(Géographie ancienne) vallée célèbre dans la Thessalie, entre le mont Ossa et le mont Olympe. Personne ne doute qu'elle ne fût dans la Thessalie ; les épithetes que les anciens lui donnent le prouvent suffisamment. Tite-Live, l. XXIII. c. xxxv. dit, Thessalica Tempe, et Ovide, metamorph. l. VII. vers. 222. Thessala Tempe ; mais dans quelle contrée de la Thessalie la placerons-nous ? C'est ce qu'il faut examiner. Ce que dit Catulle, carm. LXIV. vers. 35. ferait croire qu'elle était dans la Phthiotide.
.... Linquunt Phthiotica Tempe.
Mais on ne voit point que la Phthiotide se soit jamais étendue jusqu'à la vallée de Tempé, dont elle fut toujours séparée par le mont Othry ou par d'autres terres. Les Pélasgiotes possédèrent divers lieux au voisinage du Pénée, aujourd'hui la Salembria, entr'autres Gonnum et Cranon ; mais ils ne possédaient rien à l'embouchure de ce fleuve, car elle se trouvait dans la Magnésie.
Les descriptions que divers auteurs ont données de cette vallée décideront la question. Le Pénée, selon Pline, l. IV. c. VIIIe coule l'espace de cinq cent stades, entre le mont Ossa et le mont Olympe, dans une vallée couverte de forêts, et est navigable dans la moitié de cet espace ; ce qu'on appelle la vallée de Tempé, occupe cinq mille pas de ce terrain en longueur, et presque un arpent et demi de largeur. A droite et à gauche s'élèvent des montagnes à perte de vue, dont la pente est assez douce, et au milieu coule le fleuve Pénée, dont les bords sont couverts d'herbes toujours fraiches, et remplis d'oiseaux dont le gazouillement forme un agréable concert.
Strabon, l. IX. p. 430. après avoir rapporté la fable qui veut que le Pénée retenu par les montagnes qui sont du côté de la mer, forme en cet endroit une espèce d'étang, ajoute que, par un tremblement de terre, l'Ossa ayant été séparé de l'Olympe, le fleuve trouva entre ces deux montagnes une issue pour se rendre à la mer.
Aelien, Var. hist. l. III. c. j. convient avec Pline et avec Strabon pour la situation de la vallée de Tempé. C'est, dit-il, un lieu entre les monts Ossa et Olympe, de quarante stades de longueur, et au milieu duquel le Pénée roule ses eaux. C'est, ajoute-t-il, un lieu délicieux, où la nature présente mille choses agréables, et où l'industrie des hommes n'a aucune part : de-là il serait aisé de conclure que la vallée de Tempé était dans la Pélasgiotide, qui s'étendaient anciennement jusqu'à l'embouchure de Pénée, mais dont la partie du côté de la mer fut comprise dans la Magnésie. Cependant comme le Pénée séparait la Thessalie de la Macédoine, il semble qu'on ne peut s'empêcher de mettre la vallée de Tempé aux confins de ces deux contrées.
Procope, aedif. l. IV. c. IIIe a donné une description de la vallée de Tempé sans la nommer. Le Pénée, dit-il, a par-tout un cours fort doux et fort tranquille jusqu'à ce qu'il se décharge dans la mer. Les terres qu'il arrose sont très-fertiles, et produisent toutes sortes de fruits. Les habitants ne tiraient aucun avantage de cette abondance, à cause de l'appréhension continuelle où ils étaient d'être accablés par les ennemis, faute d'une place forte où ils pussent se mettre à couvert. Les murailles de Larisse et de Césarée étant presqu'entièrement tombées, Justinien les fit réparer, et rendit par ce moyen au pays son ancienne fertilité. Il s'élève tout proche, ajoute Procope, des montagnes escarpées et couvertes de forêts qui servirent autrefois de demeure aux centaures, et qui furent le champ de la bataille qu'ils donnèrent aux Lapithes, si nous en voulons croire la fable, qui parle d'une espèce d'animaux monstrueux, qui étaient moitié hommes et moitié bêtes.
A toutes ces descriptions, nous joindrons celle de Tite-Live, qui, peu touché des bois riants, des forêts d'une verdure charmante, des endroits délicieux et des agréables prairies, a tourné toute son attention vers les longues et hautes montagnes qui s'étendent à droite et à gauche, pour mieux décrire l'horreur qu'eut l'armée romaine, quand il lui fallut franchir ces montagnes. Ce qu'on appelle Tempé, dit-il, est un bois qui, quoiqu'il ne soit pas dangereux pour une armée, est difficîle à passer : car outre des défilés de cinq milles de longueur, où il n'y a de passage libre que pour un cheval chargé, les rochers sont tellement escarpés de côté et d'autre, qu'on ne peut guère regarder en-bas sans que les yeux soient frappés, et sans se sentir saisi d'horreur. On est effrayé aussi du bruit que fait le Pénée, et de la profondeur de la vallée où il coule.
Mais si la topographie des lieux est pour Tite-Live, les poètes sont pour moi, dans l'idée ravissante que j'ai prise de Tempé en les lisant. Ils m'en font des descriptions qui disputent du prix de la beauté avec le lieu qu'ils dépeignent. D'ailleurs Tempé a passé en proverbe pour un endroit délicieux ; et ses vallons représentent toutes les autres vallées du monde, les plus agréablement coupées par des ruisseaux, les mieux tapissées de verdure, les plus ombragées de toutes sortes d'arbres et d'arbustes, et telles enfin que les oiseaux ne cessent d'en célébrer les charmes. En un mot, Tite-Live m'attriste, la fable m'égaie et m'enchante, je m'en rapporte donc à la fable pour mon amusement. (D.J.)