Une altération spontanée et prompte que cette liqueur subit infailliblement lorsqu'on la laisse à elle-même, c'est-à-dire sans mélange et sans application de chaleur artificielle ; cette altération, dis-je, suffit pour désunir ces principes et pour les mettre en état d'être séparés par des moyens simples et mécaniques. Les opérations les plus communes pratiquées dans les laiteries, prouvent cette vérité. Voyez LAIT, économie rustique.

Les principes du lait ainsi manifestés comme d'eux-mêmes, sont une graisse subtile, connue sous le nom de beurre, voyez BEURRE ; une substance muqueuse, appelée caséeuse, du latin caseus, fromage, voyez MUQUEUX et FROMAGE ; et une liqueur aqueuse, chargée d'une matière saline et muqueuse. Cette liqueur est connue sous le nom de petit-lait, et sous le nom vulgaire de lait de beurre ; et cette matière saline-muqueuse, sous celui de sel ou de sucre de lait. Voyez PETIT-LAIT et SUCRE DE LAIT, à la suite du présent article.

Cette altération spontanée du lait est évidemment une espèce de fermentation. Aussi la partie liquide du lait ainsi altéré, qui a été débarrassée des matières concrescibles dont elle était auparavant chargée, est-elle devenue une vraie liqueur fermentée, c'est-à-dire qu'il s'est engendré ou développé chez elle le produit essentiel et spécifique d'une des fermentations proprement dites, voyez FERMENTATION. C'est à la fermentation acéteuse que tourne communément le petit lait séparé de soi-même, ou lait de beurre ; mais on pense qu'il n'est pas impossible de ménager cette altération de manière à exciter dans le lait la fermentation vineuse, et à saisir dans la succession des changements arrivés dans le petit- lait, au moins quelques instants, pendant lesquels on le trouverait spiritueux et enivrant. On ajoute que de pareilles observations ont été faites plus d'une fois par hasard dans les pays où, comme en Suisse, le lait de beurre est une boisson commune et habituelle pour les hommes et pour quelques animaux domestiques, tels que les cochons, etc. On prétend donc qu'il n'est pas rare dans ces contrées de voir des hommes et des cochons enivrés par une abondante boisson de lait de beurre. On peut tenter sur ce sujet des expériences très-curieuses et très-intéressantes.

La fermentation commence dans le lait, et même s'y accomplit quant à son principal produit, celui de l'acide, avant que le beurre et le fromage se séparent ; car le lait laissé à lui-même s'aigrit avant de tourner, c'est-à-dire avant la desunion des principes dont nous venons de parler : l'un et l'autre changement, savoir l'aigrir et le tourner, sont d'autant plus prompts, que la saison est plus chaude.

On n'a pas déterminé, que je sache, par des expériences, si une partie de l'acide du lait aigri était volatile.

Les principes immédiats du lait se desunissent aussi par l'ébullition. Dès qu'on fait bouillir du lait, il se forme à sa surface une pellicule qui ne diffère presque point de celle qui nage sur le lait qui a subi la décomposition spontanée : cette matière s'appelle crême ? elle n'est autre chose que du beurre mêlé de quelques parties de fromage, et empreint ou imbibé de petit- lait. On peut épuiser le lait de sa partie butireuse, par le moyen de l'ébullition. Dans cette opération, le fromage reste dissous dans le petit- lait qui n'aigrit point (ce qui est conforme à une propriété constante de la fermentation vineuse et de l'acéteuse, savoir d'être empêchées, prévenues, suspendues par un mouvement étranger), et qui acquiert même la propriété d'aigrir beaucoup plus tard, lorsqu'on l'abandonne ensuite à sa propre pente. Le lait qu'on a fait bouillir seulement pendant un quart-d'heure, se conserve sans aigrir ni tourner pendant beaucoup plus de temps, pendant trente-six et même quarante-huit heures, plus ou moins, selon la température de l'air ; au lieu que le lait qui n'a pas bouilli, se conserve à peine douze heures. Mais enfin, comme nous venons de l'indiquer, la séparation du fromage et du petit- lait arrive enfin aussi bien que l'aigrissement du petit- lait.

On opère encore la décomposition du lait par un moyen très-connu, très-vulgaire, mais dont il n'existe encore dans l'art aucune théorie satisfaisante, je veux dire, la coagulation par l'application de certaines substances, savoir les acides (sait faibles, soit très-forts, tels que l'acide vitriolique le plus concentré, qu'Hoffman prétend produire dans le lait l'effet directement contraire. Voyez la dissertation de salub. seri lactis virtute, §. 4), les alcalis, les esprits ardents, et particulièrement le lait aigri dans l'estomac des jeunes animaux à la mamelle, lactantium, et certaines fleurs et étamines ; ce lait aigri et ces fleurs tirent de leur usage le nom commun de presure. Voyez COAGULATION, PRESURE et LAIT, Economie rustique.

Le lait n'est séparé par la coagulation qu'en deux parties, et cette séparation n'est pas absolue ou parfaite. Le coagulum ou caillé contient cependant presque tout le fromage et le beurre, et la liqueur est le petit- lait ou le principe aqueux chargé du sel ou sucre, et d'une très petite quantité de fromage et de beurre.

Quelques auteurs ont prétendu que de même que certaines substances mêlées au lait hâtaient son altération ou le coagulaient, de même il en était d'autres qui le préservaient de la coagulation en opérant une espèce d'assaisonnement. Ils ont attribué principalement cette vertu aux eaux minérales alcalines ou sulphureuses, et aux spiritueuses. Ces prétentions sont sans fondement : on ne connait aucune matière qui étant mêlée en petite quantité au lait, en empêche l'altération spontanée ; et quant aux eaux minérales, j'ai éprouvé que le principe aqueux était le seul agent utîle dans les mélanges d'eaux minérales et de lait, faits dans la vue de corriger la tendance du lait à une prompte décomposition : car il est vrai que ces eaux minérales mêlées à du lait frais à parties à-peu-près égales, en retardent sensiblement, quoique pour peu de temps, l'altération spontanée ; mais de l'eau pure produit exactement le même effet.

Le petit lait n'aigrit point, n'a pas le temps d'aigrir dans cette dernière opération. Aussi est-ce toujours par ce moyen qu'on le sépare pour l'usage médicinal ordinaire. Voyez PETIT-LAIT, à la suite du présent article.

Le lait distillé au bain-marie, donne un phlegme chargé d'une odeur de lait ; mais cette odeur n'est point dû. à un principe aromatique particulier, et distinct des principes dont nous avons parlé jusqu'à présent. Ce n'est ici, comme dans toutes les substances véritablement inodores (c'est-à-dire dépourvues d'un principe aromatique distinct) qui se font reconnaître pourtant dans le produit le plus mobîle de leur distillation, qu'une faible et légère émanation, effluvium, de leur substance entière.

Tout ce principe aqueux étant séparé par la distillation au bain-marie, ou dissipé par l'évaporation libre au même degré de chaleur, on obtient une matière solide, friable, jaunâtre, d'un goût gras et sucré assez agréable, qui étant jetée dans des liqueurs aqueuses bouillantes, s'y dissout en partie, les blanchit, et leur donne presque le même goût que le mélange du lait frais et inaltéré. Il est évident que cette matière n'est que du lait concentré, mais cependant un peu dérangé dans sa composition. Voyez SUCRE DE LAIT, à la suite du présent article.

L'analyse ultérieure à la violence du feu, ou la distillation par le feu seul poussée jusqu'à ses derniers degrés, fournit une quantité assez considérable d'huîle empyreumatique ; et s'il en faut croire Homberg, Mém. de l'Acad. royale des Scienc. 1712, incomparablement plus d'acide que le sang et la chair des gros animaux, et point du tout de sel volatil concret. Cette attention à spécifier l'état concret de l'alcali volatil que ce chimiste exclut des produits du lait, fait conjecturer, avec beaucoup de fondement, qu'il retirait du lait de l'alcali volatil sous son autre forme, c'est-à-dire liquide. Or, quoique les matières d'où on ne retire de l'alcali volatil que sous cette dernière forme, dans les distillations vulgaires, en contiennent beaucoup moins en général que celles qui fournissent communément ce principe sous forme concrete, cependant cette différence peut n'être qu'accidentelle, dépendre d'une circonstance de manuel, savoir du desséchement plus ou moins absolu du sujet pendant le premier temps de la distillation. Voyez DISTILLATION, MANUEL CHIMIQUE et SEL VOLATIL. Ainsi l'observation d'Homberg sur ce principe du lait, n'est rien moins qu'exacte et positive.

Ce que nous avons dit du lait jusqu'à-présent, convient au lait en général. Ces connaissances sont déduites des observations faites sur le lait de plusieurs animaux, différant entr'eux autant qu'il est possible à cet égard, c'est-à-dire sur celui de plusieurs animaux qui ne se nourrissent que de substances végétales, et sur celui de certains autres qui vivent principalement de chair. L'analogie entre ces différents laits est parfaite, du moins très-considérable ; et il y a aussi très-peu de différence quant au fond de la composition du lait entre celui que donne un même individu, une femme, par exemple, nourrie absolument avec des végétaux, ou qui ne vivra presque que de substances animales. Ce dernier fait est une suite bien naturelle de l'observation précédente. Une expérience décisive prouve ici que la Chimie, en découvrant cette identité, ne l'établit point seulement sur des principes grossiers, tandis que des principes plus subtils et qui fondent des différences essentielles lui échappent. Cette expérience est que les quadrupedes, soit très-jeunes, lactantia, soit adultes, sont très-bien nourris avec le lait de quelqu'autre quadrupede que ce soit : on élève très-bien un jeune loup avec du lait de brebis. Rien n'est si commun que de voir des petits chats têter des chiennes. On nourrit très-bien les enfants avec le lait de vache, de chèvre, etc. Un observateur très-judicieux, très-philosophe, très-bon citoyen, a même prétendu qu'il résulterait un grand bien pour l'espèce humaine en général, et un avantage décidé pour les individus, de l'usage de nourrir tous les enfants avec le lait des animaux. Voyez NOURRICE.

Cette identité générique ou fondamentale, n'empêche pas que les laits des divers animaux ne soient distingués entr'eux par des qualités spécifiques ; la différence qui les spécifie principalement et essentiellement, c'est la diverse proportion des principes ci-dessus mentionnés. Les Chimistes médecins se sont principalement attachés à déterminer ces proportions dans les espèces de lait qui ont des usages médicinaux, savoir le lait de femme, le lait d'anesse et celui de jument, le lait de vache, celui de chèvre, et celui de brebis.

Fréderic Hoffman a trouvé qu'une livre de médecine ou douze onces de lait de vache, épuisée par l'évaporation de sa partie aqueuse, laissait une once et cinq gros de matière jaunâtre, concrete, seche et pulvérulente ; que cette matière lessivée avec l'eau bouillante, perdait une dragme et demie. Homberg a d'ailleurs observé dans les mémoires de l'acad. R. des Sc. ann. 1712. que la partie caséeuse et la butireuse étaient contenues à parties à peu près égales dans le lait de vache. Ainsi supposé que l'eau employée à lessiver le lait concentré et desséché, n'en ait emporté que la matière qui est naturellement dissoute dans le petit- lait, il résultera de ces expériences que le lait de vache examiné par Hoffman, contenait environ un seizième de son poids de beurre, autant de fromage, et un soixante-quatrième de matière, tant saline ou sucrée, que caseoso-butyreuse, soluble par l'eau. Voyez PETIT-LAIT et SUCRE DE LAIT.

Les mêmes expériences tentées par Hoffman et par Homberg sur le lait de chèvre, ont indiqué que la proportion des principes était la même dans ce lait : et que la quantité de matière concrescible prise en somme, était seulement moindre d'un vingt-sixième.

Hoffman a tiré, par la même voie, de douze onces de lait d'anesse, une once de résidu sec, pulvérulent et blanc, qui ayant été lessivé avec de l'eau bouillante, a perdu environ sept gros. Homberg prétend que le lait d'anesse contient trois ou quatre fois plus de fromage que de crême ou de substance dans laquelle le beurre domine. Ainsi la partie soluble dans l'eau, ou le sucre de lait un peu barbouillé de fromage et de beurre domine dans le lait d'anesse, y est contenue à la quantité d'environ un quinzième ou un seizième du poids total ; le beurre fait tout au plus le trois-centième du tout, et le fromage le centième.

