S. f. (Histoire ancienne et Lutherie) instrument de Musique. Son origine est fort ancienne ; David en jouait pour chanter les louanges du Seigneur, et les sons mélodieux qu'il en tirait empêchaient Saul d'être tourmenté du démon. La harpe du prophete-roi n'était pas celle d'aujourd'hui ; il n'aurait pu danser devant l'arche en jouant de cet instrument. On ignore et quelle était la harpe de David, et quel est l'inventeur de la nôtre. Les noms des inventeurs des choses utiles ou agréables sont presque tous ensevelis dans les ténèbres des temps, moins parce que les écrits de ceux qui ont voulu conserver ces noms à la postérité sont perdus, que parce que la plupart de nos inventions sont l'ouvrage, non d'un homme, mais des hommes. En effet, il est assez naturel de penser que ceux qui sont venus après, pressés par les mêmes besoins et excités par les mêmes passions, n'auront pas manqué de perfectionner ce qui n'était d'abord qu'imparfaitement ébauché, et qui ne méritait pas encore auparavant le nom d'invention.



Il y a apparence que la harpe a pris naissance, de même que tous les instruments de Musique, dans des temps d'abondance et de joie, ou qu'elle est le fruit des recherches de quelque spéculatif amateur de Musique.

Cet instrument (Pl. de Luth) est composé de trois parties principales : 1°. d'une caisse A, faite de bois leger et sonore ; 2°. d'un montant B, solide quand la harpe est simple, mais creux quand la harpe est organisée ; 3°. d'une bande C à chevilles pour attacher les cordes qui tiennent par l'autre extrémité, à la table ou partie supérieure de la caisse sonore. Cette bande contient encore des crochets d, qui peuvent avancer et reculer, pour faire les diéses. On était obligé, pour faire ces tons sur la harpe, d'appuyer sur un de ces crochets avec la main gauche, jusqu'à-ce qu'il touchât la corde ; ce qui la raccourcissait de la seizième partie de sa longueur, et faisait monter le son d'un semi-ton : mais c'était-là un inconvénient. Pour le faire sentir, les lecteurs doivent savoir qu'on fait vibrer les cordes de cet instrument, en les pinçant avec les doigts ; la main droite exécute ordinairement le dessus, et la gauche accompagne : ainsi aux endroits où il y a des dièses on était obligé de laisser aller le dessus seul, puisque la main qui devait l'accompagner se portait aux crochets. On a remédié à cette imperfection, en ajoutant des pédales à cet instrument ; et on dit alors qu'il est organisé. Nous allons exposer l'art avec lequel ces pédales sont faites ; ensuite nous expliquerons leur mécanisme : afin de ne pas embrouiller la figure, nous ne tracerons qu'une des pédales ; le lecteur suppléera facilement les autres ; il lui suffit de savoir qu'il doit y en avoir autant que de notes dans l'octave, c'est-à-dire sept. E F est un levier dont l'appui G est dans une chape qui tient au fond M N de la caisse sonore. Ce levier communique à un autre F I, dont l'appui H est aussi dans une chape qui tient au même fond. A l'extrémité I est attaché un fil-d'archal I O, d'environ une ligne de diamètre, qui tient au bout O du bras O P du levier coulé O P Q. Au point Q tient par une petite charnière simple, une mince lame de fer qui s'attache de même au levier composé R S T, dont la partie S T, qui est à-peu-près perpendiculaire à la mince lame Q R, est la queue d'un des crochets dièses : une pareille lame tient de même au point R, et communique à un levier semblable au précédent ; ainsi de suite. Le point V du dernier levier composé se joint toujours par une lame de fer à un ressort X roulé en spirale ; et c'est-là l'assemblage de toutes les pièces qui composent une pédale dans cet instrument. Venons maintenant à son jeu, je dis à son jeu, parce qu'on ne saurait expliquer le mécanisme de l'une, qu'en même temps on n'explique celui des autres.

Si l'on met le pied sur le bras E G du levier E H, que je suppose être la pédale d'ut, le point I descendra, de même que l'extrémité O ; alors les points R Y Z, etc. des leviers composés décriront des arcs en s'approchant de la tête de la harpe ; et les queues S T des crochets sortiront par rapport à la face A de la bande, ou rentreront par rapport à la face W : alors les crochets D sont montés à vis sur leurs queues, de manière qu'ils toucheront toutes les cordes ut, lesquelles au lieu de vibrer depuis la table jusqu'aux obstacles 2, ne vibreront que depuis la table jusqu'aux obstacles 3, c'est-à-dire qu'elles seront raccourcies de la partie 3, 2, qui est égale à un seizième de toute la corde : mais la tension restant la même, si une corde se raccourcit, elle doit rendre un nouveau son qui soit au premier réciproquement comme les longueurs des cordes. Or par la supposition, la corde est raccourcie d'un seizième ; donc le premier son est au second comme 15 est à 16, c'est-à-dire que le dernier est plus haut que l'autre d'un semi-ton majeur ; mais le premier par l'hypothèse est l'ut naturel ; donc le second est l'ut dièse : et c'est ce qu'il fallait expliquer.

