S. m. (Histoire des Drogues exotiques) espèce d'aromate qui a toujours été recherché dans tous les siècles et dans tous les pays pour assaisonner les aliments. Il est aussi connu qu'employé par les anciens grecs, les arabes, et les modernes. Dioscoride, Galien, et d'autres auteurs, en distinguent trois sortes ; savoir, le noir, le blanc et le long, qu'ils craient être les mêmes fruits, mais seulement différents entr'eux par le degré de maturité : mais le poivre noir et le poivre long que nous connaissons sont des fruits de différentes plantes, que nous considérerons aussi séparément.



Les Grecs appellent cet aromate , les Arabes fulfel, et nos botanistes latins piper. On en distingue différentes espèces que nous décrirons séparément, en nous bornant ici à quelques remarques sur cet aromate en général. (D.J.)

POIVRE NOIR,, (Hist des drog. exot.) Le poivre noir est le piper rotundum de C. B. P. 411. C'est un fruit, ou une graine desséchée, petite, de la grosseur d'un pois moyen, sphérique, et revêtue d'une écorce ridée, noire ou brune ; cette écorce étant ôtée, on voit une substance un peu dure et compacte, dont l'extérieur est d'un verd jaune et l'intérieur blanc. Elle laisse une fossette vide à son milieu ; cette graine est âcre, vive, brulant la bouche et le gosier. On nous l'apporte des parties des Indes orientales qui sont sous la domination des Hollandais. On choisit le plus gros, le plus pesant, et le moins ridé.

La plante sur laquelle ce fruit croit, s'appelle en français poivrier ; par Pison, lada ; aliis, molanga sive piper aromaticum ; Pison. mant. arom. 180. molago-coddi : hort. malab. tom. VII. xxiij.

Sa racine est petite, fibreuse, flexible, noirâtre ; elle pousse des tiges sarmenteuses en grand nombre, souples, pliantes, grimpantes, vertes, ligneuses, qui se couchent sur la terre comme fait le houblon, lorsqu'elles ne sont pas soutenues par des échalas ; elles ont plusieurs nœuds, de l'entre deux desquels sortent des racines qui entrent dans la terre, lorsqu'elles sont couchées dessus. De chaque nœud naissent des feuilles solitaires, disposées alternativement ; elles sont à cinq nervures, arrondies, larges de deux ou trois pouces, longues de quatre, terminées en pointe, épaisses, fermes, d'un verd clair en-dessus ; portées par des queues courtes, épaisses, vertes, et cannelées intérieurement.

Les fleurs viennent en grappes soutenues par un seul pédicule ; elles sont monopétales, partagées en trois à leur bord. Quand elles sont tombées, il leur succede des fruits, ou des grains tantôt plus gros, tantôt plus petits, sphériques, de la grosseur d'un pois moyen ; il y en a jusqu'à vingt, et même jusqu'à trente attachés sur un petit pédicule commun ; ils sont verts d'abord, rouges lorsqu'ils sont mûrs, unis à leur superficie, laquelle se ride et se noircit lorsqu'on les seche. Tantôt ces grappes viennent à l'extrémité des tiges, et ce sont celles que le vulgaire appelle femelles : tantôt elles naissent dans la partie moyenne des tiges sur les nœuds, et opposés à la queue des feuilles ; celles-ci sont nommées fleurs mâles.

Cette plante fleurit tous les ans, et même deux fois lorsqu'elle est vigoureuse. On recueille ses fruits mûrs quatre mois après que ses fleurs sont tombées, et on les expose au soleil pendant sept ou huit jours, pendant lesquels l'écorce se noircit. On trouve cette plante dans les îles de Java et de Sumatra, et dans tout le Malabar. On la cultive en plantant dans la terre des morceaux de ses branches que l'on a coupés, et que l'on met à la racine des arbres ; ou bien on la soutient avec des échalas comme la vigne.

En ôtant l'écorce du poivre noir, on fait par l'art le poivre blanc qui est le seul que l'on nous apporte aujourd'hui. On enlève cette écorce en faisant macérer dans l'eau de la mer le poivre noir ; l'écorce extérieure s'enfle et s'ouvre par la macération, et on en retire très-facilement le grain qui est blanc, et que l'on seche ; il est beaucoup plus doux que le noir, et lui est préférable.

