(Philosophie et Logique métaphysique) c'est l'assemblage de plusieurs qualités, dont les unes subsistent toujours entr'elles, et les autres peuvent se séparer pour faire place à de nouvelles. Sous ce point de vue, rien n'est si simple que l'idée de la substance dont on a tant disputé, et dont on disputera encore, sans pouvoir rien dire de plus clair sur sa nature.

L'on veut donner un nom à cet assemblage de qualités ; pour cela l'on néglige celles qui varient d'un moment à l'autre ; l'on ne porte son attention que sur les plus durables. Elles deviennent pour le commun des hommes essentielles à l'être, ou plutôt à l'assemblage désigné sous le nom général de substance, et l'on les appelle elles-mêmes souvent mal-à-propos les substances, et mieux les attributs essentiels, tandis que les autres qualités qui varient, qui peuvent être ou n'être pas dans cet assemblage, ne sont regardées que comme des manières d'être que l'on appelle modes. Voyez l'article MODES. Mais les Philosophes, ou ceux qui cherchent à donner un sens plus resserré aux mots, ayant remarqué que parmi ces qualités durables de la substance il y en a de si essentielles, qu'elles ne se séparent jamais, et qu'elles sont même si inhérentes que l'on ne peut en concevoir la séparation, sans comprendre que l'être en serait non-seulement changé, mais entièrement détruit ; ils ont réservé le nom de substance, à désigner l'assemblage de ces qualités premières, essentiellement inséparables ; et quant aux autres qui sont durables, mais qui cependant peuvent être retranchées sans que les premières soient anéanties, ils les ont nommées substances modifiées. Un exemple qui indiquerait toute la gradation des qualités d'une substance, servirait aussi à expliquer ce que l'on peut dire de plus simple sur ce sujet. Jettons les yeux sur un fleuve ; nous verrons une vaste étendue d'eau qui résiste, mais faiblement, au toucher, qui est pesante, liquide, transparente, sans couleur, sans gout, sans odeur, et en mouvement. Si tout-à-coup ce corps venait à perdre sa transparence, et à se colorer d'un gris sale, ou d'un gris noir ; pour un si léger changement, nous ne lui donnerions pas un nouveau nom, nous dirions seulement que le fleuve se trouble, qu'il charrie ; lors même qu'il acquérerait quelque gout, quelque odeur, ce serait toujours un fleuve. Mais s'il venait à perdre son mouvement, à rester pour toujours en repos, ce changement nous paraitrait plus considérable, parce qu'alors ce fleuve deviendrait semblable à ces amas d'eau, que l'on nomme lacs ou étangs ; ce ne serait plus un fleuve, mais seulement de l'eau, un lac. Si ensuite la rigueur du froid agissait, nous ne savons trop comment, sur cet amas d'eau, et lui faisait perdre sa liquidité, il perdrait aussi son nom d'eau et deviendrait glace. L'été suivant, exposée aux ardeurs du soleil, cette eau quitterait, pour ainsi dire, sa pesanteur, elle s'éleverait dans l'air en vapeur ; on ne la nommerait plus eau, mais vapeur, brouillard, nuage. Cependant dans tous ces changements elle a conservé son étendue, cette résistance que les Physiciens appellent impénétrabilité ; aussi a-t-elle toujours été corps. Mais si elle venait à perdre cette étendue, cette impénétrabilité, que lui resterait-il ? Rien du tout ; car nous ne concevons ni la pesanteur, ni la fluidité, ni le mouvement sans étendue impénétrable. Aussi cette destruction de l'étendue et de l'impénétrabilité n'arrive point ; ces qualités sont tout autrement durables que les autres, il n'est aucune force dans la nature qui puisse les produire ou les détruire, c'est pourquoi leur assemblage prend le nom propre de la substance. Le corps, c'est-à-dire l'étendue impénétrable est une substance ; mais la vapeur, la glace, l'eau, le fleuve sont ici des substances modifiées.



