S. f. (Gravure) On appelle estampe, une empreinte de traits qui ont été creusés dans une matière solide. Pour parvenir à m'expliquer plus clairement, je vais remonter à la Gravure, comme à la cause dont l'estampe est l'effet ; et j'emploierai dans cette explication les secours généraux qui m'ont été fournis par M. Mariette. Cet illustre amateur travaille à l'histoire de la Gravure, et à celle des fameux artistes qui ont gravé. Cet ouvrage, dont on peut juger d'avance par les connaissances de l'auteur, nous fournira sans doute des matériaux pour enrichir un second article que nous donnerons au mot GRAVURE, comme un supplément nécessaire à celui-ci.



Pour produire une estampe, on creuse des traits sur une matière solide ; on remplit ces traits d'une couleur assez liquide pour se transmettre à une substance souple et humide, telle que le papier, la soie, le vélin, etc. On applique cette substance sur les traits creusés, et remplis d'une couleur détrempée. On presse, au moyen d'une machine, la substance qui doit recevoir l'empreinte, contre le corps solide qui doit la donner ; on les sépare ensuite, et le papier, la soie ou le vélin, dépositaires des traits qui viennent de s'y imprimer, prennent alors le nom d'estampe.

Cette manœuvre (dont j'ai supprimé les détails, pour les réserver aux places qui leur sont destinées, telles que les articles IMPRESSION, GRAVURE, &c.) suffit pour faire entendre d'une manière générale ce que signifie le mot estampe ; mais comme il y a plusieurs sortes d'estampes, et que l'art de les produire, par une singularité très-remarquable, est moderne, tandis que la Gravure a une origine si ancienne qu'on ne peut la fixer, je vais entrer dans quelques détails.

On ne peut douter de l'ancienneté de la Gravure, puisque, sans parler d'une infinité de citations et de preuves de toutes espèces, les ouvrages des Egyptiens, qui existent encore, surtout leurs obélisques ornés de figures hiéroglifiques gravées, sont des preuves incontestables que cet art était en usage chez un des peuples les plus anciens qui nous soient connus. Il est même vraisemblable que pour fixer l'origine de cet art, il faudrait remonter à l'époque où les premiers hommes ont cherché les moyens de se faire entendre les uns aux autres sans le secours des sons de la voix. La première espèce d'écriture a été sans doute un choix de figures et de traits marqués et enfoncés sur une matière dure, qui put, en résistant aux injures de l'air, transmettre leur signification ; et si cette conjecture est plausible, de quelle ancienneté ne peut pas se glorifier l'art de graver ? Cependant l'un de ses effets (le plus simple, et en même temps le plus précieux), l'art de multiplier à l'infini par des empreintes, les traits qu'il sait former, ne prend naissance que vers le milieu du XV. siècle. Les Italiens disent que ce fut un orfévre de Florence, nommé Maso ou Thomas Finiguerra, qui fit cette découverte. Les Allemands prétendent au contraire que la petite ville de Bockholt dans l'évêché de Munster, a été le berceau de l'art des estampes : ils nomment celui à qui l'on doit l'honneur de cette découverte ; ce fut, à ce qu'ils assurent, un simple berger appelé Français. Ce qui parait certain, c'est que de quelque côté qu'elle soit venue, elle fut uniquement l'effet du hasard. Mais si l'industrie des hommes se voit ainsi humiliée par l'origine de la plus grande partie de ses plus singulières inventions, elle peut s'enorgueillir par la perfection rapide à laquelle elle conduit en peu de temps les moyens nouveaux dont le hasard l'enrichit.

Un orfévre ou un berger s'aperçoit que quelques traits creusés sont reproduits sur une surface qui les a touchés, il ne faut pas trois siècles pour que toutes les connaissances humaines s'enrichissent par le moyen des estampes. Ce court espace de temps suffit pour que chacun des hommes qui s'occupent de sciences et d'arts, puissent jouir à très-peu de frais de tout ce qui a existé de plus précieux avant lui dans le genre qu'il cultive. Enfin c'en est assez pour que d'avance on prépare à ceux qui nous suivront un amas presqu'intarissable de vérités, d'inventions, de formes, de moyens qui éterniseront nos Sciences, nos Arts, et qui nous donneront un avantage réel sur les anciens.

