(Géographie ancienne) la ville éternelle. Les anciens auteurs latins l'ont nommée Urbs, c'est à-dire la ville par excellence, à cause du rang qu'elle tenait sur toutes les autres villes du monde ; le nom de Rome, en latin Roma, lui a toujours été conservé. Envain l'empereur Commode voulut lui faire porter le nom de Colonie commodienne ; envain le roi des Goths l'appela Gothie ; envain même l'appela-t-on la ville d'Auguste, par flatterie pour ce prince ; l'intention de tous les souverains qui prétendirent lui donner leurs noms, n'a point été suivie par leurs successeurs.



Un prince d'une naissance incertaine, dit l'abbé de Vertot, nourri par une femme prostituée, élevé par des bergers, et devenu depuis chef de brigands, jeta les premiers fondements de cette capitale du monde, dans la quatrième année de la sixième olympiade, et la sept cent cinquante - troisième avant la naissance de Jesus-Christ. Il la consacra au dieu de la guerre, dont il voulait qu'on le crut sorti ; il admit pour habitants des gens de toutes conditions et venus de différents endroits, Grecs, Latins, Albains, et Toscans, la plupart pâtres et bandits, mais tous d'une valeur déterminée. Un asîle qu'il ouvrit en faveur des esclaves et des fugitifs, y en attira un grand nombre, qu'il augmenta depuis des prisonniers de guerre, et il sçut de ses ennemis en faire ses premiers citoyens.

Il choisit le mont-Palatin pour y placer sa ville, et il employa toutes les cérémonies superstitieuses que les Etrusques avaient introduites pour de semblables fondations ; il fit attacher à une charrue dont le soc était d'airain, une vache et un taureau, et leur fit tracer l'enceinte de Rome par un profond sillon. Ces deux animaux, symboles des mariages qui devaient peupler les villes, furent ensuite égorgés sur les autels ; tout le peuple suivait la charrue, et poussait en dedans les mottes de terre que le soc rejetait quelquefois en dehors ; on soulevait cette charrue, et on la portait dans les endroits où l'on destinait de faire des portes.

Comme le mont-Palatin était isolé, on l'enferma tout entier dans le circuit que l'on traça, et l'on forma une figure à-peu-près carrée au pied de la montagne ; là on creusa en rond une fosse assez profonde, où tous les nouveaux habitants jetèrent un peu de terre des différents pays où ils avaient pris naissance, et ce trou resta en forme d'une espèce de puits dans la place publique, où se tinrent depuis les comices.

Rome fut ainsi formée par des hommes pauvres et grossiers ; on y comptait environ mille chaumières ; c'était, à proprement parler, un village, dont les principaux habitants labouraient la terre ingrate d'un pays stérîle qu'ils s'étaient partagé ; le palais même de Romulus n'était construit que de joncs et n'était couvert que de chaume.

Chacun avait choisi son terrain pour bâtir sa cabane, sans égard à aucun alignement ; c'était une espèce de camp de soldats, qui servait d'asîle à des avanturiers, la plupart sans femmes et sans enfants, que le désir de faire du butin avait réunis. Ce fut d'une retraite de voleurs que sortirent les conquérants de l'univers, dit à ce sujet l'écrivain des révolutions de la république romaine.

Il nous faut prendre de la ville de Rome, dans ses commencements, l'idée que nous donnent les villes de la Crimée, faites pour renfermer le butin, les bestiaux et les fruits de la campagne. Les noms anciens des principaux lieux de Rome, ont tous du rapport à cet usage ; cette ville n'avait pas même de rues, si l'on n'appelle de ce nom la continuation des chemins qui y aboutissaient. En un mot, jusqu'à la prise de Rome par les Gaulois, cette ville n'était en partie qu'un amas informe de huttes séparées.

Telle est la peinture que nous font les historiens des commencements de cette capitale du monde, qui ne fut jamais plus digne de commander à l'univers, que quand la pauvreté y conserva l'amour des vertus civiles et militaires. Ce furent ces illustres laboureurs, qui en moins de cinq cent ans, assujettirent les peuples les plus belliqueux de l'Italie, défirent des armées prodigieuses de Gaulois, de Cimbres et de Teutons, et ruinèrent la puissance formidable de Carthage.

A peine cette ville naissante fut-elle élevée au-dessus de ses fondements, que ses habitants se pressèrent de donner quelque forme au gouvernement ; leur principal objet fut de concilier la liberté avec l'empire, et pour y parvenir, ils établirent une espèce de monarchie mixte, et partagèrent la souveraine puissance entre le chef ou le prince de la nation, un sénat qui lui devait servir de conseil, et l'assemblée du peuple. Romulus, le fondateur de Rome, en fut élu le premier roi ; il fut reconnu en même temps pour le chef de la religion, le souverain magistrat de la ville, et le général né de l'état.

Ses successeurs agrandirent beaucoup la ville de Rome ; le mont-Celius y fut ajouté par Tullus ; le Janicule et l'Aventin, par Ancus ; le Viminal, le Quirinal, et l'Esquilin, par Servius Tullius ; ce qui occasionna le nom célèbre de Septicollis, qu'on donna à cette ville, à cause des sept collines sur lesquelles elle était bâtie.

Une des causes de sa prospérité, c'est que ses rois furent tous de grands personnages ; on ne trouve point ailleurs, dans les histoires, une suite non-interrompue de tels hommes d'état, et de tels capitaines, comme M. de Montesquieu l'a remarqué le premier. Les ouvrages qui ont donné et qui donnent encore aujourd'hui la plus haute idée de sa puissance, ont été faits sous les rais. On peut voir l'étonnement de Denys d'Halicarnasse, Ant. rom. l. III. sur les égouts faits par Tarquin ; et ces égouts subsistent encore.

On sait que quelques années avant le désastre de Rome par les Gaulois, les tribuns du peuple avaient voulu partager le sénat et le gouvernement de la république entre les deux villes de Véïes et de Rome ; après le saccagement de cette dernière, les mêmes tribuns pensèrent à faire abandonner tout à fait Rome détruite, à transporter à Véïes le siege de l'état, et à en faire la seule capitale. Le peuple semblait assez disposé à prendre ce parti, mais Camille l'emporta sur la faction des tribuns, et d'un consentement unanime, il fut arrêté qu'on rétablirait la ville de Rome.