Remarquons dans cet exemple que la gradation des qualités d'une substance, qui fait que nous les regardons comme plus ou moins essentielles, est toute fondée sur leur dépendance mutuelle. Ici un fleuve c'est de l'eau courante ; le cours de l'eau ne peut se concevoir que l'eau elle-même n'existe, l'eau est donc comme la substance du fleuve dont le mouvement est le mode. L'eau est un corps liquide, pesant. La liquidité, la pesanteur ne peuvent exister sans l'étendue impénétrable. C'est pourquoi le corps est regardé comme faisant la substance qui, modifiée par la pesanteur, par la liquidité, s'appelle eau. Nous ne voyons aucune qualité plus essentielle dont dépendent l'étendue et l'impénétrabilité, ce sont donc elles qui font la substance connue sous le nom de corps.

La raison s'arrête-là, parce qu'elle ne peut aller plus loin, en ne consultant que des idées claires. Mais l'imagination fait bien plus de chemin ; et voici comme elle raisonne chez la plupart des hommes. Voyant, dans l'exemple dont nous nous servons, de l'eau tantôt froide, tantôt chaude ; jugeant d'ailleurs que l'eau refroidie est la même que l'eau qui était chaude peu auparavant, elle regarde l'eau comme un être distinct de ces deux qualités, le froid et le chaud, comme un sujet qui se revêt ou se dépouille alternativement de l'une ou de l'autre de ces qualités, qui, pour ainsi dire, sont des modes appliquées ou mises en usage sur un habit. Découvrant ensuite dans l'eau d'autres qualités, comme le mouvement, la transparence, la fluidité, dont les unes peuvent être séparées sans que l'eau cesse d'être eau, et dont les autres ne se trouvent pas dans tous les corps, l'imagination met toutes ces qualités dans le rang des modes ou des accidents, dont le sujet est revêtu jusqu'aux plus essentielles, telles que l'étendue, l'impénétrabilité ; ensuite elle cherche un sujet qui soit comme le soutien, le nœud de cet assemblage, et ce sujet est bientôt nommé substance. Puis on vient à l'examiner de plus près, et l'on trouve qu'on ne saurait lui attribuer en propre aucune qualité, puisque l'on a écarté de son idée toutes celles dont l'on s'imaginait qu'il était simplement revêtu : car, dit-on, le sujet de l'eau n'est pas lui-même l'étendue, mais il est doué d'étendue ; il n'est pas la fluidité, mais il possède cette qualité. Ne croyez pas que ce soit la pesanteur ou la transparence, mais dites qu'il a de la pesanteur et de la transparence ; ainsi plus on étudie ce prétendu sujet, moins on peut le concevoir, parce qu'en effet il n'est pas possible, après avoir dépouillé une chose de toutes ses qualités, de vouloir qu'il lui reste encore quelque chose. Ce sujet devient donc d'autant plus obscur, qu'on le regarde d'un oeil plus attentif, de sorte que l'on est forcé de conclure que les substances nous sont entièrement inconnues, et que nous n'en connaissons que les modes. M. Locke, ce quand métaphysicien, est allé jusque-là, et fondé sur ce que les vraies causes des qualités sensibles nous étaient cachées, il en a conclu que les essences réelles des êtres ou les substances nous étaient entièrement inconnues. Il est vrai que nous ne connaissons pas toujours la liaison qui est entre ces qualités dont nous avons formé un assemblage, que nous ne pouvons pas savoir si cette liaison est nécessaire ou casuelle, parce que nous ne pouvons pénétrer jusqu'à la source d'où ces qualités dérivent, que jugeant par nos sens des êtres extérieurs, et ces sens ne nous montrant que la relation que ces êtres ont avec nous, ou les impressions qu'ils peuvent faire sur nous en agissant sur nos organes, il ne nous est pas facîle de juger ni de connaître les qualités originales ou substantielles, qui donnent l'être aux qualités sensibles. Nous éprouvons que le feu est chaud ; mais qu'y a-t-il dans le feu qui ne se trouve pas dans la glace ? et en vertu de quoi cet élément fait-il sur nos organes cette impression d'où nait la sensation de la chaleur ? C'est ce qu'on ignore, et que les Physiciens ne savent guère mieux que les autres. En ce sens, on a raison de dire que les essences réelles ou les substances nous sont inconnues, que les idées que nous en avons fondées sur des qualités sensibles ne sont pas des images vraies, ni des ressemblances exactes des qualités primitives qui constituent la substance, qu'elles sont défectueuses, et très-diverses chez la plupart des hommes, comme étant l'ouvrage de leur esprit. Cependant l'on ne peut pas dire absolument qu'elles soient de pur caprice, puisque ces qualités, à l'assemblage desquelles nous avons donné un nom et formé ainsi une substance, existent réellement ensemble et dans une union intime, si elles n'ont rien de contradictoire, ou qu'elles ne s'excluent pas mutuellement ; et que n'y ayant que les qualités sensibles qui nous trompent, nous connaitrons du-moins l'essence des substances dans l'idée desquelles il n'entre aucune de ces idées sensibles, telles que l'âme et le corps pris en général et par abstraction ; qu'ainsi leur essence que nous savons consister dans la réunion des qualités primitives, et non sensibles, nous sera fidèlement représentée par son idée, c'est-à-dire qu'elle nous sera connue tout comme celle des êtres qui sont purement de notre façon.

