S. f. (Philosophie et Logique) opération de l'esprit dans laquelle nous considérons diverses idées, pour en connaître les relations par rapport à l'étendue, aux degrés, au temps, au lieu, ou à quelqu'autre circonstance.

Nous comparons en portant alternativement notre attention d'une idée à l'autre, ou même en la fixant en même temps sur plusieurs. Quand des notions peu composées font une impression assez sensible pour attirer notre attention sans effort de notre part, la comparaison n'est pas difficîle : mais on y trouve de plus grandes difficultés à mesure qu'elles se composent davantage, et qu'elles font une impression plus légère. Elles sont, par exemple, communément plus aisées en Géométrie qu'en Métaphysique.



Avec le secours de cette opération de l'esprit, nous rapprochons les idées les moins familières de celles qui le sont davantage ; et les rapports que nous y trouvons établissent entr'elles des liaisons très-propres à augmenter et à fortifier la mémoire, l'imagination, et par contre-coup la réflexion.

Quelquefois après avoir distingué plusieurs idées, nous les considérons comme ne faisant qu'une même notion : d'autres fois nous retranchons d'une notion quelques-unes des idées qui la composent ; c'est ce qu'on nomme composer et décomposer ses idées. Par le moyen de ces opérations nous pouvons les comparer sous toutes sortes de rapports, et en faire tous les jours de nouvelles combinaisons.

Il n'est pas aisé de déterminer jusqu'à quel point cette faculté de comparer se trouve dans les bêtes : mais il est certain qu'elles ne la possèdent pas dans un fort grand degré, et qu'elles ne comparent leurs idées que par rapport à quelques circonstances sensibles attachées aux objets mêmes. Pour ce qui est de la puissance de comparer qu'on observe dans les hommes, qui roule sur les idées générales et ne sert que pour les raisonnements abstraits, nous pouvons assurer probablement qu'elle ne se rencontre pas dans les animaux.

Il n'y a rien que l'esprit humain fasse si souvent, que des comparaisons : il compare les substances avec les modes ; il compare les substances entr'elles, et les modes entr'eux ; il s'applique à démêler ce qu'ils ont de commun d'avec ce qu'ils ont de différent, ce qu'ils ont de liaison d'avec ce qu'ils ont de contrariété ; et par tous ces examens il tâche de découvrir les relations que les objets ont entr'eux.

Toute comparaison roule pour le moins sur deux objets ; et il faut 1°. que ces objets que l'on compare existent, ou puissent exister : car l'impossible ne se conçoit pas, et si on le concevait, il ne serait pas impossible : 2°. il faut avoir l'idée de l'un et de l'autre, sans quoi l'esprit ne saurait ce qu'il fait quand il les compare : 3°. apercevoir ces deux idées d'un seul coup, et se les rendre présentes en même temps.

Quand on compare, par exemple, deux pièces de monnaie, ou on les regarde l'une et l'autre d'un seul coup-d'oeil, ou l'on conserve l'idée de la première qu'on a vue, et on la consulte dans le temps qu'on jette les yeux sur la seconde ; car si l'on n'avait plus d'idée de cette première, il ne serait pas possible de décider si elle est égale à la seconde, ou si elle en diffère.

Deux objets nous peuvent être présents en même temps, sans que nous les comparions : il y a donc un acte de l'esprit qui fait la comparaison ; et c'est cet acte qui constitue l'essence de ce qu'on appelle relation, rapport, lequel acte est tout entier chez nous.

Comme en comparant des objets ensemble, il règne entr'eux divers rapports de figure, d'étendue, de durée, et d'autres accidents, on se sert de ces rapports en qualité d'images et d'exemples pour illustrer ses pensées, soit en conversation, soit par écrit : mais il ne faut pas leur donner une valeur plus étendue, ni prendre les similitudes pour des identités ; ce serait une source féconde d'erreurs et de méprises, dont on doit d'autant plus se garder, que nous sommes naturellement disposés à y donner notre acquiescement. Il est commode à l'esprit humain de trouver dans une idée familière, l'image ressemblante d'un objet nouveau : voilà pourquoi ces images qui roulent sur les rapports lui plaisent ; et comme il les aime, parce qu'elles lui épargnent du travail, il ne se fatigue pas à les examiner, et il se persuade aisément qu'elles sont exactes. Bien-tôt il se livre aux charmes de cette idée, qui ne peut cependant tendre qu'à gâter le jugement, et à rendre l'esprit faux.