Ce n'est pas seulement les grains de poivre qui ont de l'acrimonie, c'est encore toute la plante ; car les feuilles soit vertes, soit seches, les sarments, et la racine quand on les mâche, brulent la langue et le gosier, et excitent la salive. (D.J.)

POIVRE BLANC, (Histoire des Drogues exotiques) Le poivre blanc, piper album, et leucopiper off. piper rotundum, album, C. B. P. 413. est de deux sortes : l'un naturel que l'on nous apporte très-rarement, l'autre factice très-commun ; ce n'est autre chose que le poivre noir dont on a ôté l'écorce avant de le sécher. Il ne diffère du noir que par la couleur grise ou blanchâtre.

On ne découvre aucune différence entre la plante qui porte le poivre noir, et celle qui porte le blanc ; de la même manière que la vigne qui porte le raisin noir, n'est distinguée de celle qui porte le raisin blanc, que lorsque les raisins y sont encore attachés, et même qu'ils sont mûrs : mais les plantes qui portent le poivre blanc sont très-rares, et ne naissent que dans quelques endroits du Malabar, et de Malaca, et encore en petite quantité. Etienne de Flacourt, dans sa description de l'île de Madagascar, raconte qu'il y vient une espèce de poivrier blanc ; mais comme il ne l'a pas décrite nous ne pouvons assurer si c'est la même plante que celle qui porte notre poivre blanc, ou si elle en est différente. (D.J.)

POIVRE LONG, (Histoire des Drogues exotiques) Le poivre long, piper longum, et macropiper off. piper longum, orientale, C. B. P. 412. est un fruit desséché avant sa maturité, long d'un pouce ou d'un pouce et demi, semblable aux chatons de bouleau ; il est oblong, cylindrique, et cannelé obliquement comme en spirale avec des tubercules placés en forme de réseau. Il est partagé intérieurement en plusieurs petites cellules membraneuses, rangées sur une même ligne en rayons ; chacune de ces cellules contient une seule graine, arrondie, large à-peine d'une ligne, noirâtre en-dehors, blanche en-dedans, d'un goût âcre, brulant, un peu amer. Ces chatons sont attachés à un pédicule grêle d'un pouce de longueur. On choisit celui qui est gros, entier, récent, qui ne pique pas la langue aussi-tôt, mais dont l'impression dure longtemps ; on rejette celui qui est percé, carié, ou falsifié.

La plante qui porte le poivre long, s'appelle pimpilim, sive piper longum, par Pison, mantiss. arom. 182. catta-tirpali, hort malab. tom. VII. p. 27. Elle diffère du poivrier à fruit rond par ses tiges qui sont moins ligneuses, par les queues des feuilles, et par les feuilles même qui sont plus longues, d'un verd plus foncé, découpées vers leur base, plus minces et plus molles, ayant deux ou trois petites nervures outre la côte qui règne dans le milieu ; ces nervures sont saillantes des deux côtés, s'étendent depuis la base jusqu'à la pointe, et la nervure extérieure jette en se courbant d'autres petites nervures transversales qui se répandent vers le bord.

Les fleurs sont monopétales, partagées en cinq ou six lanières, et fort attachées au fruit. Ce fruit est cylindrique, cannelé par des spirales obliques et parallèles, couvert dans les intersections comme par de petites feuilles arrondies en forme de bouclier : parmi ces spirales il parait des boutons sur lesquels les fleurs étaient appuyées ; ils sont saillans, marqués d'un point noir, verd, jaune d'abord, d'un blanc jaunâtre en-dedans, ensuite d'un verd foncé, et enfin étant mûrs et secs, ils sont d'un gris noirâtre. Lorsqu'on coupe ces fruits transversalement, on y remarque des cellules disposées en rayons, lesquelles cellules contiennent des graines oblongues et noirâtres. On cueille ces fruits avant qu'ils soient mûrs, et on les fait sécher pour l'usage. (D.J.)

POIVRE d'Afrique, (Histoire des Drogues exotiques) il est autrement nommé poivre de Guinée, poivre indien, maniguette, malaguette, méleguette, et cardamome d'Afrique, car il a tous ces noms. Cordus l'appelle en latin meleguetta, seu cardamomum piperatum. C'est une graine luisante, anguleuse, plus petite que le poivre, rousse ou brune à sa superficie, blanche en dedans, âcre, brulante comme le poivre et le gingembre, dont elle a aussi l'odeur. On nous en apporte en grande quantité, et on s'en sert à la place du poivre pour assaisonner les nourritures. Cette graine croit en Afrique et dans l'île de Madagascar, d'où les Hollandais l'apportent en Europe. J'ai lu dans le recueil des voyages, les descriptions de la plante qui produit ce poivre ; on ne peut y ajouter aucune foi, parce qu'elles sont toutes infidèles, et se contredisent les unes les autres. (D.J.)