Nous pouvons dire que nous connaissons l'essence de l'âme, parce que nous avons une idée juste de ses facultés, l'entendement, l'imagination, la mémoire, la sensation, la volonté, la liberté ; voilà ce que c'est que l'âme et son essence. Nous croyons qu'il ne faut pas y chercher d'autre mystère, ni imaginer un sujet inconnu qui ne se présente jamais à nous, et que nous voudrions supposer être le soutien de ces propriétés qui se font connaître. Qu'est-ce en effet que l'entendement ? sinon l'âme elle-même entant qu'elle conçoit distinctement ; et la volonté de l'âme, n'est-ce pas l'âme elle-même considérée entant qu'elle veut ? Donc celui qui sait ce que c'est que l'entendement, la volonté, connait l'essence de l'âme. De même celui qui connait l'étendue, la solidité et la force en général, connait l'essence du corps. Comment se persuader que le corps soit un être différent de ses propriétés, auquel l'étendue, la force, la solidité soient comme appliquées, qui le couvrent, de manière qu'elles nous cachent le sujet ? N'est-il pas plus naturel, plus certain que l'étendue du corps n'est autre chose que le corps considéré par abstraction entant qu'étendu, et sans faire attention à la solidité, à la force ? Et peut-on se figurer un être étendu, solide, et capable d'agir, sans concevoir que c'est un corps ? De ces deux substances qu'il nous soit permis de nous élever à la substance infinie, première cause de toutes les substances créées, ou de tous les êtres. Comment pouvons-nous la connaître que par ses attributs ? Qu'est-ce que Dieu que l'Etre nécessaire, ayant en lui sa propre existence, éternel, immuable, infiniment parfait ? Cet Etre considéré sous toutes ces qualités, cet assemblage de perfections est la substance à laquelle nous donnons le nom de Dieu, et dont l'essence ne peut être connue, ni l'idée aperçue, qu'autant que nous avons celle de ses attributs ou de ses perfections.

Mettons cependant une réserve à ce que nous avons dit, que l'essence des substances nous était connue. Ce n'est pas à dire que nous connaissions à fond des êtres, tels que l'âme et le corps ; car nous pouvons bien connaître les qualités essentielles, et ignorer en même temps les attributs qui en découlent, tout comme nous pouvons très-bien entendre un principe, sans qu'il suive de-là que nous en découvrions toutes les conséquences. Le défaut de pénétration, d'attention, de réflexion, ne permet pas que nous envisagions un objet par toutes les faces qu'il peut avoir, ni que nous le comparions à tous ceux avec lesquels il a des rapports : ainsi de ce que nous connaissons en général l'essence de l'âme et du corps, on ne doit pas en conclure que nous connaissons l'essence de toutes les âmes et de tous les corps en particulier. Ce qui fait la différence, ce qui distingue l'une de l'autre, c'est peut-être quelque chose de si fin, et de si délicat, qu'il peut nous échapper facilement. Les essences des corps particuliers sont hors de la portée de nos sens, et nous ne les distinguons guère que par des qualités sensibles ; dès-lors l'illusion s'en mêle : nous perdons de vue l'essence réelle, et nous sommes forcés à nous en tenir à l'essence nominale, qui n'est que l'assemblage des qualités sensibles auquel nous avons donné un nom. Voyez le ch. VIe du III. liv. de l'Essai sur l'entendement humain de M. Locke, et plusieurs autres § §. de cet excellent ouvrage.