Le lait de femme a donné à Hoffman un résidu blanchâtre, presqu'égal en quantité à celui du lait d'ânesse ; mais qui ne contenait pas tant de matière soluble par l'eau, et seulement six gros sur neuf ou les deux tiers.

Les expériences que nous venons de rapporter ont été faites avec beaucoup de négligence et d'inéxactitude ; l'énoncé de celles d'Homberg est on ne peut pas plus vague, et Hoffman a manqué, 1°. à employer le bain-marie pour dessécher la substance fixe ou concrescible du lait : or il est presqu'impossible de dessécher cette matière parfaitement au feu nud, sans la bruler ou du moins la rissoler tant soit peu, ce qui est le défaut contraire au desséchement imparfait. Secondement, il n'a point distingué dans la partie insoluble de son résidu, le beurre du fromage, ni dans la matière enlevée par les lessives le sel ou sucre du lait d'un fromage subtil, uni à un peu de beurre que l'eau entraîne avec ce sel, qui fournit la matière de la recuite, et qui est celle qu'on se propose d'enlever par la clarification du petit- lait, et par la lotion du sel ou sucre de lait. Voyez ci-dessous PETIT-LAIT et SUCRE DE LAIT. Cet examen bien fait serait donc encore un travail tout neuf, et certainement, indépendamment des différences qu'on doit se promettre dans les résultats d'une analyse exacte, on en trouverait beaucoup qui seraient nécessairement dépendantes de l'âge, du tempérament, de la santé des divers animaux, et surtout de la manière dont ils seraient nourris ; par exemple des paturages plus ou moins gras, et encore du climat où ils vivraient, etc.

Ce que nous venons de rapporter, tout imparfait qu'il est, suffit pourtant pour fixer l'idée des Médecins sur les différences essentielles des espèces de lait qui fournissent des aliments ou des remèdes aux hommes ; car l'usage médicinal se borne presque aux quatre espèces de lait dont nous venons de faire mention ; et il est connu encore par des observations à peu près suffisantes, que le lait de brebis qu'on emploie dans quelques contrées, est fort analogue à celui de vache, et que le lait de jument, dont l'usage commence à s'établir en France, est d'une nature moyenne entre le lait de vache et celui d'ânesse, s'approchant pourtant davantage de celle du dernier. Celui de chameau dont les peuples du Levant se servent, est un objet absolument étranger pour nous.

Usage diététique et médicamenteux du lait, et premièrement du lait de vache, de chèvre et de brebis.

Le lait de vache est, pour les Médecins, le lait par excellence ; c'est de ce lait qu'il est toujours question dans leurs ouvrages, lorsqu'ils parlent de lait en général, et sans en déterminer l'espèce. Le lait de vache possède en effet le plus grand nombre des qualités génériques du lait : il est, s'il est permis de s'exprimer ainsi, le plus lait de tous ceux que la Médecine emploie, celui qui contient les principes que nous avons exposés plus haut, dans la proportion la plus exacte. Il est vraisemblable pourtant que cette espèce de prééminence lui a été principalement accordée, parce qu'il est le plus commun de tous, celui qu'on a le plus commodément sous la main ; car le lait de chèvre est très-analogue au lait de vache : la prétendue qualité plus particulièrement pectorale, vulnéraire, par laquelle on distingue le premier dans la pratique la plus reçue, est peu évidente ; et dans les pays où l'on trouve plus facilement du lait de chèvre que du lait de vache, on emploie le premier au lieu du second, sans avoir observé des différences bien constatées dans leurs bons et dans leurs mauvais effets. Le lait de brebis supplée très-bien aussi dans tous les cas à l'un et à l'autre, dans les pays où l'on manque de vaches et de chèvres. Tout cela pourrait peut-être s'éclaircir par des observations : je dis peut-être, car ces observations seraient au moins très-difficiles, très-fines. Quoi qu'il en sait, elles n'existent pas, et il parait que l'art y perd peu. On peut cependant, si l'on veut, regarder le lait de vache comme le remède principal, chef majeur ; et les deux autres seulement comme ses succédanées.

Le mot lait sans épithéte signifiera donc dans la suite de cet article, comme il doit le signifier dans les ouvrages de Médecine, lait de vache, ou à son défaut lait de chèvre ou de brebis ; et nous renfermerons ce que nous avons à dire à ce sujet dans les considérations suivantes, où nous nous occuperons premièrement de ses usages diététiques dans l'état sain, et ensuite de son emploi plus proprement médicinal, c'est-à-dire dans le cas de maladie.

Le lait fournit à des nations entières, principalement aux habitants des montagnes, la nourriture ordinaire, journalière, fondamentale. Les hommes de ces contrées sont gras, lourds, paresseux : stupides ou du moins graves, sérieux, pensifs, sombres. Il n'est pas douteux que l'usage habituel du lait ne soit une des causes de cette constitution populaire. La gaieté, l'air leste, la légèreté, les mouvements aisés, vifs et vigoureux des peuples qui boivent habituellement du vin, en est le contraste le plus frappant.

Ce qui confirme cette conjecture, et qui est en même temps une observation utile, c'est que le lait donné pour toute nourriture, ou ce qu'on appelle communément la diete lactée ou la diete blanche, que ce régime, dis-je, jette très-communément les sujets qu'on y soumet dans une mélancolie très sombre, très-noire, dans des vapeurs affreuses.

Il est admirable cependant combien le lait pris en très-petite quantité pour toute nourriture, nourrit et soutient, lorsqu'il réussit, les personnes mêmes les plus vigoureuses, et de l'esprit le plus vif, sans faire tomber sensiblement leurs forces corporelles, et sans affoiblir considérablement leurs facultés intellectuelles, et cela pendant des années entières. On comprend plus aisément, mais il est pourtant assez singulier aussi que des personnes auparavant très-voraces, s'accoutument bientôt à la sobriété que cette diete exige, et qu'elles contractent de l'indifférence et enfin même du dégoût pour les aliments ordinaires.

Nous ne parlons dans les deux observations précédentes que des sujets qui se réduisent à la diete lactée pour prévenir des maux dont ils sont menacés, et non pas pour remédier à des maux présents. Ces sujets doivent être considérés alors comme véritablement sains, et nous n'examinons encore que les effets du lait dans l'état sain.

Le lait pur, certains aliments solides, et quelques boissons assaisonnées avec le lait, tels que le ris, les œufs, le thé, le caffé, ont l'inconvénient très-commun de lâcher le ventre. Ces aliments, surtout ceux qui sont sous forme liquide, produisent cet effet par une espèce de corruption qu'ils éprouvent dans les premières voies, ils deviennent vraiment purgatifs par cette altération qui se démontre, et par la nature des rapports nidoreux qui s'élèvent de l'estomac, et par des borborygmes et des légères tranchées, et enfin par la mauvaise odeur des excréments qui est exactement semblable à celle des évacuations excitées par une légère médecine. De toutes les boissons que nous mêlons ordinairement avec le lait, celle qui produit le moins communément cette espèce de purgation, c'est le caffé au lait, soit que la petite quantité qu'on en prend en comparaison du thé au lait, par exemple, cause cette différence, soit que le caffé corrige véritablement le lait. Voyez CORRECTIF.

L'effet dont nous venons de parler s'observe principalement sur les personnes robustes, agissantes, peu accoutumées au lait, et qui sont dans l'usage journalier des aliments et des boissons ordinaires, surtout de la grosse viande et du vin ; et ces personnes sont sensiblement affoiblies par cette opération de ces laitages. Les gens faibles, peu exercés au lait, ou ceux qui sont accoutumés au lait, et ceux enfin de quelque constitution qu'ils soient qui vivent de lait pour toute nourriture, sont au contraire ordinairement constipés par le lait ; et cet accident qui est principalement propre à la diete lactée, est un des principaux inconvénients de cette diete.

En général le lait passe mieux, c'est-à-dire est mieux digéré, laisse mieux subsister l'état naturel et sain des organes de la digestion, lorsqu'on le prend pour toute nourriture, ou qu'on n'en combine l'usage qu'avec celui des farineux fermentés ou non fermentés, tels que le pain, le ris, les pâtes d'Italie, le sagou, etc. que lorsqu'on en use, sans cesser de tirer le fond de la nourriture des aliments ordinaires, même avec les exceptions vulgaires des assaisonnements acides, des fruits cruds, des salades, etc. Cependant il y a encore en ceci une bizarrerie fort remarquable (quoique ces sortes de contradictions soient fort communes dans l'ordre des objets diététiques. Voyez REGIME, DIGESTION, et presque tous les articles particuliers de diete de ce Dictionnaire ; l'article CONCOMBRE, par exemple) : il est très-ordinaire de voir des personnes qui dans un même jour, et souvent même dans un seul repas, se gorgent de viandes de toute espèce, de vin, de salades, de fruits et de laitages, et qui digèrent très-bien et cent fois de suite ce margouilli qui ferait frémir tout médecin raisonneur.

Le proverbe vulgaire, que le vin bu après le lait est salutaire, et que le lait bu après le vin est un poison, ne porte sur rien, si on l'explique in sensu abvio, et comme on l'entend communément ; c'est-à-dire qu'il n'est rien moins qu'observé qu'un mélange de vin et de lait affecte différemment l'estomac, selon que l'une ou l'autre de ces liqueurs y est versée la première. Il est très-sur, au contraire, que ce mélange, dans quelque ordre qu'il soit fait, est toujours monstrueux aux yeux de la Médecine rationnelle, et plus souvent nuisible qu'in différent aux yeux de l'observation ; mais si ce dogme populaire signifie que le vin remédie au mauvais effet que du lait pris depuis quelques heures a produit sur les premières voies, et qu'au contraire du lait jeté dans un estomac n'a guère chargé de vin, y cause constamment un mal considérable ; alors il ne fait que trop promettre sur le premier chef, et il est conforme à l'expérience pour le second.

Il est facîle de conclure de ce petit nombre d'observations sur les propriétés diététiques du lait dans l'état sain, que c'est un aliment suspect, peu analogue aux organes digestifs de l'adulte, et que l'art humain, l'éducation, l'habitude, n'ont pu faire adopter à la nature, comme elles ont naturalisé le vin, liqueur pourtant bien plus étrangère à l'homme que le lait des animaux ; et qu'ainsi un canon diététique sur et incontestable, et qui suffit seul en cette matière, c'est que les personnes qui n'ont point éprouvé leur estomac à ce sujet, ne doivent user de lait que dans le cas de nécessité, c'est-à-dire, s'il arrivait par hasard qu'elles manquassent dans quelque occasion particulière d'autres aliments, ou si elles étaient menacées de quelques maladies que l'usage du lait peut prévenir. Mais comme il est peu d'hommes qui se soient toujours conduits assez médicinalement pour avoir constamment usé de cette circonspection, et qu'ainsi chacun sait à-peu-près, par le souvenir des effets du lait sur son estomac, si c'est pour lui un aliment sain, mal-sain ou indifférent, et dans quelles circonstances il lui a fait du bien, du mal, ni bien ni mal ; cette expérience peut suffire à chacun pour s'observer convenablement à cet égard. Il faut se souvenir pourtant, il n'est pas inutîle de le repéter, que pour toute personne qui n'est pas très-accoutumée au lait, c'est toujours un aliment suspect que celui-là, tant en soi, par sa propre nature, qu'à cause des altérations dont il est très-susceptible dans les premières voies, par le mélange des autres aliments ; et que ceci est vrai principalement des personnes vigoureuses et vivant durement, qui sont peut-être les seules qu'on puisse appeler vraiment saines, les sujets délicats, élevés mollement, étant par leur propre constitution dans un état de maladie habituelle. Cette importante distinction méritera encore plus de considération dans ce que nous allons dire de l'emploi du lait dans le cas de maladie.

Nous observons d'abord, sous ce nouvel aspect, que le lait est une de ces matières que les Médecins appellent aliments médicamenteux. Voyez MEDICAMENT.

