(Géographie ancienne) Scythae ; on donna anciennement le nom de Scythes à tous les peuples du septentrion, principalement à ceux du septentrion de l'Asie ; car quoique plusieurs auteurs marquent des Scythes en Europe, et que Pline les donne pour des peuples limitrophes du Pont, conjointement avec les Dardaniens, les Triballiens, les Moesiens et les Thraces ; ces Scythes sont plus souvent appelés Getes ou Sarmates, quand on veut les prendre dans un sens plus étendu. Presque toujours par le nom de Scythes, on entend des peuples Asiatiques. Aussi Pomponius Mela, lib. III. c. iv. après avoir dit que la Sarmatie était limitrophe de la Germanie, dont elle était séparée par la Vistule, ajoute, chap. Ve que les confins de l'Asie se prennent à la Sarmatie, si ce n'est dans les pays perpétuellement couverts de neige, et où il faisait un froid insupportable ; pays qui étaient habités par les Scythes.



Le nom des Scythes passa dans quelques parties de la Sarmatie et de la Germanie ; et de même le nom de Sarmates passa dans l'Asie, mais seulement dans les parties citérieures de cette région. Le périple de Scylax, dit qu'après le fleuve Tanaïs, c'est le commencement de l'Asie, et que cette première partie, qui est le Pont, est habitée par les Sauromates ou Sarmates.

Les mœurs des anciens scythes ont été décrites par plusieurs auteurs ; nous n'en recueillerons ici que quelques particularités les plus curieuses.

Ils estimaient l'amitié au-dessus de toutes choses, et faisaient gloire d'assister leurs amis dans les plus fâcheuses extrémités. Ils ne s'occupaient point au labourage (Justin, lib. II.), mais seulement à faire paitre leurs troupeaux ; et même ils faisaient crever les yeux à quelques esclaves (Plutarque), afin que n'étant plus capables d'aucune autre fonction, ils pussent bien battre le lait. Ils n'avaient point de maisons (Hérodote, lib. IV.), et menaient leurs femmes et leurs enfants sur des charrettes couvertes de cuir, pour les défendre du froid et des pluies, changeant de place à mesure que l'herbe manquait. Ils allaient rarement à pied, voyageant presque toujours ou à cheval, ou dans leurs chars (Hippocr. de aere et aquis, lib. II.) Quelques-uns en avaient qui étaient couverts de feuillages d'arbres (Ammian. Marcel. lib. XXII.), et dans lesquels ils portaient quelques meubles de peu de valeur. Ils mangeaient principalement du fromage de leurs juments (Justin, lib. II. ix. Nicephor. lib. VIII.), dont le lait était aussi leur breuvage.

Plutarque dit dans son banquet des sept sages, que les Scythes n'avaient ni jeux, ni joueurs d'instruments.

Ils étaient vétus des peaux de leurs bêtes ; portaient les mêmes habits l'hiver que l'été (Hippocr. de aere, et Justin, lib. II.) Ils tenaient que c'était un ornement d'avoir un arc bandé à la main ; et c'est ainsi que le philosophe Anacharsis, scythe de nation, était représenté par ceux d'Athènes, qui de plus lui mettaient un livre à la main droite.

Les Scythes ne faisaient aucun état ni de l'or, ni des perles, ni des pierreries ; mais ceux qui se distinguaient par leur valeur étaient extrêmement estimés, et on tâchait à l'envi d'acquérir leur amitié.

Lorsque le choix d'un ami avait été fait, les deux amis protestaient de vivre et de mourir l'un pour l'autre. Pour rendre cette alliance assurée, ils se faisaient des incisions aux doigts, afin que leur sang distillât dans une tasse, où après avoir trempé la pointe de leurs épées, ils buvaient l'un et l'autre de ce sang. Jamais on ne recevait plus de trois personnes à cette alliance, parce qu'ils étaient persuadés que l'amitié était faible, si on consentait à la partager entre un plus grand nombre de personnes.