Je ne sais si le peu que nous avons dit des substances en général, n'est pas ce qu'il y a de plus simple et de plus vrai sur un sujet que l'on couvre de ténèbres à force de vouloir l'analyser. Cela même ne suffirait-il pas pour faire sentir la fausseté de la définition que l'on a donnée des substances, comme étant ce qui est en soi, et conçu par soi-même, ou dont l'idée n'a pas besoin pour être formée de l'idée d'autre chose ? En connoit-on mieux les substances ? Apperçait-on ici l'union de l'idée d'être avec celle d'indépendance de toute autre chose ? Est-on fondé à ajouter à l'essence de la substance ce qui n'est point renfermé dans son idée, savoir l'existence en soi et indépendante de ses attributs ? Ce qui indique assez que ceux qui veulent bâtir un système sur ce principe, et isoler la substance de ses qualités, n'ont d'autre but que de confondre tout sous l'idée d'une seule substance nécessaire, qui nous est et nous sera toujours inconnue, tant qu'on voudra la considérer comme un simple sujet existant dans ses qualités, et indépendamment de ses déterminations, que l'on ne peut en séparer ni les confondre entr'elles sans absurdité. Voyez sur le système de Spinosa une ample réfutation dans un fort bon ouvrage, qui a paru nouvellement sous le titre d'Examen du Fatalisme.

SUBSTANCES ANIMALES, (Chimie) je renfermerai sous cette dénomination générale, toutes les diverses parties des animaux que la Chimie a soumises jusqu'à présent à l'analyse ; et principalement leurs parties solides ou organisées, telles que les chairs (Voyez CHAIR, Anatomie), les tendons, cartilages, os, cornes, ongles ; les écailles proprement dites ; les poils, les plumes, la soie, etc. et il sera d'autant plus convenable de traiter de toutes ces substances dans un seul article, que les Chimistes n'en ont retiré jusqu'à présent que les mêmes principes, et par conséquent qu'elles ne sont proprement qu'un même et unique sujet chimique. Cette identité de nature, soit réelle, soit relative à l'état présent des connaissances chimiques, est principalement observée sur les animaux les plus parfaits, les quadrupedes, les oiseaux, les poissons, les reptiles. Quelques insectes ont une composition différente, mais plutôt entrevue jusqu'à présent que convenablement établie, excepté cependant sur un petit nombre d'espèces, et nommément sur la fourmi, à laquelle nous avons accordé aussi un article particulier. Voyez FOURMI, Chimie.

Certaines parties fluides des animaux ont encore la plus grande analogie chimique avec leurs parties solides, c'est-à-dire que l'analyse vulgaire les résout aussi dans les mêmes principes, à-peu-près. Il est même assez bien connu que l'humeur que j'appelle proprement animale, fondamentale, constituante, savoir la mucosité animale ; et que l'humeur en laquelle celle-ci dégenere immédiatement, savoir la lymphe, que ces humeurs, dis-je, sont au fond une même substance avec les parties solides ou organiques des animaux. Et cette vérité est non - seulement prouvée par l'identité des produits de leur analyse respective, mais encore par l'observation physiologique du changement successif de la mucosité, ou de la lymphe en diverses parties solides ou organisées ; ce changement est surtout singulièrement remarquable dans la production de la soie ; qui est sensiblement dans le ver sous la forme d'une masse uniforme de vraie mucosité, qui a la consistance d'une gelée tendre et légère, se résolvant très-aisément en liqueur, etc. et qui est immédiatement et soudainement changée en filets très-solides, en passant par certaine filière disposée dans la tête du ver. Ainsi analyser de la soie, analyser un cartilage, un os, un muscle, c'est proprement, et quant au fond, analyser de la mucosité, ou de la lymphe animale. Quelques-unes de ces substances solides ne diffèrent réellement de leur matière primordiale, que par une différente proportion, ou plutôt par une surabondance de terre comme nous l'observerons dans la suite de cet article.

