l'égard de la mesure du cercle, le principe des limites ou d'exhaustion servira à la trouver. Il suffira pour cela de faire voir que le produit de la circonférence par la moitié du rayon est la limite de l'aire des polygones inscrits et circonscrits ; et comme l'aire du cercle est aussi évidemment cette limite, il s'ensuit que l'aire du cercle est le produit de la circonférence par la moitié du rayon, ou du rayon par la moitié de la circonférence. Voyez CERCLE et QUADRATURE.

On peut rapprocher la théorie de la proportion des lignes de la théorie des surfaces par ce théorème, que quand quatre lignes sont proportionnelles, le produit des extrêmes est égal au produit des moyennes ; théorème qu'on peut démontrer par la Géométrie sans aucun calcul algébrique ; car le calcul algébrique ne facilite en rien les éléments de Géométrie, et par conséquent ne doit pas y entrer. En rapprochant la théorie des proportions de celle des surfaces, on peut faire voir comment ces deux théories prises séparément s'accordent à démontrer différentes propositions, par exemple, celle du carré de l'hypothénuse. Ce n'est pas une chose aussi inutîle qu'on pourrait le penser, de démontrer ainsi de différentes manières dans des éléments de Géométrie certaines propositions principales ; par ce moyen l'esprit s'étend et se fortifie en voyant de quelle manière on fait rentrer les vérités les unes dans les autres.

Dans la géométrie des solides on suivra la même méthode que dans celle des surfaces : on réduira tout à la mesure du parallelépipede rectangle ; la seule difficulté se réduira à prouver qu'une pyramide est le tiers d'un parallelépipede de même base et de même hauteur. Pour cela on fera voir d'abord, ce qui est très-facîle par la méthode d'exhaustion, que les pyramides de même base et de même hauteur sont égales ; ensuite, ce qui se peut faire de différentes manières, comme on le peut voir dans divers éléments de Géométrie, on prouvera qu'une certaine pyramide déterminée est le tiers d'un prisme de même base et de même hauteur ; et il ne restera plus de difficulté. Par ce moyen on aura la mesure de tous les solides terminés par des figures planes. Il ne restera plus qu'à appliquer à la surface et à la solidité de la sphère, les propositions trouvées sur la mesure des surfaces et des solides ; c'est de quoi on viendra aisément à-bout par la méthode d'exhaustion, comme on a fait pour la mesure du cercle ; peut-être même pourrait-on, pour plus d'ordre et de méthode, traiter de la surface sphérique dans la géométrie des surfaces.

Nous ne devons pas oublier ici une observation importante. Le principe de la méthode d'exhaustion est simple (voyez EXHAUSTION) ; mais son application peut quelquefois rendre les démonstrations longues et compliquées. Ainsi il ne serait peut-être pas mal-à-propos de substituer le principe des infiniment petits à celui d'exhaustion, après avoir montré l'identité de ces deux principes, et avoir remarqué que le premier n'est qu'une façon abrégée d'exprimer le second ; car c'est en effet tout ce qu'il est, n'y ayant dans la nature ni infinis actuels, ni infiniment petits. Voyez INFINI, DIFFERENTIEL, EXHAUSTION, MITEMITE. Par ce moyen la facilité des démonstrations sera plus grande, sans que la rigueur y perde rien.

Voilà, ce me semble, le plan qu'on peut suivre en traitant de la géométrie élémentaire. Ce plan, et les réflexions générales que nous avons faites à la fin du mot ELEMENS DES SCIENCES, suffisent pour faire sentir qu'il n'y a aucun géomètre au-dessus d'une pareille entreprise ; qu'elle ne peut même être bien exécutée que par des mathématiciens du premier ordre ; et qu'enfin pour faire d'excellents éléments de Géométrie, Descartes, Newton, Leibnitz, Bernoulli, etc. n'eussent pas été de trop. Cependant il n'y a peut-être pas de science sur laquelle on ait tant multiplié les éléments, sans compter ceux que l'on nous donnera sans-doute encore. Ces éléments sont pour la plupart l'ouvrage de mathématiciens médiocres, dont les connaissances en Géométrie ne vont pas souvent au-delà de leur livre, et qui par cela même sont incapables de bien traiter cette matière. Ajoutons qu'il n'y a presque pas d'auteur d'éléments de Géométrie, qui dans sa préface ne dise plus ou moins de mal de tous ceux qui l'ont précédé. Un ouvrage en ce genre, qui serait au gré de tout le monde, est encore à faire ; mais c'est peut-être une entreprise chimérique que de croire pouvoir faire au gré de tout le monde un pareil ouvrage. Tous ceux qui étudient la Géométrie ne l'étudient pas dans les mêmes vues : les uns veulent se borner à la pratique ; et pour ceux-là un bon traité de géométrie-pratique suffit, en y joignant, si l'on veut, quelques raisonnements qui éclairent les opérations jusqu'à un certain point, et qui les empêchent d'être bornées à une aveugle routine : d'autres veulent avoir une teinture de géométrie élémentaire spéculative, sans prétendre pousser cette étude plus loin ; pour ceux-là il n'est pas nécessaire de mettre une si grande rigueur dans les éléments ; on peut supposer comme vraies plusieurs propositions, dont la vérité s'aperçoit assez d'elle-même, et qu'on démontre dans les éléments ordinaires. Il est enfin des étudiants qui n'ont pas la force d'esprit nécessaire pour embrasser à-la-fais les différentes branches d'une démonstration compliquée ; et il faut à ceux-là des démonstrations plus faciles, dû.sent-elles être moins rigoureuses. Mais pour les esprits vraiment propres à cette science, pour ceux qui sont destinés à y faire des progrès, nous croyons qu'il n'y a qu'une seule manière de traiter les éléments ; c'est celle qui joindra la rigueur à la netteté, et qui en même temps mettra sur la voie des découvertes par la manière dont on y présentera les démonstrations. Pour cela il faut les montrer, autant qu'il est possible, sous la forme de problèmes à résoudre plutôt que de théorèmes à prouver, pourvu que d'un autre côté cette méthode ne nuise point à la généalogie naturelle des idées et des propositions, et qu'elle n'engage pas à supposer comme vrai, ce qui en rigueur géométrique a besoin de preuve.

