S. m. (Poésie française) le rondeau est un petit poème d'un caractère ingénu, badin et naïf ; ce qui a fait dire à Despréaux :

Le rondeau né gaulois a la naïveté.

Il est composé de treize vers partagés en trois strophes inégales sur deux rimes, huit masculines et cinq féminines, ou sept masculines et six féminines.

Les deux ou trois premiers mots du premier vers de la première strophe servent de refrain, et doivent se trouver au bout des deux strophes suivantes, c'est-à-dire que le refrain doit se trouver après le huitième vers et le treizième. Outre cela, il y a un repos nécessaire après le cinquième vers.



L'art consiste de donner aux vers de chaque strophe un air original et naturel, qui empêche qu'ils ne paraissent faits exprès pour le refrain, auquel ils doivent se rapporter comme par hasard.

La troisième strophe doit être égale à la première, et pour le nombre des vers et pour la disposition des rimes.

La seconde strophe inégale aux deux autres ne contient jamais que trois vers, et le refrain qui n'est point compté pour un vers.

Ce petit poème a peut-être bien autant de difficultés que le sonnet ; on y est plus borné pour les rimes, et on est de plus assujetti au joug du refrain ; d'ailleurs cette naïveté qu'exige le rondeau n'est pas plus aisée à attraper que le style noble et délicat du sonnet.

Les vers de huit et de dix syllabes sont presque les seuls qui conviennent au rondeau. Les uns préfèrent ceux de huit, et d'autres ceux de dix syllabes ; mais c'est le mérite du rondeau qui seul en fait le prix. Son vrai tour a été trouvé par Villon, Marot et S. Gélais. Ronsard vint ensuite qui le méconnut ; Sarrazin, la Fontaine et madame Deshoulières surent bien l'attraper, mais ils furent les derniers. Les poètes plus modernes méprisent ce petit poème, parce que le naïf en fait le caractère, et que tout le monde aujourd'hui veut avoir de l'esprit qui brille et qui pétille.

Après avoir donné les règles du rondeau, je vais en citer un exemple qui contient ces règles mêmes.

Ma foi c'est fait de moi : car Isabeau

M'a conjuré de lui faire un rondeau :

Cela me met en une peine extrême.

Quoi, treize vers, huit en eau, cinq en ème !

Je lui ferais aussi - tôt un bateau.

En voilà cinq pourtant en un monceau.

Faisons - en huit en invoquant Brodeau.

Et puis mettons par quelque stratagème,

Ma foi c'est fait.

Si je pouvais encore de mon cerveau

Tirer cinq vers, l'ouvrage serait beau.

Mais cependant me voilà dans l'onzième,

Et si je crois que je fais le douzième.

En voilà treize ajustés au niveau.

Ma foi c'est fait.

Plusieurs lecteurs aimeront sans doute autant ce rondeau -ci de madame Deshoulières, dont le refrain est entre deux draps.

Entre deux draps de toîle belle et bonne,

Que très-souvent on rechange, on savonne,

La jeune Iris au cœur sincère et haut,

Aux yeux brillans, à l'esprit sans défaut,

Jusqu'à midi volontiers se mitonne.

Je ne combats de goût contre personne ;

Mais franchement sa paresse m'étonne !

C'est demeurer seule plus qu'il ne faut

Entre deux draps.

Quand à RÊVer ainsi l'on s'abandonne,

Le traitre amour rarement le pardonne ;

A soupirer on s'exerce bientôt,

Et la vertu soutient un grand assaut,

Quand une fille avec son cœur raisonne

Entre deux draps.

Le refrain doit être toujours lié avec la pensée qui précède, et en terminer le sens d'une manière naturelle ; et il plait surtout, quand représentant les mêmes mots, il présente des idées un peu différentes, comme dans celui-ci, que Malleville, secretaire du maréchal de Bassompière, fit contre Boisrobert, dans le temps qu'il était en faveur auprès du cardinal Richelieu. Le P. Rapin loue extrêmement ce rondeau dans ses remarques sur la poésie ; et il mérite en effet d'être ici placé.

Coèffé d'un froc bien raffiné,

Et revêtu d'un doyenné

Qui lui rapporte de quoi frire,

Frere René devient messire,

Et vit comme un déterminé.

Un prélat riche et fortuné

Sous un bonnet enluminé

En est, s'il le faut ainsi dire,

Coèffé.

Ce n'est pas que frère René

D'aucun mérite soit orné ;

Qu'il soit docte, qu'il sache écrire,

Ni qu'il dise le mot pour rire ;

Mais c'est seulement qu'il est né

Coèffé.

RONDEAU REDOUBLE, (Poésie française) cette espèce de rondeau est composée d'une certaine quantité de strophes égales entr'elles, et qui dépendent du nombre de vers que contient la première strophe ; ordinairement elle en contient quatre, et alors elle est suivie de cinq autres strophes, dont les quatre premières finissent chacune par un vers de la première strophe ; et lorsque par ce moyen cette strophe est entièrement répétée, on en ajoute une dernière, au bout de laquelle se trouvent par forme de refrain, les deux ou trois premiers mots du premier vers de tout le poème. Tel est le rondeau de Madame Deshoulières à M. le duc de Saint-Aignan, sur la guérison de sa fièvre quarte. Dans ce rondeau, les quatre vers de la première strophe, vont terminer successivement les quatre strophes suivantes.

La première strophe étant entièrement répétée, suit la cinquième et dernière strophe finissant par le refrain : sans dédaigner, qui commence le premier vers de tout le rondeau.

Dans le rondeau redoublé, si la première strophe avait cinq vers, le rondeau aurait sept strophes, parce qu'il en faudrait cinq pour répéter la première. On conçoit aisément que cette espèce de rondeau a beaucoup plus de difficulté que le rondeau ordinaire ; mais il n'en a pas l'agrément. (D.J.)

RONDEAU, en Musique, est une sorte d'air à deux ou plusieurs reprises, dont la construction est telle qu'après avoir fini chaque reprise, on recommence toujours la première avant que de passer à celle qui suit, et qu'on finit le tout par cette même première reprise par laquelle on a commencé.

Les ariettes italiennes, et toutes nos ariettes modernes sont assez communément en rondeau, de même que la plus grande partie des pièces de clavecin.

RONDEAU, plaque de fer forgé, ou de fonte, dont les miroitiers-lunettiers se servent pour y travailler les verres dont la superficie doit être plane, c'est-à-dire ni convexe ni concave. Les rondeaux servent aussi pour faire des bizeaux sur les glaces ; le grais, l'émeril, le tripoli, la potée d'étain, servent à dégrossir, adoucir, polir et lustrer le verre ou le crystal qu'on travaille sur le rondeau. Voyez BASSIN des lunetiers, au mot LUNETIER et les Pl. du lunetier.

RONDEAU, c'est, parmi les pâtissiers, une planche en rond, sur laquelle on dresse les pains-benits. Voyez les Pl.