POIVRE d'Ethiopie, (Histoire des Drogues exotiques) en latin piper Aethiopicum, silicosum. J. B. piper nigrum, et granum zelim, Serap. On trouve sous ce nom de poivre d'Ethiopie dans quelques boutiques de droguistes curieux, plusieurs gousses attachées à une tête, longues de deux, trois, quatre pouces cylindriques, de la grosseur d'une plume d'oie, noirâtres, un peu courbées, divisées en petites loges, selon le nombre de graines qu'elles contiennent ; ridées, composées de fibres longues, pliantes, difficiles à rompre, et d'une substance rouge-cendrée. Les graines sont ovalaires, et chacune est dans une loge séparée par des cloisons charnues ; il est difficîle de les tirer de leur gousse. Elles sont de la grosseur de la plus petite feve, noires en-dehors et luisantes, d'une substance un peu dure, roussâtre, à texture en manière de réseau, semblable à un rayon de miel. Le goût tant de la gousse que des graines approche de celui du poivre noir. Ce poivre nait en Ethiopie ; c'est de-là que lui vient le nom qu'il a parmi les Arabes. Les Ethiopiens s'en servent pour les douleurs de dents ; ils pourraient en faire un meilleur usage. (D.J.)

POIVRE de Guinée, (Botanique) autrement nommé poivre d'Inde, poivre du Brésil, piment ; etc. Ce n'est point un fruit, une graine, une baye ; c'est le genre de plante que les Botanistes appellent capsicum. Voici ses caractères selon Ray.

La fleur est une rosette à cinq pointes ; son fruit est une capsule composée d'une seule peau charnue, partagée en trois loges, quelquefois en deux, qui renferment des semences plates. M. de Tournefort caractérise le capsicum de la manière suivante :

Sa fleur est monopétale, découpée en divers segments sur les bords ; le pistil qui s'élève du calice est fixé en manière de clou au centre de la fleur ; il mûrit insensiblement en un fruit doux et membraneux, qui contient plusieurs graines aplaties, et taillées en forme de rein. Le même botaniste distingue 26 espèces de capsicum ; la plus commune est celle qu'on appelle vulgairement poivre de Guinée, et en Botanique capsicum vulgare, siliquis longis, propendentibus. I. R. H. 152.

La racine de cette plante est courte, grêle, garnie sur les côtés d'un grand nombre de fibres ; elle pousse une tige à la hauteur d'un ou de deux pieds, anguleuse, dure, velue, rameuse ; ses feuilles sont longues, pointues, plus larges que celles de la persicaire, un peu épaisses et charnues, glabres ou sans poil, d'un verd brun, tirant quelquefois sur le jaune, attachées à des queues longues d'un pouce ou deux, sans dentelures.

Sa fleur, qui sort des aisselles des feuilles et à la naissance des rameaux, est une rosette à plusieurs pointes, de couleur blanchâtre, ressemblante à celle de la morelle commune, mais plus grande, soutenue par un pédicule assez long, charnu et rouge. Après que cette fleur est passée, il lui succede un fruit qui est une capsule longue et grosse comme le pouce, droite, formée par une peau luisante, polie, verte d'abord, puis jaune, enfin rouge comme du corail ou purpurine quand elle est en maturité. Cette capsule est divisée intérieurement en deux ou trois loges, qui renferment beaucoup de semences aplaties de couleur blanchâtre tirant sur le jaune, formées ordinairement comme un petit rein.

Toutes les parties de cette plante ont beaucoup d'âcreté, mais particulièrement son fruit, qui brule la bouche ; elle croit naturellement en Guinée et au Brésil : on la cultive et on l'élève aisément de graine dans les pays chauds, comme en Espagne et en Portugal, en Languedoc, en Provence et dans nos jardins, où la couleur rouge de ses capsules fait plaisir à voir. On les confit au sucre pour les adoucir, et les Vinaigriers en mettent dans leur vinaigre pour le rendre fort et piquant. (D.J.)

POIVRE de Guinée, (Histoire des drogues exotiques c'est encore le poivre autrement nommé poivre d'Afrique, voyez POIVRE D'AFRIQUE.

