S. f. (Physique) suivant les Physiciens est une propriété de la lumière, par laquelle elle produit, selon les différentes configurations et vitesses de ses particules, des vibrations dans le nerf optique, qui étant propagées jusqu'au sensorium, affectent l'âme de différentes sensations. Voyez LUMIERE.

La couleur peut être encore définie une sensation de l'âme excitée par l'action de la lumière sur la retine ; et différente suivant le degré de réfrangibilité de la lumière et la vitesse ou la grandeur de ses parties. Voyez SENSATION.



On trouvera les propriétés de la lumière à l'article LUMIERE.

Le mot couleur, à proprement parler, peut être envisagé de quatre manières différentes ; ou en tant qu'il désigne une disposition et affection particulière de la lumière, c'est-à-dire des corpuscules qui la constituent ; ou en tant qu'il désigne une disposition particulière des corps physiques, à nous affecter de telle ou telle espèce de lumière ; ou en tant qu'il désigne l'ébranlement produit dans l'organe par tels ou tels corpuscules lumineux ; ou en tant enfin qu'il marque la sensation particulière qui est la suite de cet ébranlement.

C'est dans ce dernier sens que le mot couleur se prend ordinairement ; et il est très-évident que le mot couleur pris en ce sens, ne désigne aucune propriété du corps, mais seulement une modification de notre âme ; que la blancheur, par exemple, la rougeur, etc. n'existent que dans nous, et nullement dans les corps auxquels nous les rapportons néanmoins par une habitude prise dès notre enfance : c'est une chose très-singulière et digne de l'attention des Métaphysiciens, que ce penchant que nous avons à rapporter à une substance matérielle et divisible ce qui appartient réellement à une substance spirituelle et simple ; et rien n'est peut-être plus extraordinaire dans les opérations de notre âme, que de la voir transporter hors d'elle-même et étendre pour ainsi dire ses sensations sur une substance à laquelle elles ne peuvent appartenir. Quoi qu'il en sait, nous n'envisagerons guère dans cet article le mot couleur, en tant qu'il désigne une sensation de notre âme. Tout ce que nous pourrions dire sur cet article, dépend des lois de l'union de l'âme et du corps, qui nous sont inconnues. Nous dirons seulement deux mots sur une question que plusieurs philosophes ont proposée, savoir si tous les hommes voient le même objet de la même couleur. Il y a apparence qu'oui ; cependant on ne démontrera jamais que ce que j'appelle rouge, ne soit pas verd pour un autre. Il est au reste assez vraisemblable que le même objet ne parait pas à tous les hommes d'une couleur également vive, comme il est assez vraisemblable que le même objet ne parait pas également grand à tous les hommes. Cela vient de ce que nos organes, sans différer beaucoup entre eux, ont néanmoins un certain degré de différence dans leur force, leur sensibilité, etc. Mais en voilà assez sur cet article : venons à la couleur en tant qu'elle est une propriété de la lumière et des corps qui la renvoyent.

Il y a de grandes différences d'opinions sur les couleurs entre les anciens et les modernes, et même entre les différentes sectes des Philosophes d'aujourd'hui. Suivant l'opinion d'Aristote, qui était celle qu'on suivait autrefois, on regardait la couleur comme une qualité résidente dans les corps colorés, et indépendante de la lumière. Voyez QUALITE.

Les Cartésiens n'ont point été satisfaits de cette définition ; ils ont dit que puisque le corps coloré n'était pas immédiatement appliqué à l'organe de la vue, pour produire la sensation de la couleur, et qu'aucun corps ne saurait agir sur nos sens que par un contact immédiat ; il fallait donc que les corps colorés ne contribuassent à la sensation de la couleur, que par le moyen de quelque milieu, lequel étant mis en mouvement par leur action, transmettait cette action jusqu'à l'organe de la vue.

Ils ajoutent que, puisque les corps n'affectent point l'organe de la vue dans l'obscurité, il faut que le sentiment de la couleur soit seulement occasionné par la lumière qui met l'organe en mouvement, et que les corps colorés ne doivent être considérés que comme des corps qui réfléchissent la lumière avec certaines modifications : la différence des couleurs venant de la différente texture des parties des corps, qui les rend propres à donner telle ou telle modification à la lumière. Mais c'est surtout à M. Newton que nous devons la vraie théorie des couleurs, celle qui est fondée sur des expériences sures, et qui donne l'explication de tous les phénomènes. Voici en quoi consiste cette théorie.

L'expérience fait juger que les rayons de lumière sont composés de particules dont les masses sont différentes entr'elles ; du moins quelques-unes de ces parties, comme on ne saurait guère en douter, ont beaucoup plus de vitesse que les autres : car lorsque l'on reçoit dans une chambre obscure un rayon de lumière F E (Pl. d'Optiq. fig. 5.) sur une surface réfringente A D, ce rayon ne se réfracte pas entièrement en L, mais il se divise et se répand pour ainsi dire en plusieurs autres rayons, dont les uns sont réfractés en L, et les autres depuis L jusqu'en G : en sorte que les particules qui ont le moins de vitesse, sont celles que l'action de la surface réfringente détourne le plus facilement de leur chemin rectiligne pour aller vers L, et que les autres, à mesure qu'elles ont plus de vitesse, se détournent moins ; et passent plus près de G. Voyez REFRANGIBILITE.