On rebâtit les temples sur les mêmes fondements ; ensuite on répara les ruines des maisons particulières ; le trésor public y contribua du sien, et les édiles furent chargés de régler et de hâter les ouvrages ; on fit marché avec des entrepreneurs, qui s'obligèrent d'édifier les maisons dans l'année ; le trésor public fournit la charpente et le bardeau pour couvrir les toits ; il y eut ordre à tous les propriétaires des campagnes, d'y laisser fouir des carrières, et de souffrir qu'on en enlevât gratuitement les pierres. Enfin tous les Romains mirent la main à l'œuvre, et nul ne fut exempt des travaux ; précédemment les égouts publics ne passaient que sous les rues, on bâtit alors indifferemment sur leurs voutes qui servirent de fondements, et par-là les égouts eurent leurs cours sous les maisons particulières.

Cependant la précipitation fit tort à la seconde construction de Rome ; les rues demeurèrent étroites et mal alignées ; il est vrai que sur la fin de la république, et surtout sous Auguste, Rome étant devenue la capitale du monde, la magnificence augmenta dans les temples, dans les palais, et dans les maisons des citoyens ; mais cette nouvelle décoration ne réforma pas les défauts du plan sur lequel on avait rétabli la ville après sa première construction : les choses changèrent bientôt après.

L'incendie de Rome, qui dura sous le règne de Néron six jours et six nuits, la réduisit presque en cendres, et de quatorze quartiers de la ville, quatre seulement furent épargnés ; tous les soins, dit Tacite, que se donna l'empereur, pour le soulagement du peuple affligé, furent inutiles à sa réputation ; on l'accusa longtemps d'avoir été lui-même l'auteur de l'embrasement. Quoi qu'il en sait, Néron se servit des ruines de sa patrie pour faire éclater sa magnificence ; il ordonna que sans garder l'ordre ancien, ni laisser la liberté aux particuliers de bâtir à leur fantaisie, comme ils avaient fait jusqu'alors, on tirât au cordeau de grandes rues, on élargit les places, on environnât les quartiers de portiques que l'empereur se chargea de construire à ses dépens, comme aussi de faire enlever les démolitions et les décombres.

Le même Néron voulut que les maisons fussent voutées jusqu'à une certaine hauteur, et bâties d'une pierre qui résiste au feu ; il prescrivit encore que les particuliers ne tireraient point l'eau publique à leurs usages, afin que l'on eut des réservoirs auxquels on pourrait avoir recours en cas d'incendie, et que chaque maison serait séparée l'une de l'autre sans un mur mitoyen ; il bâtit pour lui-même un palais moins superbe par la dorure, que le luxe avait déjà rendue commune, que par les champs, les lacs, les forêts, et les campagnes dont il était accompagné. On peut voir une courte description de ce palais, au mot MAISON DOREE.

Les ordonnances de l'empereur, outre l'utilité publique, apportèrent un embellissement particulier à la nouvelle ville ; quelques - uns croyaient pourtant que les anciens bâtiments étaient plus sains, ou du moins plus commodes pour le peuple, parce que les rues étant plus étroites, la hauteur des maisons garantissait des rayons du soleil, qui ne trouvaient plus d'obstacle par la manière dont on venait de bâtir.

Il nous reste quelques descriptions de la ville de Rome, telle qu'elle se trouvait vers le siècle des empereurs Valentinien et Valents ; et dans ces temps-là elle était partagée en quatorze régions, dont nous avons une description attribuée à P. Victor. Voyez REGIONS DE ROME. C'est un article qui sert de supplément à celui-ci, et qui nous met en état de passer à la description de Rome moderne.

Quant aux autres détails qui concernent l'ancienne Rome, on les trouvera dans ce Dictionnaire sous leurs divers articles particuliers ; il serait superflu d'en faire ici l'énumération. Je passe à Rome moderne, la ville du monde qui intéresse le plus la curiosité. (D.J.)

ROME moderne, (Géographie moderne) C'est toujours la plus fameuse ville de l'univers, quoique l'empire romain soit détruit. On sait qu'elle est située sur le Tibre, environ à 155 lieues de Turin, à 300 de Madrid, à 330 au sud-est de Paris, à 340 d'Amsterdam, à 310 nord-ouest de Constantinople, et à 190 sud-ouest de Vienne. Long. suivant Cassini et Bianchini, 30. 10'. 30''. Latit. 41. 54. selon Gréave, 41. 46. La différence de méridiens entre Paris et Rome, est de 10. 19. 30. dont Rome est plus orientale que Paris.

Rome est non-seulement aujourd'hui la capitale de l'Italie dans l'état de l'Eglise, mais elle est encore à plus d'un égard, la capitale de tous les royaumes catholiques, puisque chacun d'eux a le droit d'y nommer un ministre, et que leurs causes ecclésiastiques, même leurs causes temporelles, y sont jugées par le tribunal de la Rote, composé de juges de chaque nation. Dans cette ville,

Près de ce capitole, où regnaient tant d'alarmes,

Sur les pompeux débris de Bellone et de Mars,

Un Pontife est assis au trône des Césars.

Des prêtres fortunés foulent d'un pied tranquille

Les tombeaux des Catons, et la cendre d'Emîle ;

Le trône est sur l'autel, et l'absolu pouvoir

Met dans les mêmes mains le sceptre et l'encensoir.

Voltaire.

La différence est néanmoins bien grande entre Rome ancienne, et Rome moderne ; je ne dirai pas avec Vopiscus, qui vivait sous l'empire de Dioclétien, que les murailles de l'ancienne Rome avaient un circuit de cinquante milles, parce que je crois que c'est une faute des copistes ; je ne suis pas moins éloigné d'adopter les extravagantes exagérations de Vossius, qui donne à l'ancienne Rome plusieurs millions d'habitants ; mais en supposant qu'elle fût à-peu-près aussi peuplée que peut l'être Paris, il est certain que Rome moderne n'a pas cent quarante mille ames.

On ne comptait à la fin du dix-septième siècle, par un dénombrement qui fut imprimé, que cent trente-cinq mille habitants dans cette ville, en y comprenant les Juifs, et ce calcul se trouvait encore vérifié par les registres des naissances. Il y naissait, année commune, trois mille six cent enfants ; ce nombre de naissances multiplié par 34, donne toujours à peu près le total des habitants, savoir environ cent vingt-cinq mille, outre les dix mille Juifs.

Il résulte de cette observation que Rome est six fois moins peuplée que Paris, et sept fois moins que Londres ; elle n'a pas la moitié d'habitants que contient Amsterdam, et en est encore plus éloignée proportionnellement du côté de l'opulence, et de la connaissance des arts qui la produisent ; elle n'a ni vaisseaux, ni manufactures, ni trafic. Il est vrai que depuis le pontificat de Jules II. et de Léon X. Rome a été le centre des beaux arts, jusqu'au milieu du dernier siècle ; mais bientôt, dans quelques-uns, elle fut égalée, et dans d'autres surpassée par notre capitale. Londres a aussi sur elle autant de supériorité par les sciences que par les richesses et la liberté ; les palais si vantés de Rome sont inégalement beaux, et généralement mal entretenus ; la plupart des maisons des particuliers sont misérables ; son pavé est très-mauvais, les pierres petites et sans assiette ; ses rues vilaines, sales et étroites, ne sont balayées que par la pluie qui y tombe rarement.