POIVRE de la Chine, (Histoire des Drogues exotiques) Le P. le Comte dans ses mémoires dit que le poivre de la Chine a les mêmes propriétés que celui des Indes. L'arbre qui le produit est grand comme nos noyers. Son fruit est de la grosseur d'un pais, de couleur grise mêlée de quelques filets rouges. Quand il est mûr, il s'ouvre de lui-même, et fait voir un petit noyau noir comme du jay. Après qu'on l'a cueilli, on l'expose au soleil pour le sécher, et l'on jette le noyau, qui est d'un goût trop fort, ne réservant que l'écorce. L'odeur de ces arbres à poivre est si violente, qu'il en faut cueillir le fruit à plusieurs reprises, crainte d'en être incommodé. (D.J.)

POIVRE de la Jamaïque, (Histoire des Drogues exotiques) On appelle en français poivre de la Jamaïque, poivre de Theves, piment de la Jamaïque, amomi, ou toutes épices, un fruit ou une certaine baie aromatique, que l'on apporte depuis quelque temps de l'île de la Jamaïque, et dont les Anglais font un très-grand usage dans leurs sauces. Cette baie est entièrement différente des espèces de poivre dont nous venons de parler : celui-ci est nommé pimienta ou the Jamaica-pepper tree en anglais ; piper jamaïcense quibusdam par Dale, pharmacol. 421 ; piper odoratum jamaïcense nostratibus, par Ray, hist. 1507 ; cocculi indici, aromatici, dans le mus. reg. soc. Lond. 1218.

C'est un fruit desséché avant sa maturité, orbiculaire, ordinairement plus gros qu'un grain de poivre ; son écorce est brune, ridée ; il a un ombilic ou petite couronne au haut partagée en quatre, contenant deux noyaux noirs, verdâtres, séparés par une paroi mitoyenne, d'un goût un peu âcre, aromatique, et qui approche du clou de girofle.

L'arbre qui porte ce fruit est appelé par le chevalier Hans Sloane, dans son catal. plant. jamaïc. myrthus arborea, aromatica, foliis laurinis latioribus et subrotundis ; et par le P. Plumier, botanique Americ. mss. myrtus arborescens, citri foliis glabris, fructu racemoso, caryophilli sapore.

Cet arbre surpasse en hauteur nos noyers d'Europe lorsqu'il est dans une bonne terre ; mais comme il se plait dans les forêts seches, il ne s'élève alors que médiocrement ; il est branchu et touffu ; son tronc est le plus souvent droit et haut ; son bois est dur, pesant, d'un rouge noirâtre d'abord, ensuite devenant avec le temps noir comme l'ébene, ce que l'on doit entendre du cœur. Il est couvert d'un obier épais, blanchâtre, et d'une écorce lisse, mince, et qui tombe quelquefois par lames. L'arbre entier fait une belle figure, par la disposition de ses branches et par son feuillage.

Ses feuilles sont très-lisses et d'un verd fort agréable ; elles naissent deux-à-deux, et opposées à chaque nœud des rameaux ; elles sont de différentes grandeurs : les plus amples sont longues de quatre, cinq ou six pouces, larges de trois ou quatre, de la figure d'une langue, fermes, d'un verd foncé, luisantes, parsemées de petite veines parallèles et obliques, que l'on a peine à apercevoir, et portées sur des queues d'un pouce de longueur ; elles sont d'une odeur et d'une saveur qui approche beaucoup de la cannelle et du clou de girofle, légérement astringentes, et d'une amertume qui n'est pas désagréable.

L'extrémité des tiges est terminée par plusieurs pédicules longs d'un pouce, portant chacun une petite fleur composée de cinq pétales blancs, arrondie, concave, et disposée en rose ; du fond du calice de la fleur, s'élève un pistil pointu, accompagné d'étamines blanches. Quand ces fleurs sont tombées, il leur succede beaucoup de baies couronnées ou creusées en manière de nombril ; elles sont d'abord petites et verdâtres ; mais dans leur maturité elles sont plus grosses que les baies de génièvre, noires, lisses et luisantes ; elles contiennent une pulpe humide, verdâtre, âcre, aromatique.

Cette pulpe renferme le plus souvent dans le centre deux graines hémisphériques, séparées par une membrane mitoyenne, en sorte qu'elles forment ensemble un petit globe ; c'est pourquoi Clusius, qui a décrit le premier cet aromate, ne lui attribue qu'une seule graine divisée en deux parties.