On a Ve au mot AXIOME de quelle inutilité ces sortes de principes sont dans toutes les Sciences ; il est donc très-à-propos de les supprimer dans des éléments de Géométrie, quoiqu'il n'y en ait presque point où on ne les voie paraitre encore. Quel besoin a-t-on des axiomes sur le tout et sur la partie, pour voir que la moitié d'une ligne est plus petite que la ligne entière ? A l'égard des définitions, quelque nécessaires qu'elles soient dans un pareil ouvrage, il nous parait peu philosophique et peu conforme à la marche naturelle de l'esprit de les présenter d'abord brusquement et sans une espèce d'analyse ; de dire, par exemple, la surface est l'extrémité d'un corps, laquelle n'a aucune profondeur. Il vaut mieux considérer d'abord le corps tel qu'il est, et montrer comment par des abstractions successives on en vient à le regarder comme simplement étendu et figuré, et par de nouvelles abstractions à y considérer successivement la surface, la ligne, et le point. Ajoutons ici qu'il se trouve des occasions, sinon dans des éléments, au-moins dans un cours complet de Géométrie, où certaines définitions ne peuvent être bien placées qu'après l'analyse de leur objet. Crait-on, par exemple, qu'une simple définition de l'Algèbre en donnera l'idée à celui qui ignore cette science ? Il serait donc à-propos de commencer un traité d'Algèbre par expliquer clairement la marche, suivant laquelle l'esprit est parvenu ou peut parvenir à en trouver les règles ; et on finirait ainsi l'ouvrage, la science que nous venons d'enseigner est ce qu'on appelle Algèbre. Il en est de même de l'application de l'Algèbre à la Géométrie, et du calcul différentiel et intégral, dont on ne peut bien saisir la vraie définition, qu'après en avoir compris la métaphysique et l'usage.

Revenons aux éléments de Géométrie. Un inconvénient peut-être plus grand que celui de s'écarter de la rigueur exacte que nous y recommandons, serait l'entreprise chimérique de vouloir y chercher une rigueur imaginaire. Il faut y supposer l'étendue telle que tous les hommes la conçoivent, sans se mettre en peine des difficultés des sophistes sur l'idée que nous nous en formons, comme on suppose en mécanique le mouvement, sans répondre aux objections de Zenon d'Elée. Il faut supposer par abstraction les surfaces planes et les lignes droites, sans se mettre en peine d'en prouver l'existence, et ne pas imiter un géomètre moderne, qui par la seule idée d'un fil tendu croit pouvoir démontrer les propriétés de la ligne droite, indépendamment du plan, et qui ne se permet pas cette hypothèse, qu'on peut imaginer une ligne droite menée d'un point à un autre sur une surface plane ; comme si l'idée d'un fil tendu, pour représenter une ligne droite, était plus simple et plus rigoureuse que l'hypothèse en question ; ou plutôt comme si cette idée n'avait pas l'inconvénient de représenter par une image physique grossière et imparfaite une hypothèse abstraite et mathématique.