En cessant d'appuyer le pied sur la pédale, le ressort spiral, que la pression du pied avait forcé à se bander, remettra, en se rétablissant, les choses comme elles étaient auparavant. Mais s'il y a des dièses tout le long de la pièce, par exemple, si la note ut est par-tout dièse, quand on aura baissé la pédale, pour n'être pas obligé d'avoir toujours le pied posé dessus, on la poussera à côté. Pour favoriser ce mouvement, le levier E F est brisé en K ; de manière que sa partie E K peut se mouvoir horizontalement autour du point K, mais seulement d'un côté : étant poussée, comme nous venons de dire, la pédale ne pourra remonter, à-cause qu'elle rencontrera la cheville L, placée exprès pour cela en cet endroit : par ce moyen, tous les ut seront dièses ; et le pied qui sera libre pourra faire les dièses accidentels qui pourraient se rencontrer dans la pièce.

Pour empêcher que le bas des pédales ne se détruise, soit par l'humidité, par la poussière, ou par le choc de quelques autres corps étrangers, on adapte un double fond 4, 5, à la harpe, et on enveloppe l'entre-deux par une bande légère de bois, ou par la continuité des faces latérales de la caisse sonore, en laissant de petites fenêtres pour passer les queues des pédales. Enfin on couvre le devant du montant B, de même que le devant de la bande C, l'un et l'autre d'une planche mince, afin de garantir d'insulte ce que chacune de ces pièces contient dans son interieur.

Il nous reste encore à dire pourquoi la bande C est courbée en-dedans, et pourquoi la caisse sonore est plus grosse vers le bas. 1°. Ceux qui jouent de cet instrument ont remarqué, lorsque la bande C est droite, que quoique les cordes les plus minces soient beaucoup plus courtes que les grosses, cependant elles cassaient constamment plus souvent que les autres : d'où ils ont conclu qu'il fallait, pour leur donner plus de résistance, les raccourcir davantage ; et c'est ce qu'on a fait en courbant la traverse. 2°. Comme les petites cordes s'attachent vers le haut de la caisse sonore, et les grosses vers le bas, et que les sons que rendent celles-ci ont plus d'intensité que les sons que rendent celles-là ; il était nécessaire de faire la caisse plus vaste et plus forte aux endroits où sont attachées les grosses, qu'à ceux où sont attachées les petites : afin qu'il y eut dans le bois de la caisse une inertie proportionnée à l'intensité des sons, et que le volume d'air renfermé, de même que celui qui environne la caisse immédiatement, fût dans une espèce de proportion avec la force de ces sons. La meilleure harpe sans-doute serait celle où la force du son serait en équilibre avec les parties correspondantes de la caisse sonore.

Cet instrument rend des sons doux et harmonieux ; il est très-touchant et plus propre à exprimer la tendresse et la douleur, que les autres affections de l'âme. Les cordes de la harpe veulent être touchées avec modération ; autremen telles rendraient des sons confus, comme ferait le clavecin, si les vibrations des cordes n'étaient pas arrêtées par un obstacle. Enfin je dirai pour finir, que les Irlandais sont entre tous les peuples ceux qui passent pour jouer le mieux de cet instrument. Cet article a été donné par M. le comte de HOGHENSKI, qui veut bien nous permettre de lui rendre ici, en le nommant, un témoignage public de reconnaissance : c'est peut-être le plus modeste et le plus habîle joueur de harpe. Il y joint la connaissance de la plus profonde et brillante harmonie au goût noble d'un homme de qualité qui a bien profité d'une éducation proportionnée à sa haute naissance. (B)

HARPE, (Mythologie) c'est un symbole d'Apollon ; de sorte que sur les médailles, une ou deux harpes marquent les villes où ce dieu était adoré comme chef des Muses. Quand la harpe est entre les mains d'un centaure, elle désigne Chiron, maître d'Achille ; quand elle est jointe au laurier et au couteau, elle marque les jeux apollinaires. (D.J.)

HARPE, (Histoire naturelle) c'est le nom que l'on donne à une coquille bivalve, à cause de sa ressemblance avec une harpe : il y a des auteurs qui l'appellent la lire.

* HARPE, (Art militaire) espèce de pont-levis ainsi appelé de sa ressemblance avec la harpe, instrument de Musique. Ce pont de membrures appliqué perpendiculairement contre la tour, avait, comme la harpe, des cordes qui l'abaissaient sur le mur, par le moyen de poulies ; et aussi-tôt des soldats sortaient de la tour pour se jeter sur le rempart par ce passage. Dictionnaire de Trév.

HARPES, (Maçonnerie) pierres qu'on laisse alternativement en saillie à l'épaisseur d'un mur, pour faire liaison avec un autre qui peut être construit dans la suite. On appelle aussi harpes les pierres plus larges que les carreaux dans les chaînes, jambesboutisses, jambes sous poutre, etc. pour faire liaison avec le reste de la maçonnerie d'un mur. (P)