(Jurisprudence) est celui qui est privé de la liberté, et qui est sous la puissance d'un maître.

Suivant le droit naturel tous les hommes naissent libres ; l'état de servitude personnelle est une invention du droit des gens. Voyez ESCLAVE.

Quelques-uns prétendent que les Lacédemoniens furent les premiers qui firent des esclaves, d'autres attribuent cela aux Assyriens, lesquels en effet furent les premiers qui firent la guerre, d'où est venue la servitude ; car les premiers esclaves furent les prisonniers pris en guerre. Les vainqueurs ayant le droit de les tuer, préférèrent de leur conserver la vie, d'où on les appela servi quasi servati, ce qui devint en usage chez tous les peuples qui avaient quelques sentiments d'humanité, c'est pourquoi les lois disent que la servitude a été introduite pour le bien public.



Les Egyptiens, les Grecs avaient des esclaves ; il y en avait aussi chez les Romains, ils inventèrent même plusieurs façons nouvelles d'en acquérir, et firent beaucoup de lois pour régler leur état.

Ceux que les Romains avaient pris en guerre étaient appelés mancipia quasi manu capta ; on faisait cependant une différence de ceux, qui, après avoir mis bas les armes, se rendaient au peuple romain ; on ne les mettait point dans l'esclavage, ils étaient maintenus dans tous leurs privilèges, et demeuraient libres ; on les faisait seulement passer sous le joug pour marquer qu'ils étaient soumis à la puissance romaine : on les appelait dedititii quia se dederant, au lieu que ceux qui étaient pris les armes à la main ou dans quelque siège devenaient vraiment esclaves.

Les Romains en achetaient aussi du butin fait sur les ennemis, et de la part réservée pour le public, ou de ceux qui les avaient pris en guerre, ou des marchands qui en faisaient trafic et les vendaient dans les marchés.

Il y avait aussi des hommes libres qui se vendaient eux-mêmes. Les mineurs étaient restitués contre ces ventes, les majeurs ne l'étaient pas. Cette servitude volontaire fut introduite par un decret du sénat du temps de l'empereur Claude, et abrogée par Léon le Sage par sa novelle 44.

Les enfants nés d'une femme esclave étaient aussi esclaves par la naissance, suivant la maxime du droit romain, partus sequitur ventrem.

Enfin la peine de ceux qui s'étaient rendus indignes de la liberté, était de tomber dans l'esclavage, ce qui arrivait à tous ceux qui avaient commis quelqu'action déshonorante et odieuse, tels que ceux qui s'étaient soustraits au dénombrement, ceux qui avaient déserté en temps de guerre, les affranchis qui étaient ingrats envers leur patron. Lorsqu'un criminel était condamné à quelque peine capitale, la peine était souvent commuée en celle de l'esclavage. Les femmes libres qui étaient devenues amoureuses d'un esclave participaient aussi à sa condition, mais Justinien abolit cette peine.

Quoique les esclaves fussent tous de même condition, on les distinguait cependant par différents titres, selon l'emploi qu'ils avaient chez leur maître.

Ainsi servi actores étaient les intendants et économes des familles.

Ad manum, celui qui était propre à tout et employé à toutes sortes d'usages.

Ad limina custos, celui qui gardait l'entrée de la maison. Voyez ci-après Atriensis.

Admissionales, ceux qui introduisaient chez les princes.

Adscriptii ou glebae adscripti, ceux qui étaient attachés à la culture d'une certaine terre, tellement qu'ils ne pouvaient être vendus qu'avec cette terre.

Ad vestem, celui qui avait soin des habits et de la garde-robe.

A manu ou amanuensis, le secrétaire.

Analectae, ceux qui avaient soin de ramasser ce qui était tombé d'un festin, et de balayer la salle où l'on mangeait.

Ante-ambulones, ceux qui conduisaient leurs maîtres pour leur faire faire place.

Aquarii, les porteurs d'eau.

Arcarii, ceux qui gardaient la caisse des marchands et banquiers.

Atriensis, celui qui gardait l'atrium de la maison où l'on voyait les images de cire des ancêtres d'une famille et les meubles ; on donnait aussi ce nom au concierge ou garde-meubles.

Aucupes, ceux qui chassaient aux oiseaux.

Balneatores, les baigneurs. Voyez Unctores.