Géométrie transcendante ou des courbes. Cette Géométrie suppose le calcul algébrique. Voyez ALGEBRE et MATHEMATIQUES. On doit la commencer par la solution des problèmes du second degré au moyen de la ligne droite et du cercle ; et cette théorie peut produire beaucoup de remarques importantes et curieuses sur les racines positives et négatives, sur la position des lignes qui les expriment, sur les différentes solutions dont un problème est susceptible. Voyez au mot EQUATION la plupart de ces remarques, qui ne se trouvent pas dans les traités de Géométrie ordinaires ; voyez aussi RACINE. On passera de-là aux sections coniques ; la meilleure manière et la plus courte de les traiter dans un ouvrage de Géométrie (qui ne se borne pas à cette seule matiere), est, ce me semble, d'employer la méthode analytique que nous avons indiquée à la fin de l'article CONIQUE, de les regarder comme des courbes du premier genre ou lignes du second ordre, et de les diviser en espèces, suivant ce qui en a été dit à l'article cité et au mot COURBE. Quand on aura trouvé l'équation la plus simple de la parabole, celle de l'ellipse, et celle de l'hyperbole, on fera voir ensuite très-aisément que ces courbes s'engendrent dans le cone, et de quelle manière elles s'y engendrent. Cette formation des sections coniques dans le cone serait peut-être la manière dont on devrait les envisager d'abord, si on se bornait à faire un traité de ces courbes ; mais elles doivent entrer dans un cours de Géométrie sous un point de vue plus général. On terminera le traité des sections coniques par la solution des problèmes du troisième et du quatrième degré, au moyen de ces courbes ; sur quoi voyez CONSTRUCTION et EQUATION.

La théorie des sections coniques doit être précédée d'un traité, qui contiendra les principes généraux de l'application de l'Algèbre aux lignes courbes. Voyez COURBE. Ces principes généraux consisteront, 1°. à expliquer comment on représente par une équation le rapport des abscisses aux ordonnées ; 2°. comment la résolution de cette équation fait connaître le cours de la courbe, ses différentes branches et ses asymptotes ; 3°. à donner la manière de trouver par le calcul différentiel les tangentes et les points de maximum et de minimum ; 4°. à enseigner comment on trouve l'aire des courbes par le calcul intégral : par conséquent ce traité contiendra les règles du calcul différentiel et intégral, au-moins celles qui peuvent être utiles pour abréger un traité des sections coniques. Quelques géomètres se récrieront peut-être ici sur l'emploi que nous voulons faire de ces calculs dans une matière où l'on peut s'en passer ; mais nous les renverrons à ce que nous avons dit sur ce sujet au mot ELLIPSE, pag. 517 et 518. du tome V. Nous y avons fait voir par des exemples combien ces calculs sont commodes pour abréger les démonstrations et les solutions, et pour réduire à quelques lignes ce qui autrement occuperait des volumes. Nous avons d'ailleurs donné au mot DIFFERENTIEL la métaphysique très-simple et très-lumineuse des nouveaux calculs ; et quand on aura bien expliqué cette métaphysique, ainsi que celle de l'infini géométrique (voyez INFINI), on pourra se servir des termes d'infiniment petit et d'infini, pour abréger les expressions et les démonstrations.

En traitant de l'application de l'Algèbre aux courbes, on ne les représente guère que par l'équation entre les coordonnées parallèles ; mais il est encore d'autres formes, quoique moins usitées, à donner à leur équation. On peut la supposer, par exemple, entre les rayons de la courbe qui partent d'un centre, et les abscisses ou les ordonnées correspondantes ; comme aussi entre ces rayons, et la tangente, le sinus ou la sécante de l'angle qu'ils forment avec les abscisses ou les ordonnées ; on en voit des exemples au mot ELLIPSE. Toutes ces équations dans les courbes géométriques sont finies et algébriques ; mais il en est quelquefois qui se présentent ou qui peuvent se présenter sous une forme différentielle ; ce sont celles, par exemple, dans lesquelles un des membres est la différentielle de l'angle formé par le rayon et l'abscisse, et l'autre est une différentielle de quelque fonction de l'abscission ou du rayon, réductible à un arc de cercle. Par exemple, si j'avais cette équation d z = , z étant l'angle entre le rayon et l'abscisse, x le rayon, et a la valeur du rayon quand z = 0, il est évident que la courbe est géométrique. Car est la différentielle d'un angle dont le cosinus est Xe et le rayon a (voyez COSINUS) ; donc x/a = cosinus z ; or, si on nomme u et y les abscisses et ordonnées rectangles, on aura u u + y y = x x ; ; et cosin. z = . C'est pourquoi l'équation différentielle d z = , qui parait ne pouvoir être intégrée que par des arcs de cercle, donnera l'équation en coordonnées rectangles = , qui est l'équation d'un cercle dont les coordonnées ont leur origine à la circonférence. Il en est de même de plusieurs autres cas semblables.

Ces sortes d'équations méritent qu'on en fasse une mention expresse dans la Géométrie transcendante, d'autant qu'elles sont très-utiles dans la théorie des trajectoires ou courbes décrites par des projectiles, voyez TRAJECTOIRE, et par conséquent dans la théorie des orbites des planètes, voyez ELLIPSE, KEPLER (loi de), PLANETE, et ORBITE. Voyez aussi dans les mém. de l'acad. des Sciences pour l'année 1710. un mémoire de M. Bernoulli sur ce dernier sujet.