Quelquefois même ce goût à chercher des rapports de ressemblance, fait qu'on en suppose où il n'y en a point, et qu'on voit dans les objets tout ce que l'imagination présente. Mais quand on ne supposerait rien, quand ces ressemblances existeraient, quelqu'exactes qu'elles puissent être entre deux objets de différente espèce, elles ne forment point une identité ; elles ne concluent donc rien en matière de raisonnement. C'est pourquoi la Logique abandonne les images, les ressemblances, à la Rhétorique et à la Poésie, qui s'en sont emparées sous le nom de comparaisons, pour en faire le plus brillant usage, ainsi qu'on le verra dans l'article suivant. Cet article est de M(D.J.)

COMPARAISON, s. f. (Rhét. et Poés.) figure de Rhétorique et de Poésie, qui sert à l'ornement et à l'éclaircissement d'un discours ou d'un poème.

Les comparaisons sont appelées par Longin, et par d'autres rhéteurs, icones, c'est-à-dire images ou ressemblances. Telle est cette image, pareil à la foudre, il frappe, etc. il se jette comme un lion, etc. Toute comparaison est donc une espèce de métaphore. Mais voici la différence. Quand Homère dit qu'Achille Ve comme un lion, c'est une comparaison ; mais quand il dit du même héros, ce lion s'élançait, c'est une métaphore. Dans la comparaison ce héros ressemble au lion ; et dans la métaphore, le héros est un lion. On voit par-là que quoique la comparaison se contente de nous apprendre à quoi une chose ressemble, sans indiquer sa nature, elle peut cependant avoir l'avantage au-dessus de la métaphore, d'ajouter, quand elle est juste, un nouveau jour à la pensée.

Pour rendre une comparaison juste, il faut 1°. que la chose que l'on y emploie soit plus connue, ou plus aisée à concevoir que celle qu'on veut faire connaître : 2°. qu'il y ait un rapport convenable entre l'une et l'autre : 3°. que la comparaison soit courte autant qu'il est possible, et relevée par la justesse des expressions. Aristote reconnait dans sa rhétorique, que si les comparaisons sont un grand ornement dans un ouvrage quand elles sont justes, elles le rendent ridicule quand elles ne le sont pas : il en rapporte cet exemple ; ses jambes sont tortues ainsi que le persil.

Non-seulement les comparaisons doivent être justes, mais elles ne doivent être ni basses, ni triviales, ni usées, ni mises sans nécessité, ni trop étendues, ni trop souvent répétées. Elles doivent être bien choisies. On peut les tirer de toutes sortes de sujets, et de tous les ouvrages de la nature. Les-doubles comparaisons qui sont nobles et bien prises, font un bel effet en poésie ; mais en prose l'on ne doit s'en servir qu'avec beaucoup de circonspection. Les curieux peuvent s'instruire plus amplement dans Quintilien, liv. V. ch. IIe et liv. VIII. ch. IIIe

Quoique nous adoptions les comparaisons dans toutes sortes d'écrits en prose, il est pourtant vrai que nous les goutons encore davantage dans ceux qui tracent la peinture des hommes, de leurs passions, de leurs vices, et de leurs vertus. Article de M(D.J.)

COMPARAISON D'ECRITURES, (Jurisprudence) est la vérification qui se fait d'une écriture ou signature dont on ne connait pas l'auteur, en la comparant avec une autre écriture ou signature reconnue pour être de la main de celui auquel on attribue l'écriture ou signature contestée.

C'est une des preuves que l'on peut employer pour connaître quel est le véritable auteur d'une écriture ou signature : car la vérification peut en être faite en trois manières ; savoir par la déposition des témoins qui attestent avoir Ve faire en leur présence l'écriture dont il s'agit ; ou par la déposition de témoins qui n'ont pas à la vérité Ve faire l'écrit, mais qui attestent qu'ils connaissent que l'écriture et signature est d'un tel, pour l'avoir Ve écrire et signer plusieurs fois ; et enfin la dernière sorte de preuve que l'on emploie en cette matière, est la déposition des experts, qui après comparaison faite des deux écritures, déclarent si elles leur paraissent de la même main, ou de deux mains différentes.