Cette ville, qui fourmille d'églises et de couvens, est presque déserte à l'orient et au midi. Qu'on lui donne tant qu'on voudra douze milles de tour, c'est un circuit rempli de terres incultes, de champs et de jardins, qu'on appelle vignes. Ceux du Vatican et du derrière de S. Pierre, occupent plus d'un tiers de la partie nommée le bourg, et tout ce qui est à l'occident de la Longara jusqu'au Tibre, ne présente encore que des jardins, et des lieux vides d'habitants. Ainsi, l'on a eu raison de dire, que les sept collines qui faisaient autrefois sa décoration, ne lui servent plus que de tombeaux.

Haec, dum viva, sibi septem circumdedit arces

Mortua nunc septem contegitur tumulis.

Cependant cette Rome dépeuplée, faible par elle-même, sans fortifications, sans troupes et sans généraux, est toujours la ville du monde la plus digne de curiosité, par une infinité de précieux restes d'antiquités, et des chef-d'œuvres des modernes, en architecture, en peinture et en sculpture.

Entre les restes de l'ancienne Rome, la grandeur de la république éclate principalement dans les ouvrages nécessaires, comme les grands chemins, les aqueducs et les ponts de la ville. Au contraire la magnificence de Rome sous les empereurs, se manifeste dans les ouvrages qui concernaient plutôt l'ostentation ou le luxe, que l'utilité publique ; tels sont les bains, les amphithéâtres, les cirques, les obélisques, les colomnes, les mausolées, les arcs de triomphe, etc. car ce qu'ils joignaient aux aqueducs, était plutôt pour fournir leurs bains et leur naumachie, et pour embellir la ville par des fontaines, que pour quelque besoin effectif. Ces divers restes ont été si amplement décrits par quantité de voyageurs et d'autres écrivains, dont les meilleurs ouvrages ont été recueillis dans la vaste collection de Gronovius, qu'il est difficîle de rien dire de neuf sur un sujet si rebattu. Cependant, il y a tant de choses remarquables dans un champ si spacieux, qu'il est difficîle de les considérer sans faire différentes réflexions, ou selon son génie, ou selon les études que l'on a cultivées.

En général parmi les antiquités de Rome, les anciennes statues sont l'objet qui a le plus de partisans, à cause de l'excellence de l'ouvrage. On est enchanté de voir les visages de gens illustres qu'on connait tant dans l'histoire. On aime à considerer la ressemblance qui se trouve entre les figures des divinités du paganisme, et les descriptions que les poètes nous en on données, soit que les poètes aient été les copistes de la sculpture grecque, soit que la sculpture ait pris ses sujets dans les poètes. Rome, maîtresse de l'univers, rassembla dans son sein les plus beaux morceaux de la Grèce.

Quoique les statues qui ont été trouvées parmi les débris de l'ancienne Rome, surprennent par leur nombre prodigieux, il ne faut point douter qu'il n'y ait encore sous terre de grands trésors en ce genre. Il y a plusieurs endroits qui n'ont jamais été visités. On n'a point touché à une grande partie du mont Palatin ; et comme c'était autrefois le siège du palais de l'empereur, on peut présumer qu'il n'est pas stérîle en richesses de ce genre.

Il y a des entrepreneurs à Rome qui achetent volontiers le droit de fouiller des champs, des jardins ou des vignobles. Ils paient l'étendue de la surface qu'ils ont à creuser ; et après l'essai, comme on fait en Angleterre pour les mines de charbon, ils remuent les endroits qui promettent davantage, et souvent avec succès. S'ils sont trompés dans leur attente, ils gagnent ordinairement assez de briques et de décombres pour se rembourser des frais de leurs recherches, parce que les Architectes estiment plus ces matériaux anciens, que les nouveaux. Mais on croit, surtout à Rome, que le lit du Tibre est le grand magasin de toutes ces sortes de trésors ; cette opinion est si générale, que les Juifs ont autrefois offert au pape de nettoyer cette rivière, pourvu qu'ils eussent seulement ce qu'ils y trouveraient. Ils proposèrent de faire un nouveau canal dans la vallée près de Ponte-Molle, pour recevoir les eaux du Tibre, jusqu'à ce qu'ils eussent vuidé et nettoyé l'ancien. Il fallait accepter une proposition si favorable, le pape la refusa par une vaine terreur ; il est certain que la ville de Rome recevrait un grand avantage d'une telle entreprise, qui releverait les bords du Tibre, et remédierait à ses fréquents débordements.

Rome offre un autre spectacle curieux, c'est la grande variété des colomnes de marbre dont elle est remplie, et qui ont été tirées d'Egypte ou de la Grèce. On conçoit la difficulté qu'on a dû éprouver pour les tailler et leur donner la forme, la proportion et le poli. Je sai que quelques modernes condamnent la proportion et la forme de ces colomnes ; mais les anciens sachant que le but de l'architecture est principalement de plaire à l'oeil, s'attachaient à remplir ce but ; c'était un effet de l'art, et de ce que les Italiens appellent el gusto grande ; ils considéraient toujours l'assiette d'un bâtiment, s'il était haut ou bas, dans une place ouverte ou dans une rue étroite, et ils s'écartaient plus ou moins des règles de l'art, pour s'accommoder aux diverses distances et élevations, d'où leurs ouvrages devaient être regardés.

Je mets au rang des colomnes de Rome, tous les obélisques qui sont dans cette capitale, et qui y ont été apportés d'Egypte. Tel est l'obélisque qui est au milieu de la place qui fait face à S. Pierre de Rome, et celui qui est vis-à-vis de S. Jean de Latran. Sixte-quint a la gloire de les avoir tous deux fait relever. Voyez OBELISQUE.

Le ponte Sant'Angelo, par où quelques voyageurs ont commencé à décrire la ville de Rome, est celui qu'on appelait anciennement Pons-Aelius, du nom de l'empereur Aelius Adrianus, qui le fit bâtir ; et il a pris celui de ponte Sant'Angelo, qu'il porte aujourd'hui, à cause que S. Grégoire le Grand, étant sur ce pont, vit, à ce qu'on dit, un ange sur le moles Adriani, qui remettait son épée dans le fourreau, après une grande peste qui avait désolé toute la ville. En jetant les yeux sur la rivière, on découvre à gauche les ruines du pont triomphal, par-dessus lequel tous les triomphes passaient pour aller au capitole ; ce qui fit que ce passage en demeura plus libre, et que par un decret du sénat, il fut défendu aux paysans et aux laboureurs.