Calatores, ceux qui convoquaient les assemblées du peuple par curies et par centuries, ou les autres assemblées des prêtres et des pontifes.

Calculatores, calculateurs qui se servaient pour compter de petites pierres au lieu de jetons.

Capsarii, ceux qui gardaient dans les bains les habits de ceux qui se baignaient. On donnait aussi ce nom à ceux qui suivaient les enfants de qualité allant aux lieux des exercices, et qui portaient leurs livres, à ceux qui tenaient la caisse des marchands et banquiers, enfin à ceux qui faisaient des caisses et des coffres à mettre de l'argent. Voyez Arcarii.

Cellarius, celui qui avait soin du cellier et de la dépense.

Cubicularius, celui qui était à la chambre du prince, un valet-de-chambre.

Cursores, couriers, ceux qui portaient des nouvelles.

Dispensator, celui qui faisait la dépense d'une famille, qui achetait et payait tout.

Emissarii, maquignons de maîtresses et de chevaux, ou émissaires qui cherchaient à découvrir quelque fait caché.

Ab ephemeride, celui qui avait soin de consulter le calendrier romain, et d'avertir son maître du jour des calendes, des nones, et des ides.

Ab epistolis, celui qui écrivait sous son maître les lettres qu'il lui dictait, et servait de secrétaire.

Fornacator, qui allumait le fourneau des bains.

Janitores, portiers qui gardaient la porte pour l'ouvrir et la fermer.

Lecticarii, ceux qui portaient la litière de leur maître, et ceux qui faisaient des litières.

Liaetarii, ceux qui avaient soin des salles destinées à manger en été.

Librarii, qui transcrivaient les livres en notes abrégées.

Medici, ceux qui savaient et pratiquaient la Médecine.

Ministri ad ea quae sunt quietis, ceux qui faisaient faire silence. Voyez Silentiarii.

Molitores, ceux qui battaient le blé pour en tirer la farine avant l'usage des moulins.

Negociatores, ceux qui trafiquaient et négociaient.

Nomenclatores ou nomenculatores, ceux qui accompagnaient leurs maîtres et leur disaient les noms de ceux qui passaient.

Nutritii, ceux qui avaient soin de nourrir et élever les enfants.

Obsonatores, ceux qui allaient à la provision, qui achetaient des vivres.

Ostiarii, les portiers. Voyez Janitores.

Pastores, bergers.

A pedibus, valet-de-pié.

Peniculi, qui avaient soin de nettoyer la table avec une éponge.

Pistores, ceux qui faisaient le pain.

Pocillatores ou ad scyathos, les échansons, ceux qui versaient à boire.

Poenae, c'était un criminel qui était condamné aux mines.

Pollinctor, celui qui avait soin de laver, d'oindre, et d'ajuster les corps des défunts.

Praegustator, qui faisait l'essai du vin en servant son maître.

Procurator, qui avait le soin des affaires de son maître.

Saccularii, ceux qui enlevaient d'un sac l'argent par des tours d'adresse.

Saltuarii, gardes bois.

Salutigeri, ceux qui allaient souhaiter le bon jour de la part de leurs maîtres.

Scoparii, les balayeurs, ceux qui avaient soin de nettoyer les latrines et les bassins des chaises-percées.

Ad scyathos. Voyez Pocillatores.

Silentiarii, ceux qui faisaient faire silence parmi les autres esclaves.

Structores, qui servaient et rangeaient les plats sur table.

Venatores, qui chassaient pour le maître.

Ad vestem ou à veste, valets de garde-robe.

Vestipici, ceux qui gardaient les habits, valets de garde-robe.

Villicus, qui avait soin du bien de campagne.

Vividarii, qui avaient soin des vergers et boulingrins.

Vocatores, qui allaient convier à manger, les semoneurs.

Unctores, ceux qui oignaient avec des huiles de senteur les corps de ceux qui s'étaient baignés.

Les esclaves n'étaient point mis au rang des personnes, on ne les regardait que comme des biens. Ils ne participaient point aux droits de la société ; tout ce qu'ils acquéraient tournait au profit de leur maître ; ils pouvaient faire sa condition meilleure, mais non pas l'engager à son détriment : ils ne pouvaient contracter mariage ni aucune autre obligation civîle ; mais quand ils promettaient quelque chose, ils étaient obligés naturellement ; ils étaient aussi obligés par leurs délits : ils ne pouvaient faire aucune disposition à cause de mort, ni être institués héritiers, ni être témoins dans aucun acte ; ils ne pouvaient accuser leur maître ni l'actionner en justice.

