(Géographie ancienne) Sicyonia, contrée du Péloponnèse, dans l'Achaïe propre, et séparée du territoire de Corinthe par le fleuve Némée. Tite-Live, l. XXIII. c. XVe remarque qu'on la nomma d'abord Micone, et ensuite Aegialée : cette contrée avait deux villes dans les terres ; savoir, Phlius et Sicyone.
Les Sicyoniens, dit Pausanias, veulent qu'Egialé, originaire de leur pays, en fût le premier roi ; que sous son règne, cette partie du Péloponnèse, qui s'appelle encore aujourd'hui l'Egiale, prit sa dénomination ; que dans cette contrée, il bâtit en rase campagne la ville d'Egialée, avec une citadelle, qui occupait tout le terrain où ils ont à présent un temple de Minerve.
Dans la suite des temps, Lamédon ayant fait épouser sa fille à Sicyon, né dans l'Attique, Sicyon acquit le royaume ; ce fut sous son règne que tout le pays changeant de nom fut appelé la Sicyonie, et que la ville qui s'appelait autrefois Egialée, se nomma Sicyone.
Les Sicyoniens devinrent dans la suite Doriens, et commencèrent à faire partie des états d'Argos. Ils sont à présent misérables, ajoute Pausanias, et fort différents de ce qu'ils étaient autrefois. D'en vouloir rechercher la cause, continue l'historien, c'est peut-être ce qu'il ne nous est pas permis : il vaut donc mieux se contenter de celle qu'Homère donne de la décadence de tant d'autres villes ; du puissant Jupiter la volonté suprême. Ils étaient déjà réduits à cet état de faiblesse, lorsque par surcrait de malheur ils furent assiégés d'un tremblement de terre, qui fit de leur ville une solitude, et renversa beaucoup de monuments et d'édifices publics, qui étaient d'une grande beauté. Le même accident ruina plusieurs villes de la Carie et de la Lycie, et l'île de Rhodes en fut ébranlée.
Les Sicyoniens enterraient leurs illustres morts d'une manière assez convenable ; ils jetaient le corps dans une fosse, et le couvraient de terre ; ils construisaient un petit mur tout-à-l'entour ; puis ils élevaient quatre colonnes qui soutenaient un toit fait en forme d'aîle déployée et panchée ; ils ne mettaient aucune inscription sur la sépulture, mais en rendant les derniers devoirs au mort, ils l'appelaient seulement par son nom, sans y ajouter celui de son père, et tout - de - suite ils lui donnaient le dernier adieu.
Les Sicyoniens, continue Pausanias, ont plusieurs statues, qu'ils renferment dans une espèce de sacristie : mais chaque année durant une certaine nuit, ils les tirent de ce lieu pour les porter dans le temple ; ils allument des flambeaux afin d'éclairer la cérémonie, et chantent des hymnes composées en vieux langage. La statue qu'ils nomment le Bacchéus, tient le premier rang à cette procession ; c'est une statue qu'ils croient avoir été consacrée par Andromadas, fils de Philias ; ensuite parait le Lysius, autre statue que Phanès, disent-ils, transporta de Thèbes à Sicyone par ordre de Pythie ; il est certain que Phanès vint à Sicyone en même temps qu'Aristomaque, fils de Cléodée : mais pour avoir négligé d'accomplir un certain oracle, il ne put rentrer dans le Péloponnèse, aussi-tôt qu'il se l'était proposé.
En descendant du temple de Bacchus dans la place, on trouve à main droite le temple de Diane, surnommé Limnea. Ce temple est si vieux, qu'il n'a plus de tait. La statue de la déesse y manque aussi, et l'on ne sait si elle a été transportée ailleurs, ou si elle a péri par quelqu'accident.
Dans la place, il y a un temple dédié à la Persuasion : et voici la raison que l'on en apporte. On dit qu'Apollon et Diane ayant tué Python, vinrent à Egialée pour se faire purifier ; mais qu'on leur y fit une si grande frayeur, qu'ils furent obligés de passer en Crète, et d'avoir recours à Cramanor. En effet, on voit à Sicyone un endroit qu'on appelle encore aujourd'hui la Peur. On ajoute qu'aussi-tôt la ville d'Egialée fut frappée de la peste, et que les devins consultés, répondirent que ce fléau ne cesserait point, qu'Apollon et Diane n'eussent été apaisés : qu'en conséquence de cet oracle, on envoya sept jeunes garçons, et autant de jeunes filles, en habit de suppliants, sur le bord du fleuve Sythas ; que le dieu et la déesse se laissèrent fléchir à leurs prières, et qu'ils voulurent bien revenir dans la citadelle de Sicyone. C'est la raison pourquoi l'on a consacré ce temple à la Persuasion dans le même lieu où Apollon et Diane s'étaient arrêtés en rentrant dans la ville ; et encore à présent, ajoute Pausanias, ils pratiquent la même cérémonie tous les ans ; car le jour de la fête du dieu, ils envoyent des jeunes enfants sur le bord du fleuve, et tirent du temple d'Apollon les statues des deux divinités, pour les porter dans le temple de la Persuasion ; et ensuite ils les portent où elles étaient.