Le château S. Ange est au bout du ponte Sant-Angelo, c'est ce qu'on appelait moles Adriani, parce que l'empereur Adrien y avait été enterré ; c'est dans ce château qu'on met les prisonniers d'état ; et que Sixte V. déposa cinq millions, avec une bulle qui défend de s'en servir sans une pressante nécessité ; apparemment que quelques-uns de ses successeurs se sont trouvés dans ce cas ; car les cinq millions de Sixte V. n'existent plus. On arrive bientôt après à la place de S. Pierre, et à l'église de même nom, qui passe pour le plus vaste et le plus superbe temple du monde. Voyez S. PIERRE de Rome.

Le palais du Vatican est tout joignant l'église de S. Pierre, et c'est grand dommage ; car si l'église était isolée, et qu'on la put voir de tous côtés en champ libre, l'effet en serait bien plus beau. Le Vatican est un édifice aussi vaste qu'irrégulier. Voyez VATICAN.

Ce palais a une bibliothèque magnifique, grossie par celle de Heidelberg, et par la bibliothèque du duc d'Urbin. Il y a dans cette bibliothèque un volume de lettres de Henri VIII. à Anne de Boulen ; il serait à souhaiter que celles de Anne de Boulen à Henri VIII. y fussent aussi ; car on en connait quelques-unes qui sont admirables. Parmi les manuscrits des derniers siècles, on y trouve quelques lettres que des cardinaux s'écrivaient, et dans lesquelles ils se traitaient de Messer-Pietro, Messer-Julio, sans autre cérémonie. Leur style a bien changé depuis ; mais comme l'article de la bibliothèque du Vatican se trouve déjà fait dans ce Dictionnaire, je suis dispensé de plus grands détails à cet égard. Voyez le mot BIBLIOTHEQUE.

Près de l'église de S. Pierre est l'hôpital du S. Esprit, l'un des plus beaux de l'Europe par sa grandeur et par son revenu. Il y a, dit-on, jusqu'à mille lits pour les malades, et un prélat qui gouverne toute la maison. C'est une espèce de mont de piété, où l'on porte son argent en dépôt ; et comme il y a toujours quelques millions de superflu, l'hôpital en fait profiter le relai à ses risques, et ce profit est beaucoup plus que suffisant pour les dépenses dont l'hôpital est chargé.

De l'hôpital du S. Esprit, on passe à l'église de S. Onuphre, où l'on voit le tombeau du Tasse. Un peu plus loin est la villa Pamphilia, maison de plaisance ornée de statues et de tableaux, entre lesquels on distingue S. Pierre attaché en croix, et la conversion de S. Paul, par Michel-Ange.

En rentrant dans la ville par la porte de S. Pancrace, on voit sur la route l'église des cordeliers appelée San Pietro-Montorio, dont le grand autel est embelli d'un tableau de la transfiguration de Notre Seigneur, par Raphaël. Du haut de la montagne où est San-Pietro-Montorio, et qui fut anciennement le janicule, on a la vue de toute la ville ; c'est ici qu'était le tombeau de Numa Pompilius.

L'église de Santa-Maria-Transtevère n'est pas loin, et c'est la première qui ait été bâtie à Rome, au rapport de Baronius. Elle occupe la place des Tabernae Meritoriae, où les anciens Romains donnaient tous les jours la pitance aux soldats estropiés.

On Ve ensuite vers l'île de S. Barthélemy, nommée anciennemment insula Tiberina. Elle se forma dans ce lieu-là, lorsque Tarquin le superbe eut été chassé de Rome. Comme on arracha les blés qu'il avait fait semer autour de Rome, on les jeta dans le Tibre avec les racines, en sorte que la terre qui y était attachée, ayant arrêté l'eau dans l'endroit où elle était bâtie, la bourbe s'y amassa insensiblement, et il s'en fit peu-à-peu une ile.

On sort de cette île par le pont de quatre tentes, nommé anciennement pons Fabricius, qui la joint avec la ville, et à main droite est le pont appelé pons Sublicius, à l'entrée duquel Horatius Coclès soutint lui seul les efforts de l'ennemi, tandis qu'on rompait ce pont derrière lui ; après quoi il se jeta dans la rivière, et se sauva à la nage. Ce pont était alors de bois, et Aemilius le fit faire de pierre. C'est de ce pont que l'empereur Héliogabale fut précipité dans la rivière avec une pierre au col.

Au sortir du pont, on voit la porte de derrière du quartier des Juifs, qui demeurent dans un coin de la ville, où toutes les nuits on les enferme à la clé. Ils n'éprouvent point cette ignominie en Allemagne, en Angleterre, ni en Hollande. A quelque distance de leurs synagogues, on voit à main gauche le palais du prince Savelli, bâti sur les ruines du théâtre de Marcellus, qu'Auguste fit élever en l'honneur de son neveu. Plus loin est le grand égoût de Rome, qui se décharge dans le Tibre, et qu'on appelait Cloaca magna. Tarquinius Priscus le fit bâtir de pierre de taille. Une charrette y peut aisément entrer, et il y a plusieurs canaux voutés par où s'écoulent les immondices. Cet ouvrage est un de ceux qui marquent le plus quelle a été la grandeur de la vieille Rome.

Du mont Aventin on Ve à la porte de S. Paul, et on voit en chemin la petite montagne ou colline qu'on appelle communément il Doliolo, ou le monte Testaccio, la montagne des pots cassés, nom qui vient peut-être de la quantité prodigieuse de vases de terre qu'on faisait à Rome pour les gens de médiocre condition pendant tout le temps que dura l'usage de bruler les morts, et l'on jetait dans cet endroit-là tous les débris de ces vases.

En approchant de la porte de S. Paul, on aperçoit le mausolée de Caïus Cestius, monument fort singulier, soit pour son ancienneté, soit pour les peintures en stuc blanc dont il était décoré. Voyez PIRAMIDE de Cestius.

Après que l'on a passé la porte de S. Paul, anciennement porta Tergemina, ou Ostiensis, on Ve à l'église du même nom, et qui a été bâtie par Constantin. Cette église est en forme de croix, et a 477 pieds de long sur 258 de large ; quatre rangs de piliers ronds qui forment le nombre de cent, la soutiennent ; ils sont d'un marbre blanc, et on prétend qu'ils ont été tirés des bains d'Antonius.