Ils traversaient les rivières sur des peaux chargées de liège en-dessous. Celui qui voulait passer de l'autre côté, se mettait sur la peau, et prenait son cheval par la queue, en sorte que le cheval tirait après lui cette manière de barque. Ils rendaient la justice suivant la raison naturelle, et non suivant quelque loi écrite ; mais ils punissaient sévèrement le larcin. Ils adoraient Vesta, Jupiter et la Terre, qu'ils croyaient sa femme, Mars et Hercule (Hérodote, lib. IV.) Ils juraient par le vent et par l'épée ; l'un comme auteur de la vie et de la respiration ; et l'autre comme procurant la mort (Clém. Alex. adhort. ad gentil.) Ils sacrifiaient des chevaux à Mars, représenté par l'épée dont nous venons de parler ; et quelquefois ils lui immolaient un homme de chaque centaine de leurs prisonniers de guerre.

Les mariages étaient heureux chez les anciens scythes, et quatre choses en assuraient le bonheur : l'éducation vertueuse que les enfants recevaient de leurs parents ; l'attachement des femmes pour leurs époux ; l'horreur de l'infidélité conjugale ; et la rigueur des lois contre ce crime. Chez eux, la plus grande dot d'une fille, était la vertu de ses parents ; c'était son inviolable attachement pour son époux, et l'éloignement qu'elle avait pour un autre ; c'était enfin sa persuasion que l'infidélité était un crime.

On fera bien de lire dans les Mémoires de l'académie de Petersbourg les dissertations de M. Bayer sur l'origine et les anciennes demeures des Scythes, sur leur histoire, ainsi que sur la situation de la Scythie du temps d'Hérodote, pays auquel des auteurs modernes fort respectables ont donné une étendue beaucoup trop grande. Mais quoiqu'ils aient suivi en cela Ephore, ancien historien, dont Cosmas nous a conservé les termes, notre savant ne peut se ranger à leur sentiment. Il entend par l'Araxe, au-delà duquel Hérodote témoigne que les Scythes avaient autrefois leurs tentes, non la rivière d'Arménie connue sous ce nom, ni aucun des autres fleuves auxquels les savants veulent que l'antiquité ait donné le nom d'Araxe, mais le Volga, que les anciens appellent aussi Rha ; ce qui rapproche considérablement les bornes orientales de la Scythie. M. Bayer pense aussi que l'Araxe que Cyrus passa pour attaquer les Massagetes est ce même Volga, et non pas l'Oxus, comme l'a cru Cellarius d'après Isaac Vossius. Il a joint à ses dissertations une carte de la Scythie construite sur l'histoire d'Hérodote ; et c'est conformément à sa description bien entendue et corrigée où elle doit l'être, que M. Bayer place la Scythie entre les degrés 45 et 57 de longitude, et entre les degrés 47 et 55 de latitude.

M. Bayer a donné dans les mêmes mémoires une table chronologique des événements qui intéressent les Scythes, depuis l'an 644 avant Jesus-Christ jusqu'à l'année 421. Cette table est suivie d'une pièce intitulée, Mémoires des Scythes, jusqu'à Alexandre le Grand ; c'est un extrait de tout ce qu'Hérodote et autres historiens ont rapporté de cette puissante et nombreuse nation. (D.J.)

SCYTHES, THRACES ET GETES, philosophie des, (Histoire de la Philosop.) on appelait autrefois du nom général de Scythie, toutes les contrées septentrionales. Lorsqu'on eut distingué le pays des Celtes de celui des Scythes, on ne comprit plus sous la dénomination de Scythie, que les régions hyperboréennes situées aux extrémités de l'Europe. Voyez à l'article CELTES, ce qui concerne la philosophie de ces peuples. Il ne faut entendre ce que nous allons dire ici sur le même sujet, que des habitants les plus voisins du pôle, que nous avons connus anciennement dans l'Asie et l'Europe.