Les lois ou les canons thérapeutiques sur l'usage du lait, observés encore aujourd'hui, existent de toute ancienneté dans l'art ; ils sont renfermés dans un aphorisme d'Hippocrate, mille fois repété, et commenté par les auteurs anciens et modernes, depuis Galien et Celse, jusqu'aux écrivains de nos jours. Voici cet aphorisme : " Il est mal de donner le lait à ceux qui souffrent des douleurs de tête : il est mal aussi de le donner à ceux qui ont la fièvre, à ceux qui ont les hypocondres bouffis et murmurants, à ceux qui sont tourmentés de soif, à ceux qui rendent des déjections bilieuses, à ceux qui sont dans des fièvres aiguës, et enfin à ceux qui ont subi des hémorrhagies considérables ; mais il est bon dans la phtisie lorsqu'il n'y a pas beaucoup de fièvre ; dans les fièvres longues et languissantes, c'est-à-dire dans les fièvres lentes, et dans les extrêmes amaigrissements ". Les anciens avaient aussi observé l'efficacité du lait contre l'actions des venins corrosifs sur l'estomac et les intestins, et contre celle des cantharides sur les voies urinaires.

L'observation journalière et commune confirme à-peu-près toutes ces lois : cependant quelques nouvelles tentatives ont appris à s'écarter, sans inconvénient et même avec quelqu'avantage, de la route ordinaire, et d'étendre l'usage du lait à quelques-uns des cas prohibés ; elles en ont encore augmenté l'usage, en découvrant son utilité dans un plus grand nombre de maladies que celles qui sont comprises sous le genre de phtisies, marasmes, consomptions, etc. et sous celui d'amaigrissements, épuisements, etc. Quelques auteurs modernes se sont élevés au contraire contre l'ancienne réputation du lait, et en ont voulu resserrer et presqu'anéantir l'usage. Nous allons entrer dans quelque détail sur tout cela.

Et, premiérement, quant aux cas prohibés par l'ancienne loi, on donne assez communément le lait dans les grandes hémorrhagies, principalement dans les pertes des femmes, et dans ces éruptions abondantes de sang par les vaisseaux du poulmon, qu'on appelle vulgairement et très-improprement vomissement de sang. La diete lactée est même dans ce dernier cas le secours le plus efficace que l'art fournisse contre les récidives. On ne craint pas tant non plus aujourd'hui la fièvre, surtout la fièvre lente ou hectique, lors même qu'elle redouble par accès vifs, soit réguliers, soit irréguliers : ce symptôme n'empêche point de donner le lait lorsqu'on le croit indiqué d'ailleurs ; et il est vraisemblable que si le lait réussit peu dans ces cas, comme il faut en convenir, c'est moins parce qu'il fait un mal direct, qu'il nuit en effet, que parce qu'il est simplement inefficace, c'est-à-dire qu'une telle maladie est trop grave pour que le lait puisse la guérir, et même en retarder les progrès. Ce qui parait établir ce sentiment, c'est que si l'on observe que le lait donné avec la fièvre dans une pulmonie au dernier degré, par exemple, ne réussisse point, c'est-à-dire qu'il augmente quelques symptômes, et qu'il produise divers accidents, tels que des aigreurs, des pesanteurs d'estomac, des ventosités, des dévoiements, des sueurs, etc. et qu'on se détermine à en supprimer l'usage, tous ces effets cessent, il est vrai, mais le malade n'en est pas mieux : la maladie fait ses progrès ordinaires, et il n'est décidé par aucune observation si ces effets du lait, qui paraissent funestes au premier aspect, hâtaient réellement, ou si au contraire ils ne suspendaient pas ses progrès.

Enfin, plusieurs médecins pensent que ce pourrait bien n'être qu'un préjugé que de redouter l'usage du lait dans les maladies aiguës. L'usage du posset simple ou du zythogala, c'est-à-dire du mélange de la bière et du lait, pour boisson ordinaire dans les maladies aiguës, est connu en Angleterre. Sydenham ne désapprouve point qu'on nourrisse les malades attaqués de la petite vérole avec du lait dans lequel on aura écrasé des pommes cuites. Je connais un célèbre praticien qui n'hésite point à donner du lait dans les fluxions de poitrine. Il est observé que l'hydrogale ou le lait mêlé avec l'eau, est une boisson très-salutaire dans les maladies dissenteriques.

Secondement, quant à l'extension de l'application du lait à plusieurs nouveaux usages, la doctrine clinique s'est considérablement accrue à cet égard. D'abord elle prescrit l'usage du lait dans tous les cas de simple menace des maladies contre lesquelles Hippocrate ne l'ordonne que lorsqu'elles sont confirmées et même parvenues à leur degré extrême, praeter rationem extenuatis. Par exemple, les modernes emploient le lait contre les hoemophtysies, les toux même simples, la goutte, les rhumatismes, les dartres et autres maladies de la peau, comme le principal remède des fleurs blanches, dans le traitement de la maladie vénérienne, dans la petite vérole, dans quelques cas d'hydropisies, etc. (Voyez ces articles particuliers), sans parler de plusieurs usages extérieurs dont il sera question dans la suite de cet article. Jean Costœus a écrit un traité entier de la Médecine aisée, de facili Medicinâ ; et son secret, son moyen de rendre la Médecine aisée, c'est d'employer le lait, comme remède universel. Wepfer, médecin suisse, auteur de très-grande considération, parle du lait comme d'une substance qui renferme en soi quelque chose de divin. Cheyne, célèbre auteur anglais, a proposé depuis peu d'années, pour le bien de l'humanité, avec tout l'enthousiasme que cette vue sublime est capable d'inspirer, et avec toute la bonne-foi et la confiance de la conviction, a proposé, dis-je, de réduire tous les hommes, lorsqu'ils ont atteint un certain âge, à la diete lactée, ou à un régime dont le lait fait la base. La doctrine des écoles et le penchant des médecins théoriciens ou raisonneurs, sont assez généralement en faveur du lait.

Traisiemement, pour ce qui regarde le sentiment des médecins modernes qui ont combattu les vertus les plus célébrées du lait, nous observerons d'abord que leur avis devrait être d'un grand poids, qu'il mériterait au moins d'être discuté avec la plus grande circonspection, quand même ces auteurs n'auraient d'autre mérite que d'avoir osé douter sur un objet grave, des opinions reçues à-peu-près sans contradiction : car en général, et plus encore en Médecine qu'ailleurs, les opinions anciennes et non contredites doivent être très-suspectes au sage. Mais ces auteurs ont outre le mérite d'un louable scepticisme, celui d'avoir appuyé leur sentiment de bonnes observations. Bennet, célèbre médecin anglais, interdit le lait aux vrais phtysiques, dans son traité vraiment original, intitulé Theatrum tabidorum. Sydenham compte fort peu sur la diete lactée dans le traitement prophilactique de la goutte, qui est aujourd'hui un des cas où le lait est le plus généralement recommandé. Morton, l'oracle de la médecine moderne, sur les maladies chroniques de la poitrine, auxquelles le lait est éminemment consacré dans la pratique la plus répandue, n'est rien moins que partisan de ce remède. De Sault, médecin de Bordeaux, auteur plein du génie et du vrai zèle de l'art, ne nomme pas même le lait dans sa dissertation sur la phtisie. Frideric Hoffman fait à la vérité un éloge pompeux du lait au commencement de sa dissertation sur le lait d'ânesse ; mais c'est-là le dissertateur qui parle ; car Hoffman lorsqu'il est praticien oublie si parfaitement toutes ces admirables qualités qu'il a célébrées dans le lait, que ce remède entre à peine dans sa pratique ; il n'est pas ordonné deux fois dans ses consultations sur les maladies chroniques de la poitrine. Juncker, excellent juge en cette matière, est très-peu favorable à l'usage du lait. M. Bordeu, père, médecin de Pau en Béarn, un des plus consommés et des plus habiles praticiens du royaume, a proposé (dans sa dissertation sur les eaux minérales de Béarn) sur l'usage du lait, des remarques très-judicieuses et presque toutes contraires à ce remède. Enfin, beaucoup de très-habiles praticiens de nos jours, qui ont été élevés dans une entière confiance aux vertus admirables du lait, s'en sont absolument dégoutés.

L'espèce d'éloge que nous venons de faire du système antilactaire, n'est pas cependant une adoption formelle de ce système. Nous n'avons prétendu jusqu'ici qu'exposer historiquement les sentiments divers qui partagent les Médecins sur cette importante matière.

Si nous passons à-présent de l'exposition de ce qu'on peut appeler le fait, à ce qu'on peut appeler le droit (nous ne parlons toujours que de l'usage intérieur, qui est l'essentiel), il me parait, toutes les autorités et les observations étant opposées, comparées, résumées, et en y joignant le résultat de mes propres expériences, qu'on a dit en général du lait trop de bien et trop de mal.

Premièrement, trop de bien, car il est sur que le lait ne guérit véritablement aucune maladie grave, nommément les phtisies décidées, c'est-à-dire dès le commencement du second degré, lors même qu'il réussit, ou passe très-bien. J'ai même observé plus d'une fois que quoiqu'il calmât certains symptômes, ce n'était-là qu'un calme trompeur, comme celui de l'opium, et que la maladie n'en allait pas moins son train perfide. Que s'il réussit quelquefois très-bien dans le premier degré de phtisie, c'est que cet état est moins une maladie qu'une menace de maladie. Il ne guérit non-plus aucun ulcère des organes intérieurs, ni les rhumatismes, ni les maladies de la peau, notamment les boutons au visage, ni les ophtalmies. Il a, dans la petite vérole, le défaut capital de constiper trop opiniâtrément, trop longtemps ; c'est même, comme nous l'avons observé déjà, un des effets des plus communs de la diete lactée : cette diete a encore l'inconvénient très-grave de devenir presque nécessaire pour toute la vie, une fois qu'on s'y est accoutumé, notamment chez les goutteux qui éprouvent, selon l'observation de Sydenham, des accès plus cruels et plus fréquents, lorsqu'après s'être soumis pendant un certain temps à la diete lactée, ils reviennent à l'usage des aliments ordinaires. En général l'usage du lait demande une façon de vivre très-régulière, et à laquelle il est difficîle de réduire la plupart des malades ; et soit par des erreurs de régime presque inévitables, soit même sans aucune de ces erreurs, il est très-sujet à causer des nausées, des abolitions totales d'appétit, des diarrhées, des vents, des sueurs, une mélancholie noire, des douleurs de tête, la fièvre. Or tous ces accidents, qui rendent son usage dangereux, même dans l'état de santé, comme nous l'avons observé plus haut, sont bien plus funestes, sans-doute, dans l'état de maladie, et principalement dans les maladies chroniques de la poitrine, et presque tous les cas de suppuration interne. Il n'est pas rare non-plus d'observer dans ces derniers cas, et lorsque le pus a une issue, comme dans les ulcères du poumon ou de la matrice, que cet écoulement est supprimé par l'usage du lait, avec augmentation de symptômes et accélération de la mort. Enfin c'est un reproche très-grave à faire au lait, que celui de ne pouvoir être supporté que par la moindre partie des sujets non-accoutumés, auxquels on le prescrit.

Secondement, trop de mal, car il est observé d'abord que si on s'obstine à user du lait, quoiqu'il cause la plupart des accidents ci-dessus rapportés, il n'est pas rare de voir tous ces accidents disparaitre peu-à-peu, et le lait passer ensuite assez heureusement. Il est observé encore, comme nous en avons touché quelque chose déjà, que de même que le lait passe très-bien quelquefois sans que le fond de la maladie reçoive aucun amandement utile, de même il parait quelquefois causer et même il cause en effet dans les cas graves, certains accidents, ou qui ne sont funestes qu'en apparence, ou qui n'en existeraient pas moins si on n'avait pas donné le lait. Il est sur encore que le lait fait communément très-bien dans les amaigrissements externes, sans fièvre suppuratoire, dans les toux simples et vraiment pectorales ou gutturales, dans les menaces de phtisie, et dans les dispositions à l'hémoptisie, dans les fleurs blanches, etc. On l'a Ve même réussir plus d'une fois dans les vapeurs hystériques, et dans les affections mélancoliques hypocondriaques ; mais le lait brille principalement sur un ordre de sujets que beaucoup de médecins n'ont pas été à portée de distinguer et d'observer, savoir les habitants élevés délicatement des grandes villes. Toutes les petites incommodités presque particulières aux grands et aux riches, aux constitutions dégénérées par le luxe, que les Médecins comprennent sous le nom d'affections vaporeuses ou nerveuses, dont la plus grande partie sont inconnues dans les provinces ; tout cela, dis-je, est assez bien assoupi, masqué par l'usage du lait ; et l'on ne se passerait que très-difficilement de ce secours dans la pratique de la Médecine exercée dans le grand monde. Enfin le lait est au-moins une ressource dans les cas désespérés pour calmer les angoisses, les douleurs, l'horreur du dernier période de la maladie, pour cacher au malade, par l'emploi d'un secours indifférent, la triste vérité qu'il n'a plus de secours à espérer.