Les sections coniques achevées, on passera aux courbes d'un genre supérieur ; on donnera d'abord la théorie des points multiples, des points d'inflexion, des points de rebroussement et de serpentement. Voyez POINT MULTIPLE, INFLEXION, REBROUSSEMENT, SERPENTEMENT, etc. Ces théories sont fondées en partie sur le calcul algébrique simple, en partie et presque en entier sur le calcul différentiel ; ce n'est pas que ce dernier calcul y soit absolument nécessaire ; mais, quoi qu'on en puisse dire, il abrège et facilite extrêmement toute cette théorie. On n'oubliera pas la théorie si belle et si simple des développées et des caustiques. Voyez DEVELOPPEE, CAUSTIQUE, OSCULATEUR, etc. Nous ne pouvons et nous ne faisons qu'indiquer ici ces différents objets, dont plusieurs ont déjà été traités dans l'Encyclopédie, et les autres le seront à leurs articles particuliers. Voyez TANGENTE, MAXIMUM, etc. On entrera ensuite dans le détail des courbes des différents ordres, dont on donnera les classes, les espèces, et les propriétés principales. Voyez COURBE. A l'égard de la quadrature et de la rectification de ces sortes de courbes, et même de la rectification des sections coniques, on la remettra à la Géométrie sublime.

Au reste, en traitant les courbes géométriques, on pourra s'étendre un peu plus particulièrement sur les plus connues, comme le folium de Descartes, la conchoïde, la cissoide, etc. Voyez ces mots.

Les courbes mécaniques suivront les géométriques. On traitera d'abord des courbes exponentielles, qui sont comme une espèce moyenne entre les courbes géométriques et les mécaniques. Voyez EXPONENTIEL. Ensuite, après avoir donné les principes généraux de la construction des courbes mécaniques, au moyen de leur équation différentielle et de la quadrature des courbes (voyez CONSTRUCTION), on entrera dans le détail des principales et des plus connues, de la spirale, de la quadratrice, de la cycloïde, de la trochoïde, etc. Voyez ces mots.

Telles sont à-peu-près les matières que doit contenir un traité de Géométrie transcendante ; nous ne faisons que les indiquer, et que marquer, pour ainsi dire, les masses principales. Un géomètre intelligent saura trouver de lui-même, et à l'aide des différents articles de ce Dictionnaire, les parties qui doivent composer chacune de ces masses.

Géométrie sublime. Après le plan que nous avons tracé pour la Géométrie transcendante, on voit que le calcul différentiel et ses usages y sont presqu'épuisés ; il ne reste plus à la Géométrie sublime que le calcul intégral, et son application à la quadrature et à la rectification des courbes. Ce calcul fera donc la matière principale et presque unique de la Géométrie sublime. Sur la manière dont on doit le traiter, voyez INTEGRAL.

Nous terminerons cet article par quelques réflexions générales. On a Ve au mot APPLICATION des observations sur l'usage de l'analyse et de la synthèse en Géométrie. On nous a fait sur cet article quelques questions qui donneront lieu aux remarques suivantes.

1°. Le calcul algébrique ne doit point être appliqué aux propositions de la géométrie élémentaire, par la raison qu'il ne faut employer ce calcul que pour faciliter les démonstrations, et qu'il ne parait pas y avoir dans la géométrie élémentaire aucune démonstration qui puisse réellement être facilitée par ce calcul. Nous exceptons néanmoins de cette règle la solution des problèmes du second degré par le moyen de la ligne droite et du cercle (supposé qu'on veuille regarder ces problèmes comme appartenant à la géométrie élémentaire, et non comme le passage de la géométrie élémentaire à la transcendante) ; car le calcul algébrique simplifie extrêmement la solution des questions de ce genre, et il abrège même les démonstrations. Pour s'en convaincre, il suffira de jeter les yeux sur quelques-uns des problèmes du second degré qui sont résolus dans l'application de l'Algèbre à la Géométrie de M. Guisnée. Après avoir mis un problème en équation, l'auteur tire de cette équation la construction nécessaire pour satisfaire à l'équation trouvée ; et ensuite il démontre synthétiquement et à la manière des anciens, que la construction qu'il a employée résout en effet le problème. Or la plupart de ces démonstrations synthétiques sont assez compliquées et fort inutiles, si ce n'est pour exercer l'esprit ; car il suffit de faire voir que la construction satisfait à la solution de l'équation finale, pour prouver qu'elle donne la solution du problème.