On a dit d'eux qu'ils ne connaissaient pas de crime plus grand que le vol ; qu'ils vivaient sous des tentes ; que laissant paitre au hasard leurs troupeaux, la seule richesse qu'ils eussent, ils n'étaient surs de rien s'il était permis de voler ; qu'ils ne faisaient nul cas de l'or ni de l'argent ; qu'ils vivaient de miel et de lait ; qu'ils ignoraient l'usage de la laine et des vêtements ; qu'ils se couvraient de la peau des animaux dans les grands froids ; qu'ils étaient innocens et justes ; et que réduits aux seuls besoins de la nature, ils ne désiraient rien au-delà.

Nous nous occuperons donc moins dans cet endroit, de l'histoire de la Philosophie, que de l'éloge de la nature humaine, lorsqu'elle est abandonnée à elle-même, sans loi, sans prêtres et sans roi.

Les scythes grossiers ont joui d'un bonheur que les peuples de la Grèce n'ont point connu. Quoi donc ! l'ignorance des vices serait-elle préférable à la connaissance de la vertu ; et les hommes deviennent-ils méchants et malheureux, à mesure que leur esprit se perfectionne et que les simulacres de la divinité se dégrossissent parmi eux ? Il y avait sans-doute des âmes bien perfides et bien noires autour du Jupiter de Phidias ; mais la pierre brute et informe du scythe fut quelquefois arrosée du sang humain. Cependant, à parler vrai, j'aime mieux un crime atroce et momentané, qu'une corruption policée et permanente ; un violent accès de fièvre, que des taches de gangrene.

Les Scythes ont eu quelqu'idée de Dieu. Ils ont admis une autre vie ; ils en concluaient qu'il valait mieux mourir que de vivre : cette opinion ajoutait à leur courage naturel. Ils se réjouissaient à la vue d'un tombeau.

Le nom d'Abaris, scythe hyperboréen, prêtre d'Apollon, et fils de Scute, fut célèbre dans la Grèce. Qui est-ce qui n'a pas entendu parler de la flèche merveilleuse à l'aide de laquelle il traversait sans peine les contrées les plus éloignées ; de ses vertus contre la peste ; du voyage d'Abaris en Grèce et en Italie ; de son entretien avec Pythagore ; du don qu'il lui fit de sa flèche ; des conseils qu'il reçut du philosophe en échange ? Pythagore reçoit le présent d'Abaris avec dédain, et lui montre sa cuisse d'or. Il apprend au barbare la Physique et la Théologie ; il lui persuade de substituer à ses exstispices, la divination par les nombres. On les transporte tous les deux à la cour de Phalaris ; ils y disputent ; et il se trouve presque de nos jours, de graves personnages qui, partant de ces fables comme de faits historiques bien constatés, cherchent à fixer l'époque de la fameuse peste de la Grèce, le règne de Phalaris et l'olympiade de Pythagore.

S'il y eut jamais un véritable Abaris ; si cet homme n'est pas un de ces imposteurs qui couraient alors les contrées, et qui en imposaient aux peuples grossiers, il vécut dans la IIIe olympiade.

Au reste, dans les temps postérieurs, lorsque la religion chrétienne s'établit, et que toutes les sectes des philosophes s'élevèrent contre elle, on ne manqua pas de reveiller, d'orner tous ces prétendus miracles, et de les opposer à ceux de J. C. Voyez dans Origène avec quel succès.