Le lait étant suffisamment indiqué par la nature de la maladie, il reste à déterminer les autres circonstances qui doivent diriger dans son administration, et premièrement la constitution du sujet. Quant à ce premier chef, toutes les règles se réduisent à celle-ci. On le donne sans hésiter à ceux qui y sont accoutumés ; Bennet ajoute, et qui l'appetent vivement, avidè petentibus. On ne le donne point à ceux qui l'ont en horreur, et même on en suspend, on en supprime l'usage lorsqu'il dégoute celui qui en use. Enfin, dans les sujets neutres, s'il est permis d'appeler ainsi ceux qui n'ont pour le lait, ni penchant, ni dégout, et qui n'y sont point accoutumés, on n'a d'autre ressource que le tatonnement.

2°. La saison de l'année, on choisit, lorsque les circonstances le permettent, le printemps et l'automne ; quand la nécessité est urgente, on le donne en tout temps.

3°. L'heure dans la journée. Si on n'en prend qu'une fois par jour, c'est le matin à jeun, ou le soir en se couchant, trois heures au moins après le souper. S'il s'agit de la diete lactée, ou de la boisson du lait en guise de ptisane dans la toux par exemple, ou dans certaines maladies aiguës, la question n'a plus lieu. Dans le premier cas, on le prend à l'heure des repas, et dans le second, à toutes les heures de la journée.

4°. Faut-il préparer le sujet au moins par une médecine ? Cette pratique est salutaire dans la plupart des cas ; mais certainement on en fait une loi trop universelle.

5°. Quel régime doivent observer ceux qui prennent le lait ? Il y a ici une distinction essentielle à faire, savoir, entre le lait donné pour toute nourriture, ou à peu près, et le lait pris pendant l'usage, sub usu, des aliments communs. Dans le premier cas, la première est de régime, c'est-à-dire la privation de tout aliment ou boisson qui pourrait corrompre le lait, est comprise dans la prescription même de cet aliment médicamenteux, puisqu'on le prend pour toute nourriture, c'est-à-dire pour tout aliment et pour toute boisson. Cependant comme cet usage est moins sévère que ne l'annonce la valeur de ces mots pour toute nourriture, on accorde communément avec le lait, comme nous l'avons dit plus haut, les farineux fermentés et non fermentés, et on supprime tout autre aliment.

Une tasse de lait pur ou coupé, d'environ six onces le matin, une soupe faite avec deux ou trois petites tranches de pain, et environ dix ou douze onces de lait à midi, un riz clair avec pareille quantité de lait à sept heures du soir, et une tasse de lait pareille à celle du matin, le soir en se couchant ; cette manière de vivre, dis-je, fait une diete lactée très-pleine, et capable de soutenir les forces et l'embonpoint. Une diete lactée purement suffisante pour vivre, peut ne consister qu'en trois petites tasses à caffé de lait par jour.

On interdit à ceux qui usent en même temps du lait, et les aliments communs, tout ce qui peut cailler le lait, et principalement les acides. En général cette pratique est bonne, mais non pas autant qu'on le croit, ni par la raison qui le fait croire ; car il est de fait que le lait est caillé, même dans l'estomac le plus sain avant d'être digéré ; qu'il subit dans l'état sain une vraie digestion, à la manière des aliments solides ; par conséquent les acides ne nuisent pas en le coagulant. D'ailleurs ils ne nuisent pas aussi généralement qu'on le croit ; et peut-être sont-ils utiles au contraire dans certains cas ; dans celui du défaut de la présure naturelle, à laquelle ils peuvent suppléer utilement. On a Ve plusieurs personnes ne digérer jamais mieux le lait, que lorsqu'elles prenaient ensuite des acides. Une femme m'a assuré qu'elle ne pouvait souffrir le lait que coupé avec la limonade ; j'ai entendu dire que ce mélange était communément usité en Italie. Quoi qu'il en sait, il est clair que la sobriété est plus nécessaire à ceux qui prennent le lait, que la privation de tel ou tel aliment. Cependant si ce doit être là la première loi diététique, la seconde chez les gens vraiment malades, doit être d'éviter autant qu'il est possible les crudités, surtout les fruits verts, les aliments éminemment indigestes.

Une règle commune à la diete lactée, et à l'usage non-exclusif du lait, c'est que ceux qui en usent, soient très-circonspects, très-sobres sur l'usage de la veille, des exercices, de l'acte vénérien, des passions ; et qu'ils évitent l'air humide et froid, et le chaud excessif.

6°. Quels sont les effets du lait évidemment mauvais, et qui doivent engager à en suspendre, et même à en abandonner absolument l'usage ? Nous avons déjà répondu en partie à cette question, lorsque nous avons rapporté les accidents divers qui suivent assez souvent l'usage du lait. Car, quoique nous ayons observé qu'il arrivait quelquefois qu'en bravant ces accidents, et s'obstinant dans l'emploi du lait, on réussissait à le faire passer ; quoique nous ayons remarqué aussi que les malades ne se trouvaient pas mieux, quoiqu'on eut éloigné par la suppression du lait les accidents qui étaient évidemment dû. à l'usage de ce remède ; cependant ce n'est pas là la loi commune ; et en général lorsque le lait donne des nausées, des gonflements, des vents, des pertes d'appétit, des diarrhées, des sueurs, des maux de tête, la fièvre, ou seulement une partie de ces accidents, il faut en suspendre, ou en supprimer absolument l'usage.

Nous avons déjà observé que la coagulation du lait dans l'estomac, n'était point un mal ; par conséquent ce n'est pas une raison pour quitter le lait, que d'en vomir une partie sous la forme d'un caillé blanc et peu dense.

Mais lorsque pendant l'usage du lait, les gros excréments sont mêlés d'une manière coagulée dense, de la nature du fromage, blanchâtre, verte ou jaune, et qu'en même temps les hypocondres sont gonflés, et que le malade se sent lourd, bouffi, faible, et qu'il n'a point d'appétit etc. alors, dis-je, il faut quitter le lait. Ce genre d'altération ne se corrige ni par les remèdes, ni par le temps ; l'espèce d'engorgement sans irritation, iners, qu'il cause dans l'estomac et dans les intestins, augmente chaque jour, et élude si bien la force expultrice de ces organes, qu'on a Ve des malades rendre abondamment de ces concrétions caséeuses six mois après avoir quitté le lait, or ces embourbements sont toujours funestes.

La constipation opiniâtre, c'est-à-dire qui ne cede point aux remèdes ordinaires que nous allons indiquer dans un instant, est aussi une raison pour quitter le lait, sur tout chez les vaporeux des deux sexes ; ou si elle donne des vapeurs à ceux même qui n'y étaient pas sujets, ce qui est une suite très-ordinaire de la constipation.

Enfin le dégoût du lait, surtout lorsqu'il est considérable, est une indication certaine et évidente d'en interdire, ou au moins d'en suspendre l'usage.

7°. Quels sont les remèdes de ces divers accidents causés par le lait, soit qu'ils exigent qu'on en suspende l'usage, soit qu'on se propose d'y remédier, afin de continuer le lait avec moins d'inconvénient.

Lorsqu'on se détermine à renoncer au lait : il est presque toujours utîle de purger le malade ; et c'est même l'unique remède direct à employer dans ce cas. Les autres remèdes destinés à réparer le mal causé dans les premières voies, doivent être réglés non-seulement sur cette vue, mais même sur la considération de l'état général du malade.

La constipation causée par le lait n'est pas vaincue communément par les lavements ; ils ne font que faire rendre quelques crotins blancs ; et il arrive souvent même que la constipation augmente. La magnésie blanche, et la casse cuite qui sont fort usitées dans ce cas ne réussissent pas toujours ; le suc d'herbe de violette, de mauve et de cerfeuil, mêlés en parties égales, ajoutés à pareille quantité d'eau de veau ou de poulet, et pris à la dose de quelques cuillerées seulement dans la matinée, font à merveille dans ces sujets délicats, dont nous avons déjà parlé : or c'est à ceux-là principalement, comme nous l'avons observé encore, que convient la diete lactée ; et c'est eux aussi que tourmentent particulièrement les constipations et les bouffées portant à la tête et à la poitrine, qui sont les suites les plus facheuses de la constipation.

On remédie communément d'avance autant qu'il est possible, aux autres mauvais effets du lait, par les diverses circonstances de sa préparation, que nous allons exposer sur le champ.

On donne le lait pur et chaud sortant du pis, ou bouilli ou froid ; on le mêle ou on le coupe avec différentes liqueurs, avec de l'eau pure (ce qui fait le mélange appelé par les Grecs ), avec des décoctions des semences farineuses, principalement de l'orge, avec les sucs, infusions ou décoctions de plusieurs plantes vulnéraires, astringentes, adoucissantes, antiscorbutiques, sudorifiques, etc. telles que le suc ou la décoction de Plantin, l'infusion de millepertuis, de violette, de bouillon blanc, le suc de cresson, la décoction d'esquine, etc. avec des bouillons et des brouets ; tels que le bouillon commun de bœuf ou de mouton, l'eau de veau, l'eau de poulet, etc. avec les liqueurs fermentées même, comme le vin et la bière, avec les eaux minérales, etc. On l'assaisonne avec le sucre, le sel, le miel, divers syrops, les absorbans, le fer rouillé et rougi au feu, et éteint dedans, etc. On l'emploie comme assaisonnement lui même dans les crêmes de riz, de gruau, d'orge mondé, avec les pâtes d'Italie, le sagou, etc. On le donne entier, ou privé de l'un de ses principes ; d'une partie du beurre, par exemple, ce qui fait le lait écremé, ou de plusieurs de ses principes ; du beurre et du fromage, par exemple ce qui fait le petit lait, dont nous ferons un petit article à part, à la suite de celui-ci. Le beurre et le fromage, soit confondus ensemble, soit séparés, ne sont pas mis communément au rang des laitages considérés médicinalement : nous en avons fait des articles particuliers. Voyez ces articles.

Le lait pur demande la trop grande habitude pour bien passer. La circonstance d'être pris chaud, froid, au sortir du pis, bouilli, etc. est souvent si essentielle que tel estomac exige constamment l'un de ces états, à l'exclusion de tous les autres, mais elle est entièrement dépendante d'une disposition inconnue, et aussi bizarre que tout ce qui regarde le gout. Le lait coupé avec l'eau ou les décoctions farineuses, passe beaucoup plus aisément, et ce mélange ne remplit que l'indication simple qui fait employer le lait ; les sucs, décoctions, infusions vulnéraires, sudorifiques, etc. mêlés avec le lait, remplissent des indications composées. On ordonne par exemple, le lait coupé avec le suc ou la décoction de plantain, dans les pertes de sang, pour adoucir par le lait, et resserrer par le plantain, etc. Les mélanges peu communs de bouillon, et de liqueurs vineuses avec le lait sont plus nourrissants et plus fortifiants que le lait pur. Le dernier est même une espèce de stomachique cordial chez certains sujets singuliers, indéfinis, indéfinissables, qu'on ne découvre que par instinct ou par tatonnement. Le lait assaisonné de sucre, de sel, de poudre absorbante, etc. est utilement préservé par ces additions, des différentes altérations auxquelles il est sujet. Il est surtout utîle de le ferrer, pour prévenir ou pour arrêter le devoyement. Les farineux mêlés au lait l'empêchent aussi de jouir de tous ses droits, d'être autant sui juris ; il est au contraire entrainé dans la digestion propre à ces substances, beaucoup plus appropriées que le lait à nos organes digestifs, et même éminemment digestible pour ainsi dire ; mais aussi l'effet médicamenteux du lait est moindre dans la même proportion. Enfin le lait écremé passe plus communément que le lait entier ; il est moins sujet à fatiguer l'estomac.