Par l'ancien droit romain, les maîtres avaient droit arbitraire de vie et mort sur les esclaves, la plupart des autres nations n'en usaient pas ainsi ; cette sévérité fut adoucie par les lois des empereurs, et Adrien décerna la peine de mort contre ceux qui tueraient leurs esclaves sans raison, et même lorsque le maître usait trop cruellement du droit de correction qu'il avait sur son esclave, on l'obligeait de le vendre.

Le commerce des esclaves et de leurs enfants fut toujours permis à Rome ; ceux qui vendaient un esclave étaient obligés de le garantir et d'exposer ses défauts corporels aussi-bien que ceux de son caractère : il fut même ordonné par les édiles, que quand on menerait un esclave au marché pour le vendre, on lui attacherait un écriteau sur lequel toutes ses bonnes et mauvaises qualités étaient marquées ; à l'égard de ceux qui venaient des pays étrangers, comme on ne les connaissait pas assez pour les garantir, on les exposait pieds et mains liées dans le marché, ce qui annonçait que le maître ne se rendait point garant de leurs bonnes ou mauvaises qualités.

L'affranchissement ou manumission était ordinairement la récompense des esclaves dont les maîtres étaient les plus satisfaits. Il se faisait de trois manières : savoir, manumissio per vindictam, lorsque le maître présentait son esclave au magistrat ; depuis Constantin ces sortes d'affranchissements se firent dans les églises : ou bien manumissio per epistolam et inter amicos, lorsque le maître l'affranchissait dans un repas qu'il donnait à ses amis ; enfin manumissio per testamentum, celle qui était faite par testament : l'effet de tous ces différents affranchissements était de donner à l'esclave la liberté.

La loi fusia caninia avait restreint le nombre d'esclaves qu'on pouvait affranchir par testament, et voulait qu'ils fussent désignés par leur nom propre ; mais cette loi fut abrogée par Justinien en faveur de la liberté.

L'esclavage n'ayant point été aboli par la loi de l'évangile, la coutume d'avoir des esclaves a duré encore longtemps depuis le Christianisme, tant chez les Romains que chez plusieurs autres nations ; il y a encore des pays où les esclaves sont communs, comme en Pologne, où les paysans sont naturellement esclaves des gentilshommes.

En France il y avait aussi autrefois des esclaves de même que chez les Romains, ce qui vint de ce que les Francs laissèrent vivre les Gaulois et les Romains suivant leurs lois et leurs coutumes.

Childebert ordonna en 554, que l'on ne passât point en débauches les nuits des vigiles de pâques, noèl, et autres fêtes, à peine contre les contrevenans de condition servîle et de cent coups de verge.

Outre les véritables esclaves, il y avait en France beaucoup de serfs, qui tenaient un état mitoyen entre la servitude romaine et la liberté. Louis le Gros affranchit tous ceux qui étaient dans les terres de son domaine, et il obligea peu-à-peu les seigneurs de faire la même chose dans leurs terres. S. Louis et ses successeurs abolirent aussi autant qu'ils purent toutes les servitudes personnelles. Il y a pourtant encore des serfs de main-morte dans quelques coutumes, qui sont en quelque sorte esclaves. Voyez SERFS.

Il y avait même encore quelques esclaves en France dans le XIIIe siècle ; en effet Philippe le Bel, en 1296, donna à Charles de France son frère comte de Valais, un juif de Pontaise, et il paya 300 liv. à Pierre de Chambly pour un juif qu'il avait acheté de lui.

Mais présentement en France toutes personnes sont libres, et si-tôt qu'un esclave y entre, en se faisant baptiser il acquiert sa liberté, ce qui n'est établi par aucune loi, mais par un long usage qui a acquis force de loi.

Il ne reste plus d'esclaves proprement dits dans les pays de la domination de France, que dans les îles françaises de l'Amérique ; l'édit du mois de Mars 1685, appelé communément le code noir, contient plusieurs règlements par rapport aux negres que l'on tient esclaves dans ces iles.

Cet édit ordonne que tous les esclaves qui seront dans les îles françaises seront baptisés, instruits dans la religion catholique, apostolique, et romaine : il est enjoint aux maîtres qui acheteront des negres nouvellement arrivés, d'en avertir dans huitaine les gouverneurs et intendants des iles, qui donneront les ordres pour les faire instruire et baptiser dans le temps convenable.