A environ deux milles de-là sont les ruines du praetorium. C'était le lieu où la garde prétorienne de l'empereur logeait : il était hors de la ville, afin que les soldats n'y commissent aucun désordre, et qu'ils pussent souvent faire l'exercice dans le cirque de Caracalla, qui était au voisinage. Ce cirque bâti par cet empereur, est le plus entier de ceux qui restent aujourd'hui à Rome. On y voit le lieu que les Romains nommaient carcères, d'où partaient les chariots qui couraient dans le cirque, et celui où était l'aiguille appelée meta : au bout de ce cirque délabré est un vieux temple rond, et un autre petit qui lui sert comme d'entrée. Ce dernier était le temple de la Vertu, et l'autre celui de l'Honneur. Ils étaient joints ensemble, parce qu'on ne peut acquérir de l'honneur que par la vertu.

En rentrant dans la ville par la porte de S. Sébastien, autrefois porta Capena, on voit le couvent de S. Dominique, bâti dans le lieu qui s'appelait autrefois Piscina publica, parce que tout le peuple de Rome venait s'y baigner.

De-là on Ve à la porte Latine, d'où l'on se rend à l'église S. Jean de Latran, regardée comme la première église patriarchale de Rome. C'est dans cette église que le pape nouvellement élu, prend possession de son patriarchat. Les pontifes de Rome demeuraient autrefois dans le palais voisin ; ce n'est que depuis leur retour d'Avignon qu'ils ont choisi leur demeure au Vatican, et dans les chaleurs de l'été, à Monte-Cavallo. Sixte V. après avoir réparé le palais de Latran, fit une bulle pour obliger ses successeurs à y demeurer d'après son exemple, trois mois de l'année ; mais ses successeurs en ont appelé à eux-mêmes, et ont fixé leur demeure au Vatican ou à Monte-Cavallo.

L'église de Latran est sous la protection de l'empereur et du roi de France, qui lui a donné l'abbaye de Clérac, dont elle jouit encore aujourd'hui. Cette église est vaste, et a des niches que l'on dit avoir été construites sur les desseins de Michel Ange ; ces niches renferment des statues, dont les quatre plus belles ont été faites par des sculpteurs français.

En passant le long de la muraille de l'ancien aqueduc de Clodius, on arrive à la villa du duc Mathéi, maison de plaisance toute remplie d'antiquités curieuses, parmi lesquelles on remarque les statues de Brutus et de sa femme Porcia, d'une seule pièce ; celle de Cléopatre, celle d'Hercule, celle de trois petits garçons qui s'embrassent l'un l'autre en dormant ; et la tête de Cicéron. Dans une autre corps de logis, sont la belle statue d'Andromède exposée aux monstres marins, une autre statue d'Apollon fuyant Marsias, et la statue d'un satyre qui tire une épine de son pied.

De ce lieu-là on descend vers l'ancien amphitheâtre nommé Colisée, à cause d'un colosse qui était auprès. C'est une des plus rares pièces de l'antiquité, mais dont il ne reste que des ruines ; Vespasien le commença, et Domitien l'acheva. Il est surprenant que l'on ait pu élever des pierres d'une aussi prodigieuse grosseur, que celles dont ce bâtiment était composé. Martial en parle en ces termes :

Hic ubi conspicui venerabilis amphiteatri

Erigitur moles, stagna Neronis erant.

Ce prodigieux amphithéâtre était de figure ronde en-dehors, quoique l'arene fût ovale. Il contenait quatre-vingt-cinq mille spectateurs, et était quatre fois plus grand que l'amphithéâtre de Vérone ; les colonnes du troisième ordre, et les pilastres du quatrième, avaient le chapiteau corinthien.

On voit encore près de cet amphithéâtre, les masures de briques qui composaient autrefois la belle fontaine qu'on appelait meta sudants ; elle fournissait de l'eau à ceux qui se trouvaient à ces spectacles. La façade était revêtue de marbre ; et sur le haut il y avait une statue de cuivre qui représentait Jupiter. L'arc triomphal de Constantin est aux environs du colisée. Il est assez bien conservé, mais il y a quelques statues dont on a enlevé les têtes ; et on en accuse Laurent de Médicis, qui, à ce qu'on dit, les fit porter à Florence. Les connaisseurs remarquent que les bas-reliefs de ce monument ne sont pas d'égale beauté ; ce qui fait soupçonner que les meilleurs morceaux furent empruntés quand on l'érigea.

De-là on se rend aux thermes d'Antonin, qui par leur magnificence, ressemblent plutôt à une ville qu'à des bains. Olympiodore dit qu'ils avaient seize cent sièges de marbre, pour avoir autant de personnes qui auraient voulu s'y baigner. Dans quelques-uns de ces bains, les bancs étaient couverts de lames d'argent, et d'autres avaient des canaux de même métal, par où l'eau coulait. Ils étaient d'ailleurs ornés de statues, de tableaux et de pierres précieuses ; aujourd'hui ce n'est plus qu'un endroit de récréation pour un triste séminaire.

Entre le mont Aventin et le mont Palatin, on peut observer le lieu où était le grand cirque. Tarquinius Priscus le commença, et Jules César, aussi - bien qu'Auguste, l'augmentèrent beaucoup. Il avait trois stades de longueur, et quatre arpens de largeur. Trajan et Héliogabale l'embellirent de statues et de colonnes ; cent cinquante mille hommes pouvaient tenir aisément dans les trois galeries qui étaient couvertes ; l'une était pour les sénateurs, l'autre pour les chevaliers, et la troisième pour le peuple. Les obélisques qui sont aujourd'hui à la porte del Popolo et à S. Jean de Latran, étaient dans le cirque. Il y a plusieurs voutes sous ce batiment ; c'était là que les courtisannes établissaient leur honteux commerce.

Du grand cirque en allant à l'église de S. George, on voit les ruines du palais des empereurs, appelé palazzo maggiore. Il occupait presque tout le mont Palatin. L'église de S. Anastase qui est sur ce mont, était autrefois le temple de Neptune. Près de-là était le temple de Janus-quadrifons, parce qu'il y avait quatre portes, et trois niches dans chaque face de carré ; ce qu'on peut prendre pour les quatre saisons, et pour les douze mois de l'année. L'eau du Tibre coulait jadis près de l'église de saint George, et on appelait ce bras de rivière velatum, à cause que l'on y passait en bateau avec une petite voîle dans un vent favorable ; on Ve de-là à l'église ronde de saint Théodore, qui à ce qu'on croit, était anciennement le temple de Rémus et de Romulus. Il faut peu monter pour aller à l'hôpital de Notre-Dame de Consolation, qu'on prétend avoir été dans l'antiquité le temple de Vesta.

L'église de Santa-Maria-Liberatrice est au pied du mont palatin, près de l'endroit nommé lacus Curtii. Ce fut là que s'ouvrit un gouffre d'où sortait une puanteur insupportable, et qui ne se referma qu'après que Curtius, chevalier romain, s'y fut précipité à cheval pour le bien de sa patrie.