La comparaison d'écritures est usitée, tant en matière civîle qu'en criminelle.

L'usage de cette preuve en matière civîle est fort ancien ; il en est parlé en quelques endroits du code et des novelles.

Comme on admettait pour pièces de comparaison des écritures privées, Justinien ordonna d'abord par la loi comparationes, ch. de fide instrum. qu'on se servirait de pièces authentiques, et qu'on ne pourrait se servir d'écritures privées qu'elles ne fussent signées de trois témoins.

Par sa novelle 49. il mit deux exceptions à cette loi pour les écritures privées, qu'il permit d'employer pour pièces de comparaison, lorsqu'elles étaient produites par celui contre lequel on voulait se servir de pièces de comparaison ; ou lorsque l'écriture privée était tirée d'un dépôt public.

Mais par sa novelle 73. il restreignit tellement l'usage de la preuve par comparaison d'écritures, qu'il est vrai de dire que son intention était qu'on y eut peu d'égard, du-moins en matière civile.

Dans la préface de cette novelle, il dit que quelques-uns de ses prédécesseurs avaient admis cette preuve, que d'autres l'avaient rejetée ; que ces derniers en avaient reconnu l'abus, en ce que les faussaires s'exerçaient à contrefaire toutes sortes d'écritures ; et qu'on ne peut bien juger de la qualité d'un acte faux par le seul rapport qu'il a avec un acte véritable, attendu que la fausseté n'est autre chose que l'imitation d'une chose vraie ; qu'il avait lui-même reconnu les inconvénients de cette preuve, étant arrivé qu'en Arménie un contrat d'échange tenu pour faux par les experts, fut néanmoins reconnu véritable par tous les témoins qui l'avaient signé.

La disposition de cette novelle est assez compliquée : l'empereur défend de vérifier aucune pièce par comparaison d'écritures, si la pièce que l'on veut faire vérifier n'est signée de trois témoins dignes de foi, ou d'un notaire, ou de deux témoins sans reproche, ou du-moins si elle n'est passée en présence de trois témoins irréprochables. Il veut de plus que le notaire et les témoins qui auront signé avec la partie, reconnaissent leur signature au bas de l'acte : que si le notaire reconnait la sienne, en ce cas c'est une pièce publique, qui n'a point besoin d'être vérifiée par comparaison : que si c'est un acte signé de trois témoins, ou seulement écrit en leur présence sans être signé d'eux, ou même s'il est reçu par un notaire en présence de deux témoins, mais que le notaire soit depuis décédé, ou ne soit plus en état de déposer ; en ce cas Justinien veut qu'outre la vérification par comparaison d'écritures, les témoins qui ont signé reconnaissent tous leur seing ; et qu'en outre, soit qu'ils aient signé ou non, ils déposent si l'écriture vérifiée par experts a été faite en leur présence de la même main dont les experts ont jugé qu'elle était écrite : que si les témoins et le notaire ne sont plus vivants, leur signature soit vérifiée ainsi que celle de la partie : que si l'acte ne se trouve pas signé du nombre de personnes publiques ou de témoins qui est ordonné, la seule comparaison d'écritures ne sera jamais suffisante pour que l'on y ajoute foi ; et qu'en ce cas, après la vérification faite, le juge s'en rapportera au serment décisoire de la partie qui veut se servir de la pièce contestée. Enfin la novelle ajoute encore que si les contrats sont de peu d'importance, ou passés à la campagne, on n'y désire pas ces formalités ; mais qu'à l'égard de tous les autres, la seule comparaison d'écritures ne suffit pas pour y faire ajouter foi ; et la raison qu'en donne la loi, c'est que la ressemblance des écritures est trop suspecte ; que c'est une voie qui a souvent induit en erreur, et que l'on ne doit pas s'y rapporter tant que l'on ne voit pas de meilleure preuve.

Les interpretes du droit ont tous parlé de la comparaison d'écritures, conformément à la novelle 73. et entr'autres Cujas, qui tient que la simple comparaison d'écritures ne fait point de foi ; qu'elle ne peut être regardée au plus que comme une semi-preuve qui peut obliger le juge de déférer le serment à la partie qui soutient la vérité de l'acte ; et que pour faire preuve il faut que le rapport des experts soit appuyé de la signature des témoins et de leur déposition.

