ILE DE, (Géographie ancienne) île de l'Archipel, et l'une des Cyclades. Elle est située entre l'île de Naxie à l'orient, et celle d'Antiparos à l'occident. Pline, l. IV. ch. XIIe a bien remarqué la grandeur de l'île de Paros, en assurant qu'elle n'est que la moitié de celle de Naxos ou Naxie, à laquelle il donne 75 milles de tour ; sur ce pié-là, Paros n'en doit avoir que trente-six ou trente-sept, mesure ordinaire du pays.

On y compte environ quinze cent familles, taxées ordinairement à 4500 écus de capitation. Il est vrai que cette île est bien cultivée : on y nourrit beaucoup de troupeaux ; le commerce y consiste en froment, orge, vin, légumes, sésame, et toîle de coton. Avant la guerre de Candie on y recueillait beaucoup d'huîle ; mais l'armée vénitienne brula tous les oliviers de Paros, en neuf ou dix ans qu'elle y séjourna.



Cette île est pleine de perdrix et de pigeons sauvages. La viande de boucherie y est bonne, et les cochons n'y manquent pas : on y mange de même que dans les autres îles d'excellents petits moutons nourris dans les maisons avec du pain et des fruits. Les melons y sont délicieux. Il pleut peu dans cette île ; et le coton, la vigne, et les figuiers périraient sans les rosées qui sont très-abondantes.

Les habitants de Paros ont toujours passé pour gens de bon sens, et les Grecs des îles voisines les prennent souvent pour arbitres de leurs différends. Cela rappelle le souvenir du choix que les Milésiens firent autrefois de quelques sages Pariens, pour mettre une forme de gouvernement dans leur ville ruinée par les séditions. Ces Pariens visitèrent la campagne de Milet, et nommèrent administrateurs de la ville les habitants, dont les terres leur parurent les mieux cultivées : persuadés, avec raison, que ceux qui prenaient grand soin de leurs biens, ne négligeraient pas les affaires publiques.

Paros, capitale de l'ile, était la plus grande ville, selon Etienne le Géographe, et la plus puissante des Cyclades. Lorsque les Perses sous les ordres de Darius, passèrent en Europe pour faire la guerre aux Athéniens, Paros embrassa le parti des Asiatiques, qu'elle secourut de troupes pour la bataille de Marathon. Miltiade couvert de gloire après cette grande journée, obtint des Athéniens une puissante flotte, et les assura qu'il menerait cette armée dans un pays d'où elle rapporterait de grandes richesses. Paros fut assiégée par mer et par terre ; mais ce siege fut glorieux aux Pariens : car Miltiade, qui était le plus grand capitaine de son temps, n'eut pas la gloire de les soumettre. Thémistocle, après la bataille de Salamine, rendit Paros tributaire d'Athènes. Si l'on veut remonter plus haut, on trouvera encore des choses considérables qui regardent l'île de Paros.

Peut-être que Sésostris, ce grand roi d'Egypte, qui se faisait appeler le roi des rais, et le seigneur des seigneurs, reçut la soumission de cette ile, et de la plupart des Cyclades, c'est-à-dire, de quelques autres de l'Archipel, rangées presque en manière de cercle autour de la fameuse Délos. Les Phéniciens possédèrent ces iles, puisqu'ils furent les premiers maîtres de la mer de Grèce ; mais il est mal-aisé de concilier Thucydide et Diodore de Sicîle sur le temps où les Pariens s'établirent dans ces iles. Thucydide prétend que Minos en chassa ces peuples, et Diodore, au contraire, avance qu'ils n'y étaient venus qu'après la guerre de Troie, et qu'ils avaient obligé les Crétais de s'en retirer.

Il parait que le fameux monument d'Adule, décrit exactement par Côme d'Egypte, topog. Christ. de Mundo, l. II. et si bien illustré par dom Bernard de Montfaucon, que les Cyclades, et Paros par conséquent, ont été sous la domination des Ptolomée, rois d'Egypte ; car ce monument dressé sous Ptolomée Evergete III. fait mention de ces iles.

De la domination des Egyptiens elles tombèrent sous celle d'Athènes. Mithridate fut le maître des Cyclades pendant peu de temps : obligé de céder au bonheur de Sylla, comme dit Florus, à la valeur de Lucullus, à la grandeur de Pompée, il prit le parti de se retirer vers le nord. Les Romains restèrent paisibles possesseurs d'Athènes et de l'Archipel, dont les îles furent érigées en provinces, avec la Lydie, la Phrygie et la Carie. Cette province fut ensuite sous un pro-consul, jointe à l'Hellespont, et à l'Asie mineure.

Les empereurs grecs possédèrent l'Archipel à leur tour ; ensuite Paros passa dans la main de deux nobles vénitiens Marc Sanudo et François Venier, qui fut obligé de céder l'île de Paros à Barberousse, capitan bacha sous Soliman II.

On ne voit plus à Paros que de misérables faiseurs de salières et de mortiers, au lieu de ces grands sculpteurs, et de ces habiles architectes qui ont autrefois rendu le marbre de cette île plus célèbre que celui des îles voisines : car cette belle pierre n'est pas moins commune à Naxie et à Tine ; mais on y manqua dans un certain temps d'habiles gens pour la mettre en œuvre, au lieu que le marbre de Paros devint si fameux, que les plus habiles sculpteurs n'en employaient pas d'autre.