En tournant à droite, on trouve le jardin Farnèse. Il est rempli de jets d'eau et de grottes, et au-dessus sont des lieux de promenade, d'où l'on découvre le grand cirque. En continuant de marcher à droite on arrive à l'arc triomphal de Titus ; il fut érigé pour le triomphe de ce prince, après la prise de Jérusalem. Cet arc est surtout remarquable par ses bas-reliefs, qui représentent le candélabre, la table, les trompettes du grand jubilé, et quelques vaisseaux qui furent apportés du temple ; cet arc est donc la rue sacrée, au pied du mont Palatin.

Le temple de la Pace, c'est-à-dire de la Paix, n'est pas loin du campo Vaccino, mais on n'en voit plus que des ruines, quoique ce fût un des plus superbes édifices de Rome. Vespasien l'avait élevé, et y avait mis les dépouilles du temple de Jérusalem. Voyez TEMPLE DE LA PAIX.

Plus avant est l'église de saint Laurent in Miranda, c'était anciennement un temple que l'empereur Antonin dédia à l'impératrice Faustine son épouse, dont il ne put jamais faire une honnête femme pendant sa vie ; le vestibule de cette église est magnifique.

Le capitole moderne est bâti sur les ruines de l'ancien capitole, tout y est plein de pièces antiques, dont la description ferait un volume. Il suffira de dire ici qu'on y remarque la louve de bronze qui alaite Remus et Romulus ; les quatre grands reliefs représentant plusieurs traits de l'histoire de Marc-Aurele, la couronne rostrale du consul Duillius, qui eut le premier dans Rome l'honneur du triomphe naval ; le courier qui s'arracha une épine du pied, après avoir apporté de bonnes nouvelles au sénat, ayant mieux aimé souffrir de grandes douleurs dans son voyage, que de retarder la joie publique ; les bustes de Cicéron et de Virgile ; les quatre anciennes mesures romaines, une pour l'huile, une autre pour le grain, et deux autres pour le vin ; la nourrice de Néron qui le tient par la main ; la déesse du silence ; le dieu Pan ; les trois Furies ; une statue de César avec sa cuirasse ; une statue d'Auguste ; celle de Castor et de Pollux ; les débris des colonnes d'Apollon, de Domitien, et de Commode ; le lion qui dévore un cheval ; les trophées que quelques-uns disent être de Trajan, et les autres de Marius. Les deux chevaux de marbre qui se voient dans la place du capitole, ont été enlevés du théâtre de Pompée ; et la statue équestre de bronze que l'on voit dans le même lieu, y fut mise par Paul III. On croit que c'est la statue de Marc-Aurele.

Pour ce qui est du milliarium, ou colonne milliaire du capitole. Voyez MILLIAIRE.

On monte ensuite au palais de saint Marc, qui appartient à la république de Venise, et où logent les ambassadeurs qu'elle tient à la cour de Rome. Du palais de saint Marc on Ve au mont Quirinal, appelé présentement Monte-cavallo, et en passant par le quartier de la ville, nommé autrefois forum Trajani, on s'arrête à considérer la célèbre colonne de Trajan, érigée par le sénat en l'honneur de cet empereur. Voyez TRAJANE, colonne.

La place de Monte-cavallo est remarquable par les statues de deux chevaux en marbre que deux hommes tiennent en main par les rênes, et dont Tiridate, roi d'Arménie, fit présent à Néron. Sur le piédestal de l'une on lit, opus Phidiae ; et sur celui de l'autre, opus Praxitelis. Ce sont ces chevaux qui donnent présentement le nom à la montagne sur laquelle était les bains de Constantin. Le palais que le pape occupe en été est vis-à-vis. L'église de saint Pierre aux - liens n'est pas éloignée de Monte-cavallo ; c'est dans cette église qu'est la statue de marbre de Moïse par Michel Ange.

L'église de sainte Marie majeure est la plus grande église de celles de Rome qui sont dédiées à Notre-Dame, et c'est de-là qu'est venu son nom ; elle est sur le mont Esquilin, au bout de la rue des quatre fontaines ; on vante beaucoup ses deux chapelles, qui ont été bâties par Sixte V. et par Paul V.

La porte del popolo, du peuple ou des peupliers, s'appelait anciennement la porte Flaminienne, parce qu'elle était sur la voie Flaminienne. Les uns prétendent qu'on la doit nommer la porte des peupliers, à cause de la quantité d'arbres de cette espèce qu'il y avait dans cet endroit ; les autres tirent son nom d'une église de Notre-Dame, qui est à gauche en entrant dans la ville, et qui fut bâtie par le peuple romain, à la fin du onzième siècle, dans l'endroit où était le tombeau de Néron, et qu'on appela à cause de cela Notre-Dame du peuple. La porte que l'on voit aujourd'hui a été bâtie sous le pontificat de Pie IV. par Vignole, sur les desseins de Michel-Ange Buonarota. Elle est de pierre travestine, ornée de quatre colonnes d'ordre dorique, dont les piédestaux sont d'une hauteur qu'on ne peut s'empêcher de critiquer, malgré le respect que l'on a pour ceux qui ont conduit l'ouvrage.

L'entrée de Rome par cet endroit, est la seule qui plaise à la vue ; on y trouve une place triangulaire, ouverte par trois rues, longues, droites, et larges ; celle du milieu est la rue du cours, il corso, ainsi nommée, parce qu'on s'y promene en carosse pour prendre le frais, et qu'elle sert aux courses des chevaux, et aux divertissements du carnaval ; une de ces rues passe par la place d'Espagne, qui est le lieu le plus fréquenté des étrangers qui viennent à Rome.

Après avoir passé devant l'église des Grecs, on vient au palais du grand-duc, où l'on remarque entre autres antiquités, les statues de deux lutteurs, et celle d'un paysan, qui en aiguisant sa faulx, entendit les complices de Catilina s'entretenir de leur conspiration, qu'il découvrit au sénat ; c'est une très-belle pièce, mais les statues de Vénus et de Cupidon sont incomparables.

C'est encore ici le palais des Barberins, l'un des plus beaux de Rome, tant pour sa situation du côté de la montagne, que pour ses riches appartements. Il y a deux escaliers qui sont des chefs-d'œuvre ; et Pierre de Cortone s'est épuisé pour embellir le plafond de la grande salle ; la galerie est ornée de tableaux et de rares statues.

La colonne Antonine qui fut anciennement élevée par Marc-Aurele Antonin et par le sénat, en l'honneur d'Antonin Pie, est dans la même rue del Corso. Voyez COLONNE ANTONINE.