Il y a beaucoup de docteurs qui pensent que dans les cas mêmes portés par la novelle 73. on doit encore être fort réservé sur la foi qu'on ajoute à la ressemblance des écritures : d'autres vont jusqu'à dire qu'elle ne fait pas toujours une semi-preuve ; et quelques-uns enfin nient qu'elle fasse même la plus légère présomption.

Il est néanmoins certain dans notre usage que la preuve par comparaison d'écritures est admise, tant en matière civîle qu'en matière criminelle.

Elle est admise en matière civîle par l'ordonnance d'Orléans, art. 145. par celle de 1539, art. 92. par celle de Charles IX. du mois de Janvier 1565 ; et enfin par l'ordonnance de 1667, tit. XIIe art. 5.

La forme en est réglée pour les matières civiles par cette dernière ordonnance : il y est dit que les reconnaissances et vérifications d'écritures privées se feront partie présente ou dû.ment appelée, pardevant le rapporteur ; ou s'il n'y en a point, pardevant l'un des juges qui sera commis sur une simple requête, pourvu, et non autrement ; que la partie contre laquelle on prétend se servir des pièces, soit domiciliée ou présente au lieu où l'affaire est pendante, sinon que la reconnaissance se fera devant le juge royal ordinaire du domicîle de la partie ; et que s'il échet de faire quelque vérification, elle sera faite pardevant le juge où le procès principal est pendant.

Les pièces et écritures dont on poursuit la reconnaissance ou vérification, doivent être communiquées à la partie en présence du juge ou commissaire.

Faute par le défendeur de comparoir à l'assignation, on donne défaut contre lui, pour le profit duquel si on prétend que l'écriture soit de sa main, elle est tenue pour reconnue ; et si elle est d'une autre main, on permet de la vérifier tant par témoins, que par comparaison d'écritures publiques ou authentiques.

La vérification par comparaison d'écritures se fait par experts sur les pièces de comparaison dont les parties conviennent, et à cette fin on les assigne au premier jour.

Enfin si au jour de l'assignation l'une des parties ne compare pas, ou ne veut pas nommer des experts, la vérification se fait sur les pièces de comparaison par les experts nommés par la partie présente, et par ceux qui seront nommés par le juge au lieu de la partie refusante et défaillante.

Telles sont les formalités prescrites par l'ordonnance de 1667, pour les vérifications d'écritures privées par pièce de comparaison en matière civile.

Cette preuve était aussi admise en matière criminelle chez les Romains, du moins en matière de faux, comme il parait par une loi de l'empereur Constantin, qui est la seconde au code théodosien, et la vingt-deuxième dans le code Justinien, ad legem corneliam de falsis.

M. le Vayer de Boutigny célèbre avocat au parlement, et depuis maître des requêtes, a fait une savante dissertation dans la cause fameuse de Jean Maillart, où il s'attache d'abord à faire voir en général qu'il y a peu de certitude dans la comparaison d'écritures, et qu'elle ne fait pas seule preuve, même en matière civîle : il prétend qu'elle ne doit point avoir lieu, surtout en matière criminelle ; qu'elle n'a été admise par aucune loi dans ces sortes de matières ; que la loi n'y admet que trois sortes de preuves, savoir la preuve par titres, la preuve par témoins, et les indices indubitables et plus clairs que le jour.

Mais malgré l'érudition qui règne dans cet ouvrage, il est certain présentement que la preuve par comparaison d'écritures est admise en matière criminelle aussi-bien qu'en matière civile, ainsi qu'il résulte de l'ordonnance criminelle de 1670, et de l'ordonnance du mois de Juillet 1737, concernant le faux principal et incident.

La première de ces deux ordonnances, tit. IXe du faux principal et incident, ne dit autre chose de la preuve par comparaison d'écritures, sinon que les moyens de faux étant trouvés pertinens ou admissibles, la preuve en sera ordonnée tant par titres que par témoins, et par comparaison d'écritures et signatures, par experts qui seront nommés d'office par le même jugement, sauf à les récuser : que les pièces inscrites de faux et celles de comparaison, seront mises entre les mains des experts, après avoir prêté serment et leur rapport délivré au juge, suivant qu'il est prescrit par l'art. 12. du titre de la descente sur les lieux, de l'ordonnance de 1667 ; que s'il y a charge, les juges pourront decréter et ordonner que les experts seront répétés séparément en leur rapport, recollés et confrontés ainsi que les autres témoins.