Choix du lait. On doit prendre le lait d'un jeune animal, bien soigné, nourri habituellement à la campagne, et dans de bons paturages autant qu'il est possible, ou du moins dans une étable bien aérée, et pourvue de bonne litière fraiche, abondante, et souvent renouvellée. Les vaches qu'on entretient dans les fauxbourgs de Paris pour fournir du lait à la ville, ne jouissent certainement d'aucun de ces avantages, et surtout de celui d'une étable bien saine, et d'une litière fraiche, choses très-essentielles pourtant à la santé de l'animal, et par conséquent à la bonne qualité du lait. Le lait est meilleur quelques semaines après que la bête qui le fournit a mis bas, et tant qu'elle en donne abondamment, que dans les premiers jours, et lorsqu'il commence à être moins abondant. On doit rejeter celui d'une bête pleine, ou qui est en chaleur : on doit choisir le lait aussi frais et aussi pur qu'il est possible. On en vend assez communément à Paris qui est fourré d'eau et de farine, et qui d'ailleurs est fort peu récent. Il importe beaucoup encore de le loger dans des vaisseaux propres, et qui ne puissent lui communiquer aucune qualité nuisible. Il s'en faut bien que les cruches de cuivre dans lesquelles on le porte ordinairement à Paris, soient des vaisseaux convenables à cet usage. Un reste de lait oublié dans ces cruches, est, par sa pente à aigrir, beaucoup plus propre que la plupart des liqueurs qu'on loge dans le cuivre, à y former du verd-de-gris, qui communique très-aisément sa qualité malfaisante au lait qu'on y met ensuite. Les exemples de familles entières empoisonnées par de pareil lait, ne sont pas rares à Paris. On prétend enfin qu'il est utîle pendant l'usage suivi et continu du lait, de prendre constamment celui d'une même vache ou d'une même chèvre. En effet, il se trouve des estomacs dont la sensibilité est si exquise, qu'ils distinguent très-bien les laits tirés de divers individus, et qui n'en peuvent supporter l'alternative ou le mélange. C'est encore ici une disposition d'organes particulière aux victimes du luxe. Les estomacs vulgaires n'y regardent pas de si près ; il est très-avantageux pour les premiers, et c'est aussi un usage reçu chez les grands, de prendre une vache ou une chèvre à soi.

Usage extérieur du lait. On emploie assez communément le lait comme émollient, calmant, adoucissant dans plusieurs affections externes, principalement quand elles sont accompagnées de douleurs vives. On en verse quelques gouttes dans les yeux contre l'ophtalmie ; on bassine les hémorrhoïdes très-douloureuses avec du lait chaud ; on le donne en lavement dans les dyssenteries ; on le fait entrer dans les bouillies, les cataplasmes, etc. qu'on applique sur des tumeurs inflammatoires, etc. Cet emploi ne mérite aucune considération particulière ; on peut avancer qu'en général il réussit assez bien dans ces cas.

2°. Du lait d'ânesse, c'est-à-dire, des usages médicinaux du lait d'ânesse. Ce que nous avons dit de la composition naturelle du lait d'ânesse, annonce déjà ses propriétés medicinales. On peut en déduire, avec beaucoup de vraisemblance, que ce lait possède en un degré supérieur toutes les vertus du lait, sans faire appréhender ses principaux inconvéniens. En effet, c'est par le principe caséeux et par le principe butyreux que le lait est principalement capable de produire tous les accidents qu'on lui reproche. C'est par la facilité avec laquelle ces principes se séparent et s'altèrent diversement dans le lait de vache, par exemple, que ce lait est sujet à produire les mauvais effets que nous avons détaillés plus haut. Or le lait d'ânesse contient fort peu de ces principes. Une expérience ancienne et constante vient à l'appui de ce raisonnement. Hippocrate a compté parmi les bonnes qualités du lait d'ânesse, celle de passer plus facilement par les selles que les autres espèces de lait, de lâcher doucement le ventre. Sur quoi il faut observer que cet effet appartient au lait d'ânesse inaltéré ; au lieu que le lait de vache, par exemple, ne devient laxatif que lorsqu'il a essuyé une vraie corruption. Aussi un leger dévoiement, ou du-moins une ou deux selles liquides, quelques heures après l'usage du lait d'ânesse, sont ordinairement un bien, un signe que le remède réussit, et ces selles sont sans douleur et sans ventosités : au lieu que le dévoiement, même égal pour l'abondance et la fréquence des selles, est presque toujours de mauvais augure pendant l'usage du lait de vache ou de chèvre, et les déjections sont ordinairement flatueuses et accompagnées de quelques tranchées. Au reste, il faut observer qu'il ne s'agit point ici du dévoiement qu'on peut appeler in extremis, c'est-à-dire de celui par lequel finissent communément les malades qui succombent à plusieurs des maladies pour lesquelles on donne du lait. Il est à peu-près démontré, comme nous l'avons remarqué plus haut, que cet accident appartient à la marche de la maladie, et non pas au lait, ou à tel lait.

La quantité très-considérable de substance sucrée que contient le lait d'ânesse le rend aussi très-nourrissant. Cette substance est dans le lait la matière nutritive par excellence ; la substance caséeuse ne mérite que le second rang, et le beurre n'est point nourrissant, du-moins le beurre pur. C'est par conséquent un préjugé, une erreur, que d'imaginer, comme on le fait assez généralement, que le lait le plus épais est le plus nourrissant, car c'est le plus butyreux qui est le plus épais ; et un lait très-clair, comme celui d'ânesse, peut être éminemment sucré, comme il l'est en effet. C'est manifestement cette opinion qui a empêché d'essayer l'usage du lait d'ânesse pour toute nourriture, ou du-moins cet usage de le prendre, si tant est que quelqu'un l'ait essayé. Or je crois que cette pratique pourrait devenir très-salutaire.

Selon la méthode ordinaire, le lait d'ânesse se donne seulement une fois par jour, à la dose de huit onces jusqu'à une livre. On le prend ou le matin à jeun, ou le soir en se couchant, et quant au degré de chaleur, tel qu'on vient de le traire. Pour cela, on amène l'ânesse à côté du lit, ou à la porte de la chambre du malade, où on la trait dans un vaisseau de verre à ouverture un peu étroite, plongé dans de l'eau tiede, et qu'on tient dans cette espèce de bain-marie jusqu'à-ce qu'on le présente au malade. On y ajoute quelquefois un morceau de sucre, mais cet assaisonnement est assez inutile, le lait d'ânesse étant naturellement très-doux.

On donne le lait d'ânesse contre toutes les maladies dans lesquelles on emploie aussi le lait de vache, etc. et que nous avons énoncées, en parlant de cette autre espèce de lait. Mais on préfère le lait d'ânesse dans les cas particuliers où l'on craint les accidents propres du lait que nous avons aussi rapportés ; et principalement lorsque les sujets étant très-foibles, ces accidents deviendraient nécessairement funestes, c'est-à-dire, que le lait d'ânesse est dans la plupart de ces maladies, et surtout dans les maladies chroniques de la poitrine, un remède extrême ; une dernière ressource, sacra anchora ; que par cette raison, on voit très-rarement réussir, du moins guérir. Mais quand il est employé de bonne heure, ou contre ces maladies lorsqu'elles sont encore à un degré curable, il fait assez communément des merveilles. Il est admirable, par exemple, dans les toux séches vraiment pectorales, dans les menaces de jaunisse, ou les jaunisses commençantes, dans presque toutes les affections des voies urinaires, dans les sensibilités d'entrailles, les dispositions aux ophtalmies appelées bilieuses ou séches, les fleurs blanches.

On prend le lait d'ânesse principalement au printemps et en automne. On a coutume, et on fait bien, de mettre en pâture l'ânesse qui fournit le lait, ou de la nourrir, autant qu'il est possible, de fourrage vert, surtout d'herbe presque mûre de froment ou d'orge ; on lui donne aussi du grain, surtout de l'orge. On doit encore la bien étriller plusieurs fois par jour, lui fournir de bonne litière, etc.

3°. Du lait de femme, ou des usages medicinaux du lait de femme. Le lait de femme peut être considéré medicinalement sous deux aspects ; ou comme fournissant la nourriture ordinaire, propre, naturelle des enfants ; ou comme un aliment médicamenteux ordonné aux adultes dans certains cas. Nous ne le considérerons ici que sous le dernier aspect. Quant au premier, voyez ENFANT et NOURRICE.

Le lait de femme, considéré comme remède, a été célébré dès l'enfance de l'art, comme le premier de tous les laits, principalement dans les marasmes, in tabidis, celui qui était le plus salutaire, le plus approprié à la nature de l'homme. Les livres, les théories, tirent un merveilleux parti de cette considération. Quoique les raisonnements ne se soient pas dissimulés cette observation défavorable, savoir que ce lait provenant d'un animal carnivore, est plus sujet à rancir que celui des animaux qui se nourrissent uniquement de végétaux. Mais la pratique, l'expérience, le mettent au dernier rang au contraire ; ne fût-ce que parce qu'il est le moins usité, et que le plus grand nombre de Médecins ne l'ont point essayé. D'ailleurs le raisonnement a dit encore que pour l'appliquer couvenablement et avec espoir de succès, il fallait ne le donner qu'à des sujets qui approchassent beaucoup de la nature des enfants, et qui vecussent comme les enfants, non seulement quant à l'exercice, aux mouvements du corps, mais encore quant aux passions, aux affections de l'âme. Or il est très-rare de rencontrer ces conditions chez des adultes.

Quant à la circonstance de faire teter le malade, et de lui faire ainsi avaler un lait animé d'un prétendu esprit vivifiant, que Galien lui-même a célébré ; outre que le malade pourrait aussi-bien teter une vache ou une ânesse qu'une femme ; d'ailleurs l'esprit du lait, et sa dissipation par la moindre communication avec l'air, ne sont certainement pas des choses démontrées. Au reste, c'est cependant là un remède et une manière de l'administrer qu'il parait fort utîle de tenter.

Nous ne pensons certainement pas aussi avantageusement de la méthode de faire coucher de jeunes hommes absolument exténués, réduits au dernier degré d'étisie, tabe consumptis, avec des jeunes nourrices, jolies, fraiches, proprettes, afin que le pauvre moribond puisse teter à son aise, tant que la nourrice y peut fournir. Forestius étale envain l'observation fameuse d'un jeune homme arraché des bras de la mort par ce singulier remède ; et plus vainement encore, à mon avis, un très-célèbre auteur moderne prétend-il qu'une émanation très-subtîle qui s'échappe du corps jeune et vigoureux de la nourrice, venant à s'insinuer dans le corps très-foible du malade (subtilissima exhalentia è valido juvenili corpore insinuata debilissimis, &c.) doit le ranimer très-efficacement. L'exemple de David, dont on réchauffait la vieillesse par ce moyen, que cet écrivain allegue, ne conclut rien en faveur de son opinion : car, 1°. il n'est pas rapporté que cette pratique ait été suivie de quelque succès. 2°. Quand bien même ce serait là une bonne recette contre les glaces de l'extrême vieillesse, il parait que la manière d'opérer de ce secours serait fort mal estimée par l'insinuation des tenuissima exhalantia è valido juvenili corpore, in effaetum senile, etc. Il nous parait donc évident sur tout ceci, d'abord que les tenuissima exhalantia, c'est-à-dire la transpiration, ne fait absolument rien ici. En second lieu, que si des jeunes gens réduits au dernier degré de marasme, pouvaient en être retirés en couchant habituellement avec des jeunes et belles nourrices, cette révolution salutaire serait vraisemblablement dû. (si l'usage du lait de femme ne l'opérait pas toute entiere) à l'appétit vénérien constamment excité, et jamais éteint par la jouissance, qui agirait comme un puissant cordial : ou comme un irritant extérieur, les vésicatoires ou la flagellation. Enfin, que quand même la religion permettrait d'avoir recours à un pareil moyen, ce serait toujours une ressource très-équivoque, parce que l'espèce de fièvre, d'ardeur, de convulsion continuelle dans laquelle je suppose mon malade, état dont il est en effet très-susceptible, et même éminemment susceptible, selon une observation très-connue ; que cet état, dis-je, parait plus capable de hâter la mort que de la prévenir, encore qu'on fût sur que le malade ne consommerait point l'acte vénérien, à plus forte raison s'il le consommait ; car il est très-connu que cette erreur de régime est mortelle aux étiques, et que plusieurs sont morts dans l'acte même.