On arrive ensuite à l'église et au couvent des dominicains, appelé la Minerva, parce qu'ils sont élevés sur les ruines du temple de Minerve, lequel renfermait un bien plus grand espace que celui qu'occupent aujourd'hui l'église et le couvent. On admire dans cette église le Christ de Michel-Ange. La figure est de marbre blanc, de grandeur naturelle, entièrement nue, sans la moindre draperie. C'est un ouvrage fini, d'un goût exquis, et selon les Romains, inimitable. Les dominicains couvrent avec une riche écharpe la nudité de la figure.

Ant. de Saint-gallle fut le premier entrepreneur du palais Farnèse. Il le commença seulement, et Michel-Ange en est regardé comme le principal architecte. La façade de ce bâtiment est large de cent quatre-vingt pieds et haute de quatre-vingt-dix. Les portes, les croisées, les encoignures, la corniche et toutes les pierres principales sont des dépouilles du colisée. On a ainsi détruit une grande partie de ce merveilleux monument. On en a bâti presque tout le grand palais de la chancellerie, aussi-bien que l'église de saint-Laurent in Damaso. Au lieu de conserver ces précieux restes de l'antiquité, comme a fait Sixte V, à qui Rome moderne est redevable de la plus grande partie de sa beauté, il s'est trouvé plusieurs papes qui ont contribué eux-mêmes à faire le dégat. Innocent VIII ruina l'arc gordien pour bâtir une église : Alexandre VI démolit la belle pyramide de Scipion, pour paver les rues des pierres qu'il en ôta. Les degrés de marbre par où l'on monte à l'église d'Ara coeli, ont été pris d'un temple de Romulus ; saint Blaise est bâti des debris d'un temple de Neptune ; saint Nicolas-de-l'Ame a été élevé des débris du Cirque-Agonal, et ainsi de quantité d'autres.

Le palais Farnèse est un des plus beaux de Rome. On voit dans sa cour la statue de Flore, celle de deux gladiateurs, et celle d'Hercule qui fut trouvée dans les bains d'Antonius Caracalla. Il y a dans une des galeries, l'admirable figure d'un dauphin portant sur son dos un petit garçon, et à l'entrée de la grande salle ; les statues de deux rois parthes qui sont enchainés. On fait aussi grand cas des statues de la Charité et de l'Abondance, en posture de deux personnes qui s'embrassent. Tout-autour de l'appartement sont les figures de plusieurs gladiateurs, l'épée à la main, dans les différentes attitudes de combat. On aime encore mieux les belles statues des anciens philosophes et poètes ; celle d'Euripide, de Platon, de Possidonius, de Zénon, de Diogène, de Seneque, etc. On entre aussi dans un appartement rempli de tableaux des grands maîtres.

De-là on passe dans la galerie dont les platfonds sont de la main d'Annibal Carrache : ils contiennent les histoires des amours des dieux et des déesses. La statue d'Apollon taillée dans un caillou se voit dans cette galerie. Dans une cour de derrière est le taureau de marbre qui fait l'admiration des connaisseurs, et qu'on nomme le taureau Farnèse. Voyez TAUREAU FARNESE.

A quelque distance du palais Farnèse, on trouve la piazza de Pasquino, où est la fameuse statue de Pasquin proche de la place Navonne. Voyez PASQUIN.

La place Navonne s'appelait autrefois platea agonalis, c'est-à-dire, la place des combats, parce que c'était un cirque bâti par Alexandre Sevère. Elle est cinq ou six fois plus longue que large, et une de ses extrémités est un arc de cercle. On y voit le palais du prince Pamphile, ainsi que la belle église qu'il a fait bâtir en l'honneur de sainte Agnès.

Le milieu de la place Navonne est moins élevé que les bords ; de manière qu'on en peut faire une espèce de lac, en fermant les conduits par lesquels s'écoule l'eau des trois grandes fontaines qui sont sur cette place. On a mis au pied du rocher, quatre figures colossales qui représentent les quatre grands fleuves des quatre parties du monde ; le Gange pour l'Asie, le Nil pour l'égypte, le Danube pour l'Europe, et le Rio de la Plata pour l'Amérique. On peut donner trois pieds d'eau au milieu de la place Navonne, et c'est ce qu'on fait fréquemment dans les grandes chaleurs, une heure avant le coucher du Soleil.

Le collège de la Sapienza n'est pas éloigné de la place Navonne. Eugène IV. fit commencer le bâtiment de ce collège. Ensuite Urbain VIII. et Alexandre VII. l'embellirent d'une église et d'une bibliothèque publique. C'est le plus ancien collège de Rome et le seul qui ait droit de faire des docteurs ; le pape en nomme les professeurs, qui sont presque tous des religieux d'une érudition peu brillante, quoiqu'ils aient beaucoup de privilèges et d'honneurs.

Le jardin de botanique est placé au janicule dans une exposition favorable et dans un heureux climat pour la culture des plantes, mais on n'en profite pas davantage.

L'église de saint Louis n'est pas éloignée de la place Navonne, et le palais Justiniani est aux environs. On voit dans ce palais de belles statues des dieux du paganisme, outre quantité de pieds et de jambes de marbre. On y voit aussi divers tableaux de grands maîtres, entr'autres, le tableau de saint Jean-l'évangeliste qui est de la main de Raphaël.

La Rotonde, autrefois le Panthéon, est la plus hardie pièce d'architecture qui soit à Rome ; et c'est là que Raphaël est enterré. Nous avons déjà parlé du Panthéon, et nous ferons un article séparé de la ROTONDE.

On traverse le campo-Martio, pour aller à l'église de san-Lorenzo-in-lucina qui est la plus grande paraisse de Rome. Elle avoisine le palais Borghèse, palais qui renferme bien des choses rares, surtout en tableaux, dont le plus estimé est du Titien ; c'est une Vénus qui bande les yeux de l'Amour, pendant que les Graces lui apportent ses armes. Le portrait de Paul V de la maison Borghèse est un ouvrage très-délicat en mosaïque.

Auguste avait son mausolée dans le même quartier, à peu de distance de l'église de saint Roch. Cet édifice était rond, et l'une des plus belles choses qu'on put voir dans l'ancienne Rome. Il avait trois rangs de colonnes les unes sur les autres, dont les étages allaient toujours en retrécissant ; et sur chaque étage était une espèce de terrasse où l'on avait planté des arbres pour répandre de la verdure. La statue d'Auguste était sur le haut de tout l'ouvrage, élevée de terre de deux cent cinquante coudées : le temps a détruit ce superbe tombeau.