Les maîtres ne doivent point permettre ni souffrir que leurs esclaves fassent aucun exercice public ni assemblée, pour aucune autre religion.

On ne doit préposer à la direction des negres que des commandeurs faisant profession de la religion catholique, à peine de confiscation des negres contre les maîtres qui les auraient préposés, et de punition arbitraire contre les commandeurs qui auraient accepté cette charge.

Il est défendu aux Religionnaires d'apporter aucun trouble à leurs esclaves dans l'exercice de la religion catholique, à peine de punition exemplaire.

Il est pareillement défendu de faire travailler les esclaves les dimanches et fêtes, depuis l'heure de minuit jusqu'au minuit suivant, soit à la culture de la terre, à la manufacture des sucres, ou autres ouvrages, à peine d'amende et de punition arbitraire contre les maîtres, et de confiscation tant des sucres que des esclaves qui seront surpris dans le travail.

On ne doit pas non plus tenir ces jours-là le marché des negres, sur pareilles peines, et d'amende arbitraire contre les marchands.

Les hommes libres qui ont un ou plusieurs enfants de leur concubinage avec leurs esclaves, et les maîtres qui l'ont souffert, sont condamnés chacun à une amende de 2000 livres de sucre ; et si c'est le maître de l'esclave, il est en outre privé de l'esclave et des enfants, elle et eux sont confisqués au profit de l'hôpital, sans pouvoir jamais être affranchis. Ces peines n'ont cependant point lieu, lorsque le maître n'étant point marié à une autre, épouse en face d'église son esclave, laquelle est affranchie par ce moyen et les enfants rendus libres et légitimes.

Toutes les formalités prescrites par les ordonnances sont nécessaires pour le mariage des esclaves, excepté le consentement des père et mère de l'esclave ; celui du maître suffit. Les curés ne doivent point marier les esclaves sans qu'on leur fasse apparoir de ce consentement. Il est aussi défendu aux maîtres d'user d'aucune contrainte sur leurs esclaves pour les marier contre leur gré.

Les enfants qui naissent d'un mariage entre esclaves sont aussi esclaves, et appartiennent aux maîtres des femmes esclaves, et non à ceux de leur mari, si le mari et la femme ont des maîtres différents.

Lorsqu'un esclave épouse une femme libre, les enfants tant mâles que femelles suivent la condition de leur mère, et sont libres comme elle nonobstant la servitude de leur père ; et si le père est libre et la mère esclave, les enfants sont pareillement esclaves.

Les maîtres doivent faire inhumer dans les cimetières destinés à cet effet, les esclaves baptisés. Ceux qui décedent sans avoir reçu le baptême, sont inhumés dans quelque champ voisin du lieu où ils sont décédés.

Les esclaves ne peuvent porter aucunes armes offensives, ni de gros bâtons, à peine du fouet et de confiscation des armes au profit de celui qui les en trouvera saisis ; à l'exception de ceux qui sont envoyés à la chasse par leurs maîtres, et qui sont porteurs de leur billet ou marque connue.

Il est défendu aux esclaves de différents maîtres de s'attrouper, soit le jour ou la nuit, sous prétexte de nôces ou autrement, soit chez un de leurs maîtres ou ailleurs, encore moins dans les grands chemins ou lieux écartés, à peine de punition corporelle, qui ne peut être moindre que du fouet, et de la fleur-de-lis ; et en cas de fréquentes récidives et autres circonstances aggravantes, ils peuvent être punis de mort.

Les maîtres convaincus d'avoir permis ou toléré telles assemblées, composées d'autres esclaves que de ceux qui leur appartiennent, sont condamnés en leur propre et privé nom, à réparer tout le dommage qui aura été fait à leurs voisins à l'occasion de ces assemblées, en dix écus d'amende pour la première fais, et au double en cas de récidive.

Il est défendu aux esclaves de vendre des cannes de sucre pour quelque cause ou occasion que ce sait, même avec la permission de leur maître, à peine du fouet contre l'esclave, de dix livres contre le maître qui l'aura permis, et pareille amende contre l'acheteur.