2°. Nous croyons qu'il est ridicule de démontrer par la synthèse ce qui peut être traité plus simplement et plus facilement par l'analyse, comme les propriétés des courbes, leurs tangentes, leurs points d'inflexion, leurs asymptotes, leurs branches, leur rectification, et leur quadrature. Les propriétés de la spirale que les plus grands mathématiciens ont eu tant de peine à suivre dans Archimède, peuvent aujourd'hui se démontrer d'un trait de plume. N'y a-t-il donc pas en Géométrie assez de choses à apprendre, assez de difficultés à vaincre, assez de découvertes à faire, pour ne pas user toutes les forces de son esprit sur les connaissances qu'on peut y acquérir à moins de frais ? D'ailleurs combien de recherches géométriques auxquelles la seule analyse peut atteindre ? Les Anglais, grands partisans de la synthèse, sur la foi de Newton qui la louait, et qui s'en servait pour cacher sa route, en employant l'analyse pour se conduire lui-même ; les Anglais, dis-je, semblent par cette raison n'avoir pas fait en Géométrie, depuis ce grand homme, tous les progrès qu'on aurait pu attendre d'eux. C'est à d'autres nations, aux François et aux Allemands, et surtout aux premiers, qu'on est redevable des nouvelles recherches sur le système du monde, sur la figure de la terre, sur la théorie de la lune, sur la précession des équinoxes, qui ont prodigieusement étendu l'Astronomie-physique. Qu'on essaye d'employer la synthèse à ces recherches, on sentira combien elle en est incapable. Ce n'est qu'à des géomètres médiocres qu'il appartient de rabaisser l'analyse, comme il n'appartient de décrier un art qu'à ceux qui l'ignorent. On trouve une espèce de consolation à taxer d'inutilité ce qu'on ne sait pas. Nous avons, il est vrai, exposé ailleurs quelques inconvénients de l'Algèbre. Voyez le mot EQUATION, page 850. tome V. Si la synthèse peut lever ces inconvénients dans les cas où ils ont lieu, nous conviendrons qu'on devrait préférer la synthèse à l'analyse, du-moins en ces cas-là ; mais nous doutons, pour ne rien dire de plus, que la synthèse ait cet avantage ; et ceux qui penseraient autrement, nous obligeraient de nous désabuser.

3°. Il y a cette différence en Mathématique entre l'Algèbre et l'Analyse, que l'Algèbre est la science du calcul des grandeurs en général, et que l'Analyse est le moyen d'employer l'Algèbre à la solution des problèmes. Je parle ici de l'analyse mathématique ; l'emploi qu'elle fait de l'Algèbre pour trouver les inconnues au moyen des connues, est ce qui la distingue de l'analyse logique, qui n'est autre chose en général que l'art de découvrir ce qu'on ne connait pas par le moyen de ce qu'on connait. Les anciens géomètres avaient sans-doute dans leurs recherches une espèce d'analyse ; mais ce n'était proprement que l'analyse logique. Tout algébriste s'en sert pour commencer le calcul ; mais ensuite le secours de l'Algèbre facilite extrêmement l'usage et l'application de cette analyse à la solution des problèmes. Ainsi, quand nous avons dit au mot ANALYSE, que l'analyse mathématique enseigne à résoudre les problèmes, en les réduisant à des équations, nous croyons avoir donné une définition très-juste. Ces derniers mots sont le caractère essentiel qui distingue l'analyse mathématique de toute autre ; et nous n'avons fait d'ailleurs que nous conformer en cela au langage universellement reçu aujourd'hui par tous les géomètres algébristes.

4°. On peut appeler l'Algèbre géométrie symbolique, à cause des symboles dont l'Algèbre se sert dans la solution des problèmes ; cependant le nom de géométrie métaphysique qu'on a donné à l'Algèbre (voyez ALGEBRE), parait lui être du-moins aussi convenable ; parce que le propre de la Métaphysique est de généraliser les idées, et que non-seulement l'Algèbre exprime les objets de la Géométrie par des caractères généraux, mais qu'elle peut faciliter l'application de la Géométrie à d'autres objets. En effet on peut, par exemple, en Mécanique, représenter le rapport des parties du temps par le rapport des parties d'une ligne, et le mouvement d'un corps par l'équation d'une courbe, dont les abscisses représentent les temps, et les ordonnées les vitesses correspondantes. La Géométrie, surtout lorsqu'elle est aidée de l'Algèbre, est donc applicable à toutes les autres parties des Mathématiques, puisqu'en Mathématique il n'est jamais question d'autre chose, que de comparer des grandeurs entr'elles ; et ce n'est pas sans raison que quelques géomètres philosophes ont défini la Géométrie la science de la grandeur en général, entant qu'elle est représentée ou qu'elle peut l'être par des lignes, des surfaces, et des solides.