L'église des Augustins située dans le voisinage, a une bibliothèque ouverte le matin ; et tout près de cette église est le palais du duc d'Altemps. La grande salle de ce palais est remarquable par le triomphe de Bacchus en bas-relief sur du marbre, par la représentation d'une ville taillée sur du bois, et par un portrait de la Vierge tenant l'Enfant Jesus entre ses bras ; c'est un tableau de la main de Raphaël, et qui est fort estimé.

En parcourant Rome moderne, je n'ai point parlé de ses antiquités chrétiennes, parce qu'elles sont trop embarrassées de légendes et de fables. J'ai aussi passé sous silence la description des églises qui n'ont rien de remarquable, outre que leur nombre est si grand, qu'on en compte près de trois cent, dont plus de quatre-vingt servent de paroisses, quoique la dixième partie fût plus que suffisante.

On sait que Rome fut d'abord gouvernée par des rais, ensuite par des consuls, puis par des empereurs jusqu'à Augustule, l'an 475 de J. C. enfin par des papes.

Cette ville a été saccagée six fais, premièrement par les Gaulois, l'an 364 de sa fondation : secondement par Alaric, l'an de J. C. 410 : troisiemement par Genseric roi des Vandales, l'an 455 : quatriemement par Odoard roi des Hérules : cinquiemement par Totila, l'an 546 : sixiemement par Charles-Quint, l'an 1527.

" Dans le septième et le huitième siècles, la situation de Rome, dit un historien philosophe, était celle d'une ville malheureuse, mal défendue par les exarques, continuellement menacée par les Lombards, et reconnaissant toujours les empereurs pour ses maîtres. Les papes ne pouvaient être consacrés qu'avec la permission expresse de l'exarque. Le clergé romain écrivait au métropolitain de Ravenne, et demandait la protection de sa béatitude, auprès du gouverneur, ensuite le pape envoyait à ce métropolitain sa profession de foi. Enfin Charlemagne, maître de l'Italie comme de l'Allemagne et de la France, juge du pape, arbitre de l'Europe, se rendit à Rome à la fin de l'année 799.

Si pour lors il eut fait de cette ville sa capitale, si ses successeurs y eussent fixé leur principal séjour, et surtout si l'usage de partager ses états à ses enfants n'eut point prévalu chez les Barbares, il est vraisemblable qu'on eut Ve renaître l'empire romain. Tout contribua depuis à dévaster ce vaste corps, que la valeur et la fortune de Charlemagne avaient formé ; et tout concourut à relever la puissance abbatue du saint siege jusqu'au temps de la révolution qui lui a fait perdre les plus beaux fleurons de sa couronne. (D.J.) "

ROME, déesse, (Mythol. Littér. Inscript. Médaill.) les anciens non-contens de personnifier plusieurs de leurs villes, et de les peindre sous une figure humaine, leur attribuèrent encore des honneurs divins ; mais entre les villes qu'on a ainsi vénérées, il n'y en a point dont le culte ait été si grand et si étendu que celui de la déesse Rome.

On la peignait ordinairement ressemblante à Pallas, assise sur un roc, ayant des trophées d'armes à ses pieds, la tête couverte d'un casque, et une pique à la main. On lui donnait un air jeune, pour marquer que Rome était toujours dans la vigueur de la jeunesse ; on la représentait avec un habit long, pour montrer qu'elle était également prête à la paix et à la guerre ; quelquefois au-lieu d'une pique, elle tient une victoire, symbole convenable à celle qui avait vaincu tous les peuples de la terre connus.

Les figures de la déesse Rome sont assez souvent accompagnées d'autres types qui la représentaient ; telle était l'histoire de Rhéa-Sylvia, la naissance de Remus et de Romulus, leur exposition sur le bord du Tibre, le berger Faustulus qui les nourrit, la louve qui les alaite, le lupercal ou la grotte dans laquelle la louve en prit soin.

On bâtit des temples à la déesse Rome, on lui éleva des autels non-seulement dans la capitale, mais dans la plupart des villes de l'empire. Abenda, ville de Carie, montra la première l'exemple, selon Tite-Live, liv. XLIII. ch. VIe et cet exemple fut imité à Smyrne, à Nicée, à Ephese, à Melasse, à Pola, ville de l'Istrie, et ailleurs, où le culte de cette déesse était aussi célèbre que celui d'aucune autre divinité. On n'entreprenait point de long voyage sans bruler de l'encens à sa gloire, et sans lui adresser des vœux ; enfin, les moindres titres de la flatterie, dont on cajolla cette prétendue déesse, était Roma victrix, Rome victorieuse ; Roma invicta, Rome invincible ; Roma sacra, Rome sacrée ; Roma aeterna, Rome éternelle.

Auguste vit avec plaisir qu'on consacra des temples à lui Auguste ; il était trop vain pour n'être pas touché de cet honneur ; mais en politique adroit, il voulut qu'on le joignit dans la consécration des temples à la déesse Rome. On dit qu'on voit encore en France, à l'entrée de la ville de Saintes, au milieu du pont sur la Charente, un monument qui entr'autres inscriptions en a conservé une dans laquelle il est dit que celui qui le dédiait était un prêtre attaché au service de la déesse Rome et d'Auguste.

On trouve souvent la tête de la déesse Rome représentée comme Pallas dans les médailles consulaires, et dans quelques médailles grecques. On la trouve aussi jointe avec celle du sénat, représenté en vieillard, parce qu'il était composé de gens d'un âge mûr. Les titres qui accompagnent les têtes de Rome et du sénat, dans les médailles grecques, sont , la déesse de Rome, et , le dieu du sénat, ou , le sacré sénat.

Les médailles de Maxence représentent Rome éternelle assise sur des enseignes militaires, armée d'un casque, tenant d'une main son sceptre, et de l'autre un globe qu'elle présente à l'empereur couronné de laurier, pour lui dire qu'il était le maître et le conservateur de tout le monde, avec cette inscription, conservatori urbis aeternae.

Les médailles de Vespasien nous font voir Rome ayant le casque en tête, et couchée sur sept montagnes, tenant son sceptre, et ayant à ses pieds le Tibre, sous la figure d'un vieillard.

Enfin par les médailles d'Adrien, Rome tient un rameau de laurier de la main gauche, et de la droite la victoire sur un globe, comme étant victorieuse de tout l'univers. (D.J.)

ROME, au jeu du Romestecq, ce sont deux valets, deux dix, ou deux neufs, ou deux autres cartes d'une même espèce ; elle ne vaut qu'un point à celui qui l'a.

ROME, double rome, au jeu de Romestecq, se dit lorsqu'on a deux as, ou deux rois en main, elle vaut deux points ; et lorsque les deux as ou les deux rois ne sont pas grugés, elle en vaut quatre.