S. f. (Philosophie) l'art de raisonner et de disputer avec justesse.

Ce mot vient du grec , je discours, qui est formé de , et , dico, je dis.

Zénon d'Elée a été le premier qui a découvert la suite naturelle des principes et des conclusions que l'on observe en raisonnant ; il en fit un art en forme de dialogue, qui fut pour cette raison appelé dialectique. Voyez RAISONNEMENT ; voyez aussi l'art. LOGIQUE.

La dialectique des anciens est ordinairement divisée en plusieurs espèces : la première fut celle de Zénon d'élée, appelée éléatique, eleatica ; elle se divisait en trois, savoir, la dialectique des conséquences, celle des conversations, et celle des disputes, consecutionum, collocutionum et contentionum. La première consistait dans les règles qui apprennent à tirer des conclusions ; la seconde dans l'art du dialogue, qui devint d'un usage si universel en Philosophie, que tout raisonnement s'appelait une interrogation. Les Philosophes alors laissant le syllogisme, ne firent plus usage que du dialogue ; c'était au répondant à conclure et à discourir, en conséquence des différentes concessions qu'on lui avait faites. La dernière partie de la dialectique de Zénon, , était contentieuse, ou l'art de disputer et de contredire, quoiqu'il y ait des auteurs, et en particulier Laèrce, qui attribuent cette partie à Protagoras, un des disciples de Zénon. Voyez DIALOGUE et DISPUTE.



La seconde est la dialectique mégarienne, dialectica megarica, dont Euclide est auteur ; non pas Euclide le mathématicien, mais un autre Euclide de Mégare. Il s'attacha beaucoup à la méthode de Zénon et de Protagoras, quoiqu'il y ait deux choses qui le caractérisent ; en premier lieu il attaqua les démonstrations des autres, non par des assertions, mais par des conclusions ; il n'allait que par inductions, de conséquence en conséquence.

En second lieu, Euclide ne faisait jamais usage des arguments qui tirent leur force de quelque comparaison ou ressemblance ; il les croyait de nulle valeur.

Après lui vint Eubulide, auquel on attribue l'invention dangereuse de l'art du sophisme. De son temps on divisait cet art en plusieurs espèces, comme mentiens, fallents, electra, obvelata, acervalis, cornuta, et calva. Voyez SOPHISME.

La troisième est la dialectique de Platon, qu'il propose comme une espèce d'analyse pour diriger l'esprit humain, en divisant, en définissant, et en remontant à la première vérité ou au premier principe ; Platon faisait usage de cette analyse pour expliquer les choses sensibles, mais toujours dans la vue de revenir à la première vérité, à laquelle seule il pouvait s'arrêter. Telle est l'idée de l'analyse de Platon. Voyez ANALYSE, PLATONISME, ACADEMIE, etc.

La quatrième est la dialectique d'Aristote, qui contient la doctrine des simples mots, exposée dans ses livres des prédicaments ; la doctrine des propositions, dans ses livres de interpretatione ; et celle des différentes espèces de syllogisme, dans ses livres des analytiques, topiques et elenchiques. Voyez SYLLOGISME, TOPIQUE, PROPOSITION, etc.

La cinquième est la dialectique des Stoïciens, qu'ils appellent une partie de philosophie, et qu'ils divisent en rhétorique et dialectique, auxquelles on ajoute quelquefois la définitive, par laquelle on définit les choses avec justesse ; on y comprend aussi les règles ou le criterium de la vérité. Voyez EVIDENCE, VERITE, etc.

Les Stoïciens, avant que d'arriver au traité des syllogismes, s'arrêtaient à deux objets principaux, sur la signification des mots, et sur les choses signifiées. A l'occasion du premier article, ils considéraient la multitude des choses qui sont du ressort des Grammairiens, ce que l'on doit entendre par lettres, combien il y en a ; ce que c'est qu'un mot, une diction, une parole ou un discours, etc.

Quant au second article, ils considéraient les choses elles-mêmes, non pas en tant qu'elles sont hors de l'esprit, mais en tant qu'elles y sont reçues par le canal des sens : ainsi leur premier principe est qu'il n'y a rien dans l'entendement qui n'ait passé par les sens, nihil est intellectu quod prius non fuerit in sensu ; et que cela vient aut incursione sui, comme un objet que l'on voit ; aut similitudine, comme par un portrait ; aut proportione, soit par l'augmentation comme un géant, soit par la diminution comme un pygmée ; aut translatione, comme un cyclope ; aut compositione comme un centaure ; aut contrario, comme la mort ; aut privatione, comme un aveugle. Voyez STOÏCIENS.

La sixième est la dialectique d'Epicure : car quoiqu'il semble que ce philosophe ait méprisé la dialectique, il l'a cultivée avec beaucoup d'ardeur : il rejetait seulement celle des Stoïciens, qui attribuaient, selon lui, à leur dialectique beaucoup plus qu'ils ne devaient, parce qu'ils disaient que le seul sage était celui qui était bien versé dans la dialectique. Pour cette raison Epicure paraissant ne faire aucun cas de la dialectique commune, eut recours à un autre moyen, c'est-à-dire à certaines règles ou principes qu'il substitua en sa place, et dont la collection fut appelée canonica. Et comme toutes les questions en Philosophie roulent sur les choses ou sur les mots, de re ou de voce, il fit des règles particulières pour chacun de ces objets. Voyez EPICURIENS. Chambers.