En effet, comme on ne peut pas douter que des routes par lesquelles les idées parviennent à notre conception, celle de la vue ne soit la plus courte, puisqu'il est certain que les explications les plus claires parviennent plus lentement à notre esprit que la figure des choses décrites ; combien serions-nous plus instruits sur les miracles de l'antiquité, si à leurs ouvrages ils avaient pu joindre des cartes géographiques, les plans de leurs monuments, la représentation des pièces détaillées de leurs machines, enfin des portraits et les images des faits les plus singuliers ? Cependant il est nécessaire, comme on le sent aisément, que les secours que l'on tire des estampes pour ces différents objets, soient fondés sur la perfection de leur travail ; ce qui les soumet à l'art de la Peinture dont elles font partie.

L'estampe peut donc aussi se définir une espèce de peinture, dans laquelle premièrement on a fixé par des lignes le contour des objets ; et secondement l'effet que produisent sur ces objets les jours et les ombres qu'y répand la lumière. Le noir et le blanc sont les moyens les plus ordinaires dont on se sert ; encore le blanc n'est-il que négativement employé, puisque c'est celui du papier qu'on a soin de réserver pour tenir lieu de l'effet de la lumière sur les corps.

Cette lumière dans la nature frappe plus ou moins les surfaces, en raison de leur éloignement du point dont elle part et se répand.

Il résulte de-là que les surfaces les plus éclairées sont indiquées sur l'estampe par le blanc pur : celles qui sont moins lumineuses, y sont représentées faiblement obscurcies par quelques traits legers ; et ces traits qu'on appelle tailles, deviennent plus noirs, plus pressés ou redoublés, à mesure que l'objet doit paraitre plus enveloppé d'ombre, et plus privé de lumière. On sentira aisément par cette explication, que cette harmonie qui résulte de la lumière et de sa privation (effet qu'en terme de Peinture on appelle clair-obscur), et la justesse des formes, sont les principes de la perfection des estampes, et du plaisir qu'elles causent. L'on croira aisément aussi que les deux couleurs auxquelles elles sont bornées, les privent de l'avantage précieux et du secours brillant que la peinture tire de l'éclat et de la diversité du coloris ; cependant l'art des estampes, en se perfectionnant, a fait des efforts pour vaincre cet obstacle, qui parait insurmontable. L'adresse et l'intelligence des habiles artistes ont produit des espèces de miracles, qui les ont fait franchir les bornes de leur art.

En effet, les excellents graveurs qu'ont employés Rubens, Vandeyck et Jordants, se sont distingués par leurs efforts dans cette partie. Si l'impossibilité absolue les a empêchés de présenter la couleur locale de chaque objet, ils sont parvenus du moins, par des travaux variés, et analogues à ce qu'ils voulaient représenter, à faire reconnaître la nature de la substance des différents corps. Les chairs représentées dans leurs ouvrages, font naître l'idée de la peau, des pores, et de ce duvet fin dont l'épiderme est couvert. La nature des étoffes se distingue dans leurs estampes ; on y démêle non-seulement la soie d'avec la laine, mais encore dans les ouvrages où la soie est employée, on reconnait le velours, le satin, le taffetas. Représentent-ils un ciel ? leurs travaux en imitent la legereté, les eaux sont transparentes. Enfin il ne faut que s'arrêter sur les belles estampes de ces graveurs, et sur celles de Corneille Vischer, d'Antoine Masson, des Nanteuils, des Drevets, et de tant d'autres, pour avouer que l'art des estampes a été porté à la plus grande perfection.

Pour approfondir davantage cet art, il faudrait en décomposer les moyens, décrire les outils, diviser les espèces de productions. Cette division s'étendrait et dans l'exécution mécanique dépendante des matières qu'on emploie, et dans les genres de gravure, qui sont les routes différentes qu'on peut prendre dans une exécution raisonnée et sentie. Mais il me semble que ces choses appartiennent plus directement à la cause qu'à l'effet ; ainsi nous dirons à l'article GRAVURE, ce qui pourra donner une idée plus exacte de ces détails ; sans oublier dans l'article IMPRESSION, ce que l'opération d'imprimer produit de différence sur les estampes, pour leur plus ou moins grande perfection.

