POLITESSE, AFFABILITé, synonymes, (Grammaire et Morale) manières honnêtes d'agir et de converser avec les autres hommes dans la société ; mais l'affabilité qui consiste dans cette insinuation de bienveillance avec laquelle un supérieur reçoit son inférieur, se dit rarement d'égal à égal, et jamais d'inférieur à supérieur. Elle n'est souvent dans les grands qu'une vertu artificieuse qui sert à leurs projets d'ambition, une bassesse d'ame qui cherche à se faire des créatures (car c'est un signe de bassesse). J'ignore pourquoi le mot affabilité ne plaisait pas à M. Patru ; ce serait dommage de le bannir de notre langue, puisqu'il est unique pour exprimer ce qu'on ne peut dire autrement que par périphrase.
adj. (Grammaire et Morale) J'observerai d'abord que convenance n'est point le substantif de convenable, si l'on consulte les idées attachées à ces mots. La convenance est entre les choses, le convenable est dans les actions. Il y a telle manière de s'ajuster qui n'est pas convenable à un ecclésiastique : on se charge souvent d'une commission qui n'est pas convenable au rang qu'on occupe ; ce n'est pas assez qu'une récompense soit proportionnée au service, il faut encore qu'elle soit convenable à la personne. Le convenable consiste souvent dans la conformité de sa conduite avec les usages établis et les opinions reçues. C'est, s'il est permis de s'exprimer ainsi, l'honnête arbitraire. Voyez CONVENANCE, DECENCE, HONNETE, VERTU.
S. f. (Grammaire et Morale) Avant que de donner la définition de ce mot, il ne sera pas hors de propos de l'appliquer à quelques exemples qui nous aident à en déterminer la notion. S'il est question d'un mariage projeté, on dit qu'il y a de la convenance entre les partis, lorsqu'il n'y a pas de disparates entre les âges, que les fortunes se rapprochent, que les naissances sont égales ; plus vous multiplierez ces sortes de rapports, en les étendant au tempérament, à la figure, au caractère, plus vous augmenterez la convenance. On dit d'un homme qui a rassemblé chez lui des convives, qu'il a gardé les convenances s'il a consulté l'âge, l'état, les humeurs, et les gouts des personnes invitées ; et plus il aura rassemblé de ces conditions qui mettent les hommes à leur aise, mieux il aura entendu les convenances. En cent occasions les raisons de convenance sont les seules qu'on ait de penser et d'agir d'une manière plutôt que d'une autre, et si l'on entre dans le détail de ces raisons, on trouvera que ce sont des égards pour sa santé, son état, sa fortune, son humeur, son gout, ses liaisons, etc. La vertu, la raison, l'équité, la décence, l'honnêteté, la bienséance, sont donc autre chose que la convenance. La bienséance et la convenance ne se rapprochent que dans les cas où l'on dit, cela était à sa bienséance ; il s'en est emparé par raison de convenance. D'où l'on voit que la convenance est souvent pour les grands et les souverains un principe d'injustice, et pour les petits le motif de plusieurs sottises. En effet, y a-t-il dans les alliances quelque circonstance qu'on pese davantage que la convenance des fortunes ? cependant qu'a de mieux à faire un honnête homme qui a des richesses, que de les partager avec une femme qui n'a que de la vertu, des talents, et des charmes ? De tout ce qui précède il s'ensuit que la convenance consiste dans des considérations, tantôt raisonnables, tantôt ridicules, sur lesquelles les hommes sont persuadés que ce qui leur manque et qu'ils recherchent, leur rendra plus douce ou moins onéreuse la possession de ce qu'ils ont. Voyez les articles VERTU, HONNETETE, DECENCE, etc.
TEMOIGNAGE D'AMITIE, syn. (Grammaire et Morale) Ces deux mots sont synonymes, avec cette différence d'un usage bizarre, que le premier dit moins que le second. Le P. Bouhours en a fait autrefois la remarque, et le temps n'a point encore changé l'application impropre de ces deux termes. En effet, les démonstrations en matière d'amitié tombent plus sur l'extérieur, l'air du visage, les caresses ; elles designent seulement des manières, des paroles flatteuses, un accueil obligeant. Les témoignages, au contraire, vont plus à l'intérieur, au solide, à des services essentiels, et semblent appartenir au cœur. Ainsi un faux ami fait des démonstrations d'amitié ; un véritable ami en donne des témoignages. Ce sont des démonstrations d'amitié d'embrasser les personnes avec qui l'on vit, de les accueillir obligeamment, de les flatter, de les caresser. Ce sont des témoignages d'amitié de les servir, de prendre leurs intérêts, et de les secourir dans leurs besoins. Rien de plus commun à la cour que des démonstrations d'amitié ? rien de plus rare que des témoignages. En un mot, les démonstrations d'amitié ne sont que de vaines montres d'attachement, d'affection ; les témoignages en sont des gages ; mais l'union des cœurs constitue seule la parfaite amitié. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.
S. f. (Grammaire et Morale) est l'état permanent, du moins pour quelque temps, d'une âme contente, et cet état est bien rare. Le bonheur vient du dehors, c'est originairement une bonne heure. Un bonheur vient, on a un bonheur ; mais on ne peut dire, il m'est venu une félicité, j'ai eu une félicité : et quand on dit, cet homme jouit d'une félicité parfaite, une alors n'est pas prise numériquement, et signifie seulement qu'on croit que sa félicité est parfaite. On peut avoir un bonheur sans être heureux. Un homme a eu le bonheur d'échapper à un piege, et n'en est quelquefois que plus malheureux ; on ne peut pas dire de lui qu'il a éprouvé la félicité. Il y a encore de la différence entre un bonheur et le bonheur, différence que le mot félicité n'admet point. Un bonheur est un événement heureux. Le bonheur pris indéfinitivement, signifie une suite de ces événements. Le plaisir est un sentiment agréable et passager, le bonheur considéré comme sentiment, est une suite de plaisirs, la prospérité une suite d'heureux événements, la félicité une jouissance intime de sa prospérité. L'auteur des synonymes dit que le bonheur est pour les riches, la félicité pour les sages, la béatitude pour les pauvres d'esprit ; mais le bonheur parait plutôt le partage des riches qu'il ne l'est en effet, et la félicité est un état dont on parle plus qu'on ne l'éprouve. Ce mot ne se dit guère en prose au pluriel, par la raison que c'est un état de l'âme, comme tranquillité, sagesse, repos ; cependant la poésie qui s'élève au-dessus de la prose, permet qu'on dise dans Polieucte :