Du petit-lait. Nous avons déjà donné une idée de la nature du petit-lait au commencement de cet article. Nous avons observé aussi que le petit-lait était différent, selon qu'on le séparait par l'altération spontanée du lait : ou bien par la coagulation. Celui qui est séparé par le premier moyen est connu dans les campagnes, comme nous l'avons déjà rapporté aussi sous le nom de lait de beurre. Il est aigrelet ; car c'est dans son sein que réside l'unique substance qui s'est aigrie pendant la décomposition spontanée du lait : il est fort peu usité en Médecine ; on pourrait cependant l'employer avec succès, comme on l'emploie en effet dans les pays où les laitages sont très-abondants, dans les cas où une boisson aqueuse et légèrement acide est indiquée. Le nom de petit-lait acidule lui convient beaucoup mieux qu'à celui que M. Cartheuser a désigné par ce nom dans sa Pharmacologie, et qui n'est autre chose que le petit-lait, séparé du lait coagulé par les acides. Car on peut bien par ce moyen même obtenir un petit-lait très-doux : il n'y a pour cela qu'à être circonspect sur la proportion de l'acide employé ; et M. Cartheuser n'exige pas qu'on emploie l'acide en une quantité surabondante. En un mot, le serum lactis acidulum de M. Cartheuser est du petit-lait ordinaire, dont nous allons nous occuper sur le champ.

Celui-ci, c'est-à-dire le petit-lait ordinaire, qu'on pourrait aussi appeler doux, en le comparant au précédent, au lait de beurre, est celui qu'on sépare du lait coagulé par la pressure ordinaire, ou même, quoique beaucoup moins usuellement, par des acides végétaux. La coagulation du lait, pour la préparation pharmaceutique du petit-lait, et la séparation de cette dernière liqueur d'avec le caillé, n'ont rien de particulier. On s'y prend dans les Pharmacies comme dans les Laiteries. Voyez LAIT, Economie rustiq. L'opération vraiment pharmaceutique qu'on exécute sur le petit lait, c'est la clarification. Voici cette opération : prenez du petit-lait récent, qui est naturellement très-trouble ; ajoutez-y à froid un blanc d'œuf sur chaque livre de liqueur ; mêlez exactement en fouettant ; faites bouillir, et jetez dans la liqueur pendant l'ébullition, environ 18 ou 20 grains de crême de tartre ; passez au blanchet et ensuite au papier à filtrer.

Quoique ce soit principalement la saveur et l'élégance du remède, le jucundè qu'on a en vue dans cette clarification, il faut convenir aussi que les parties fromageuses et butireuses qui sont suspendues dans le petit-lait trouble, non-seulement rendent ce remède dégoutant, et souvent trop laxatif, mais même peuvent le disposer à engendrer dans les premières voies, ces concrétions butyreuses et fromageuses que nous avons comptées parmi les mauvais effets du lait. Il faut convenir encore que c'est vraisemblablement une pratique très-mal entendue que l'usage constant de donner toujours le petit-lait le mieux clarifié qu'il est possible. Car quoiqu'il n'en faille pas croire M. Quincy, qui assure dans sa Pharmacopée, que le petit-lait ainsi clarifié, n'est qu'un pur phlegme, qui n'est bon à rien, il est indubitable cependant qu'il est des cas où une liqueur, pour ainsi dire moins seche, plus muqueuse, plus grasse que le petit-lait très-clarifié, est plus indiquée que le petit-lait clair comme de l'eau. Au reste, ces petits-laits ne différeraient entr'eux que par des nuances d'activité ; et je ne voudrais pas qu'on admit dans l'usage l'extrême opposé au très-clair, c'est-à-dire le petit-lait brut très-trouble, tel qu'il se sépare du caillé.

Il est une troisième espèce de petit-lait, qui doit peut-être tenir lieu de ce dernier, du petit-lait éminemment gras ; savoir, celui qui est connu sous le nom de petit-lait d'Hoffman, et que M. Cartheuser appelle petit-lait doux, serum lactis dulce. Voici comment Frédéric Hoffman en expose la préparation dans sa dissertation de saluberrima seri lactis virtute. Il prend du lait sortant du pis ; il le fait évaporer au feu nud dans un vaisseau d'étain (il vaut beaucoup mieux exécuter cette évaporation au bain-marie) jusqu'à ce qu'il obtienne un résidu qui se présente sous la forme d'une poudre jaunâtre et grumelée. Alors il jette sur ce résidu autant d'eau qu'il s'en est dissipé par l'évaporation ; il donne quelques bouillons, et il filtre. L'auteur prétend, avec raison, que cette liqueur, qui est son petit-lait (& qu'il appelle eau de lait par décoction, ou petit-lait artificiel), a bien des qualités au-dessus du petit-lait ordinaire, du moins s'il est vrai que le petit-lait soit d'autant meilleur, que la substance muqueuse qu'il contient, est plus grasse, plus savonneuse : car il est très-vrai que les substances salines et sucrées quelconques, se chargent facilement des matières oléagineuses, lorsqu'elles ont avec ces matières une communication pareille à celle que la matière sucrée du petit-lait a, dans la méthode d'Hoffman, avec la matière butyreuse.

Ce caractère, qui distingue le petit-lait d'Hoffman d'avec le petit-lait ordinaire, n'a cependant rien d'absolu : il ne peut constituer qu'une variété dans le degré d'action, et même une variété peu considérable.

Une livre de petit-lait (apparemment de vache) fournie par une livre et demie de lait entier, filtrée, évaporée au bain-marie, et rapprochée autant qu'il est possible, et cependant imparfaitement, a donné à M. Geoffroi une once un gros et trois grains de matière concrete, qui est le sel ou sucre de lait dont nous allons parler dans un moment.

Hoffman n'a retiré, par l'évaporation, d'une livre de médecine (qui répond à 10 ou 12 onces, poids de marc) qu'un gros, c'est-à-dire 60 ou 72 grains de matière sucrée. La différence prodigieuse de ces deux produits ne parait pas pouvoir être raisonnablement déduite de ce que M. Geoffroi a desseché sa matière au bain-marie, et qu'Hoffman a employé la chaleur d'un bain de sable. On ne peut cependant avoir recours qu'à cette cause, ou à la différence individuelle des laits que chacun de ces chimistes a traités, ou enfin à l'inexactitude de l'un d'eux, ou de tous les deux : car il ne faut pas soupçonner que la matière concrescible du petit-lait ayant été une fois dessechée, soit devenue moins soluble qu'elle ne l'était auparavant, et que le beurre et le fromage avec lesquels elle a été intimement entremêlée dans cette dessication, la défendent contre l'action de l'eau. Le sucre de lait est une substance trop soluble par le menstrue aqueux, pour qu'on puisse former raisonnablement cette conjecture.

Vertus ou usages medicinaux du petit-lait. Presque tous les auteurs, surtout les anciens, que Fréd. Hoffman a imités en cela, recommandent par préférence le petit-lait de chèvre. On se sert en France principalement du petit-lait de vache, excepté dans les cantons où le lait de chèvre est plus commun que celui de vache. A Paris, où cette raison de commodité n'est pas un titre de préférence, on distingue ces deux petits-laits dans l'usage, et beaucoup de médecins assurent qu'ils diffèrent réellement en vertu, de même que les Apoticaires observent qu'ils présentent des phénomènes différents dans la coagulation et dans la clarification.

Nous croyons cependant pouvoir regarder ces différences d'action médicamenteuse, comme méritant d'être constatées par de nouvelles observations, ou comme peu considérables. D'après ce sentiment nous ne parlerons que des vertus communes à l'un et à l'autre petit-lait. Au reste, comme on ne prépare ordinairement que ces deux espèces, ce que nous dirons du petit-lait en général ne sera censé convenir qu'à celles-là.

La vertu la plus évidente du petit-lait est d'être un laxatif doux et assez sur, peut-être le premier ou le plus réel des eccoprotiques. Il pousse aussi assez communément par les urines. On le donne pour exciter l'une ou l'autre de ces deux évacuations, ou seul, ou chargé de différentes matières purgatives ou diurétiques. Plusieurs auteurs le proposent même comme un bon excipient des purgatifs les plus forts, dont ils croient que le petit-lait opère une véritable correction ; mais ce mélange est assez chimérique dans cette vue.

Il n'y a point d'inconvénient de mêler le petit-lait aux remèdes acides, tels que les tamarins. les sucs acidules des fruits, etc. Le petit-lait n'est point, comme le lait, altéré par ces substances ; au contraire, leur mélange avec le petit-lait peut être agréable et salutaire toutes les fois qu'on se propose de rafraichir et de relâcher. Une légère limonade préparée avec le petit-lait au lieu de l'eau, doit mériter la préférence sur la limonade commune dans les ardeurs d'entrailles et des voies urinaires, avec menace d'inflammation, etc. Une décoction de tamarins dans le petit-lait, vaut mieux aussi que la décoction de ces fruits dans l'eau commune, lorsqu'on se propose de lâcher le ventre dans les mêmes cas.

Le petit-lait est regardé, avec raison, comme le premier des remèdes relâchans, humectants et adoucissants. On s'en sert efficacement en cette qualité dans toutes les affections des viscères du bas-ventre qui dépendent des tensions spontanées ou nerveuses, ou d'irritations, par la présence de quelque humeur viciée, ou de quelque poison ou remède trop actif. On le donne par conséquent avec succès dans les maladies hypochondriaques et hystériques, principalement dans les digestions fougueuses, les coliques habituelles d'estomac, manifestement dû.s à la tension et à la sécheresse de ce viscère, les flux hémorrhoïdaux irréguliers et douloureux, les jaunisses commençantes et soudaines, le flux hépatique, les coliques bilieuses, les fleurs blanches, les flux dissentériques, les diarrhées douloureuses, les tenesmes, les superpurgations, etc. Il est regardé aussi comme capable d'étendre sa salutaire influence au-delà des premières voies, du moins de produire de bons effets dans des maladies qu'on peut regarder comme plus générales que celles dont nous venons de parler. On le donne avec succès dans toutes les fièvres aigues, et principalement dans la fièvre ardente et dans la fièvre maligne.

Il est utîle aussi dans tous les cas d'inflammation présente ou imminente des organes particuliers, des parties de la génération ; par exemple, dans les maladies vénériennes inflammatoires, dans l'inflammation d'une partie des intestins, après une blessure ou une opération chirurgicale, dans les ophtalmies exquises, etc.

On peut assurer que dans tous ces cas il est préférable aux émulsions et aux ptisanes mucilagineuses qu'on a coutume d'employer.

Hoffman remarque (dans sa dissertation sur le petit-lait) que les plus habiles auteurs qui ont traité du scorbut, recommandent le petit-lait contre cette maladie. M. Lind, auteur bien postérieur à Hoffman, qui a composé un traité du scorbut très-complet, le met aussi au rang des remèdes les plus efficaces de ce mal.

Fréd. Hoffman attribue encore au petit-lait, d'après Sylvaticus, célèbre médecin italien, de grandes vertus contre la manie, certaines menaces de paralysie, l'épilepsie, les cancers des mamelles commençans, etc.

Le petit-lait a beaucoup d'analogie avec le lait d'ânesse. Hippocrate ordonne presque indifféremment le lait d'ânesse ou le petit-lait de chèvre ; et Fréd. Hoffman, dans la dissertation que nous avons déjà citée plusieurs fais, attribue au petit-lait, sur l'autorité d'Hippocrate, toutes les vertus que cet auteur attribue au lait d'ânesse, lors même qu'il ne propose pas l'alternative de ce remède ou du petit-lait.

En général le petit-lait doit être donné à grandes doses et continué longtemps : il faut prendre garde cependant qu'il n'affadisse point l'estomac, c'est-à-dire qu'il ne fasse point perdre l'appétit et qu'il n'abatte point les forces ; car c'est-là son unique, mais très-grave inconvénient. On voit bien au reste que cette considération ne peut avoir lieu que dans les incommodités et les maladies chroniques ; car dans les cas urgens, tels que les fièvres aiguës et les inflammations des viscères, l'appétit et les forces musculaires ne sont pas des facultés que l'on doive se mettre en peine de ménager. Il est encore vrai cependant que dans les fièvres aiguës il ne faut pas donner le petit-lait dans le cas de faiblesse réelle.

Petit-lait à l'anglaise, ou préparé avec les vins doux. Les Anglais préparent communément le petit-lait en faisant cailler le lait avec le vin d'Espagne ou de Canarie. On nous rapporte même que c'est presque-là l'unique façon dont on prépare ce remède à Londres ; mais nous ne le connaissons en France que sur quelques exposés assez vagues. Les pharmacopées anglaises les plus modernes ne font point mention de cette préparation : il est naturel de conjecturer pourtant qu'elle doit varier beaucoup selon la quantité de vin qu'on y emploie. Jusqu'à présent ce remède n'a point été reçu en France ; ainsi nous ne saurions prononcer légitimement sur ses propriétés medicinales, qui ne peuvent être établies que sur des observations. Nous osons avancer pourtant que l'usage de mêler une petite quantité de vin d'Espagne à du petit-lait déjà préparé, que quelques praticiens de Paris ont tenté avec succès dans les sujets chez qui le petit-lait pur avait besoin d'être aiguisé par quelque substance un peu active ; que cet usage, dis-je, doit paraitre préférable à celui du petit-lait tiré du lait caillé avec le même vin. Car de la première façon, la préparation du vin peut se déterminer bien plus exactement ; et il ne serait pas difficile, si l'on désirait une analogie plus parfaite avec la méthode anglaise, de l'obtenir, en chauffant le vin qu'on voudrait mêler au petit-lait jusqu'au degré voisin de l'ébullition, ou même jusqu'à une ébullition légère.