J'ajouterai à cette occasion que l'estampe regardée comme le produit de l'impression, s'appelle épreuve : ainsi l'on dit d'une estampe mal imprimée, c'est une mauvaise épreuve ; on le dit aussi d'une estampe dont la planche est usée, ou devenue imparfaite. Article de M. WATELET.

* ESTAMPE, (Grammaire) outil quelquefois d'acier, dans lequel il faut distinguer trois parties, la tête, la poignée, et l'estampe. L'estampe est la partie convexe ou concave qui donne à la pièce que l'on estampe la forme qu'elle a ; la poignée est la partie du milieu que l'ouvrier tient à sa main en estampant, et la tête est celle sur laquelle il frappe pour donner à la pièce la forme de l'estampe.

ESTAMPE QUARREE, outil d'Arquebusier ; c'est un morceau de fer exactement carré, sur lequel on plie un morceau de fer plat, auquel on pratique des côtés carrés. Pour cet effet on pose l'estampe sur l'enclume ; on met une plaque de fer rouge dessus, et l'on frappe avec un marteau à main, jusqu'à ce que la plaque de fer soit pliée en deux.

ESTAMPE, en terme d'Eperonnier, est un poinçon de fer qui a quelque grosseur, dont l'extrémité arrondie sert à amboutir les fonceaux ou autres pièces sur l'amboutissoir. Voyez FONCEAUX, AMBOUTIR, AMBOUTISSOIR. Voyez la figure 2. Planc. de l'Eperonnier.

ESTAMPE, outil d'Horloger ; c'est en général un morceau d'acier trempé et revenu, couleur de paille, auquel on donne différentes figures, selon les pièces que l'on veut estamper. Tantôt on le fait cylindrique, et on lui donne peu d'épaisseur, pour estamper des roues de champ ou des roues de rencontre : tantôt on le fait carré et un peu long, pour pouvoir estamper des trous carrément : enfin, comme nous l'avons dit, sa figure varie selon les différents usages auxquels on veut l'employer. Voyez ROUE DE CHAMP, ROUE DE RENCONTRE, etc. et la fig. 70. Planche XVI. de l'Horlogerie. (T)

ESTAMPE, (Manège et Maréchalerie) instrument dont les Maréchaux se servent pour percer, c'est-à-dire pour estamper les fers qu'ils forgent, et qu'ils se proposent d'attacher aux pieds des chevaux. Cet instrument n'est autre chose qu'un morceau de fer carré d'environ un pouce et demi, et d'un demi-pié de longueur, fortement acéré par le bout, lequel est formé en pyramide carrée, tronquée d'un tiers, ayant pour base la moitié de la longueur qui lui reste. On doit en acérer la tête, non-seulement pour assurer la durée de cet outil, mais encore pour mettre à profit toute la percussion du marteau. Quand la tête n'est point acérée, une partie du coup se perd en l'écachant, et l'estampure en est moins franche. Communément au tiers inférieur de sa longueur est un oeil dans lequel est engagé un manche dont s'arme la main gauche du maréchal qui doit estamper, tandis que de l'autre il est occupé à frapper sur l'estampe avec le févretier. Voyez FORGER. (e)

ESTAMPE, en terme d'Orfèvre en grosserie, est encore une plaque de fer gravée en creux de carrés continus, sur laquelle on frappe la feuille d'argent dont on veut couvrir le bâton d'une crosse, etc. On appelle cet outil poinçon à feuilles, plus ordinairement qu'estampe.

ESTAMPE, en terme de Raffineur de sucre, n'est autre chose qu'une poignée de sucre qu'on mastique dans le fond d'une forme à vergeaise. Voyez VERGEOISE et ESTAMPER.

ESTAMPE, Broquette estampée, terme de Cloutier ; c'est la plus forte de toutes les broquettes : il y en a de deux sortes ; la première, qui pese deux livres le millier ; et l'autre, qui Ve de deux livres et demie à trois livres le millier. Voyez BROQUETTE.

Ces sortes de broquettes ont la tête hémisphérique : on fait ces têtes avec une estampe qui est au poinçon, qui, au lieu d'être aigu, a une cavité de la forme et grandeur que l'on veut donner aux têtes. Voyez la figure 26. Planche du Cloutier.