Ils ne peuvent aussi exposer en vente au marché, ni porter dans les maisons pour vendre, aucunes denrées, fruits, légumes, bois, herbes, bestiaux de leurs manufactures, sans permission expresse de leurs maîtres par un billet ou par des marques connues, à peine de revendication des choses ainsi vendues sans restitution du prix par le maître, et de six livres d'amende à son profit contre l'acheteur. Il doit y avoir dans chaque marché deux personnes préposées pour tenir la main à cette disposition.

Les maîtres sont tenus de fournir chaque semaine à leurs esclaves, âgés de dix ans et au-dessus, pour leur nourriture, deux pots et demi mesure du pays de farine de Magnoc, ou trois cassaves pesant deux livres et demie chacun au moins, ou choses équivalant, avec deux livres de bœuf salé, ou trois livres de poisson, ou autres choses à proportion ; et aux enfants depuis qu'ils sont sevrés jusqu'à l'âge de dix ans, on doit fournir la moitié des mêmes vivres.

Il est défendu aux maîtres de donner aux esclaves de l'eau-de-vie de canne guildent, pour tenir lieu de ces vivres, ni de se décharger de la nourriture de leurs esclaves, en leur permettant de travailler certain jour de la semaine pour leur compte particulier.

Chaque esclave doit avoir par an deux habits de toile, ou quatre aulnes de toîle au gré du maître.

Les esclaves qui ne sont point nourris, vêtus, et entretenus par leur maître, selon le règlement, peuvent en donner avis au procureur du roi, et mettre leurs mémoires entre ses mains, sur lesquels et même d'office les maîtres peuvent être poursuivis à sa requête et sans frais. La même chose doit être observée pour les crieries et traitements inhumains des esclaves.

Ceux qui deviennent infirmes par vieillesse, maladie, ou autrement, soit que la maladie soit incurable ou non, doivent être nourris et entretenus par leur maître ; et en cas qu'il les eut abandonnés, les esclaves sont adjugés à l'hôpital, auquel les maîtres sont condamnés de payer six sous par jour pour chaque esclave pour sa nourriture et entretien.

Les esclaves ne peuvent rien avoir qui ne soit à leur maître ; et tout ce qui leur vient par industrie ou par la libéralité d'autres personnes ou autrement, est acquis en pleine propriété à leur maître, sans que les enfants des esclaves, leurs père et mère, leurs parents, et tous autres libres ou esclaves, puissent rien prétendre par succession, disposition entre-vifs ou à cause de mort ; lesquelles dispositions sont nulles, ensemble toutes promesses et obligations qu'ils auraient faites, comme étant faites par gens incapables de disposer et de contracter de leur chef.

Les maîtres sont néanmoins tenus de ce que les esclaves ont fait par leur ordre, et de ce qu'ils ont géré et négocié dans la boutique, et pour le commerce auquel le maître les a préposés ; mais le maître n'est tenu que jusqu'à concurrence de ce qui a tourné à son profit. Le pécule que le maître a permis à son esclave, en est tenu après que le maître en a déduit par préférence ce qui peut lui en être dû. à moins que le pécule ne consistât en tout ou partie en marchandise, dont les esclaves auraient permission de faire trafic à part : le maître y viendrait par contribution avec les autres créanciers.

On ne peut pourvoir un esclave d'aucun office ni commission ayant quelque fonction publique, ni les constituer à gens pour autres que leur maître : ils ne peuvent être arbitres ; et si on les entend comme témoins, leur déposition ne sert que de mémoire, sans qu'on en puisse tirer aucune présomption, ni conjecture, ni adminicule de preuve : ils ne peuvent ester en jugement en matière civile, soit en demandant ou défendant, ni être partie civîle en matière criminelle.

On peut les poursuivre criminellement sans qu'il soit besoin de rendre le maître partie, sinon en cas de complicité.

L'esclave qui frappe son maître, ou la femme de son maître, sa maîtresse, ou leurs enfants, avec contusion de sang, ou au visage, est puni de mort. Les autres excès commis sur des personnes libres, les vols, sont aussi punis sévèrement, même de mort s'il y échet.

En cas de vol ou autre dommage causé par l'esclave, outre la peine corporelle qu'il subit, le maître doit en son nom réparer le dommage, si mieux il n'aime abandonner l'esclave ; ce qu'il doit opter dans trois jours.