Cet arbre vient dans les îles Antilles ; le R. P. Plumier l'a observé dans les îles de Sainte-Croix, de Saint-Domingue, et les Grenadines ; mais il croit par-tout dans les forêts qui sont sur les montagnes de la Jamaïque, et en particulier du côté du septentrion, où il porte des feuilles tantôt plus larges, tantôt plus étroites. On le cultive aujourd'hui précieusement à la Jamaïque ; il fleurit en Juin, Juillet et Aout, suivant les pluies et l'exposition, mais le fruit mûrit bientôt ensuite.

Les negres montent sur quelques-uns de ces arbres pour cueillir le fruit ; ils en coupent d'autres et les abattent ; ils prennent les rejetons chargés de fruits verts, qu'ils séparent des petites branches des feuilles et des baies qui sont mûres ; ensuite ils les exposent sur de l'étoffe pendant plusieurs jours aux rayons du soleil, depuis son lever jusqu'à son coucher, prenant garde qu'ils ne soient mouillés de la rosée du matin et du soir. Ces baies étant ainsi séchées, se rident, et de vertes qu'elles étaient, elles deviennent brunes et en état d'être vendues. Les Anglais les regardent comme un des meilleurs aromates qui soient en usage ; et son goût agréable, et qui tient du clou de girofle, de la cannelle et du poivre, avec plus de douceur, fait qu'ils lui donnent un nom qui signifie tous les aromates ensemble.

Ce fruit distillé dans un ballon, fournit une huîle essentielle qui Ve au fond de l'eau, et dont l'odeur est agréable. On emploie ce fruit pour assaisonner les aliments ; il fortifie l'estomac, il aide la digestion, il récrée les esprits, et augmente le mouvement du sang. Les chirurgiens du pays emploient les feuilles de cet arbre dans les bains pour les jambes des hydropiques, et pour faire des fomentations sur les membres paralytiques. Phil. trants. n°. 192. (D.J.)

POIVRE à queue, (Histoire des Drogues exotiques) Les habitants de l'île Bourbon appellent poivre à queue une graine aromatique qui n'est guère plus grosse qu'un grain de millet ; cette graine a un goût piquant et poivré ; elle vient en bouquets à l'extrémité des branches d'une plante sarmenteuse qui croit aux Indes dans les bois, et s'entortille autour des arbres comme nos vignes sauvages. (D.J.)

POIVRE PETIT, (Botanique) nom vulgaire donné à la semence de l'agnus castus. Cette semence est presque ronde, grise, grosse comme le poivre, ayant un goût un peu âcre et aromatique.

POIVRE, EAU DE, (Science microscop.) Le microscope a découvert quantité de sortes de petits animaux dans de l'eau de poivre factice : voici la manière de la préparer et d'examiner les insectes qu'elle contient.

Jettez du poivre noir ordinaire, grossièrement pulvérisé, dans un vaisseau ouvert, en sorte que le fond en soit couvert de la hauteur environ d'un demi-pouce : versez-y de l'eau de pluie ou de rivière, en sorte qu'elle s'élève au-dessus du poivre d'un pouce ou à-peu-près : agitez bien l'eau et le poivre la première fois que vous les mêlez ensemble, mais n'y touchez plus dans la suite : exposez votre vaisseau à l'air sans le couvrir, et dans peu de jours vous y verrez une petite pellicule qui couvrira toute la surface de l'eau, et qui réfléchira les couleurs du prisme. Vous trouverez au microscope que cette pellicule contient des millions de petits animaux que vous aurez peine à distinguer au commencement, même avec la plus forte lentille, mais qui deviennent tous les jours plus gros, jusqu'à ce qu'ils aient pris leur grandeur naturelle. Quoique leur nombre croisse excessivement chaque jour, jusqu'à ce qu'à la fin presque tout le fluide paraisse en vie, cependant ces animaux restent principalement sur la surface de l'eau, et ne s'y enfoncent pas beaucoup, à-moins qu'ils ne soient effrayés ou détournés ; mais lorsque cela arrive ils s'y précipitent quelquefois tous à-la-fais, et ne paraissent plus de quelque temps. Dans les chaleurs de l'été cette pellicule s'élève plutôt sur la surface, et l'on s'aperçoit qu'elle est plus serrée que dans un temps froid, quoique cependant au milieu de l'hiver l'expérience réussisse si l'eau n'est pas glacée.