Sur l'application de la Géométrie aux différentes sciences, voyez APPLICATION, MECHANIQUE, OPTIQUE, PHYSIQUE, PHYSICO-MATHEMATIQUE, etc. (O)

* GEOMETRIE SOUTERREINE ; ce n'est autre chose que l'application de la Géométrie élémentaire à plusieurs problèmes particuliers de l'exploitation des mines. Cette application a trois objets principaux. La dimension des filons, leur inclinaison à l'horizon, et leur direction relative aux points cardinaux du monde, forment le premier ; la distance à mesurer d'un point quelconque d'une galerie à un point quelconque de la surface ou de l'intérieur de la terre, ou réciproquement la distance à mesurer d'un point quelconque de la surface ou de l'intérieur de la terre à un point quelconque d'une galerie, est le second ; la description ichnographique, orthographique et scénographique d'une mine, est le troisième.

Déterminer les espaces dans lesquels il est permis à un particulier de chercher de la mine ; arriver aux galeries par le plus court chemin ; marquer la voie par laquelle il convient d'éloigner les eaux ; tracer la tête, la queue, l'étendue, la rencontre des veines et des filons métalliques ; faire circuler l'air dans les profondeurs de la terre, en attirer les vapeurs nuisibles ; telles sont les fonctions principales d'un conducteur de mines, et les plus grandes difficultés de son art. Voyez les articles MINE, MINEUR.

La Géométrie souterraine a abandonné l'ancienne division de la circonférence en 360 parties ; elle y en a substitué une qui lui est plus commode, de la circonférence en 24 heures, et de chaque heure en 8 parties. La circonférence n'ayant par ce moyen que 192 parties, chacune de ces parties devient sensible sur un cercle qui n'aurait qu'un doigt ou qu'un doigt et demi de diamètre ; la pointe de l'aiguille aimantée, si c'est une boussole, la montre plus distinctement, et cela est important dans le fond des entrailles de la terre, où l'on n'est éclairé qu'à la lueur des lumières artificielles.

La circonférence du cercle de la Géométrie souterraine a donc 192 parties ou degrés, la demi-circonférence 96, et le quart de la circonférence 48 degrés ou 6 heures. Les 6 heures qu'une des extrémités de la méridienne partage en deux, s'appellent heures septentrionales ou méridionales, selon l'extrémité et sa direction. Les 6 heures que la ligne qui coupe perpendiculairement la méridienne, et qui passe par le centre du cercle, divise en deux parties égales, s'appellent aussi, selon l'extrémité et la direction de cette ligne, heures orientales ou occidentales.

L'ouverture perpendiculaire A B (voyez la Planche souterr. parmi celles de Minéralog.) poussée de la surface de la terre à une galerie qui sert à introduire l'air, de passage aux ouvriers, et de sortie au minerai, s'appelle une burre ou un puits. On établit en A la machine connue sous le nom de chèvre ou de treuil. Voyez CHEVRE, etc. La largeur de la burre ou du puits est proportionnée à son usage ; elle varie selon que le puits ne sert que de passage aux ouvriers, ou qu'il sert en même temps de sortie aux minerais. Dans le premier cas, sa largeur est d'une demi-perche métallique ; dans le second il est de la même dimension, mais sa longueur est d'une perche entière.

On entend en général par une galerie, une caverne artificielle pratiquée dans les entrailles de la terre : il est important d'en connaître l'obliquitté, les sinuosités, les directions. On lui donne le nom d'ascendante ou de descendante, lorsque supposant une ligne horizontale tracée au point d'où on la considère, elle s'élève au-dessus ou descend au-dessous de cette ligne ; d'où l'on voit que cette dénomination d'ascendante et de descendante n'étant relative qu'au point où le mineur est placé, et ce point pouvant varier d'un moment à l'autre, une galerie peut d'un moment à l'autre prendre le nom d'ascendante de descendante qu'elle était, et réciproquement.

L'aune ou la perche métallique est divisée en 8 parties ou pieds, chaque huitième partie ou chaque pied en dix doigts, et chaque doigt en dix lignes, scrupules ou minutes : ainsi la perche métallique a 800 lignes, minutes ou scrupules. Il est bon de remarquer qu'elle n'est pas la même par-tout. Ce nombre , 5', 7", 9''' signifie 4 aunes, 5 pieds, 7 doigts, 9 scrupules.

Cela supposé, voici quelques exemples des règles d'Arithmétique relatives à ces mesures.

Sait à ajouter , 7', 1", 6''' avec , 3, 5", 8''', vous direz : 8 et 6 font 14 ; je pose 4 et je retiens 1 : 5 et 1 de retenu font 6, et 1 font 7" ; 3 et 7 font 10', ou dix pieds. Mais dix pieds sont une aune et 2 pieds : je pose donc 2' ; je retiens , qui avec les nombres 9 et 18 donne 28' ou 2 aunes. La somme est donc , 2', 7", 4'''.

