S. m. (Jurisprudence et Commerce) signifie le prototype ou l'exemple des poids et des mesures dont tout le monde se sert dans un lieu pour la livraison des denrées et marchandises qui se livrent par poids ou par mesure.

Comme on a senti de tout temps la nécessité de régler les poids et les mesures, afin que chacun en eut d'uniformes dans un même lieu, on a aussi bientôt reconnu la nécessité d'avoir des étalons ou prototypes, soit pour régler les poids et mesures que l'on fabrique de nouveau, soit pour confronter et vérifier ceux qui sont déjà fabriqués, pour voir s'ils ne sont point altérés, soit par l'effet du temps, ou par un esprit de fraude, et si l'on ne vend point à faux poids ou à fausse mesure.



Les Hébreux nommaient cette mesure originale, ou matrice, scahac, quasi portam mensurarum aridorum, la porte par laquelle toutes les autres mesures des arides devaient passer pour être jugées. Ils marquaient ensuite d'une lettre ou de quelqu'autre caractère, les mesures qui avaient passé par cet examen, et cette marque était appelée mensura judicis. Il y avait aussi des étalons pour la mesure des liquides et pour les poids.

Les Grecs nommaient l'étalon des mesures , c'est-à-dire le prototype des mesures.

Les Romains le nommaient simplement mensura, par excellence, comme étant la mesure à laquelle toutes les autres devaient être conformes.

M. Menage croit que le terme étalon vient du latin est talis, et que l'on a aussi appelé la mesure originale, pour dire que cette mesure qui est exposée dans un lieu public, est telle qu'elle doit être, ou plutôt que les autres mesures doivent être telles et conformes à celle-ci : mais il est plus probable que ce terme vient du saxon stalone, qui signifie mesure.

On disait autrefois estellons ou estelons, pour étalons, comme on le voit dans les coutumes de Tours, art. 41 ; Lodunais, chap. IIe art 3 et 4. et Bretagne, art. 698, 799, et 700.

Les étalons des poids et mesures ont toujours été gardés avec grande attention. Les Hébreux les déposaient dans le temple, d'où viennent ces termes si fréquents dans les livres saints : le poids du sanctuaire, la mesure du sanctuaire.

Les Athéniens établirent une compagnie de quinze officiers appelés , mensurarum curatores, qui avaient la garde des étalons : c'étaient eux aussi qui réglaient les poids et mesures.

Du temps du paganisme, les Romains les gardaient dans le temple de Jupiter au capitole, comme une chose sacrée et inviolable ; c'est pourquoi la mesure originale était surnommée capitolina.

Les empereurs chrétiens ordonnèrent que les étalons des poids et mesures seraient gardés par les gouverneurs ou premiers magistrats des provinces. Honorius chargea le préfet du prétoire de l'étalon des mesures, et confia celui des poids au magistrat appelé comes sacrarum largitionum, qui était alors ce qu'est aujourd'hui chez nous le contrôleur-général des finances.

Justinien rétablit l'usage de conserver les étalons dans les lieux saints ; il ordonna que l'on vérifierait tous les poids et toutes les mesures, et que les étalons en seraient gardés dans la principale église de Constantinople ; il en envoya de semblables à Rome, et les adressa au sénat comme un dépôt digne de son attention. La novelle 118 dit aussi que l'on en gardait dans chaque église ; il y avait des boisseaux d'airain ou de pierre, et autres mesures différentes.

En France, les étalons des poids et mesures étaient autrefois gardés dans le palais de nos rais. Charles-le-Chauve renouvella en 864 le règlement pour les étalons ; il ordonna que toutes les villes et autres lieux de sa domination, rendraient leurs poids et mesures conformes aux étalons royaux qui étaient dans son palais, et enjoignit aux comtes et autres magistrats des provinces d'y tenir la main : ce qui fait juger qu'ils étaient aussi dépositaires d'étalons, conformes aux étalons originaux, que l'on conservait dans le palais du roi. On en conservait aussi dans quelques monastères et autres lieux publics.

Le traité fait en 1222 entre Philippe-Auguste et l'évêque de Paris, fait mention des mesures de vin et blé comme un droit royal que le prince se réserve, et dont le prévôt de Paris avait la garde. Le roi céda seulement à l'évêque les droits utiles qui se levaient dans les marchés, pour en jouir de trois semaines l'une, et ordonna au prévôt de paris de faire livrer les mesures aux officiers de l'évêque : mais cela concerne plutôt le droit de mesurage, que la garde des étalons.