Un esclave qui a été en fuite pendant un mois, à compter du jour que son maître l'a dénoncé en justice, a les oreilles coupées et est marqué d'une fleur-de-lis sur l'épaule ; la seconde fois il est marqué de même, et on lui coupe le jarret ; la troisième fois il est puni de mort.

Les affranchis qui donnent retraite aux esclaves fugitifs, sont condamnés par corps envers leur maître en l'amende de 300 livres de sucre pour chaque jour de retention.

L'esclave que l'on punit de mort sur la dénonciation de son maître, non complice du crime, est estimé avant l'exécution par deux personnes nommées par le juge, et le prix de l'estimation est payé au maître ; à l'effet de quoi il est imposé par l'intendant sur chaque tête de negre payant droit.

Il est permis aux maîtres, lorsque leurs esclaves l'ont mérité, de les faire enchainer, de les faire battre de verges ou de cordes ; mais ils ne peuvent leur donner la torture, ni leur faire aucune mutilation de membre, à peine de confiscation des esclaves. Si un maître ou un commandeur tue un esclave à lui soumis, il doit être poursuivi criminellement ; mais s'il y a lieu de l'absoudre, il n'est pas besoin pour cela de lettres de grâce.

Les esclaves sont meubles, et comme tels entrent en communauté ; ils n'ont point de suite par hypothèque, se partagent également entre les héritiers, sans préciput ni droit d'ainesse ; ils ne sont point sujets au douaire coutumier, ni aux retraits féodal et lignager, aux droits seigneuriaux, aux formalités des decrets, ni au retranchement des quatre quints : on peut cependant les stipuler propres à soi, et aux siens de son côté et ligne.

Dans la saisie des esclaves, on suit les mêmes règles que pour les autres saisies mobiliaires ; il faut seulement observer que l'on ne peut saisir et vendre le mari et la femme et leurs enfants impuberes, s'ils sont tous sous la puissance du même maître. On doit observer la même chose dans les ventes volontaires.

Les esclaves âgés de 14 ans et au-dessus jusqu'à 60, travaillant actuellement dans les sucreries, indigoteries, et habitations, ne peuvent être saisis pour dettes, sinon pour ce qui sera dû sur le prix de leur achat, ou que la sucrerie, indigoterie, ou habitation, soit saisie réellement, les esclaves de cette qualité étant compris dans la saisie réelle.

Les enfants nés des esclaves depuis le bail judiciaire, n'appartiennent point au fermier, mais à la partie saisie, et sont ajoutés à la saisie réelle. On ne distingue point dans l'ordre le prix des esclaves de celui du fonds ; mais les droits seigneuriaux ne sont payés qu'à proportion du fonds.

Les lignagers et seigneurs féodaux ne peuvent retirer les fonds decretés, sans retirer les esclaves vendus avec le fonds.

Les gardiens nobles et bourgeois, usufruitiers, admodiateurs, et autres, jouissant des fonds auxquels sont attachés des esclaves qui travaillent, doivent gouverner ces esclaves comme bons pères de famille, sans qu'ils soient tenus après leur administration de rendre le prix de ceux qui sont décédés ou diminués par maladie, vieillesse ou autrement, sans leur faute. Ils ne peuvent aussi leur retenir comme fruits les enfants nés des esclaves durant leur administration, lesquels doivent être rendus au propriétaire.

L'édit de 1685 permettait aux maîtres âgés de 20 ans, d'affranchir leurs esclaves par acte entre-vifs, ou à cause de mort, sans être obligés d'en rendre raison, et sans avis de parents. Mais la déclaration du 15 Décembre 1723 défend aux mineurs, quoiqu'émancipés, de disposer des negres qui servent à exploiter leurs habitations, jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de 25 ans accomplis, sans néanmoins que les negres cessent d'être réputés meubles par rapport à tous autres effets.

Les enfants d'esclaves qui sont nommés légataires universels par leur maître, ou nommés exécuteurs de son testament, ou tuteurs de ses enfants, sont réputés affranchis.

Ceux qui sont affranchis sont réputés régnicoles, sans qu'ils aient besoin de lettres de naturalité.

Les affranchis sont obligés de porter un respect singulier à leurs anciens maîtres, à leurs veuves, et à leurs enfants ; en sorte que l'injure qu'ils leur font est punie plus grievement que si elle était faite à une autre personne : du reste les anciens maîtres ne peuvent prétendre d'eux aucun service ni droit sur leurs personnes et biens, ni sur leur succession.