Sel ou sucre de lait. Kempfer rapporte que les Brachmanes ont connu autrefois la manière de faire le sucre de lait ; quoi qu'il en sait, Fabricius Bartholetus, médecin italien, est le premier qui ait fait mention, au commencement du siècle dernier, du sel essentiel de lait, sous le titre de manne ou de nitre du lait. Ettmuller en a donné une description qu'il a empruntée de cet auteur. Testi, médecin vénitien, est le second qui, sur la fin du dernier siècle, a trouvé le moyen de retirer ce sel, et il l'a appelé sucre de lait.

Ce médecin composait quatre espèces de sucre de lait. La première était fort grasse ; la seconde l'était moins ; la troisième ne contenait presque pas de parties grasses ; la dernière était mêlée avec quelques autres médicaments. Ce sel était sujet à se rancir comme la graisse des animaux, sur tout lorsqu'on le conservait dans des vaisseaux fermés, c'est pourquoi l'auteur conseillait de le laisser exposé à l'air libre.

M. Fickius, en 1710, publia en Allemagne une manière de faire le sel de lait. Enfin on a poussé en Suisse à sa perfection la manière de préparer cette espèce de sel ; mais on en a tenu la préparation secrète. M. Cartheuzer en a donné une préparation particulière, qu'il attribue mal-à-propos à Testi ; et que l'auteur, dont nous empruntons ce morceau sur le sucre de lait, a tentée sans succès.

Il y a en Suisse un chimiste nommé Creusius, qui a une manière admirable de composer ce sel, mais malheureusement il ne fait part de son secret à personne, ce qui est d'autant plus fâcheux, que celui dont il a la propriété est infiniment plus beau que les autres ; il est plus blanc, plus doux ; il se dissout mieux sur la langue.

En attendant qu'il plaise à M. Creusius de publier son secret *, voici la méthode la meilleure de faire

* Il est très-vraisemblable que ce secret consiste à dégraisser le sucre de lait, ou à le raffiner par les mêmes moyens qu'on emploie à raffiner le sucre ordinaire, c'est-à-dire par l'emploi convenable de la chaux vive et d'une glaise blanche et pure. Voyez RAFFINERIE ou RAFFINAGE DU SUCRE au mot SUCRE.

ce sel que nous propose notre auteur, et qui est celle qu'on pratique dans les Alpes du côté de la Suisse. On prépare dans ce pays deux espèces de sucre de lait ; l'une est en crystaux, l'autre se vend sous la forme de tablettes. La dernière espèce se fait de cette manière : on écrême le lait à l'ordinaire : on le fait prendre ensuite avec de la présure pour en tirer le petit-lait que l'on filtre à travers un linge propre, et que l'on fait évaporer sur un feu lent, en le remuant doucement, jusqu'à ce qu'il soit réduit en consistance de miel. Quand il est épaissi de cette façon on le moule, on lui donne différentes figures et on le fait sécher au soleil ; c'est ce qu'on appelle sucre de lait en tablettes.

L'autre espèce se tire de la précédente. On fait dissoudre dans de l'eau le sucre de lait en tablettes, on le clarifie avec le blanc-d'œuf, on le passe à la chausse, on le fait épaissir par l'évaporation jusqu'à ce qu'il ait la consistance d'un sirop, et on le met reposer pour que la crystallisation se fasse. Les crystaux se trouvent séparés formant des masses cubiques, brillantes et très-blanches ; ils sont attachés aux parties du vase par couches. Si l'on veut encore faire épaissir la liqueur qui reste et la mettre en repos, on en retire de nouveaux crystaux ; on peut répéter ce manuel trois fais. Les premiers crystaux sont d'un blanc éblouissant ; les seconds sont paillés ; les derniers sont d'une couleur brune. En les faisant dissoudre de nouveau dans de l'eau pure, et répétant la clarification, la filtration et la crystallisation, on peut porter les derniers au degré de blancheur des premiers.

L'auteur prétend que, quoique le lait de tous les animaux soit propre à fournir du sel essentiel, cependant celui de la femme est le meilleur, ensuite ceux d'anesse, de chèvre et de vache.

Le sel essentiel de lait est très-soluble dans l'eau ; mais le différent degré de chaleur de ce menstrue fait varier considérablement la proportion dans laquelle se fait cette dissolution. Une once d'eau bouillante dissout parfaitement sept gros de sucre de lait, tandis que la même quantité a bien de la peine à fondre dans une livre d'eau qui n'était refroidie que jusqu'au 160 degré du thermomètre de Farenheit.

Quant aux vertus médicinales du sucre de lait, notre auteur remarque que s'il convient d'avoir égard aux éloges que Boerhaave et Hoffman ont donnés au sucre ordinaire, on doit les accorder à plus forte raison au sucre de lait. Le sel essentiel de lait produit le même effet que le petit-lait, qui n'est que le même remède plus étendu. On peut employer le premier avec avantage pour les estomacs paresseux qui ne sont pas en état de soutenir de grandes boissons. Lorsque le petit-lait est indiqué pour de pareils sujets, on peut y substituer du sucre de lait dissous dans une liqueur convenable à l'état et aux forces du malade. Testi, Aloysius Afabra, et beaucoup d'autres auteurs le craient merveilleux dans les affections goutteuses et rhumatismales ; notre auteur ne croit pas beaucoup à cette propriété que son expérience a constamment démentie. Extrait d'un écrit de M. Vullyamoz, médecin de Lausanne, inséré dans le recueil périodique d'observations de médecine, etc. pour le mois de Décembre 1756.

On distribue dans le royaume une espèce de placard ou mémoire sut la nature et l'usage du sucre de lait de Suisse qui se vend dans plusieurs villes du royaume, et principalement à Lyon. Il est dit dans ce mémoire que ce précieux remède convient fort, lorsqu'on soupçonne d'avoir quelques restes de maux vénériens, et qu'il est très-propre pour les enfants qui peuvent avoir apporté cette maladie en naissant, ou qui ont sucé quelques nourrices infectées. Tout médecin raisonnable peut assurer très-positivement au contraire que le sucre de lait est un remède impuissant dans l'un et dans l'autre cas.

Tout ce qu'on sait de la nature du sucre de lait, c'est que c'est une matière de la classe des corps muqueux du genre des corps doux, et de l'espèce de ces corps qui est caractérisée par la propriété de prendre une forme concrete. Le sucre de lait est distingué dans cette division par la moindre pente à subir la fermentation spiritueuse, et par un degré de douceur beaucoup moindre que celle des sucres végétaux avec lesquels il a d'ailleurs beaucoup d'analogie. Voyez DOUX, MUQUEUX et SUCRE.

Lait distillé. Le petit-lait distillé au bain-marie qui a été mis au nombre des médicaments, doit être rejeté dans la classe des eaux distillées parfaitement inutiles. Celle-ci est recommandée principalement comme cosmétique ; mais on peut avancer que la très-petite quantité et l'extrême subtilité des principes propres du lait qui s'élèvent avec la partie aqueuse dans la distillation, et qui donnent à l'eau de lait distillée une odeur de lait très-reconnaissable, ne saurait cependant lui communiquer aucune vertu médicamenteuse. On doit penser la même chose de l'eau distillée de limaçons avec le petit-lait, qui est décrite dans la plupart des dispensaires sous le nom d'eau de limaçon, et d'une autre eau plus composée, connue sous le nom d'eau de lait aléxitère : du moins est-il certain que cette eau dont les autres ingrédiens sont de chardon-bénit, la scabieuse, la reine des prés, la mélisse, la menthe et l'angelique, ne doit sa vertu médicinale qu'à la plupart de ces plantes qui contiennent un principe actif et volatil, et plus généralement, que l'eau de lait alexitère, est une préparation fort mal-entendue.

Le petit-lait entre dans la composition de la confection-hamec, et en est un ingrédient fort ridicule. (b)

LAIT VIRGINAL, (Chimie, Mat. méd.) les Pharmacopistes ont donné ce nom à plusieurs liqueurs rendues laiteuses, c'est-à-dire opaques et blanches, par un précipité blanc et très-léger, formé et suspendu dans leur sein.

Celle de ces liqueurs la plus connue est une teinture de benjoin précipitée par l'eau. Une résine quelconque, dissoute dans l'esprit-de-vin, et précipitée par l'eau, fournirait un lait virginal pareil à celui-ci, qui n'a prévalu dans l'usage que par l'odeur agréable et l'âcreté modérée du benjoin. Le lait virginal du benjoin est un remède externe, recommandé contre les taches du visage ; ce cosmétique n'a, dans la plupart de ces cas, qu'un succès fort médiocre. Voyez BENJOIN, RESINE et TEINTURE.

Une autre liqueur fort différente de la précédente et qui porte le nom de lait virginal dans quelques livres classiques, dans la Chimie de Lemery, par exemple, c'est le vinaigre de Saturne précipité par l'eau. Ce remède est vanté contre les dartres, les éruptions érésipélateuses, et presque toutes les maladies de la peau. Son usage mérite quelque considération dans la pratique, à cause de sa qualité répercussive. Voyez REPERCUSSIF et PLOMB. (b)

LAIT, maladies qui dépendent du, (Méd. Pathologie) nous ne considérons le lait dans cet article que comme cause de maladie, comme contribuant à grossir le nombre de celles qui attaquent spécialement cette moitié aimable du genre humain, et qui lui font payer bien cher la beauté, les agréments et toutes les prérogatives qu'elle a par-dessus l'autre. Les maladies les plus communes excitées par le lait, sont la fièvre de lait, le lait répandu, le caillement de lait dans les mamelles, et le poil de lait. On pourrait encore ajouter aux maladies dont le lait est la source, celles qu'il occasionne dans les enfants lorsqu'il est altéré. Ces machines délicates, avides à recevoir les plus légères impressions, faciles (cerei) à s'y plier, se ressentent d'abord des vices de cette liqueur leur seule nourriture, et elles en portent les funestes marques pendant tout le cours d'une vie languissante et maladive ; quelquefois ils paient par une mort prompte les dérangements d'une nourrice infectée ou trop emportée dans ses passions. C'est un fait confirmé par l'expérience de tous les jours, que le lait d'une femme en colere fait, dans les petits enfants qui le sucent, l'effet d'un poison actif ; et personne n'ignore que l'obstruction des glandes du mésentère, l'atrophie, le rachitis, etc. ne doivent le plus souvent être imputés qu'à un lait vicieux, et sur tout à celui qui est fourni par une nourrice enceinte, qui pour n'être pas privée d'un gain mercenaire, immole cruellement ces innocentes victimes à ses plaisirs et à sa cupidité. Nous ne poursuivrons pas cette matière, parce qu'elle est traitée plus au long aux articles particuliers des MALADIES des enfants ; nous nous bornerons ici à l'exposition succincte des maladies produites immédiatement par le lait dans les femmes.