L'ordonnance du faux règle les formalités de la preuve par comparaison d'écritures.

Il est dit, tit. j. du faux principal, que sur la requête ou plainte en faux, soit par la partie publique ou par la partie civile, il sera ordonné qu'il sera informé des faits portés en la requête ou plainte, et ce tant par titres que par témoins, comme aussi par experts, ensemble par comparaison d'écritures ou signatures, le tout selon que le cas le requerra ; que lorsque le juge n'aura pas ordonné en même temps ces différents genres de preuve, il pourra y être suppléé, s'il y échet, par une ordonnance ou un jugement.

Que quand la preuve par comparaison d'écritures aura été ordonnée, les procureurs du Roi ou ceux des hauts-justiciers, et la partie civile, s'il y en a, pourront seuls fournir les pièces de comparaison, sans que l'accusé puisse être reçu à en présenter de sa part ; si ce n'est comme il sera dit ci-après, et ceci doit être observé, à peine de nullité.

On ne peut admettre pour pièce de comparaison, que celles qui sont authentiques par elles-mêmes ; et on regarde comme telles les signatures apposées aux actes passés devant notaires ou autres personnes publiques, tant séculières qu'ecclésiastiques, dans les cas où elles ont droit de recevoir des actes en cette qualité.

On répute aussi authentiques à cet effet les signatures étant aux actes judiciaires faits en présence du juge et du greffier, et aussi les pièces écrites et signées par celui dont il s'agit de comparer l'écriture, en qualité de juge, greffier, notaire, procureur, huissier, sergent, et en général comme faisant, à quelque titre que ce sait, fonction de personne publique.

On peut aussi admettre pour pièces de comparaison, les écritures ou signatures privées qui auraient été reconnues par l'accusé ; mais hors ce cas, ces sortes d'écritures et signatures ne peuvent être reçues pour pièces de comparaison, quand même elles auraient été vérifiées avec l'accusé sur la dénégation qu'il en aurait faite, à peine de nullité.

L'ordonnance laisse à la prudence du juge, suivant l'exigence des cas, et notamment lorsque l'accusation de faux ne tombe que sur un endroit de la pièce qu'on prétend être faux ou falsifié, d'ordonner que le surplus de la pièce servira de pièce de comparaison.

Si les pièces indiquées pour comparaison sont entre les mains de dépositaires publics ou autres, le juge doit ordonner qu'elles seront apportées, suivant ce qui est ordonné pour les pièces arguées de faux ; et les pièces admises pour comparaison doivent demeurer au greffe pour servir à l'instruction, et ce quand même les dépositaires d'icelles offriraient de les représenter toutes les fois qu'il serait nécessaire, sauf aux juges à y pourvoir autrement, s'il y échet, pour les registres des baptêmes, mariages et sépultures, et autres dont les dépositaires auraient continuellement besoin.

Sur la présentation des pièces de comparaison par la partie publique ou civile, et sans qu'il soit besoin de requête, il doit être dressé procès-verbal de ces pièces au greffe ou autre lieu du siège destiné aux instructions, en présence de la partie publique et de la partie civile, s'il y en a, à peine de nullité.

L'accusé ne peut être présent à ce procès-verbal, aussi à peine de nullité.

A la fin de ce procès-verbal, et sur la requisition ou les conclusions de la partie publique, le juge doit statuer sur l'admission ou rejet des pièces, à-moins qu'il n'ordonne qu'il en sera réferé par lui au siège, auquel cas il y doit être pourvu par le conseil, après que le procès-verbal a été communiqué à la partie publique et civile.

Si les pièces de comparaison sont rejetées, la partie civile, s'il y en a, ou la partie publique, sont tenues d'en rapporter ou indiquer d'autres dans le délai qui leur a été prescrit, sinon il y sera pourvu.

Dans tous les cas où les pièces de comparaison sont admises, elles doivent être paraphées, tant par le juge que par la partie publique et par la partie civile, s'il y en a et si elle peut signer ; sinon il faut en faire mention, le tout à peine de nullité.