Anacharsis est mieux connu. Il était scythe, fils de Caduste et d'une grecque, frère du roi des Perses, et de cette tribu de la nation qu'on appelait nomades, de leur vie errante et vagabonde ; il préféra l'étude de la Philosophie à l'empire. Il vint à Athènes la première année de la xlvij. olympiade ; il y trouva Toxaris un de ses compatriotes, qui le présenta à Solon qui gouvernait alors, et qui eut occasion de s'apercevoir qu'un scythe ne manquait ni de lumières, ni de sagesse. Solon se plut à instruire Anacharsis, à l'introduire dans les plus grandes maisons d'Athènes ; et il réussit à lui procurer de l'estime et de la considération au point qu'il fut le seul barbare à qui les Athéniens accordèrent le droit de bourgeoisie. De son côté Anacharsis reconnut ces services par l'attachement le plus vrai, et par l'imitation rigoureuse des vertus de son bienfaiteur ; ce fut un homme ferme et sentencieux. Les Grecs en ont raconté bien des fables. Anacharsis ne se fixa point dans Athènes, il voyagea ; il étudia les mœurs des peuples, et reprit le chemin de son pays par Cizique, où il promit des sacrifices à la mère des dieux dont on célébrait la fête dans cette ville, si elle lui accordait un heureux retour. Arrivé en Scythie, il satisfit à son vœu ; mais ses compatriotes qui abhorraient les mœurs étrangères, en furent indignés ; et Saulnis son frère, le perça d'une flèche. Il disait en mourant : " La sagesse qui a fait ma sécurité dans la Grèce, a fait ma perte dans la Scythie ". Parmi les sciences auxquelles il s'était appliqué, il n'avait pas négligé la Médecine. Ce ne fut point à proprement parler, un philosophe systématique ; mais un homme de bien. Comme il était destiné par sa naissance aux premiers postes, il avait tourné ses réflexions particulièrement vers la politique et la religion. Il écrivit en vers, car c'était l'usage de son temps, des lois, de la sobriété et de la guerre. On lui fait l'honneur de quelques inventions mécaniques. Les épitres qu'on lui attribue, sentent l'école des sophistes.

La réputation des Grecs avait attiré Toxaris dans Athènes. Il quitta ses parents, sa femme et ses enfants, pour venir considerer de près des hommes dont il avait entendu tant de merveilles. Il s'attacha à Solon, qui ne lui refusa point ses conseils. Ce législateur trouva même dans cet homme tant de droiture et de candeur, qu'il ne put lui refuser une amitié forte et tendre. Toxaris ne retourna point en Scythie ; il eut en Grèce la réputation de grand médecin. Dans le temps de la peste, il apparut en songe à une femme à qui il révéla que le fleau cesserait, si on répandait du vin dans les carrefours ; on le fit, et la peste cessa. On sacrifiait tous les ans, en mémoire de cet événement, un cheval blanc sur son tombeau, où quelques malades de la fièvre obtinrent leur guérison.

Mais personne n'eut autant de célébrité et d'autorité chez les Scythes, que le gete Zamolxis. Il fut le fondateur de la philosophie parmi eux. Il y accrédita la transmigration des âmes, système qu'il avait appris de Pythagore, ou Pythagore de lui ; il s'en servit pour accraitre leur valeur, par le sentiment de l'immortalité. Les Thraces et tous les barbares l'inspiraient à leurs enfants dès la première jeunesse. Les Getes à qui il avait donné des lois, le placèrent au rang des dieux. On lui institua des sacrifices bien étranges. A certains jours solennels on prenait des hommes, on les précipitait, et d'autres les recevaient en tombant sur la pointe de leurs javelots : voilà ce qu'ils appelaient envoyer à Zamolxis.

Il suit de ce que nous savons d'Anacharsis, de Toxaris et de Zamolxis, que ces hommes furent moins des philosophes que des législateurs.

Il ne faut pas porter le même jugement de Dicéneus ; celui-ci joignit à l'art de gouverner, la connaissance de l'Astronomie, de la Morale et de la Physique. Il fut contemporain du roi Bérébeste qui vivait en même temps que Sylla et Jules-César.

Les Scythes, les Getes et les Thraces furent instruits autant que peuvent l'être des peuples qui vivent toujours en armes.