Ce temple est dans la place, et l'on dit qu'anciennement Praetus l'avait fait bâtir dans ce lieu, parce que ses filles y avaient été guéries de leur frénésie. L'on tient pour certain que Méléagre y suspendit la lance dont il avait percé le sanglier de Calydon, et que la flute de Marsyas y fut aussi consacrée ; car on dit qu'après le malheur qui arriva à ce Silene, sa flute tomba dans le fleuve Marcias, que de-là elle passa dans le Méandre, et du Méandre dans l'Asope, qui la jeta sur le rivage, où un berger l'ayant ramassée, la consacra à Apollon ; mais toutes ces offrandes ont été brulées avec l'ancien temple. Celui que j'ai vu, dit Pausanias, et la statue qui y est, sont modernes ; et c'est Pytoclès qui en a fait la consécration.
Au milieu de la place publique, continue Pausanias, il y a un Jupiter en bronze fait par Lysippe, natif de Sicyone même, et auprès est une statue de Diane toute dorée. Aux environs, l'on voit un Hercule en bronze du même Lysippe, et un Mercure Agoreus. Dans le lieu d'exercice, près le marché, il y a un Hercule en marbre, ouvrage de Scopas. Toute l'enceinte de cette espèce d'académie est destinée aux exercices qu'apprennent les jeunes gens ; aussi ne l'appele-t-on point autrement que le gymnase. Au milieu est le temple d'Hercule ; on y voit une statue de bois d'un goût antique ; celui qui l'a faite est Laphnès de Phlius, où Hercule est honoré d'un culte tout particulier.
Du temple d'Hercule on Ve à celui d'Esculape ; dans le parvis de celui-ci, on trouve à main gauche deux chapelles qui se joignent ; dans l'une est la figure du Sommeil, mais il n'en reste plus que la tête ; l'autre est consacrée à Apollon, et il n'y a que les prêtres du dieu qui aient permission d'y entrer. Sous le portique qui est devant le temple, on conserve un os de baleine d'une grandeur prodigieuse. Derrière est la figure du Songe, et tout auprès, celle du Sommeil qui endort un lion. A l'entrée du temple, vous voyez d'un côté une statue de Pan assis ; de l'autre une Diane qui est debout.
Dans le temple, ce qui s'offre d'abord à vos yeux, c'est un Esculape, mais sans barbe ; cette statue est d'or et d'ivoire, c'est un ouvrage de Calamis ; le dieu tient d'une main un sceptre, et de l'autre une pomme de pin. Les Sicyoniens disent que ce dieu leur est venu d'Epidaure, sous la forme d'un dragon, dans un char attelé de deux mulets, et conduit par Nicegora sicyonienne. Plusieurs autres statues de grandeur médiocre sont suspendues à la voute ; il y en a une entr'autres qui est assise sur un dragon, et qui, si on les en croit, représente Aristodama, la mère d'Aratus, qui, selon eux, eut pour père Esculape : c'est tout ce que ce temple contient de remarquable.
Celui de Vénus n'en est pas loin ; la première statue est celle d'Antiope ; car ils prétendent que les enfants d'Antiope étaient originaires de Sicyone ; que pour cela leur mère vint s'y établir, et se regarda toujours comme liée de consanguinité avec les Sicyoniens : personne au reste n'entre dans le temple de Vénus, excepté une femme, qui en qualité de sacristine, s'oblige à n'avoir aucun commerce avec son mari, et une jeune vierge qui en est la prêtresse, et dont le sacerdoce ne dure qu'un an ; sa fonction est d'apporter les cuvettes et les vases nécessaires au sacrifice, d'où elle prend son nom. Les autres peuvent voir et adorer la déesse du seuil de la porte, mais sans entrer plus avant. La déesse est assise ; c'est Canachus de Sicyone qui a fait cette statue, le même qui a fait l'Apollon Didyméen, pour la ville de Milet, et l'Apollon Isménien pour celle de Thèbes. La Vénus est d'ivoire et d'or : elle a sur la tête une espèce de couronne terminée en pointe, qui représente le pôle ; elle tient d'une main un pavot, et de l'autre une pomme. Ils lui offrent en sacrifice les cuisses de toutes sortes de victimes, à la réserve du porc, qui ne lui est pas agréable ; les autres parties de la victime se brulent avec du bois de genièvre : mais pour les cuisses, on les fait rôtir avec des feuilles de Péderos. Voyez PEDEROS.
Vers la porte sacrée de Sicyone, et tout-auprès de cette porte, l'on trouve, ajoute Pausanias, un temple de Minerve, qui fut autrefois consacré par Epopée, et qui, soit pour la grandeur, soit pour la magnificence, l'emportait beaucoup sur tous les édifices de ce siecle-là ; mais le temps n'a épargné que sa réputation, car ce temple a été brulé par le feu du ciel, et l'on n'y voit qu'un autel que la foudre n'ait pas endommagé, et qui subsiste dans le même état qu'il était du temps d'Epopée. Devant cet autel est la sépulture du héros ; auprès de son tombeau l'on a rangé les statues de ces dieux, que l'on appelle préservateurs, auxquels les Sicyoniens font des sacrifices avec les mêmes cérémonies que les Grecs ont accoutumé de pratiquer pour détourner d'eux les maux qu'ils appréhendent. (D.J.)