Enfin l'édit accorde aux affranchis les mêmes droits, privilèges, et immunités dont jouissent les personnes nées libres.

L'édit du mois d'Octobre 1716, en confirmant celui de 1685, ordonne que lorsqu'un maître voudra amener en France un esclave negre, soit pour le fortifier dans notre religion, soit pour lui faire apprendre quelque art ou métier, il en obtiendra la permission du gouverneur ou commandant, qu'il la fera enregistrer au greffe de la juridiction du lieu de sa résidence avant son départ, et en celui de l'amirauté du lieu du débarquement, huitaine après l'arrivée en France. La même chose doit être observée, lorsque les maîtres envoyent leurs esclaves en France ; et au moyen de ces formalités, les esclaves ne pourront prétendre avoir acquis leur liberté sous prétexte de leur arrivée en France, et sont tenus de retourner dans les colonies quand leurs maîtres jugent à-propos.

Il est aussi défendu à toutes personnes d'enlever ni de soustraire en France les esclaves negres de la puissance de leurs maîtres, à peine de répondre de la valeur, et de 1000 livres d'amende pour chaque contravention.

Les esclaves negres de l'un et de l'autre sexe amenés ou envoyés en France, ne peuvent s'y marier sans le consentement de leurs maîtres ; et en vertu de ce consentement, les esclaves deviennent libres.

Pendant le séjour des esclaves en France, tout ce qu'ils peuvent acquérir par leur industrie ou par leur profession, en attendant qu'ils soient renvoyés dans les colonies, appartient à leurs maîtres, à la charge par ceux-ci de les nourrir et entretenir.

Si le maître qui a amené ou envoyé des esclaves en France vient à mourir, les esclaves restent sous la puissance des héritiers du maître décédé, lesquels doivent renvoyer les esclaves dans les colonies avec les autres biens de la succession, conformément à l'édit du mois de Mars 1685 ; à moins que le maître décédé ne leur eut accordé la liberté par testament ou autrement, auquel cas les esclaves seraient libres.

Les esclaves venant à décéder en France, leur pécule, si aucun y a, appartient à leur maître.

Il n'est pas permis aux maîtres, de vendre ni d'échanger leurs esclaves en France ; ils doivent les renvoyer dans les colonies pour y être négociés et employés, suivant l'édit de 1685.

Les esclaves negres étant sous la puissance de leur maître en France, ne peuvent ester en jugement en matière civile, que sous l'autorité de leurs maîtres.

Il est défendu aux créanciers du maître de saisir les esclaves en France pour le payement de leur dû ; sauf à eux à les faire saisir dans les colonies, en la forme prescrite par l'édit de 1685.

En cas que quelques esclaves quittent les colonies sans la permission de leurs maîtres ; et qu'ils se retirent en France, ils ne peuvent prétendre avoir acquis leur liberté ; et il est permis à leurs maîtres de les réclamer par-tout où ils pourront s'être retirés, et de les renvoyer dans les colonies : il est même enjoint aux officiers des amirautés et autres qu'il appartiendra, de prêter main-forte aux maîtres pour faire arrêter les esclaves.

Les habitants des colonies qui étant venus en France s'y établissent et veulent vendre leurs habitations, sont tenus dans un an du jour de la vente, et qu'ils auront cessé d'être colons, de renvoyer dans les colonies les esclaves negres de l'un et de l'autre sexe, qu'ils ont amenés ou envoyés dans le royaume. La même chose doit être observée par les officiers, un an après qu'ils ne seront plus employés dans les colonies ; et faute par les maîtres ou officiers de renvoyer ainsi leurs esclaves, ils seront libres.

Voyez, au digeste, les titres de servo corrupto ; de servis exportandis, etc. de fugitivis ; et au code de servis et colonis, si servus exportandus veneat ; si mancipium ita fuerit alienatum, etc. si mancipium ita venierit, etc. de furtis et servo corrupto ; si servus extraneo se emi mandaverit ; de servis reipublicae manumittendis ; de servo pignori dato manumisso, et les novelles de Léon, 9, 10, 11, 100, et 101. Voyez aussi AFFRANCHISSEMENT, MANUMISSION, SERF, SERVITEUR. (A).

* ESCLAVE, (Mythologie) Hercule en était le dieu tutélaire. Hérodote dit que le temple que les Egyptiens lui avaient élevé, était un asîle pour les esclaves.