Si vous prenez de cette écume environ la grosseur de la tête d'une épingle, avec le bec d'une plume nouvellement taillée, ou avec un petit pinceau, et si vous l'appliquez à un morceau de talc, vous verrez d'abord avec la troisième lentille, ensuite avec la première, différentes sortes d'insectes plus petits les uns que les autres, et qui diffèrent considérablement non-seulement en grandeur, mais en espèces.

Voici ceux que l'on a observé. 1°. La longueur de la première espèce est d'environ le diamètre d'un cheveu, et leur largeur trois ou quatre fois plus petite ; leurs corps sont fort minces et transparents, mais le côté qui parait en-dessous est plus noir que l'autre. Ils se tournent eux-mêmes dans l'eau très-souvent, et présentent tantôt le dos, et tantôt le ventre. Leur contour est comme garni d'une frange ou d'un grand nombre de pieds extraordinairement petits, qui se distinguent surtout aux deux extrémités ; dans l'une on voit aussi certaines soies plus longues que les pieds, et qui ressemblent à une queue : leur mouvement est rapide ; et comme ils tournent, retournent et s'arrêtent subitement, il semble qu'ils sont continuellement occupés à chasser leur proie. Ils peuvent se servir de leurs pieds pour marcher, comme pour nager ; car lorsqu'on met un cheveu parmi eux, on les voit souvent courir sur ce cheveu d'un bout à l'autre, et prendre différentes postures extraordinaires.

2°. Une espèce assez commune, est celle de ceux dont la longueur est environ le tiers de l'épaisseur d'un cheveu, et qui ont des queues cinq ou six fois aussi longues que le corps. Quelquefois lorsqu'ils sont sans mouvement, ils poussent en-dehors une langue frangée ou barbue, et l'on voit continuellement un courant qui coule vers eux, et qui est causé vraisemblablement par le mouvement précipité de quelques nageoires fines, ou de quelques jambes trop subtiles pour être discernées.

3°. Une autre espèce de la grandeur de la dernière, mais sans queue, parait quelquefois sous une figure ovale, semblable au poisson plat nommé carrelet. On peut voir leurs pieds, qui sont fort petits, et c'est lorsque l'eau est sur le point de s'évaporer, car alors ils les meuvent fort promptement. De temps en temps on en voit deux joints ensemble.

4°. Une quatrième espèce parait semblable à des vers fort minces, environ cinquante fois aussi longs que larges ; leur épaisseur est à-peu-près la centième partie de celle d'un cheveu ; leur mouvement est uniforme et lent, balançant leur corps ordinairement, mais fort peu en s'avançant ; ils nagent aussi facilement en avant qu'en arrière, mais il est difficîle de déterminer l'extrémité où leur tête est placée.

5°. Une cinquième sorte est si prodigieusement petite, que le diamètre d'un grain de sable en contiendrait plus de cent bout-à-bout, et qu'il en faudrait par conséquent plus d'un million pour égaler un grain de sable en volume : leur figure est presque ronde.

6°. Une sixième sorte est environ de l'épaisseur des précédentes, mais ils sont presque doubles en longueur. Il y en a surement d'autres espèces, qu'il n'est pas possible de distinguer.

Il est assez agréable pendant que ces petits animaux sont devant le microscope, d'observer les différents effets que produisent parmi eux les différentes mixtions : par exemple, si l'on y verse la plus petite goutte qu'on puisse imaginer d'esprit de vitriol avec la pointe d'une épingle, on voit ces animaux s'étendre immédiatement après, et tomber morts. Le sel distillé les tue, mais avec cette différence, qu'au lieu de s'aplatir comme dans le premier cas, ils se roulent en figure ovale. La teinture de sel de tartre les jette dans des mouvements convulsifs, après quoi ils deviennent faibles, languissants, et meurent sans changer de figure. L'encre les tue aussi promptement que l'esprit de vitriol, mais elle semble les resserrer en différentes manières. Le sucre dissous les fait aussi périr, mais alors quelques-uns meurent plats, et les autres ronds.

Si l'on laisse évaporer l'eau sans aucun mélange, quelques-uns de ces insectes périssent d'abord, mais d'autres non ; et si l'on y verse une goutte d'eau fraiche, en peu de temps plusieurs de ces derniers revivent et se mettent à nager de nouveau. (D.J.)