Strabon, l. X. a raison de dire, que c'est une excellente pierre pour faire des statues : et Pline, liv. XXXVI. ch. Ve admirait qu'on en fût venu chercher d'Egypte, pour en décorer le frontispice de ce célèbre labyrinthe, qui passait pour une des merveilles du monde.

A l'égard des statues, les plus habiles gens conviennent que le marbre d'Italie est préférable à celui de Grèce. Pline soutient avec raison que celui de Luna est bien plus blanc. Le marbre Grec est à gros crystallins, qui font de faux jours, et qui sautent par petits éclats, si on ne le ménage avec soin ; au lieu que celui d'Italie obéit au ciseau, parce qu'il a le grain beaucoup plus fin et plus uni. Peut-être le marbre grec serait-il plus doux, si on creusait à Paros jusqu'à une certaine profondeur. On trouve aussi dans ces quartiers-là une pierre fort dure, semblable au porphire, mais dont les taches sont pâles. Il est vrai qu'il faudrait ouvrir ces carrières pour en connaître les beautés. Qui aurait jamais cru qu'on trouvât une représentation de Silene dans celles de Paros, si l'on n'avait fouillé bien avant pour découvrir cette merveille ?

Archilochus, ce fameux auteur des vers ïambes, se distingua parmi les beaux génies de Paros. Il était contemporain de Tarquin le Superbe, et fleurissait sous la quinzième olympiade, 720 ans avant J. C. Ce poète soutint à Olympie l'éclat de sa réputation, par l'hymne en l'honneur d'Hercule, dont Pindare, et plusieurs anciens, nous ont transmis la mémoire. La musique et les paroles étaient de sa composition ; on admira son habileté dans l'un et l'autre genre, et il reçut de la main des juges une couronne, qui d'ordinaire était la récompense de la vertu. Tout le monde sait que Lycambe lui ayant promis sa fille en mariage, et lui ayant manqué de parole, Archiloque fit contre lui des vers ïambes si piquans, qu'il se pendit de désespoir ; c'est là-dessus qu'Horace dit, que la rage inspira ce poète. Ayant été chassé de Lacédémone pour la licence de quelques-unes de ses poésies, il prit le parti des armes, et fut tué dans un combat par un nommé Coracus. Pline, l. VII. c. xxix. prétend que l'oracle de Delphe blâma le meurtrier d'un homme si rare par son génie.

On ignore le nom de cet excellent homme de Paros, qui dressa le plus beau monument de chronologie qui soit au monde, et dont nous n'obmettrons pas l'article dans cet ouvrage. (D.J.)

PAROS, CHRONIQUE DE, (Chronologie) Voyez MARBRE DE PAROS, où vous trouverez l'histoire de cette célèbre chronique, gravée sur du vrai marbre il y a plus de deux mille ans, et conservée sur ce marbre presque jusqu'à nos jours.

C'est un monument dont l'autorité mérite la plus grande considération, non-seulement à cause de son antiquité, qui n'est que de cent cinquante ans moins reculée que celle du plus ancien historien dont les ouvrages nous soient parvenus ; mais encore parce que c'est un original, auquel on ne peut reprocher les altérations et les vices qui se rencontrent dans tous les autres ouvrages d'histoire et de chronologie, qui ne nous ont été transmis que par une succession de copies toujours d'autant plus suspectes, qu'elles sont éloignées de la source d'où elles sont parties.

C'est une remarque de M. Gibert, qui prouve dans les mémoires de l'académie des Inscriptions, tome XXIII. que les fautes légères qu'a pu peut-être commettre Selden, et ceux qui l'ont secondé dans la lecture de cette chronique précieuse, ne sont ni en grand nombre, ni telles qu'elles puissent diminuer l'autorité de ce marbre, je ne dirai pas sur celle des auteurs postérieurs incontestablement moins instruits, mais sur celle de plusieurs écrivains antérieurs, qui ne se sont pas occupés, qui ont fait l'unique objet du chronographe de Paros ; enfin sur celle de tous les manuscrits, que la nature même, et l'ignorance d'une longue suite de copistes rendront toujours bien plus suspects qu'une inscription originale, dont la copie nous a été fournie par un des plus savants hommes du dernier siècle.

PAROS, MARBRE DE, (Histoire naturelle) Parium marmor, lychnites. C'est le nom que les anciens donnaient à un marbre d'un beau blanc, très-compacte, susceptible de prendre le plus beau poli, d'une dureté médiocre, et composé d'un amas de particules très-brillantes, qui sont des petites lames ou feuillets luisans de spath, étroitement liés les uns aux autres, c'est à cela qu'on peut reconnaître le marbre de Paros.

Les anciens regardaient le marbre de Paros comme le plus beau et le plus propre à faire des statues. L'île de Paros n'est point la seule où il se trouve, il y en a encore des carrières dans celles de Naxos et de Tinos ; mais on ne les exploite plus. Il nous reste encore plusieurs statues antiques faites avec le marbre de Paros.

On a quelquefois confondu le marbre blanc de Carrare avec celui de Paros ; mais il est d'un grain plus fin que ce dernier.