De plus, les rayons de lumière qui diffèrent le plus en réfrangibilité les uns des autres, sont aussi ceux qui diffèrent le plus en couleur ; c'est une vérité reconnue par une infinité d'expériences. Les particules les plus réfractées, par exemple, sont celles qui forment les rayons violets, et cela, selon toute apparence, à cause que ces particules ayant le moins de vitesse, sont aussi celles qui ébranlent le moins la rétine, y excitent les moindres vibrations, et nous affectent par conséquent de la sensation de couleur la moins forte et la moins vive, telle qu'est le violet. Au contraire les particules qui se réfractent le moins, constituent les rayons de la couleur rouge ; parce que ces particules ayant le plus de vitesse, frappent la rétine avec le plus de force, excitent les vibrations les plus sensibles, et nous affectent de la sensation de couleur la plus vive ; telle qu'est la couleur rouge. Voyez ROUGE.

Les autres particules étant séparées de la même manière, et agissant suivant leurs vitesses respectives, produiront par les différentes vibrations qu'elles exciteront, les différentes sensations des couleurs intermédiaires, ainsi que les particules de l'air excitent suivant leurs différentes vibrations respectives les différentes sensations des sons. Voyez VIBRATIONS.

Il faut ajouter à cela que non-seulement les couleurs les plus distinctes les unes des autres, telles que le rouge, le jaune, le bleu, doivent leur origine à la différente réfrangibilité des rayons ; mais qu'il en est de même des différents degrés et nuances de la même couleur, telles que celles qui sont entre le jaune et le verd, entre le rouge et le jaune, etc.

De plus, les couleurs des rayons ainsi séparés ne peuvent pas être regardées comme de simples modifications accidentelles de ces rayons, mais comme des propriétés qui leur sont nécessairement attachées, et qui consistent, suivant toutes les apparences, dans la vitesse et la grandeur de leurs parties ; elles doivent donc être immuables et inséparables de ces rayons, c'est-à-dire que ces couleurs ne sauraient s'altérer par aucune réfraction ou réflexion.

Or c'est ce que l'expérience confirme d'une manière sensible ; car quelqu'effort qu'on ait fait pour séparer par de nouvelles réfractions un rayon coloré quelconque donné par le prisme, on n'a pas pu y réussir. Il est vrai qu'on fait quelquefois des décompositions apparentes de couleurs, mais ce n'est que des couleurs qu'on a formées en réunissant des rayons de différentes couleurs ; et il n'est pas étonnant alors que la réfraction fasse retrouver les rayons qu'on avait employés pour former cette couleur.

De-là il s'ensuit que toutes les transmutations de couleurs qu'on produit par le mélange de couleurs de différentes espèces, ne sont pas réelles, mais de simples apparences, ou des erreurs de la vue, puisque, aussi-tôt qu'on sépare les rayons de ces couleurs, on a les mêmes couleurs qu'auparavant : c'est ainsi que des poudres bleues et des poudres jaunes étant mêlées, paraissent à la vue simple former du verd ; et que sans leur donner aucune altération, on distingue facilement, à l'aide d'un microscope, les parties bleues d'avec les jaunes.

On peut donc dire qu'il y a deux sortes de couleurs ; les unes primitives, originaires et simples, produites par la lumière homogène, ou par les rayons qui ont le même degré de réfrangibilité, et qui sont composés de parties de même vitesse et masse, telles que le rouge, l'orangé, le jaune, le verd, le bleu, l'indigo, le violet, et leurs nuances ; les autres secondaires ou hétérogènes, composées des premières, ou du mélange des rayons de différente réfrangibilité.

On peut produire par la voie de la composition, des couleurs secondaires, semblables aux couleurs primitives, quant au ton ou à la nuance de la couleur, mais non par rapport à la permanence ou à l'immutabilité. On forme de cette manière du verd avec du bleu et du jaune, de l'orangé avec du rouge et du jaune, du jaune avec de l'orangé et du verd jaunâtre, et en général avec deux couleurs qui ne sont pas éloignées l'une de l'autre dans la suite des couleurs données par le prisme, on parvient assez facilement à faire les couleurs intermédiaires. Il faut savoir aussi que plus une couleur est composée, moins elle est vive et parfaite ; et qu'en la composant de plus en plus ; on parvient jusqu'à l'éteindre entièrement.

Par le moyen de la composition on peut parvenir aussi à former des couleurs qui ne ressemblent à aucune de celles de la lumière homogène. Mais l'effet le plus singulier que peut donner la composition des couleurs primitives, c'est de produire le blanc ; il se forme en employant à un certain degré des rayons de toutes les couleurs primitives : c'est ce qui fait que la couleur ordinaire de la lumière est le blanc, à cause qu'elle n'est autre chose que l'assemblage des lumières de toutes les couleurs mêlées et confondues ensemble. Voyez BLANCHEUR.

La réfraction que donne une seule surface réfringente, produit la séparation de la lumière en rayons de différentes couleurs ; mais cette séparation devient beaucoup plus considérable, et frappe d'une manière tout à fait sensible, lorsqu'on emploie la double réfraction causée par les deux surfaces d'un prisme ou d'un morceau de verre quelconque, pourvu que ces deux surfaces ne soient pas parallèles. Comme les expériences que l'on fait avec le prisme, sont la base de toute la théorie des couleurs, nous allons en donner un précis.