Il s'agit donc ici de la lymphe et des parties solides qui en sont formées. Quant à cette humeur générale, ou plutôt cet assemblage, cet océan (comme les Physiologistes l'appelent) de diverses humeurs animales, connu sous le nom de sang, cette substance animale mérite d'être considérée à part, par cette circonstance même d'être un mélange très-composé, non-seulement chargé de la véritable matière animale, c'est-à-dire, de la lymphe, et d'une partie qui lui parait propre et qui le spécifie, savoir la partie rouge ; mais encore de diverses matières excrémenticielles, ou étrangères à la matière animale proprement dite, savoir divers sels, une eau superflue, ou la partie de la boisson surabondante à la réparation ou à la nutrition, les diverses humeurs excrémenticielles, bile, urine, salive, etc. ou du moins leurs matériaux, etc. Aussi trouvera-t-on dans ce Dictionnaire un article particulier SANG, (Chimie) Voyez cet article.

On trouvera aussi un article particulier GRAISSE, (Chimie) et un article LAIT, (Chimie).

Les divers excréments des animaux, soit solides, soit fluides, soit généraux, communs, ou du moins très-ordinaires, comme la matière fécale, la bile, la salive, l'urine, soit particuliers à quelques animaux comme castoreum, civette, musc, etc. ayant chacun une composition particulière, il en est traité dans des articles particuliers. Voyez BILE, FECALE, MATIERE, SALIVE, URINE, etc. CIVETTE, MUSC.

Les Chimistes n'ont point encore découvert la constitution chimique spéciale de la semence des animaux ; ils ne connaissent dans cette liqueur que les qualités communes de la lymphe.

Les produits pierreux de plusieurs animaux, tels que les coquilles, les taies crustoe, les coquilles d'œuf, les perles, les pierres ou calculs, les bésoards, etc. doivent être rangés absolument dans la classe des pierres, et dans le genre des pierres calcaires. Voyez PIERRE et CHAUX, (Chimie) Ces substances ne diffèrent des pierres calcaires vulgaires, qu'en ce que les premières contiennent une plus grande portion de cette colle, gluten, si bien observée par M. Pott dans sa lithogéognosie ; et en ce que le gluten de ces concrétions pierreuses animales, est plus sensiblement la mucosité animale : les os même, et leurs différentes espèces, comme les cornes, l'ivoire, les dents, etc. ne diffèrent chimiquement (c'est-à-dire sans avoir égard à l'organisation) de ces concrétions pierreuses que du plus au moins. Lorsqu'on a enlevé aux os par la décoction, ou qu'on a détruit dans les os par la calcination la matière muqueuse qu'ils contiennent abondamment, ils ne sont plus qu'une pierre calcaire, ou de la chaux. Cette matière muqueuse, dont ils sont naturellement remplis, ne masque même pas tellement leur charpente terreuse, que cette terre ne puisse être enlevée par l'application des acides aux os même récens et inaltérés. C'est à cause de l'enlevement d'une partie de cette terre, que les os ont été ramollis par l'application des acides faibles, que les Anatomistes ont souvent pratiquée en travaillant à découvrir la structure des os ; opération dont ils n'ont pas soupçonné la théorie, qui véritablement n'était pas de leur objet. Cette terre osseuse est surabondante à la mixtion muqueuse, ou plutôt lui est étrangère, et est déposée par une vraie secrétion très-analogue à celle qui fournit l'enduit ou la coque aux œufs, les coquilles, les tayes des crustacées, etc. L'identité chimique de ces matières établit principalement cette analogie, qui mérite au moins que les Physiologistes ajoutent à la doctrine des secrétions un chapitre ou un problême de secretione terrae osseae. On trouvera quelques notions ultérieures sur tout ceci dans quelques articles particuliers. Voyez PIERRE ou CALCUL HUMAIN, voyez PERLE, voyez MERE DE PERLE, voyez HUITRE, etc.

La pierre ou calcul biliaire doit être distinguée des matières pierreuses dont nous venons de faire mention. Voyez PIERRE ou CALCUL HUMAIN.

