S. m. (Chausseur) chaussure de cuir, ou de quelque étoffe qui couvre le pied depuis ce qu'on appelle la cheville. Le soulier est composé d'une ou de plusieurs semelles ; d'un talon de cuir ou de bois, de l'empeigne, des quartiers, et des oreilles. (D.J.)

SOULIER des anciens, (Littérature) il parait qu'en général chez les anciens, la matière la plus ordinaire des souliers était le cuir apprêté. Martial se moquait d'un homme qui portait une calotte de maroquin assez profonde. Celui-là, disait-il, vous a plaisamment raillé, qui a parlé de votre calotte comme de la chaussure de votre tête.



Haedinâ tibi pelle contegenti

Nuda tempora verticemque calvae,

Festive tibi, Phaebe, dixit ille,

Qui dixit caput esse calceatum.

On se servit aussi d'écorces d'arbres, ou du moins de leurs membranes, comme par exemple de celles de la plante appelée papyrus : calceos praeterea ex papyro textili subligavit.

Les bergeres espagnoles, au rapport de Pline, fournissent la mode de souliers de jonc et de genêt. On mit en œuvre pour les couvrir la laine, le lin, la soie, et l'or. Si nous en croyons quelques auteurs, non-seulement les souliers se trouvèrent chargés de feuilles d'or, mais il y en avait même dont les semelles étaient d'or massif : espèce de luxe qui parait presque incroyable : seculum auratum, imò aureum.

Plaute dans sa comédie des Bacchides, fait dire à un valet à qui son maître demande si un certain Théotime est riche : vous me demandez si un homme est riche, lorsqu'il porte des semelles d'or à ses souliers : etiam rogas qui soccis habeat auro suppactum solum.

Le luxe n'en demeura point là ; la vanité de la parure des souliers alla si loin, que non-seulement le dessus du soulier était garni de pierreries, mais tout le soulier même, ainsi qu'on le voit clairement par ce passage : gemmas non tantum crepidarum obstragulis, sed et totis socculis addunt.

A l'égard de la forme des souliers, elle a été différente suivant le génie et les mœurs des nations. Nous ne trouvons rien dans l'Ecriture-sainte qui puisse nous donner une notion de celle des souliers des Hébreux, et les rabbins expliquent si différemment les termes qui concernent les souliers des juifs, que l'on ne sait véritablement à quoi s'en tenir.

Le soulier romain quant à la hauteur, ne se terminait pas comme le nôtre ; il s'élevait jusqu'à mi-jambe, en prenant juste toutes les parties. Il était ouvert par-devant depuis le cou-de-pié, et se fermait avec une espèce de ruban ou de lacet. Pour être bien chaussé, il fallait que le soulier fût extrêmement serré, tensum calceum. Un soin particulier des gens du siècle, dit S. Jérôme, est d'avoir un soulier propre et bien tendu : si pes in laxâ pelle non natet. On sait que Paul Emîle ayant répudié sa femme, qui était en considération pour sa vertu, et par-là s'étant exposé aux reproches de ses amis, se contenta de leur répondre en leur montrant le pied : vous voyez, dit-il, ce soulier, il est bien fait et me chausse juste, vous ne savez point où il me blesse.

Si ce n'était pas une preuve sensible de l'irrégularité de la conduite de sa femme, c'était au-moins une marque certaine que tout le pied était couvert du soulier. La forme, au volume près, en était égale pour les femmes comme pour les hommes. Que votre pied, dit Ovide, à une femme qu'il aime, ne nage point dans un soulier trop large.

Ne vagus in laxâ pes tibi pelle natet.

La pointe du soulier était recourbée ; c'est de-là que Cicéron, dans son traité de la nature des dieux, a pris l'idée de la chaussure de Junon : calceolis repandis.

Il y avait une sorte de souliers appelés perones que les simples magistrats pouvaient porter, et dont il est parlé dans Festus. Juvenal nous en a donné la description dans sa quatorzième satyre. C'étaient de gros souliers fait exprès pour résister aux boues, aux neiges, et dont les paysans se servaient en travaillant à la terre. Ce sont, sans-doute, les mêmes dont Ulpien entend parler dans la loi 3. §. ff. de offic. praef. vigil. calceatum, dit-il, debere praefectum vigilum coerrare. Les gardes préposés à veiller pendant la nuit aux incendies, avaient besoin de pareils souliers, pour résister aux pluies, aux neiges, et autres injures du temps.

Avant de parler de la couleur et des ornements que les anciens mettaient à leurs souliers, il est à-propos de faire mention d'une autre sorte de souliers qui était en usage chez eux, et que les Romains appelaient soleae, et qui revient assez à notre sandale. Elle consistait dans une simple pièce de bois ou de cuir que l'on plaçait sous le pied, et que l'on attachait par des bandelettes de toîle ou d'étoffe, passées et repassées sur le pied, et entre les doigts du pied, et autour de la jambe : il nous en reste plusieurs exemples dans les anciens monuments de peinture et de sculpture, que les curieux ont conservés. C'est par rapport à ces liens que Virgile et Ovide ont appelé les sandales vincula. Ce dernier a dit dans ses métamorphoses.