1°. Les rayons du soleil traversant un prisme triangulaire, donnent sur la muraille opposée une image de différentes couleurs, dont les principales sont le rouge, le jaune, le verd, le bleu, et le violet. La raison en est que les rayons différemment colorés, sont séparés les uns des autres par la réfraction ; car les bleus, par exemple, marqués Pl. d'Opt. fig. 6. par une ligne ponctuée, après s'être séparés des autres en d d, par la première réfraction occasionnée par le côté c a du prisme a b c (ou par la première surface du globe d'eau a b c, fig. 7.), viennent à s'en écarter encore davantage en e e par la réfraction du même sens, que produit l'autre côté du prisme (ou la seconde surface du globe a b c) : il arrive au contraire dans le verre plan a b c f, figure 9. (ou sur le prisme g l o, fig. 8. placé dans une autre situation), que les mêmes rayons bleus qui avaient commencé à se séparer par la première surface en d d, deviennent, par une seconde réfraction, parallèles à leur première direction, et se remêlent par conséquent avec les autres rayons.

2°. L'image colorée n'est pas ronde, mais oblongue, sa longueur étant environ cinq fois sa largeur, lorsque l'angle du prisme est d'environ 60 ou 65 degrés. La raison en est que cette image est composée de toutes les images particulières que donne chaque espèce différente de rayons, et qui se trouvent placées les unes au-dessus des autres, suivant la force de la réfrangibilité de ces rayons.

3°. Les rayons qui donnent le jaune, sont plus détournés de leur chemin rectiligne que ceux qui donnent le rouge ; ceux qui donnent le verd, plus que ceux qui donnent le jaune, et ainsi de suite jusqu'à ceux qui donnent le violet. En conséquence de ce principe, si on fait tourner autour de son axe le prisme sur lequel tombent les rayons du soleil, de manière que le rouge, le jaune, etc. tombent successivement sur un autre prisme fixe placé à une certaine distance du premier, comme douze pieds, par exemple ; et que les rayons de ces différentes couleurs aient auparavant passé l'un après l'autre par une ouverture placée entre les deux prismes ; les rayons rompus que donneront ces différents rayons, ne se projetteront pas tous à la même place, mais les uns au-dessus des autres.

Cette expérience simple et néanmoins décisive, est celle par laquelle M. Newton leva toutes les difficultés dans lesquelles les premières l'avaient jeté, et qui l'a entièrement convaincu de la correspondance qui est entre la couleur et la réfrangibilité des rayons de lumière.

4°. Les couleurs des rayons séparées par le prisme, ne sauraient changer de nature ni se détruire, quoique ces rayons passent par un milieu éclairé, qu'ils se croisent les uns les autres, qu'ils se trouvent voisins d'une ombre épaisse, qu'ils soient réfléchis, ou rompus d'une manière quelconque : d'où l'on voit que les couleurs ne sont pas des modifications dû.s à la réfraction ou à la réflexion, mais des propriétés immuables et attachées à la nature des rayons.

5°. Si par le moyen d'un verre lenticulaire ou d'un miroir concave on vient à réunir tous les différents rayons colorés que donne le prisme, on forme le blanc ; cependant ces mêmes rayons qui, tous rassemblés, ont formé le blanc, donnent après leur réunion, c'est-à-dire au-delà du point où ils se croisent, les mêmes couleurs que celles qu'ils donnaient en sortant du prisme, mais dans un ordre renversé, à cause du croisement des rayons. La raison en est claire ; car le rayon étant blanc avant d'être séparé par le moyen du prisme, doit l'être encore par la réunion de ses parties que la réfraction avait écartées les unes des autres, et cette réunion ne peut en aucune manière tendre à détruire ou à altérer la nature des rayons.

De même si on mêle dans une certaine proportion de la couleur rouge avec du jaune, du verd, du bleu et du violet, on formera une couleur composée qui sera blanchâtre (c'est-à-dire à-peu-près semblable à celle qu'on forme en mêlant du blanc et du noir) et qui serait entièrement blanche, s'il ne se perdait et ne s'absorbait pas quelques rayons. On forme encore une couleur approchante du blanc, en teignant un rond de papier de différentes couleurs, et en le faisant tourner assez rapidement pour qu'on ne puisse pas distinguer aucune des couleurs en particulier.

6°. Si on fait tomber fort obliquement les rayons du soleil sur la surface intérieure d'un prisme, les rayons violets se réfléchiront, et les rouges seront transmis : ce qui vient de ce que les rayons qui ont le plus de réfrangibilité, sont ceux qui se réfléchissent le plus facilement.

7°. Si on remplit deux prismes creux, l'un d'une liqueur bleue, l'autre d'une liqueur rouge, et qu'on applique ces deux prismes l'un contre l'autre, ils deviendront opaques, quoique chacun d'eux pris seul, soit transparent, parce que l'un d'eux ne laissant passer que les rayons rouges, et l'autre que les rayons bleus, ils n'en doivent laisser passer aucun lorsqu'on les joint ensemble.

8°. Tous les corps naturels, mais principalement ceux qui sont blancs, étant regardés au-travers d'un prisme, paraissent comme bordés d'un côté de rouge et de jaune, et de l'autre de bordures bleues et violettes ; car ces bordures ne sont autre chose que les extrémités d'autant d'images de l'objet entier, qu'il y a de différentes couleurs dans la lumière, et qui ne tombent pas toutes dans le même lieu, à cause des différentes réfrangibilités des rayons.