Fièvre de lait, febris lactea. D'abord que la matrice a été débarrassée par l'accouchement de l'enfant qu'elle contenait, elle se resserre ; les humeurs qui s'y étaient ramassées s'écoulent, les sucs nourriciers qui y abordaient, destinés à la nourriture de l'enfant, prennent une autre route ; ils se portent aux mamelles, et concourent à y former le vrai lait alimenteux, bien différent de cette humeur tenue et blanchâtre qui y était contenue pendant la grossesse, et qui n'avait rien que de désagréable au goût et de nuisible à l'estomac ; les mamelles paraitront alors gonflées, distendues, raffermies par le lait qui en remplit et dilate les vaisseaux. Sa quantité augmente à chaque instant, et si l'enfant en tetant ne vient la diminuer, ou si on ne l'exprime de quelqu'autre façon, les mamelles se tendent, deviennent douloureuses, s'enflamment, le lait s'y épaissit, empêche l'abord de celui qui vient après, qui reflue ou reste sans être séparé dans les vaisseaux sanguins, et y forme une plethore de lait. Cette humeur pour lors étrangère dans le sang, trouble, gêne, dérange, et sans-doute par-là même anime le mouvement intestin, et y excite la fièvre qu'on appelle pour cela fièvre de lait. Quelques auteurs ont prétendu qu'elle n'était qu'une suite du trouble, du désordre de l'accouchement et de l'agitation des humeurs, obligées dans ces circonstances à se frayer de nouvelles routes. C'est ainsi qu'Hoffman pense qu'elle est produite par les humeurs qui vont, dit-il, de la matrice aux mamelles, et qui en irritent les nerfs. (De febrib. symptomat. sect. 11. capit. xiv. tom. II.) Mais pour faire apercevoir tout le faux et l'inconséquent de cette assertion, il suffit de remarquer, 1°. que cette fièvre ne se manifeste que le trois ou quatrième jour après l'accouchement ; 2°. qu'elle ne s'observe bien sensible que chez les personnes qui ne veulent pas alaiter ; les femmes qui nourrissent elles-mêmes leurs enfants, en sont presqu'entièrement exemptes. Cette fièvre n'a aucun symptôme particulier que la douleur tensive des mamelles, qui se continue jusques sous les aisselles, au dos et aux épaules ; il n'est pas rare de la voir compliquée avec la fièvre miliaire. Elle se termine ordinairement en trois ou quatre jours sans accident fâcheux ; bien plus, elle sert plus que tout autre remède à dissiper le lait, à le faire passer ; elle en procure l'évacuation par les sueurs principalement qui sont assez abondantes. Lorsque la suppression des vuidanges se joint à cette maladie, elle en augmente beaucoup le danger ; et l'on a tout sujet de craindre une mort prochaine, si l'on observe en même temps pesanteur de tête et tintement d'oreille ; si l'oppression est grande, le pouls faible, petit, resserré, etc. Si le délire est considérable, etc. elle est alors une juste punition de la plupart des femmes, qui sous le spécieux prétexte d'une excessive délicatesse, d'une santé peu solide, d'une faible complexion, ou simplement pour éviter les peines attachées à l'état de nourrice, refusent d'alaiter elles-mêmes leurs enfants, se soustrayant par-là à une des lois les plus sacrées de la nature, et confiant cet emploi important et périlleux à des nourrices mercénaires, à des domestiques, le plus souvent au grand préjudice des enfants.

Cette fièvre n'exige aucun secours, lorsqu'elle est contenue dans les bornes ordinaires ; il suffit d'astreindre la nouvelle accouchée à un régime exact ; le moindre excès dans le manger peut avoir de très-fâcheux inconvénients ; la diete un peu sévère a outre cela l'avantage réel d'empêcher une abondante secrétion du lait. Il faut avoir soin de tenir toujours les mamelles enveloppées de linges chauds ; on peut même les humecter avec les décoctions d'anis, de fenouil, de menthe, de fleurs de sureau, plantes dont l'usage est presque consacré pour favoriser la dissipation du lait. Si la fièvre miliaire se met de la partie, il faudra recourir aux légers cordiaux et diaphorétiques, quelquefois aux vesicatoires. Voyez FIEVRE MILIAIRE. Si le cours des vuidanges est dérangé, diminué ou suspendu totalement, il faut tourner principalement ses vues de ce côté, et employer les secours propres à remettre cette excrétion dans son état naturel. Voyez VUIDANGES.

Lait répandu. Le lait répandu ou épanché ne forme pas une maladie particulière qui ait ses symptômes propres ; il est plutôt la source d'une infinité de maladies différentes, d'autant plus funestes qu'elles restent plus longtemps cachées, et qu'elles tardent plus à se développer : c'est un levain vicieux qui altère sourdement le sang, et imprime aux humeurs un mauvais caractère, et qui prépare ainsi de loin, tantôt des ophtalmies, tantôt des ulcères, quelquefois des tumeurs dans différentes parties ; chez quelques femmes des attaques de vapeurs, dans d'autres une suite d'indispositions souvent plus fâcheuses que des maladies décidées. Toutes ces maladies, effets du lait répandu, sont ordinairement rebelles, et cedent rarement aux remèdes usités ; c'est aussi une tradition qui se perpétue chez les femmes, que ces sortes d'accidents sont incurables ; on voit que cette tradition n'est pas tout à fait sans fondement : au reste une des grandes causes d'incurabilité, est que dans le traitement on perd de vue cet objet, on oublie, ou l'on ne fait pas attention que la maladie est produite, ou entretenue par un lait répandu : ce qui donne occasion au repompement et à l'épanchement du lait, c'est l'inattention et l'imprudence des nourrices, qui étant dans le dessein de ne plus nourrir, négligent tous les secours propres à faire perdre leur lait, ou se contentent de quelques applications extérieures, inéfficaces, ou trop actives, sans continuer pendant quelque temps de se faire teter, ou d'exprimer elles-mêmes leur lait surabondant. La même chose arrive aux nouvelles accouchées qui ne veulent pas alaiter, lorsque la fièvre de lait est faible et de courte durée, et qu'elle n'est point suppléée par des vuidanges abondantes ou quelqu'autre excrétion augmentée : alors le lait repompé dans le sang, se mêle avec lui, et l'altère insensiblement.

Il est plus facîle de prévenir les désordres du lait répandu, que de les réparer ou de les faire cesser ; ainsi lorsqu'une nourrice veut cesser de l'être, elle doit s'astreindre à une diete médiocre, n'user que d'aliments légers, de peu de suc, prendre quelques purgatifs légers, des lavements réitérés ; les diurétiques conviennent aussi très-bien ; la térébenthine jointe à la poudre de cloportes, est celui dont on use le plus familièrement, et dont on éprouve le succès le plus prompt et le plus constant. On peut laisser à la femme la liberté et le choix d'applications sur les mamelles, pourvu cependant qu'elles ne soient pas trop astringentes ou emplastiques ; il ne faut pas non plus les envelopper et les affaisser sous le poids des linges et des cataplasmes, dans la vue de les tenir chaudes. Avec ces précautions, ces topiques peuvent être appliqués avec quelque succès, du moins sans inconvénient. Lorsqu'on a négligé ces remèdes, ou qu'ils ont été sans effet, que le lait répandu a excité quelques maladies, outre les remèdes particulièrement indiqués dans cette maladie, il faut avoir recours aux diuretiques, aux légers diaphorétiques, aux différents sels neutres, et surtout aux eaux minérales dont le succès est presque assuré.

Caillement de lait, poil de lait. Un autre accident assez ordinaire aux femmes qui ne veulent pas nourrir, et aux nourrices qui ne sont pas suffisamment tetées, et qui laissent par-là engorger leurs mamelles, est le caillement de lait ; il est aussi quelquefois occasionné par des passions d'ames vives, par la colere, par une grande et subite joie, par une terreur, par des applications acides, astringentes sur les mamelles, par un air froid agissant trop immédiatement sur une gorge de nourrice imprudemment découverte, et surtout par l'usage trop continué d'aliments gélatineux, austères, acides, etc. Il est inconcevable avec quelle rapidité les vices des aliments se communiquent au lait, et quelle impression ils y font ; c'est un fait connu de tout le monde, que le lait d'une nourrice devient purgatif lorsqu'elle a pris quelque médicament qui a cette propriété. Olaus Borrichius raconte que le lait d'une femme qui fit usage pendant quelques jours d'absinthe, devint d'une amertume insoutenable. Salomon Branner assure avoir Ve sortir par une blessure à la mamelle, de la bière inaltérée qu'on venait de boire, ce qui doit être un motif pour les nourrices d'éviter avec soin tous les mets trop salés, épicés, les liqueurs ardentes, spiritueuses, aromatiques, etc. et un avertissement aux médecins de ne pas trop les surcharger de remèdes. Lorsque par quelqu'une des causes que je viens d'exposer le lait s'est caillé, la mamelle parait au tact dure, inégale ; on sent sous le doigt les grumeaux de lait endurci ; son excrétion est diminuée, suspendue ou dérangée ; la mamelle devient douloureuse, s'enflamme même quelquefois. On appelle proprement poil de lait, lorsque le caillement est joint à une espèce particulière de douleur que les femmes savent bien distinguer, et qui est semblable, dit Mauriceau, liv. III. chap. XVIIe à celle qu'Aristote, Histoire animal. liv. VII. chap. II. " assure fabuleusement procéder de quelque poil avalé par la femme en buvant, lequel étant ensuite facilement porté dans la substance fongueuse des mamelles, y fait une très grande douleur qui ne s'apaise pas avant qu'on ait fait sortir le poil avec le lait, soit en pressant les mamelles, soit en les suçant ".

Si l'on ne remédie pas tout de suite à cet accident, il peut avoir des suites fâcheuses ; il occasionne assez ordinairement l'abcès ou apostème des mamelles ; quelquefois la tumeur s'endurcit, devient skirrheuse, et dégénere enfin en cancer, comme Fabrice de Hilden dit l'avoir observé, Observ. chirurg. centur. 2.

On ne peut remédier à cet accident plus surement et plus promptement, qu'en faisant teter fortement la femme ; mais comme le lait vient difficilement, l'enfant ne saurait être propre à cet emploi ; il faut alors se servir d'une personne robuste qui puisse vider et tarir entièrement les mamelles ; il est vrai que la suction entretient la disposition à l'engorgement, et attire de nouvelles humeurs aux mamelles, ce qui est un bien si la femme veut continuer de nourrir, et n'est pas un grand mal si elle est dans un dessein contraire ; car il est bien plus facîle de dissiper le lait fluide et naturel, que de le résoudre et l'évacuer lorsqu'il est grumelé ; on peut hâter ou faciliter la résolution de ce lait, par les applications résolutives ordinaires ; telles sont celles qui sont composées avec les plantes dont nous avons parlé, fièvre de lait ; tels sont aussi les cataplasmes de miel, des quatre farines, et lorsque la douleur est un peu vive, dans le poil, celui, qui reçoit dans sa composition le blanc de baleine ; les fomentations faites avec la liqueur de saturne animée avec un peu d'eau-de-vie, me paraissent très-appropriées dans ce dernier cas.

LAIT DE LUNE, lac lunae, (Histoire naturelle) La plupart des Naturalistes désignent sous ce nom, une terre calcaire, blanche, légère, peu liée, et semblable à de la farine ; cette substance se trouve presqu'en tout pays ; elle ne forme jamais de lits ou de couches suivies dans le sein de la terre ; mais on la rencontre dans les fentes des rochers, et adhérente aux parois de quelques cavités souterraines où elle a été déposée par les eaux qui avaient entrainé, lavé, détrempé cette espèce de terre. Quoique cette substance ne différe des autres terres calcaires que par sa blancheur et sa pureté, les auteurs lui ont donné plusieurs noms différents, tels sont ceux d'agaric minéral, de farine fossile, de fungus petraeus, de medulla sanorum, de stenomarga, lithomarga, etc. d'où l'on peut voir combien la multiplicité des noms est propre à brouiller les idées de ceux qui veulent connaître le fond des choses.

On dit que le nom de lait de lune a été donné à cette substance parce qu'elle blanchit l'eau, et lui fait prendre une couleur de lait ; cela vient de la finesse de ces parties qui les rend très-miscibles avec l'eau ; elle fait effervescence avec tous les acides, ce qui caractérise sa nature calcaire.

On regarde le lait de lune comme un excellent absorbant, qualité qui lui est commune avec les yeux d'écrevisses, la magnésie blanche, et d'autres préparations de la pharmacie auxquelles il est plus sur de recourir qu'à une terre, qui quelque pure qu'elle paraisse, peut avoir pourtant contracté des qualités nuisibles dans le sein de la terre. (-)

LAIT, PIERRE DE, lactea, lapis lacteus, (Histoire naturelle) Quelques auteurs donnent ce nom à la même substance calcaire et absorbante que d'autres ont nommée lait de lune, lac lunae, ou moroctus. Ce nom lui vient de ce que mise dans l'eau elle la blanchissait et la rendait laiteuse. On lui attribuait plusieurs vertus médicinales. Voyez de Boot, lapid. hist. et voyez LAIT DE LUNE.

LAIT DE CHAUX, (Architecture) dans l'art de bâtir ; c'est de la chaux délayée avec de l'eau, dont on se sert pour blanchir les murs, en latin albarium opus, selon Pline.