En procédant à l'audition des experts, ce qui se fait toujours dans cette matière par voie d'information et non de rapport, les pièces de comparaison, lorsqu'il en a été fourni, le procès-verbal de présentation de ces pièces, et l'ordonnance ou jugement qui les a reçues, doivent être remis à chacun des experts, pour les voir et examiner séparément et en particulier sans déplacer ; et il faut faire mention de la remise et examen de ces pièces dans la déposition de chaque expert, sans qu'il en soit dressé aucun procès-verbal.

On ne doit point représenter les pièces de comparaison aux autres témoins, à-moins que le juge en procédant à l'information, récolement ou confrontation de ces témoins, ne juge à-propos de leur représenter ces pièces ou quelques-unes d'icelles, auquel cas elles doivent être paraphées par les témoins.

Les pièces de comparaison ou autres qui doivent être représentées aux experts, ne peuvent être représentées aux accusés avant la confrontation.

En tout état de cause les juges peuvent ordonner d'office ou sur la requête de la partie publique ou civile, que l'accusé sera tenu de faire un corps d'écriture tel qu'il lui sera dicté par les experts, ce qui sera fait par procès-verbal au greffe ; et à la fin du procès-verbal le juge peut ordonner que ce corps d'écriture sera reçu par pièce de comparaison, et que les experts seront entendus par voie de déposition sur ce qui peut résulter du corps d'écriture comparé avec les pièces fausses ; ce qui a lieu quand même ils auraient déjà déposé sur d'autres pièces de comparaison : le juge peut néanmoins en ce cas nommer d'autres experts ou en adjoindre de nouveaux aux premiers, mais cela doit être fait par délibération du siège.

Si les experts sont incertains ou d'avis différents, le juge peut ordonner qu'il sera fourni de nouvelles pièces de comparaison.

Lors du récolement des experts et de la confrontation, les pièces de comparaison doivent être représentées aux experts et aux accusés, à peine de nullité.

En cas que l'accusé demande par requête qu'il soit remis de nouvelles pièces de comparaison entre les mains des experts, les juges ne pourront y avoir égard qu'après l'instruction achevée et par délibération de conseil sur le Ve du procès, à peine de nullité.

Si la requête de l'accusé est admise, le jugement doit lui être prononcé dans les 24 heures, et le juge l'interpellera d'indiquer les pièces, ce qu'il sera tenu de faire sur le champ : le juge peut néanmoins lui accorder un délai ; mais ce délai ne peut être prorogé ; et l'accusé ne peut présenter dans la suite d'autres pièces que celles qu'il a indiquées, sauf à la partie publique ou civîle à les contester.

Les écritures ou signatures privées de l'accusé ne peuvent être reçues pour pièces de comparaison, encore qu'elles eussent été par lui reconnues ou vérifiées avec lui, si ce n'est du consentement de la partie publique et civile, s'il y en a, à peine de nullité.

Le procès-verbal de présentation des pièces indiquées par l'accusé, doit être fait en sa présence et par lui paraphé, s'il le peut ou veut faire ; sinon il en sera fait mention, à peine de nullité ; et si l'accusé n'est pas prisonnier et ne se présente pas au procès-verbal, il y sera procédé en son absence, lui dû.ment appelé.

En procédant à l'information sur ces pièces, on remettra aussi les anciennes aux experts, avec les procès-verbaux de présentation et les ordonnances ou jugements de réception.

La partie civîle et publique peuvent produire de nouvelles pièces de comparaison en tout état de cause, quand même on n'aurait pas permis à l'accusé d'en indiquer.

Lorsqu'il y a des pièces indiquées de part et d'autre, le juge peut ordonner sur le tout une même information par experts.

Si l'accusé demande de nouveaux experts sur les pièces de comparaison anciennes ou nouvelles, on ne peut l'ordonner qu'après l'instruction achevée par délibération de conseil, à peine de nullité.

Les nouveaux experts doivent toujours être nommés d'office, à peine de nullité.

La nouvelle information peut être jointe au procès.

Dans le cas du faux incident, l'ordonnance veut que si les moyens de faux sont jugés admissibles, il soit ordonné qu'on en informera tant par titres que par témoins, par experts et par comparaison d'écritures ou signature sans qu'il puisse être ordonné que les experts feront leur rapport sur les pièces prétendues fausses, ou qu'il sera procédé préalablement à la vérification d'icelles, à peine de nullité.