9°. Si deux prismes sont placés de manière que le rouge de l'un et le violet de l'autre tombent sur un même papier, l'image paraitra pâle ; mais si on la regarde au-travers d'un troisième prisme, en tenant l'oeil à une distance convenable, elle paraitra double, l'une rouge, l'autre violette. De même si on mêle deux poudres, dont l'une soit parfaitement rouge, et l'autre parfaitement bleue, et qu'on couvre de ce mélange un corps de peu d'étendue, ce corps regardé au-travers d'un prisme, aura deux images, l'une rouge, l'autre bleue.

10°. Lorsque les rayons qui traversent une lentille convexe, sont reçus sur un papier avant qu'ils soient réunis au foyer, les bords de la lumière paraitront rougeâtres ; mais si on reçoit ces rayons après la réunion, les bords paraitront bleus : car les rayons rouges étant les moins réfractés, doivent être réunis le plus loin, et par conséquent être les plus près du bord, lorsqu'on place le papier avant le foyer ; au lieu qu'après le foyer, c'est au contraire les rayons bleus réunis les premiers, qui doivent alors renfermer les autres, et être vers les bords.

L'image colorée du soleil, que Newton appelle le spectre solaire, n'offre à la première vue que cinq couleurs, violet, bleu, verd, jaune et rouge ; mais en retrécissant l'image, pour rendre les couleurs plus tranchantes et plus distinctes, on voit très-bien les sept, rouge, orangé, jaune, verd, bleu,, indigo, violet. M. de Buffon (mém. acad. 1743) dit même en avoir distingué dix-huit ou vingt ; cependant il n'y en a que sept primitives, par la raison qu'en divisant le spectre, suivant la proportion de Newton, en sept espaces, les sept couleurs sont inaltérables par le prisme ; et qu'en le divisant en plus de sept, les couleurs voisines sont de la même nature.

L'étendue proportionnelle de ces sept intervalles de couleurs, répond assez juste à l'étendue proportionnelle des sept tons de la Musique : c'est un phénomène singulier ; mais il faut bien se garder d'en conclure qu'il y ait aucune analogie entre les sensations des couleurs et celles des tons : car nos sensations n'ont rien de semblable aux objets qui les causent. Voyez SENSATION, TON, CLAVECIN OCULAIRE, etc.

M. de Buffon, dans le mémoire que nous venons de citer, compte trois manières dont la nature produit les couleurs ; la réfraction ; l'inflexion, et la réflexion. Voyez ces mots. Voyez aussi DIFFRACTION,

Couleurs des lames minces. Le phénomène de la séparation des rayons de différentes couleurs que donne la réfraction du prisme et des autres corps d'une certaine épaisseur, peut encore être constaté par le moyen des plaques ou lames minces, transparentes comme les bulles qui s'élèvent sur la surface de l'eau de savon ; car toutes ces petites lames à un certain degré d'épaisseur transmettent les rayons de toutes les couleurs, sans en réfléchir aucune ; mais en augmentant d'épaisseur, elles commencent à réfléchir premièrement les rayons bleus, et successivement après, les verts, les jaunes et les rouges tous purs : par de nouvelles augmentations d'épaisseur, elles fournissent encore des rayons bleus, verts, jaunes et rouges, mais un peu plus mêlés les uns avec les autres ; et enfin elles viennent à réfléchir tous ces rayons si bien mêlés ensemble, qu'il s'en forme le blanc.

Mais il est à remarquer que dans quelqu'endroit d'une lame mince que se fasse la réflexion d'une couleur, telle que le bleu, par exemple, il se fera au même endroit une transmission de la couleur opposée, qui sera en ce cas ou le rouge ou le jaune.

On trouve par expérience, que la différence de couleur qu'une plaque donne, ne dépend pas du milieu qui l'environne, mais seulement la vivacité de cette couleur. Toutes choses égales la couleur sera plus vive, si le milieu le plus dense est environné par le plus rare.

Une plaque, toutes choses égales, réfléchira d'autant plus de lumière, qu'elle sera plus mince jusqu'à un certain degré ; par-delà lequel elle ne réfléchira plus aucune lumière.

Dans les plaques dont l'épaisseur augmente suivant la progression des nombres naturels 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, etc. si les premières, c'est-à-dire les plus minces, réfléchissent un rayon de lumière homogène, la seconde le transmettra ; la troisième le réfléchira de nouveau, et ainsi de suite ; en sorte que les plaques de rangs impairs, 1, 3, 5, 7, etc. réfléchiront les mêmes rayons, que ceux que leurs correspondantes en rangs pairs 2, 4, 6, 8, etc. laisseront passer. De là une couleur homogène donnée par une plaque, est dite du premier ordre, si la plaque réfléchit tous les rayons de cette couleur. Dans une plaque trois fois plus mince, la couleur est dite du second ordre. Dans une autre d'épaisseur cinq fois moindre, la couleur sera du troisième ordre, &c.

Une couleur du premier ordre est la plus vive de toutes, et successivement la vivacité de la couleur augmente avec l'ordre de la couleur. Plus l'épaisseur de la plaque est augmentée, plus il y a de couleurs réfléchies et de différents ordres. Dans quelques cas la couleur variera, suivant la position de l'oeil ; dans d'autres elle sera permanente.