Sait à soustraire , 7', 1", 6''' de , 2', 7", 4''', je dis 6 de 10, reste 4, et j'écris 4''' ; 2 de 7, reste 5, et j'écris 5" ; 7 de 2 ne se peut. Il faut ajouter au 2 une unité ; mais que vaut cette unité ? une aune ou huit pieds : ainsi je dis, 7 de 10, reste 3, et j'écris 3' ; 19 de 28, reste 9, et j'écris : le reste est donc , 3', 5", 8'''.

Sait à multiplier , 5', 7", 9''' par 6, je dis : 6 fois 9 font 54 ; je pose 4''' et je retiens 5" : 6 fois 7 font 42, et 5 de retenus font 47 ; je pose 7" et retiens 4' : 6 fois 5 font 30, et 4 de retenus font 34, ou 4 aunes de huit pieds et deux pieds ; donc je pose 2' et retiens . 6 fois 4 font 24, et 4 de retenus font 28 : le produit est donc , 2', 7", 4'''.

La division se fait en opérant sur la plus grande espèce possible, si cela se peut ; et si cela ne se peut pas, en réduisant cette grande espèce à l'espèce suivante, et opérant ensuite. Ainsi, soit à diviser , 2', 7", 4''' par 8, je dis : en 28 combien de fois 8 ? fais, et j'écris 3 au quotient ; il reste au dividende 4, ou aunes de chacune 8 pieds ou 32', qui avec 2' font 34'. Je dis donc : en 34 combien de fois 8 ? 4 fais, et j'écris 4' au quotient. Il reste au dividende 2', ou 2 pieds de chacun 10 doigts, c'est-à-dire 20", qui font avec 7", 27" ; et je dis : en 27". combien de fois 8 ? 3 fois : j'écris 3" au quotient. Il reste au dividende 3" ou 30 minutes, qui avec 4" font 34". Je dis : en 34 combien de fois 8 ? 4 ; j'écris 4''' au quotient. Il reste 2''' au dividende : j'ai donc pour quotient , 4', 3", 4''', avec la fraction 2/8'''.

Lorsqu'on s'est familiarisé avec l'arithmétique du mineur, il faut connaître ses instruments. Le premier est un niveau qu'on voit Planche de Géomét. souterr. fig. 1. c'est un demi-cercle de laiton, mince, divisé en degrés, demi-degrés, et même quart de degrés. Il a deux crochets, K, H, au moyen desquels on l'accroche sur la corde du genou, fig. 5. Du centre de ce niveau pend un plomb L, tenu par un fil ou un crin. Ce fil indique l'inclination à l'horizon du fil ou de la ligne K I du genou, figure 5.

Le second est une boussole qu'on voit même Planche, figure 2. Elle est composée d'un grand anneau de cuivre C E D F à deux crochets A, B, dont l'usage est le même que des crochets K H du niveau qu'on voit figure 1. Dans ce premier anneau on en a adapté un second, C L D G, plus leger, et dont le plan coupe à angles droits le plan du premier. Entre ces deux anneaux est suspendue une boite de boussole mobîle sur des pivots en L et en G. Le tour de cette boussole est divisé en 24 parties qu'on appelle heures (nous avons expliqué plus haut ce que c'est qu'une heure), et chaque heure en 8 minut. Le nord est en E, le sud en F, l'est en G, et l'ouest en L. Ces deux derniers points sont marqués en sens contraire de ce qu'ils sont ordinairement dans les autres boussoles. La boite de la boussole étant mobîle sur les pivots L, G, quelle que soit la position des anneaux entre lesquels elle est retenue, elle gardera toujours son parallelisme à l'horizon. Cet instrument indiquera commodément la position des filons et des galeries, relativement aux points cardinaux du monde. Dans l'usage, on place toujours la ligne méridienne dans le milieu de la galerie, le septentrion selon sa direction ; et ce sont les écarts de l'aiguille aimantée de la ligne méridienne qui indiquent les écarts de la direction de la galerie, des points cardinaux du monde. Si donc la galerie est dirigée vers l'orient, c'est-à-dire si sa direction s'écarte à droite de la ligne méridienne, la pointe de l'aiguille aimantée tournera vers la gauche de la quantité de cet écart, et sa pointe marquera à gauche l'heure orientale. Voilà la raison pour laquelle dans la boussole du mineur on a transposé les points d'orient et d'occident, des lieux qu'ils occupent dans la boussole ordinaire. On voit, figure 3 même Planche, le cadran de la boussole divisé en heures et en minutes.

Le troisième, qu'on voit figure 6. est un traceligne. C'est une petite boite de bois d'ébene, de bouis ou d'ivoire, de forme rectangulaire, garnie de deux pinnules R R, dans la concavité de laquelle on place la boussole de la figure 2. en la séparant de ses anneaux : la méridienne doit coïncider avec les pinnules. La longueur A C de cet instrument est de 6 à 7 pouces, et sa largeur C D de 4. Les pinnules peuvent se rabattre sur le plan de l'instrument ; il sert à rapporter ou sur le papier ou sur le terrain, les directions trouvées par le moyen du second instrument.