Vincla duo pedibus demunt.

Et Virgile, dans le huitième livre de l'Enéide.

Et Tyrrhena pedum circumdat vincula plantis.

On appelait encore cette chaussure crepida et crepidula, à cause du bruit que l'on faisait en marchant.

Cette sandale était plus particulièrement la chaussure des femmes. Cicéron reprochant à Verrès sa mollesse et ses manières efféminées, l'accuse d'avoir paru en public, en qualité de préteur, avec des sandales, un manteau de pourpre, et une tunique descendant jusqu'aux talons : stetit soleatus praetor populi romani, cum pallio purpureo, tunicaque talari. Ce n'est pas que les hommes ne se servissent quelquefois de la sandale, particulièrement lorsqu'ils allaient à quelque festin. Quant aux souliers dont les soldats se servaient à la guerre, on les appelait caligae militum. Comme cette chaussure leur était particulière, on les nommait souvent caligati, au lieu de milites ; ainsi Seneque, de benef. cap. XVIe en parlant de Marius, dit : à caligine ad consulatum pervenit.

Il y avait encore deux autres chaussures en usage, mais dont on ne se servait que sur le théâtre ; c'étaient le brodequin et le cothurne. Voyez chacun de ces mots à leur article.

Quelques-uns croient que les souliers des hommes étaient noirs, sur le fondement de ce vers d'Horace :

Nigris medium impedit crus pellibus.

Ils le croient encore sur ces vers de la septième satyre de Juvenal, où parlant d'un certain Quintilien, il dit qu'il était beau, bien fait de sa personne, vaillant, sage et très-noble ; car le croissant qu'il portait sur ses souliers de peau noire, en était une preuve.

Felix, et sapiens, et nobilis, et generosus,

Appositam nigrae lunam subtexit alutae.

Le terme aluta signifie une peau déliée sur laquelle on pouvait peindre le croissant, ou la lune en son entier, comme il est dit dans les vers de Juvenal qu'on vient de lire, auxquels il faut ajouter cet endroit de l'épigramme 29 du II. liv. de Martial.

Non extrema sedet limatâ lingula plantâ,

Caecina non laesum cingit aluta pedem.

On rapporte plusieurs raisons de l'usage de faire peindre une lune ou un croissant sur les souliers des sénateurs, et des personnes d'une ancienne famille. C'est une des questions que Plutarque propose sur les usages des Romains, quest. 86. On a depuis imaginé plusieurs autres raisons de cet usage qu'il serait inutîle de rapporter. On ne sait pas même si l'on peignait la lune dans son plein, ou si ce n'était que son croissant, ni en quel endroit du soulier elle était placée.

Il est encore difficîle de découvrir la forme et l'usage des souliers que les Romains appelaient mullei. Festus veut qu'on les ait ainsi nommés, de l'ancien mot mullare, qui signifiait unir différentes parties d'une étoffe ou de quelqu'autre matière, par une couture fine et délicate, ce qui convient à la broderie des souliers. M. Danet prétend que les souliers des fils des sénateurs, avaient aussi une lune, mais différente qui leur avait donné le titre de mullei calcei. Mais il parait que ces mots de Tertullien dans son traité de pallio, nous donnent une idée plus claire du soulier appelé mulleus : Impuro, dit-il, cruri purum aut mulleolum induit calceum.

Les souliers qui étaient simples et sans ornement, étaient appelés puri ; et ceux qui étaient ornés par une lune, ou par quelque broderie, étaient distingués par l'épithète de mullei.

Les souliers des femmes étaient blancs pour l'ordinaire. Les souliers des sénateurs étaient de peau noire, et quelquefois blanche, mais les magistrats curules les portaient de couleur rouge.

Pendant un temps, une honnête femme chez les Romains n'osait porter du rouge aux souliers : cette couleur était affectée aux courtisannes. Cette mode ne dura guère, soit que le caprice le reglât, soit que dans quelques femmes, la vertu ait été assez hardie pour s'affranchir de la tyrannie d'un usage qui contraignait le gout. Celles qui se piquaient le plus de régularité, portèrent impunément des souliers rouges, longtemps même avant le règne d'Aurelien qui leur en permit l'usage, et l'ôta en même temps aux hommes, calceos mulleos, rubros viris omnibus tulit, mulieribus reliquit. L'ordonnance de ce prince fut d'autant plus gracieuse pour les dames, que lui et ses successeurs se réservèrent cette couleur, à l'exemple des anciens rois d'Italie, au rapport de Dion. Elle régna dans le bas Empire, et passa des empereurs d'Occident à la personne des papes qui achevèrent d'effacer les traces de sa première destination.