Cette théorie sur la couleur des lames minces, est ce que M. Newton appelle dans son Optique, la théorie des accès de facîle réflexion et de facîle transmission ; et il faut avouer que toute ingénieuse qu'elle est, elle n'a pas à beaucoup près tout ce qu'il faut pour convaincre et satisfaire entièrement l'esprit. Il faut ici s'en tenir aux simples faits, et attendre pour en connaître ou en chercher les causes, que nous soyons plus instruits sur la nature de la lumière et des corps, c'est-à-dire attendre fort longtemps, et peut-être toujours. Quoi qu'il en sait, voici quelques expériences résultantes des faits qui servent de base à cette théorie.

Anneaux colorés des verres. Si on met l'un sur l'autre deux verres objectifs de fort grandes sphères, l'air qui se trouve entre ces deux verres, forme comme un disque mince, dont l'épaisseur n'est pas la même par-tout : or au point de contact l'épaisseur est zéro, et on voit le noir en cet endroit ; ensuite on voit autour plusieurs anneaux différemment colorés, et séparés les uns des autres par un anneau blanc. Voici l'ordre des couleurs de ces anneaux, à commencer par la tache noire du centre :

Noir, bleu, blanc, jaune, rouge,

Violet, bleu, verd, jaune, rouge,

Pourpre, bleu, verd, jaune, rouge,

Verd, rouge.

Il y a encore d'autres anneaux, mais ils vont toujours en s'affoiblissant.

En regardant les verres par-dessous, on verra des couleurs aux endroits où les anneaux paraissaient séparés, et ces couleurs seront dans un autre ordre. Voyez Musschenbroeck, Ess. de Phys. §. 1134 et suiv.

On explique par-là les couleurs changeantes qu'on observe aux bulles de savon, selon que l'épaisseur de ces bulles est plus ou moins grande.

Couleurs des corps naturels. Les corps ne paraissent de telle ou telle couleur, qu'autant qu'ils ne réfléchissent que les rayons de cette couleur, ou qu'ils réfléchissent plus de rayons de cette couleur que des autres ; ou plutôt ils paraissent de la couleur qui résulte du mélange des rayons qu'ils réfléchissent. Voyez CORPS.

Tous les corps naturels sont composés de petites lames minces, transparentes ; et lorsque ces petites lames seront disposées les unes à l'égard des autres, de manière qu'il n'y aura ni réfraction ni réflexion entre leurs interstices, les corps seront transparents ; mais si les interstices qui sont entre ces lames, sont remplis de matière si hétérogène par rapport à celle des lames elles-mêmes, qu'il se fasse beaucoup de réfractions et de réflexions dans l'intérieur du corps, ce corps sera alors opaque. Voyez TRANSPARENCE et OPACITE.

Les rayons qui ne sont pas réfléchis par un corps opaque, pénètrent au-dedans de ce corps, et y souffrent une quantité innombrable de réfractions et de réflexions, jusqu'à ce qu'enfin ils s'unissent avec les particules de ce corps.

De-là il suit que les corps opaques s'échauffent d'autant moins, qu'ils réfléchissent plus de lumière : aussi voyons-nous que les corps blancs, qui sont ceux qui réfléchissent le plus de rayons, s'échauffent beaucoup moins que les corps noirs, qui n'en réfléchissent presque point. Voyez, CHALEUR, NOIR.

Pour déterminer la constitution de la surface des corps, d'où dépend leur couleur, il faut considérer que les corpuscules ou premières parties dont ces surfaces sont composées, sont très-minces et transparentes ; de plus, qu'elles sont séparées par un milieu qui diffère d'elles en densité. On peut donc regarder la surface de chaque corps coloré, comme un nombre infini de petites lames, dans le cas de celles dont nous venons de parler, et auxquelles on peut appliquer tout ce qu'on a dit à cette occasion.

De-là il suit que la couleur d'un corps dépend de la densité et de l'épaisseur des particules de ce corps, renfermées entre ses pores : que la couleur est d'autant plus vive et plus homogène, que ces parties sont plus minces ; et que, toutes choses égales, ces parties doivent être les plus épaisses dans les corps rouges, et les plus minces dans les violets, qu'ordinairement les particules des corps sont plus denses que celles du milieu qui remplit leurs interstices ; mais que dans les queues de paons, dans quelques étoffes de soie, et dans tous les corps dont la couleur dépend de la situation de l'oeil, la densité des parties est moindre que celle du milieu ; et qu'en général la couleur d'un corps est d'autant moins vive, qu'il est plus rare par rapport au milieu que renferment ses pores.

De plus, ceux des différents corps opaques dont les lamelles sont les plus minces, sont ceux qui paraissent noirs, et les corps blancs sont ceux qui sont composés des lamelles les plus épaisses, ou de lamelles qui diffèrent considérablement en épaisseur, et sont par conséquent propres à réfléchir toutes sortes de couleurs. Les corps dont les lamelles seront d'une épaisseur moyenne entre ces premières, seront ou bleus, ou verts, ou jaunes, ou rouges, suivant celle de ces couleurs qu'ils réfléchiront en plus grande quantité, absorbant les autres, ou les laissant passer.