Une substance animale, telle que nous l'avons spécifiée, distinguée, circonscrite, étant soumise à l'analyse ancienne, c'est-à-dire, distillée sans intermède, fournit constamment, premièrement, au plus leger degré de chaleur, et au bain - marie pour le plus sur (voyez FEU, Chimie) une eau ou un phlegme insipide et proprement inodore (voyez ODORANT, PRINCIPE), c'est-à-dire, non aromatique ; mais chargé pourtant d'un gas, d'une émanation subtile, qui fait reconnaître, redolet, la matière qui la fournit, et qui a un certain caractère du règne auquel cette matière appartient. Cette première eau est, s'il est permis de s'exprimer ainsi, la partie la plus surabondante de l'eau naturellement surabondante dans le règne végétal et dans le règne animal, selon la doctrine de Becher. 2°. Au feu tant soit peu supérieur à la chaleur de l'eau bouillante, un phlegme un peu roussâtre, un peu trouble et fétide, c'est-à-dire, déjà un peu huileux et un peu chargé d'alkali volatil, quoique si faiblement, que ce sel ne s'y manifeste point encore par ses effets ordinaires ; 3°. de l'huîle sensible et distincte, d'abord jaunâtre et assez claire, et qui s'épaissit et devient de plus en plus brune dans les progrès de la distillation, de l'alkali volatil résout, ou esprit volatil, et de l'air ; 4°. de l'huîle de plus en plus dense et noire, une liqueur trouble, aqueuse - huileuse ; chargée d'alkali volatil et d'acide, de l'alkali volatil concret et de l'air. 5°. La dernière violence du feu présente souvent quelques traces de phosphore, un produit lumineux incoercible, ou plutôt irramassable par sa paucité ; du moins plusieurs chimistes assurent la réalité de ce produit, dont d'autres nient l'existence : le sentiment des premiers est le plus probable. 6°. Enfin le produit fixe, ou le résidu de cette distillation est un charbon qui étant calciné, donne une cendre qui est une terre calcaire, et de laquelle, selon l'opinion la plus reçue, on ne retire point de sel par la lixiviation.

Cet acide, que nous venons de compter parmi les produits de la distillation des substances animales, a été contesté, nié par la plus grande partie des chimistes. Ils disaient que l'alkali volatil était le produit propre et exclusif de l'analyse des substances animales, comme l'acide était le produit propre et spécial de l'analyse des végétaux. Ce dogme était une double erreur. Voyez, quant à la dernière assertion, l'article VEGETAL, (Chimie) et quant à la première, savoir à l'exclusion de l'acide obtenu par la violence du feu des substances animales distillées sans intermède, les expériences d'Homberg, Mém. de l'ac. roy. des Scienc. 1712. et celles de M. Pott, Miscell. Berolin. tom. VI. en prouvent incontestablement l'existence. La coexistence d'un acide et d'un alkali dans une même liqueur, sans que ces deux sels y contractent l'union chimique, a été expliquée très-naturellement par l'état huileux de l'un et de l'autre sel, et par l'état semblable de la liqueur, dans laquelle ils sont dissous ou résous. Or que ces deux principes y existent ensemble, et tous les deux libres, nuds, ou si l'on veut très - superficiellement unis, cela est prouvé, non pas par le changement de quelques couleurs végétales alléguées par Homberg et par Lemery le fils, mais assez bien par l'effervescence que cette liqueur subit également par l'affusion d'un acide pur et par celle d'un alkali pur ; et enfin très-bien par l'expérience de M. Pott, qui est en même temps le fait majeur et fondamental sur lequel porte son assertion de l'acide animal, assertio acidi animalis, ce sont ses termes. Voici cette expérience : prenez la liqueur saline élevée dans la distillation à la violence du feu d'une substance animale : séparez-en exactement l'huîle : rectifiez cette liqueur saline jusqu'à ce qu'il ne vous en reste qu'une petite portion : rectifiez de nouveau cette petite portion, selon le procédé d'Homberg, avec le résidu de la première distillation calciné, vous obtiendrez de l'acide, mais en petite quantité. L'auteur ne dit pas à quels signes il le reconnait dans cette première voie de recherche ; mais il le cherche encore dans cette petite portion de résidu de la première rectification, par la voie de la précipitation : il verse sur cette liqueur de l'alkali, ou de la chaux vive ; aussi-tôt on sent naître, dit M. Pott, une odeur d'alkali volatil, que ne donnait point auparavant cette liqueur ; preuve sensible de la présence d'un acide, qui s'est uni à l'alkali fixe ou à la chaux vive, et a laissé échapper un alkali volatil auquel il était joint. La vérité de cette induction est ultérieurement démontrée, en ce que si on a employé de l'alkali fixe, il se change en sel neutre, capable de crystalliser, etc.