La seule chose qu'il y ait à observer dans l'usage de ces instruments, c'est la variation de l'aiguille aimantée dans différents lieux, et dans le même lieu en différents temps. Cette variation oblige quelquefois à des corrections d'autant plus nécessaires, que les galeries où les angles ont été pris sont plus longues, plus éloignées les unes des autres. Il n'est pas non plus inutîle de savoir que le froid gênant le mouvement de l'aiguille, il est à-propos en hiver, avant que de descendre l'instrument dans la mine, de l'avoir échauffé dans une étuve. Les autres causes d'erreur, tels que le voisinage du fer, qui occasionneraient des erreurs, sont assez connues.

Le quatrième instrument est le genou. Voyez cet instrument, même Planche, fig. 5. C'est une règle de bois A E, avec ses deux pinnules B C, à fenêtres et à fente. Les fenêtres sont divisées par un fil vertical, et un autre horizontal. La fente a un petit trou rond, par lequel on regarde pour pointer la croisée des fils sur l'objet qu'on veut. Les deux mires doivent être exactement parallèles. K I est un fil de laiton appuyé sur deux chevalets, retenu d'un bout par une boucle, et placé de l'autre sur une cheville. Comme ce fil K I doit toujours être parallèle aux lignes de mire, il leur faut un certain degré de tension, qu'on lui donne avec la cheville E. FF est un boulon à tête, terminé par une vis ; c'est autour de ce boulon que le genou est mobîle dans le sens vertical. La boite du boulon est adhérente à une douille G H, dans laquelle on fait entrer le pied de l'instrument ; par ce moyen le genou est mobîle horizontalement. C'est sur le fil qu'on suspend, comme nous l'avons dit, les instruments représentés fig. 1. et fig. 2.

On peut encore, pour plus de commodité, ajouter à ces instruments le secours de quelques autres ; mais les précédents sont les plus importants, et suffisent.

On n'a proprement à résoudre dans toute cette Géométrie, que des triangles rectilignes. Son premier théorème consiste à trouver par le niveau d'inclinaison l'angle aigu C, dans un triangle rectangle en B. Le fil A i marque la perpendiculaire, et l'arc H i donne la quantité de cet angle. Les inconnues du reste de ce triangle se découvriront par le moyen des tables des sinus, et par les règles de la Trigonométrie.

Si l'on propose de donner les dimensions d'une mine où l'aiguille aimantée n'est point troublée par le voisinage d'une mine de fer, l'ingénieur mesure sa profondeur, y descend avec ses instruments, la parcourt ; prend les distances qui lui sont nécessaires, et les angles dont il a besoin, et porte ces choses sur des feuilles de papier. Il s'est d'abord établi une échelle ; par ce moyen il acheve son travail, ou dans la mine même, ou quand il en est sorti. Si la mine est une mine de fer, son travail n'est pas plus difficîle ; il sait quels sont les instruments dont il ne doit pas se servir, et notre figure 8. lui montre les triangles qu'il a à prendre et à résoudre. A-t-il une ligne droite à tracer dans un endroit impratiquable ? il n'a qu'à jeter les yeux sur notre fig. 9. La fig. 10. lui indiquera la manière de trouver quel point de la surface de la terre correspond à un point donné dessous ; la fig. 11. la manière de tracer une ligne droite sur une surface inclinée et inégale ; la fig. 12. comment il s'y prendra pour tracer la ligne qui communique d'une mine à une autre ; la fig. 13. la manière de pénétrer d'un point de la surface de la terre à un lieu donné de la mine ; la fig. 14. comment il déterminera le point de la mine qui correspond verticalement à un point donné dessus ; enfin la figure 15. les opérations qui doivent se faire à la surface du terrain, pour la résolution de la plupart des problèmes.

C'est à ces problèmes que se réduit toute la Géométrie souterraine ; d'où l'on voit qu'elle n'est autre chose, comme nous l'avons dit plus haut, qu'une application de la Trigonométrie à quelques cas particuliers ; et qu'elle n'exige que la connaissance des instruments que nous avons décrits, et de ceux dont l'ingénieur et l'arpenteur font usage. Celui qui en voudra savoir davantage là-dessus, peut consulter les institutions de Weidler, l'ouvrage d'Agricola sur la Métallurgie, Erasme Reinhold, Beyer, Raigtel, Sturmius, Jugel, et de Oppel. Ces auteurs sont tous allemands. On conçoit aisément que la Géométrie souterraine a dû prendre naissance en Allemagne, où les hommes ont eu principalement des intérêts à discuter dans les entrailles de la terre.