C'est cette dernière circonstance de renvoyer ou de laisser passer les rayons de telle ou telle couleur, qui fait que certaines liqueurs, telles par exemple que celle de l'infusion de bois néphrétique, paraissent rouges ou jaunes par la réflexion de la lumière, et qu'elles paraissent bleues lorsqu'on les place entre l'oeil et la lumière. Il en est de même des feuilles d'or, qui sont jaunes dans le premier cas, et bleues dans le second.

On peut encore ajouter à cela que le changement de couleur qui arrive à quelques poudres employées par les peintres, lorsqu'elles sont broyées extrêmement fin, vient sans doute de la diminution sensible des parties de ces corps produite par le broyement, de même que le changement de couleur des lamelles est produit par celui de leur épaisseur.

Enfin ce phénomène si singulier du mélange des liqueurs d'où résultent différentes couleurs, ne saurait venir d'une autre cause que des différentes actions des corpuscules salins d'une liqueur, sur les corpuscules qui constituent la couleur d'une autre liqueur : si ces corpuscules s'unissent, leurs masses en seront ou retrécies ou allongées, et leur densité par conséquent en sera altérée ; s'ils fermentent, la grandeur des particules sera diminuée, et par conséquent les liqueurs colorées deviendront transparentes ; si elles se coagulent, une liqueur opaque sera le résultat de deux couleurs transparentes.

On voit encore aisément par les mêmes principes, pourquoi une liqueur colorée étant versée dans un verre conique placé entre l'oeil et la lumière, parait de différentes couleurs dans les différents endroits du verre où l'on la regarde : car suivant que la section du verre sera plus éloignée du bas ou de la pointe, il y aura plus de rayons interceptés ; et dans le haut du verre, c'est-à-dire à la base du cone, tous les rayons seront interceptés, et on n'en apercevra aucun que par la réflexion.

M. Newton prétend qu'on peut déduire l'épaisseur des parties composantes des corps naturels de la couleur de ces corps ; car les particules des corps doivent donner les mêmes couleurs que les lamelles de même épaisseur, pourvu que la densité soit aussi la même. Toute cette théorie est conjecturale.

Quant aux propriétés particulières de chaque couleur, voyez NOIR, BLANC, BLEU, &c, voyez aussi ARC-EN-CIEL.

Couleurs qui résultent du mélange de différentes liqueurs, ou de l'arrangement de différents corps. Lorsqu'on fait infuser pendant un court espace de temps des roses rouges avec de l'eau-de-vie, et qu'on verse sur cette infusion encore blanche quelqu'esprit acide de sel, comme l'esprit de vitriol, de soufre, de sel marin, de nitre, ou de l'eau-forte, mais en si petite quantité qu'on ne puisse même y remarquer l'acide, l'infusion blanche deviendra d'abord d'un beau rouge-couleur-de-rose. Si on verse sur cette teinture rouge quelque sel alkali dissous, comme de la lessive de potasse, ou de l'esprit de sel ammoniac, elle se changera en un beau verd : mais si on verse sur l'infusion de roses, du vitriol dissous dans de l'eau, il en naitra d'abord une teinture noire comme de l'encre. Mussch. ess. de Phys.

Si on fait infuser pendant peu de temps des noix de gale dans l'eau, en sorte que cette infusion demeure blanche, et qu'on y verse du vitriol commun, ou qui ait été calciné au feu jusqu'à ce qu'il soit devenu blanc, ou qu'on l'ait réduit en colcothar rouge ; on aura d'abord une teinture noire. Si on verse sur cette teinture quelques gouttes d'huîle de vitriol ou d'eau-forte, toute la couleur noire disparaitra, et la teinture reprendra son premier éclat. Mais si on verse sur cette liqueur quelques gouttes de lessive de potasse, tout ce mélange deviendra d'abord fort noir ; et pour lui faire perdre cette noirceur, il suffira de verser dessus un peu d'esprit acide.

Si on met sur du papier d'un bleu obscur un morceau de papier blanc, qui ait été auparavant légèrement frotté d'eau-forte, le bleu deviendra roux, et ensuite pâle. La même chose arrive aussi lorsqu'on a écrit sur du papier bleu avec le phosphore urineux. Si on éclaircit du syrop violat commun avec de l'eau, et qu'on le verse dans deux différents verres, le syrop avec lequel on mêlera une liqueur acide deviendra rouge, et celui auquel on ajoutera une liqueur alkaline ou du sel, deviendra verd : si on mêle ensuite ensemble ces deux syrops ainsi changés, on aura un syrop bleu, supposé qu'on ait employé autant d'acide que d'alkali : mais si l'alkali domine, tout ce mélange sera verd ; et si l'acide s'y trouve en plus grande quantité, le mélange deviendra rouge. Lorsqu'on verse un peu de lessive de sel de tartre sur du mercure sublimé dissous dans de l'eau, ce mélange devient rouge, épais, et opaque ; mais si on verse sur ce mélange un peu d'esprit urineux ou de sel ammoniac, il redevient blanc.