Sous le règne de Louis VII. la garde des mesures de Paris fut confiée au prévôt des marchands. Les statuts donnés par S. Louis au jurés-mesureurs font mention, qu'aucun mesureur ne pourrait se servir d'aucune mesure à grain qu'elle ne fût signée, c'est-à-dire marquée du seing du roi ; qu'autrement il serait en la merci du prevôt de Paris : que si sa mesure n'était pas signée, il devait la porter au parloir aux bourgeois pour y être justifiée et signée.

Les auteurs du Gallia Christiana, tome VII. col. 253. rapportent qu'avant l'an 1684, temps auquel la chapelle S. Leufroy fut démolie pour agrandir les prisons du grand châtelet, on y voyait une pierre qui était taillée en forme de mitre, qui était le modèle des mesures et des poids de Paris, et que de-là était venu l'usage de renvoyer à la mitre de la chapelle de S. Leufroy, quand il survenait des contestations sur les poids et les mesures. M. l'abbé Lebœuf, dans sa description du diocese de Paris, tome I. pense que cette pierre, qui par sa forme devait être antique, avait apparemment été apportée du premier parloir aux bourgeois, qui était contigu à cette église de Saint Leufroy ; il observe que ce parloir et un autre (situé ailleurs) ont été le berceau de l'hôtel de ville de Paris (où l'on a depuis transféré les étalons des poids et mesures). Il y a encore en quelques villes de provinces des étalons de pierre, pour la vérification des mesures.

Le roi Henri II. ordonna en 1557, que les étalons des gros poids et mesures seraient gardés dans l'hôtel de ville de paris.

Lorsqu'on établit en titre à Paris des jurés-mesureurs pour le sel, qui faisait alors l'objet le plus important du commerce par eau dans cette ville, on leur donna la garde des étalons de toutes les mesures des arides : c'est pour la garde de ce dépôt qu'ils ont une chambre dans l'hôtel de ville.

Les Apoticaires et Epiciers de Paris ont conjointement la garde de l'étalon des poids de la ville, tant royal que medicinal ; ils ont même, par leurs statuts, le droit d'aller deux ou trois fois l'année, assistés d'un juré-balancier, visiter les poids et balances de tous les marchands et artisans de Paris ; c'est de-là qu'ils prennent pour devise lances et pondera servant.

Il faut neanmoins excepter les orfèvres, qui ne sont sujets à cet égard qu'à la visite des officiers de la cour des monnaies, attendu que l'étalon du poids de l'or et de l'argent qui était anciennement gardé dans le palais du roi, est gardé à la cour des monnaies depuis l'ordonnance de 1540.

Les Merciers prétendent aussi n'y être pas sujets.

Pour ce qui est des provinces, la plus grande partie de nos coutumes donnent aux seigneurs hauts-justiciers, et même aux moyens, le droit de garder les étalons des poids et mesures, et d'en étalonner tous les poids et mesures dont on se sert dans les justices de leur ressort.

Les coutumes de Tours et de Poitou veulent que le seigneur qui a droit de mesure en dépose l'étalon dans l'hôtel de la ville la plus proche, si elle a droit de mairie ou de communauté, sinon au siège royal supérieur d'où sa justice releve.

Dans l'hôtel de ville de Copenhague il y a à la porte deux mesures attachées avec de petites chaînes de fer ; l'une est l'aulne du pays, qui ne fait que demi-aulne de Paris ; l'autre est la mesure que doit avoir un homme pour n'être pas convaincu d'impuissance. Cette mesure fut exposée en public sur les plaintes faites par une marchande, que son mari était incapable de génération. Voyage de l'Eur. t. VIII. p. 301.

Les étalons sont ordinairement d'airain, afin que la mesure soit moins sujette à s'altérer. Lorsqu'on en fait l'essai, pour voir s'ils sont justes, c'est avec du grain de millet qui est jeté dans une tremie, afin que le vase se remplisse toujours également. Voyez Loiseau, des seigneuries, ch. IXe n. 20. et suiv. le traité de la police, tom. II. liv. V. chap. IIIe le gloss. de Laurière, au mot Etalon. (A)

ETALON, en termes d'Eaux et Forêts, signifie un baliveau de l'âge que le bois avait lors de la dernière coupe. L'ordonnance des eaux et forêts, tit. xxxij. art. 4 fixe à cinquante livres l'amende encourue, pour avoir coupé un étalon. Voyez la coutume de Boulenais, art. 32. (A)

ETALON, Manège et Maréchall.) Cheval entier, choisi et destiné à l'accouplement, et dont on veut tirer race. Voyez HARAS.