On pourrait sans-doute chicaner M. Pott sur tout ceci ; car enfin cette dernière expérience, qui est la seule qui soit énoncée clairement et positivement, ne démontre que du sel ammoniac dans les produits de l'analyse vulgaire des substances animales, ce qui n'est pas ce semble le point contesté. Vainement répondrait - on que le sel ammoniac contenant de l'acide, c'est donner de l'acide, que de donner du sel ammoniac. Ce serait raisonner d'après une logique très-mauvaise en soi, mais éminemment vicieuse lorsqu'on l'appliquerait en particulier aux objets chimiques : et pour s'en tenir au cas particulier dont il s'agit, il est si clair que ce n'est pas d'un pareil acide, de celui d'un sel ammoniac dont il s'agit, que le problème de l'acide animal a toujours été agité entre des gens qui admettaient dans les animaux des sels neutres, au - moins du sel marin, et qu'une objection faite longtemps avant le travail de M. Pott, au célèbre anatomiste Vieussens, qui avait retiré de l'acide du sang, c'est qu'il n'avait obtenu que celui du sel marin contenu naturellement dans cette substance. Toute huîle contient de l'acide, j'en suis convaincu avec M. Pott, je crois même, d'après des expériences particulières, qu'elle est essentiellement composée d'acide comme de soufre. Voyez HUILE. Les substances animales donnent de l'huile, et je sais retirer de l'acide de toute huîle comme du soufre : si après avoir retiré ce produit d'une huîle animale j'en déduisais l'assertion de l'acide animal, je croirais mal conclure, ou du-moins m'exprimer très-inexactement ; en un mot je crois qu'on pourrait me rappeler cette règle générale de logique en méthode chimique, que ce sont les principes immédiats de la composition d'un corps tel, qui sont propres, qui appartiennent à ce corps, et non pas les principes éloignés ou les principes de ses principes. Une substance animale reconnoit-elle l'huîle pour un de ses principes ? question utîle à la connaissance chimique de cette substance ; cette huîle employée à la composition de cette substance est-elle formée d'acide, et cet acide peut-il par les tortures du feu, se manifester dans une analyse vicieuse et presque inutîle d'ailleurs en soi en général ? question aiseuse, inutîle à la découverte de la nature de cette substance ; vue vaine, pouvant induire à erreur, jetant les plus habiles dans des recherches inutiles, entortillées, dans des parallogismes, des sophismes, etc.

Mais M. Pott paraissant s'être borné à démontrer l'existence simple, absolue, générale de l'acide dans les animaux ; on ne peut disconvenir qu'il n'y ait réussi. Quant à la conclusion que ce célèbre chimiste déduit de son travail, lorsqu'il dit, §. XX. que la santé consiste dans l'équilibre de cet acide avec le flegme, la terre, et le phlogistique de nos humeurs, par où il prétend formellement que cet acide est un principe immediat de la mixtion animale : nous ne saurions embrasser ce sentiment, qui évidemment accorde trop à l'analyse par la violence du feu, que les chimistes modernes ont appris à mieux évaluer. Voyez PRINCIPES. L'analyse menstruelle démontre que cet acide n'est point un des principes immédiats de la composition des substances animales : mais l'effet du feu, et des diverses réactions qui surviennent dans les distillations à la violence du feu, est trop connu des vrais chimistes pour qu'on fasse, à l'acide de M. Pott, le reproche vague d'être un nouveau produit, ou une créature du feu, dont M. Pott l'a défendu plus sérieusement, ce me semble, qu'une telle objection ne le méritait ; mais c'est de l'un des vrais principes de la substance animale analysée (je puis démontrer que c'est de l'huile), que cet acide est retiré ; et voilà de quel reproche il fallait l'exempter, ce qui eut été et est encore véritablement fort difficile.

Les Chimistes n'ont encore rien publié sur les substances animales ou sur la substance animale dont il s'agit dans cet article, d'après son examen exécuté par l'analyse menstruelle (voyez MENSTRUELLE, analyse), par conséquent ils n'ont sur cette matière que des notions analogiques, des inductions, des pressentiments.

Les notions positives et exactes sur cette substance peuvent seules donner la connaissance fondamentale, première, vraiment élémentaire, intime, de la formation, de l'accroissement, de la réparation, des altérations spontanées, en un mot de la nature et de toutes les affections purement matérielles, et peut-être même de l'être formel des affections organiques des animaux. (b)