Si on dissout aussi un peu de vitriol bleu dans une grande quantité d'eau, en sorte que le tout reste blanc et transparent, et qu'on verse ensuite dans cette liqueur un peu d'esprit de sel ammoniac, on verra paraitre, après que ce mélange aura été fait, une belle couleur bleue ; mais si on y verse un peu d'eau forte, la couleur bleue disparaitra sur le champ, et l'eau deviendra claire et blanche : enfin si l'on y joint encore de nouvel esprit de sel ammoniac, la couleur bleue reparaitra de nouveau. Lorsqu'on verse une infusion de thé-bou sur de l'or dissous dans de l'esprit-de-vin éthéré, il s'y forme une chaux de couleur pourprée qui se précipite au fond. Lorsqu'on dissout de l'étain dans de l'eau régale, et qu'après avoir éclairci cette solution avec de l'eau on y verse quelques gouttes d'or fondu dans de l'eau régale, on voit paraitre une belle couleur de pourpre fort agréable à la vue. Ceux qui veulent voir un plus grand nombre d'expériences sur le changement des couleurs, doivent consulter la chimie de Boerhaave : on peut aussi en trouver d'autres dans l'ouvrage des philosophes de Florence : enfin on ne fera pas mal de consulter encore sur cette matière les trants. philosoph. n°. 238. §. VIe Mussch. ibid.

L'infusion de noix de gale versée sur la solution de vitriol, produit un mélange dont les parties absorbent toute la lumière qu'elles reçoivent, sans en réfléchir que fort peu ou point du tout ; d'où il arrive que cette teinture parait noire ; mais nous ignorons quel est l'arrangement de ces parties : lorsqu'on verse sur cette teinture quelques gouttes d'eau-forte, elle redevient aussi claire que l'eau, et la couleur noire disparait ; parce que l'eau-forte attire d'abord à elle avec beaucoup de violence le vitriol qui se sépare des noix de gale, lesquelles nagent alors dans leur eau comme elles faisaient auparavant, en lui laissant toute sa clarté et sa transparence. Dès qu'on verse ensuite sur ce mélange quelques gouttes de lessive de potasse, qui étant un sel alkali agit fortement sur l'acide, elles attirent sur le champ les parties acides de l'eau-forte, qui de son côté se sépare du vitriol qu'elle avait attiré ; de sorte que le vitriol trouve encore par-là le moyen de se réunir avec les parties des noix de gale, et de produire la même couleur noire qu'auparavant.

Les parties de la surface d'un papier d'un bleu-violet, ont une épaisseur et une grandeur déterminées ; mais aussi-tôt que l'eau-forte les rend plus minces, ou qu'elles se séparent un peu des autres parties, il faut qu'elles écartent des rayons de lumière qui ont une couleur différente de celle des premiers, ce qui fait que la couleur bleue se change en une couleur roussâtre ; et comme les particules du papier deviennent chaque jour plus minces, et qu'elles sont comme rongées par l'humidité de l'air qui se joint aux parties de l'eau-forte, il faut qu'elles rompent continuellement d'autres rayons colorés, et par conséquent qu'elles fassent paraitre le papier d'une autre couleur. Voyez Mussch. ess. de Phys. pag. 556. et suivantes, d'où ceci est extrait.

Couleurs accidentelles, sont des couleurs qui ne paraissent jamais que lorsque l'organe est forcé, ou qu'il a été trop fortement ébranlé. C'est ainsi que M. de Buffon, dans un mémoire fort curieux imprimé parmi ceux de l'académie des Sciences de 1743, a nommé ces sortes de couleurs, pour les distinguer des couleurs naturelles qui dépendent uniquement des propriétés de la lumière, et qui sont permanentes : du moins tant que les parties extérieures de l'objet demeurent les mêmes.

Personne, dit M. de Buffon, n'a fait avant M. Jurin d'observations sur ce genre de couleurs ; cependant elles tiennent aux couleurs naturelles par plusieurs rapports, et voici une suite de faits assez singuliers qu'il nous expose sur cette matière.

1. Lorsqu'on regarde fixement et longtemps une tache ou une figure rouge : comme un petit carré rouge, sur un fond blanc, on voit naître autour de la figure rouge une espèce de couronne d'un verd faible ; et si on porte l'oeil en quelqu'autre endroit du fond blanc, en cessant de regarder la figure rouge, on voit très-distinctement un carré d'un verd tendre tirant un peu sur le bleu.

2. En regardant fixement et longtemps une tache jaune sur un fond blanc, on voit naître autour de la tache une couronne d'un bleu pâle ; et portant son oeil sur un autre endroit du fond blanc, on voit distinctement une tache bleue de la grandeur et de la figure de la tache jaune.

3. En regardant fixement et longtemps une tache verte sur un fond blanc ; on voit autour de la tache verte une couronne blanche légèrement pourprée ; et en portant l'oeil ailleurs, on voit une tache d'un pourpre pâle.

4. En regardant de même une tache bleue sur un fond blanc, on voit autour de la tache bleue une couronne blanchâtre un peu teinte de rouge ; et portant l'oeil ailleurs, on voit une tache d'un rouge-pâle.

5. En regardant de même avec attention une tache noire sur un fond blanc, on voit naître autour de la tache noire une couronne d'un blanc vif ; et portant l'oeil sur un autre endroit, on voit la figure de la tache exactement dessinée, et d'un blanc beaucoup plus vif que celui du fond.