Les pièces de comparaison doivent être fournies par le demandeur ; et celles que présenterait le défendeur ne peuvent être reçues, si ce n'est du consentement du demandeur et de la partie publique, à peine de nullité ; sauf aux juges après l'instruction achevée à admettre le défendeur à fournir de nouvelles pièces de comparaison, s'il y échet.

On observe au surplus dans cette matière, les mêmes règles qu'en matière de faux principal, sur la qualité des pièces de comparaison et sur l'apport de ces pièces, sur la représentation qui en est faite aux témoins, et sur le paraphe des pièces.

Le procès verbal de présentation des pièces de comparaison doit être fait en présence des parties ou elles dû.ment appelées ; les parties peuvent y comparaitre par procureur, à moins que cela ne soit autrement ordonné : on y fait mention si le défendeur convient ou non des pièces : si elles ne sont pas reçues, on ordonne que le demandeur en fournira d'autres dans un certain délai.

Les pièces de comparaison sont remises aux experts de la même manière qu'il a été dit ci-devant.

On observe aussi les mêmes règles quand le défendeur ou accusé demande à fournir de nouvelles pièces de comparaison, ou qu'il soit entendu de nouveaux experts.

Lorsqu'il s'agit de procéder à la reconnaissance des écritures et signatures en matière criminelle, si l'accusé nie l'écriture, ou s'il est en défaut ou contumace, on ordonne que l'écriture sera vérifiée sur pièces de comparaison.

Le procès-verbal de présentation des pièces de comparaison se fait en présence de la partie publique et civile, s'il y en a, et de l'accusé, lequel pour cet effet est amené des prisons par ordre du juge, pour assister au procès-verbal sans aucune sommation ou sommation préalable ; on n'en fait point non plus lorsque la contumace est instruite contre l'accusé.

Quand il n'est pas dans les prisons et que la contumace n'est pas instruite, on le somme de comparaitre au procès-verbal, comme en matière de faux principal ; cette sommation se fait en la forme prescrite par l'édit de Décembre 1680, concernant l'instruction de la contumace ; et faute par l'accusé de comparaitre, on passe outre au procès-verbal.

Si l'accusé y est présent, on lui représente les pièces de comparaison pour en convenir ou les contester sur le champ ; on ne lui accorde ni délai ni conseil. Les pièces qui sont admises doivent être par lui paraphées, s'il le peut ou veut faire, sinon on en fait mention ; et dans tous les cas elles sont aussi paraphées par le juge, par la partie publique, et par la partie civile, si elle peut et veut les parapher, sinon on en doit faire mention, à peine de nullité.

Au cas que les pièces ne soient pas reçues, la partie civile, s'il y en a, ou la partie publique, doivent en rapporter d'autres dans le délai qui sera prescrit, sinon il sera passé outre.

Les experts qui procedent à la vérification, doivent être nommés d'office et entendus séparément par forme de déposition : on ne peut pas ordonner qu'ils feront préalablement leur rapport, le tout à peine de nullité.

En procédant à l'audition des experts, on doit leur représenter les pièces de comparaison.

On peut aussi dans cette matière, ordonner que l'accusé sera tenu de faire un corps d'écriture.

Enfin on y suit une grande partie des règles prescrites pour la comparaison d'écritures en matière de faux principal, ainsi que l'ordonnance de 1737 l'explique, ce qu'il serait trop long de détailler ici.

De ces différentes formalités prescrites par les ordonnances pour la preuve par comparaison d'écritures, il résulte bien clairement que cette preuve est admise, tant en matière civîle qu'en matière criminelle, et non-seulement dans le cas du faux principal ou incident, mais aussi lorsqu'il s'agit de reconnaissance d'écriture ou signature en général.

Mais il est certain que la déposition même uniforme des experts, ne fait jamais seule une preuve complete ; elle n'est considérée que comme une semi-preuve, à cause de l'incertitude de leur art pour la vérification des écritures. Voyez le commentaire de Boiceau, sur l'article ljv. de l'ordonnance de Moulins, chap. Ve et Danty, de la preuve par témoins, ibid. le traité de la preuve par comparaison d'écritures, de M. Levayer ; celui de la vérification des écritures, par M. de Blegny, et les ordonnances qui ont été citées. (A)