Les empereurs chargèrent leurs souliers de plusieurs ornements. Ils y firent broder la figure d'une aigle enrichie de perles et de diamants, aquilis ex lapillis et margaritis. Il y a lieu de croire que cette décoration passa jusqu'aux souliers des dames, ou du-moins jusqu'à ceux des impératrices.

La chaleur de saint Chrysostome contre les souliers brodés, dont la mode subsistait de son temps, me rappelle celle du frère Thomas contre les coiffures hautes dont j'ai parlé au mot hennin. S. Chrysostome ne s'échauffa guère moins sur cette niaiserie, qu'il l'aurait fait si l'on avait élevé des idoles sur les autels des chrétiens. On voit aujourd'hui des femmes qui ont beaucoup de raison et de piété, porter des souliers avec des ornements, que ce père de l'Eglise regardait comme une invention du diable. Saint Pierre ne désapprouvait pas les ornements de ce genre, puisque les saintes femmes qu'il cite pour exemple, en portaient elles-mêmes ; mais il veut qu'on donne une autre attention aux ornements qui font le vrai mérite.

La mollesse et la galanterie varièrent la chaussure ; et la mode inventa une sorte de soulier grec qu'on appelait sicyonien. Il était plus léger et plus délicat que les autres. " Si vous me donnez, dit Cicéron, au premier livre de l'orateur, des souliers sicyoniens, je ne m'en servirais certainement point ; c'est une chaussure trop efféminée : j'en aimerais peut-être la commodité, mais, à cause de l'indécence, je ne m'en permettrais jamais l'usage.

On employa le liege pour hausser le soulier, et élever la taille, suivant la coutume des Perses, chez qui la petite taille n'était pas en honneur ; l'usage de cette chaussure était commun sur la scène et dans les représentations où l'on recherchait de la majesté. Les coquettes s'en servaient dans les bals, les actrices sur le théâtre, surtout dans le comique, et s'il est permis de rapprocher des choses infiniment opposées ; les prêtres s'en servaient dans les sacrifices.

On ôtait ses souliers en se mettant à table. On sait le bon mot de Dorion, poète musicien. Ayant perdu à un festin le soulier qu'il portait à un pied malade, " Je ne ferai d'autre imprécation contre le filou, dit-il, sinon qu'en me dérobant mon soulier, il ait pu trouver chaussure convenable à son pied. "

Les esclaves ne portaient point de souliers, mais marchaient nuds pieds ; et on les appelait pour cela cretati ou gypsati, des pieds poudreux. Il y avait même des personnes libres qui allaient aussi nuds pieds ; et Tacite remarque que Phocion, Caton d'Utique, et plusieurs autres marchaient quelquefois sans souliers ; mais ces exemples sont rares, et généralement parlant, toutes les personnes qui étaient de condition libre, marchaient toujours chaussées, si ce n'était dans quelque solennité extraordinaire de religion, ou quelque calamité publique ; car nous apprenons de l'histoire que, quand on lavait la grand'mère des dieux, on allait pieds nuds en procession, et que les dames romaines se déchaussaient dans les sacrifices de Vesta.

Tertullien rapporte que les pontifes des payens ordonnèrent souvent des processions nuds pieds dans un temps de sécheresse : Cum stupet coelum et aret annus, nudi-pedalia denunciantur. A la mort de Jules César, plusieurs chevaliers romains ramassèrent ses cendres, revêtus de tuniques blanches et pieds nuds, pour marquer tout-ensemble leur respect et leur tristesse. Lycurgue et la jeunesse lacédémonienne allaient toujours pieds nuds.

Les magiciennes dans leurs mystères magiques, avaient un pied chaussé et l'autre nud ; c'est Ovide et Virgile qui le disent : Unum exuta pedem vinclis, IV. Aeneid. Horace parlant de Canidie, assure qu'elle marchait pieds nuds, pour mieux réussir dans ses enchantements.

Si le lecteur veut réunir à cet article celui de CHAUSSURE, et parcourir en même temps le traité de Balduinus, de calceo antiquo, il n'aura presque rien à désirer sur cette matière. (D.J.)

SOULIER de Notre-Dame, (Botanique) en anglais, the ladiez-slipper. Tournefort distingue trois espèces de ce genre de plante. L'espèce commune, calceolus vulgaris, jette une tige d'environ un pied, garnie de quelques feuilles larges, veineuses, ressemblantes à celles du plantain, et rangées alternativement. Elle porte une fleur ordinairement unique, à sommet, composée de dix pétales inégaux, quatre opposés en croix, et deux placés au milieu. Ces derniers représentent en quelque manière un soulier ou sabot, de couleur jaune, ferrugineuse ou purpurine-noirâtre. Le fruit qui succede, a la figure d'une lanterne à trois côtés. Il contient des semences semblables à de la sciure de bois ; cette plante croit sur les montagnes et dans les forêts. (D.J.)

SOULIER, (Marine) pièce de bois concave, dans laquelle on met le bout de la patte de l'ancre, pour empêcher qu'elle ne s'accroche sur la pointe, quand on la laisse tomber : on n'en fait presque point usage en France.