6. En regardant fixement et longtemps un carré d'un rouge vif sur un fond blanc, on voit d'abord naître la petite couronne d'un verd tendre dont on a parlé ; ensuite en continuant à regarder fixement le carré rouge, on voit le milieu du carré se décolorer, et les côtés se charger de couleur, et former comme un quadre d'un rouge beaucoup plus fort et beaucoup plus foncé que le milieu : ensuite en s'éloignant un peu et continuant toujours à regarder fixement, on voit le quadre de rouge foncé se partager en deux dans les quatre côtés, et former une croix d'un rouge aussi foncé ; le carré rouge parait alors comme une fenêtre traversée dans son milieu par une grosse croisée et quatre panneaux blancs ; car le quadre de cette espèce de fenêtre est d'un rouge aussi fort que la croisée. Continuant toujours à regarder avec opiniâtreté, cette apparence change encore, et tout se réduit à un rectangle d'un rouge si foncé, si fort et si vif, qu'il offusque entièrement les yeux ; ce rectangle est de la même hauteur que le carré, mais il n'a pas la sixième partie de sa largeur. Ce point est le dernier degré de fatigue que l'oeil peut supporter ; et lorsqu'enfin on détourne l'oeil de cet objet, et qu'on le porte sur un autre endroit du fond blanc, on voit au lieu du carré rouge réel l'image du rectangle rouge imaginaire exactement dessiné, et d'une couleur verte brillante. Cette impression subsiste fort longtemps, ne se décolore que peu-à-peu, et reste dans l'oeil même après qu'il est fermé. Ce que l'on vient de dire du carré rouge arrive aussi lorsqu'on regarde un carré jaune ou noir, ou de toute autre couleur ; on voit de même le quadre jaune ou noir, la croix et le rectangle ; et l'impression qui reste est un rectangle bleu, si on a regardé du jaune, un rectangle blanc brillant, si on a regardé un carré noir, etc.

7. Personne n'ignore qu'après avoir regardé le soleil, on porte quelquefois très-longtemps l'image de cet astre sur tous les objets. Ces images colorées du soleil sont du même genre que celles que nous venons de décrire.

8. Les ombres des corps qui par leur essence doivent être noires, puisqu'elles ne sont que la privation de la lumière, sont toujours colorées au lever et au coucher du soleil. Voici les observations que M. de Buffon dit avoir faites sur ce sujet. Nous rapporterons ses propres paroles.

" Au mois de Juillet 1743, comme j'étais occupé de mes couleurs accidentelles, et que je cherchais à voir le soleil, dont l'oeil soutient mieux la lumière à son coucher qu'à toute autre heure du jour, pour reconnaître ensuite les couleurs et les changements de couleur causés par cette impression, je remarquai que les ombres des arbres qui tombaient sur une muraille blanche étaient vertes ; j'étais dans un lieu élevé, et le soleil se couchait dans une gorge de montagne, en sorte qu'il me paraissait fort abaissé au-dessous de mon horizon ; le ciel était serein, à l'exception du couchant, qui quoiqu'exempt de nuages, était chargé d'un rideau transparent de vapeurs d'un jaune rougeâtre ; le soleil lui-même était fort rouge, et sa grandeur apparente au moins quadruple de ce qu'elle est à midi : je vis donc très-distinctement les ombres des arbres qui étaient à vingt ou trente pieds de la muraille blanche, colorées d'un verd tendre tirant un peu sur le bleu ; l'ombre d'un treillage qui était à trois pieds de la muraille, était parfaitement dessinée sur cette muraille, comme si on l'avait nouvellement peinte en verd-de-gris : cette apparence dura près de cinq minutes, après quoi la couleur s'affoiblit avec la lumière du soleil, et ne disparut entièrement qu'avec les ombres. Le lendemain au lever du soleil, j'allai regarder d'autres ombres sur une autre muraille blanche ; mais au lieu de les trouver vertes comme je m'y attendais, je les trouvai bleues, ou plutôt de la couleur de l'indigo le plus vif : le ciel était serein, et il n'y avait qu'un petit rideau de vapeurs jaunâtres au levant ; le soleil se levait sur une colline, en sorte qu'il me paraissait élevé au-dessus de mon horizon ; les ombres bleues ne durèrent que trois minutes, après quoi elles me parurent noires : le même jour je revis au coucher du soleil les ombres vertes, comme je les avais vues la veille. Six jours se passèrent ensuite sans pouvoir observer les ombres au coucher du soleil, parce qu'il était toujours couvert de nuages : le septième jour je vis le soleil à son coucher ; les ombres n'étaient plus vertes, mais d'un beau bleu d'azur ; je remarquai que les vapeurs n'étaient pas fort abondantes, et que le soleil ayant avancé pendant sept jours, se couchait derrière un rocher qui le faisait disparaitre avant qu'il put s'abaisser au-dessous de mon horizon. Depuis ce temps j'ai très-souvent observé les ombres, soit au lever soit au coucher du soleil, et je ne les ai vues que bleues, quelquefois d'un bleu fort vif, d'autres fois d'un bleu pâle, d'un bleu foncé ; mais constamment bleues, et tous les jours bleues ". (O)

Couleurs passantes, nom que quelques auteurs donnent aux couleurs qui se déchargent ou ne sont pas de longue durée, comme celles de l'arc-en-ciel, des nuages avant ou après le coucher du soleil, etc. Voyez COULEUR &c.

Les couleurs passantes sont la même chose que celles qu'on appelle couleurs fantastiques ou emphatiques, &c.

On dit d'une pièce de drap que sa couleur est passante, pour dire qu'elle change promptement et se flétrit à l'air. Chambers.